3. La réflexion sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics

La commission de réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics présidée par M. Jean-Pierre Machelon, a remis son rapport à M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, et de l'aménagement du territoire, le 20 septembre 2006.

a) L'évolution des pratiques religieuses

Dressant un bref panorama des religions en France, ce rapport estime que le catholicisme demeure largement majoritaire « même s'il connaît, en proportion, une baisse sensible depuis les années 70 ». Ainsi, selon un sondage réalisé par l'IFOP pour le journal La Croix en 2006, 65 % des Français se déclarent catholiques, alors qu'ils étaient 80 % à le faire au début des années 1970 et 90 % en 1905.

L'agnosticisme progresse, en particulier chez les jeunes, et l'islam est devenu la deuxième religion de France, avec près de 4 millions de personnes de tradition musulmane. Le protestantisme demeure stable, avec environ 2 % de la population, soit environ 1,2 millions de personnes, tandis que les « chrétientés historiques » (Eglise orthodoxe, Eglise apostolique arménienne, Eglises copte, syriaque, chaldéenne, maronite...) rassemblent environ 750.000 personnes.

Le judaïsme connaît une période d'expansion, avec environ 600.000 personnes, en majorité d'origine sépharade, en raison de l'arrivée en métropole, à la fin des années 