2. Une prise en compte très partielle de l'impact de la loi du 11 février 2005

Votre commission est d'autant plus dubitative sur le respect de l'enveloppe consacrée aux dépenses d'AAH que l'impact des mesures prévues dans le cadre de la loi du 11 février 2005 ne semble qu'imparfaitement pris en compte.

a) La mise en place d'un dispositif d'intéressement au retour à l'emploi

La priorité accordée à l'intégration professionnelle des personnes handicapées a conduit le législateur à mettre en place un dispositif d'intéressement au profit des bénéficiaires de l'AAH qui reprennent une activité professionnelle.

Ainsi, les personnes handicapées exerçant une activité professionnelle pourront désormais appliquer un abattement sur leurs revenus d'activité pour la détermination du plafond de ressources ouvrant droit à l'AAH. Cet abattement varie en fonction du montant de ces revenus d'activité : fixé au maximum à 40 % pour des revenus d'activité inférieurs à 300 Smic horaire dans l'année, l'abattement diminue jusqu'à atteindre 10 % pour un revenu d'activité annuel égal à 1.100 Smic horaire et s'annule au-delà de 1.500 Smic horaire annuel.

Cet abattement a pour effet de porter de 0,2 à 0,3 Smic le niveau de salaire compatible avec le bénéfice d'une AAH à taux plein et, surtout, de permettre un cumul à taux partiel pour une plage de salaire beaucoup plus importante, à savoir jusqu'à 1 Smic, là où l'allocation s'éteignait au-delà de 0,3 Smic. Il convient en outre de souligner que, contrairement aux dispositifs mis en place pour d'autres minima sociaux, l'intéressement à la reprise d'activité dans le cadre de l'AAH est permanent, puisque l'abattement est possible sans limitation dans le temps.

La mise en oeuvre de ce nouvel intéressement devrait avoir deux effets contradictoires sur les dépenses d'AAH : l'élargissement de la plage de salaire compatible avec le bénéfice de l'allocation devrait freiner la réduction du nombre de bénéficiaires et engendrer un surcroît de dépenses, alors que l'augmentation du nombre de titulaires en situation d'emploi devrait permettre une réduction des montants moyens versés.

Il reste que, dans un premier temps tout au moins, le premier effet devrait l'emporter. Ainsi, le coût de cette mesure avait été estimé à 43,5 millions d'euros en 2005. Mais les informations transmises à votre commission ne permettent pas de savoir si cette dépense supplémentaire avait été prise en compte dans le budget pour 2005, ni si le projet de loi de finances pour 2006 en tient compte et encore moins de déterminer le coût de la poursuite de sa montée en charge pour 2006.

b) L'amélioration du « reste à vivre » en établissements

Au cours des débats sur la réforme de l'AAH dans le cadre de la loi « Handicap », la situation faite aux personnes accueillies en établissement médico-social a été largement dénoncée : jusqu'à présent, les décrets prévoyaient en effet que la participation des personnes accueillies devait être fixée de telle sorte que celles-ci ne conservent au plus que 12 % du montant de l'AAH à taux plein, soit environ 70 euros 12 ( * ) .

S'agissant de personnes lourdement handicapées ne disposant généralement d'aucunes autres ressources, cette somme s'avérait très insuffisante pour permettre à la personne de faire face à ses autres dépenses d'entretien. Elle ne permettait pas, en outre, aux personnes concernées de cotiser auprès d'une mutuelle, alors même qu'elles ne pouvaient pas avoir accès à la couverture maladie universelle (CMU).

C'est la raison pour laquelle l'article R. 821-8 du code de l'action sociale et des familles, modifié par un décret du 29 juin 2005, fixe désormais le « reste à vivre » minimum pour les personnes accueillies en établissement à 30 % du montant de l'AAH à taux plein, soit 180 euros. Il prévoit également qu'aucune réduction ne peut être appliquée lorsque la personne concernée a un enfant ou un ascendant à charge ou lorsque son conjoint se trouve sans emploi pour une raison considérée comme recevable par la commission des droits et de l'autonomie ou encore si elle est astreinte au paiement du forfait journalier hospitalier.

Ces dispositions, entrées en vigueur au 1 er juillet 2005, n'avaient pas été prises en compte dans le budget pour 2005. Rien, en l'état des informations disponibles, ne permet de s'assurer que le projet de budget pour 2006 corrige cette erreur. Votre commission n'a pas non plus été en mesure d'obtenir le coût de cette mesure pour les deux exercices budgétaires concernés.

c) La réforme des compléments d'allocation aux adultes handicapés

Prenant en compte la situation des personnes très lourdement handicapées pour lesquelles les perspectives d'amélioration de la situation financière ne pourraient pas passer par la mobilisation du mécanisme d'intéressement, la loi du 11 février 2005 a enfin prévu une réforme du complément d'AAH, qui garantit aux personnes handicapées durablement éloignées de l'emploi un complément de revenu, qui peut prendre deux formes :

- la majoration pour la vie autonome , d'un montant de 100 euros, remplace l'actuel complément d'AAH : comme lui, elle est versée aux personnes ayant un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 %, bénéficiant d'une AAH à taux plein ou en complément d'une pension d'invalidité et vivant dans un logement autonome pour lequel elles perçoivent une aide au logement. Ses conditions d'attribution sont toutefois plus dures puisque la majoration pour la vie autonome est réservée aux personnes qui ne perçoivent pas de revenus professionnels ;

- le complément de ressources , d'un montant de 166,51 euros, concerne les personnes handicapées qui remplissent les mêmes conditions de taux d'invalidité et de logement indépendant 13 ( * ) que les bénéficiaires de la majoration pour la vie autonome mais qui ont pour particularité d'avoir une capacité de travail inférieure à 5 % et d'être sans revenus professionnels depuis au moins un an.

Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit 90 millions d'euros pour le financement de ces nouveaux compléments, le nombre de bénéficiaires attendus étant de 130.000 personnes pour le complément de ressources et de 51.000 personnes pour la majoration pour la vie autonome. Votre commission observe cependant que ceux-ci sont entrés en vigueur au 1 er juillet 2005 sans que le budget correspondant ait pu être prévu en loi de finances initiale pour 2005. Votre commission n'a pas pu se faire préciser, à ce stade, si l'enveloppe prévue tenait compte des dépenses à mi-année en 2005 ou si un apurement serait une nouvelle fois nécessaire en loi de finances rectificative.

Les actuels bénéficiaires du complément d'AAH peuvent choisir entre le maintien de celui-ci ou le basculement dans le nouveau système. Si elles choisissent le maintien du complément ancien, elles le perçoivent jusqu'au terme de la période pour laquelle l'AAH leur a été attribuée, soit dix ans au maximum. Par conséquent, les dépenses relatives au complément d'AAH vont s'éteindre progressivement jusqu'en 2015.

Compte tenu du caractère plus restrictif des conditions d'accès aux deux nouveaux compléments d'AAH, il est vraisemblable qu'un certain nombre de bénéficiaires du complément ancien, qui avaient une activité professionnelle, choisiront d'en conserver le bénéfice car elles ne peuvent pas accéder aux nouveaux compléments. Pour ces personnes, le risque d'un découragement de l'activité professionnelle ne doit pas être écarté, dans le cas où le salaire auquel elles peuvent prétendre ne permet pas d'atteindre le niveau de ressources garanti par l'AAH et ses nouveaux compléments.

* 12 Ce pourcentage est identique pour les personnes incarcérées. Il s'établit à 17 % au moins pour les personnes handicapées hospitalisées.

* 13 S'agissant du complément de ressources, la loi n'exige pas que les personnes concernées perçoivent une aide au logement mais simplement que le logement soit indépendant.

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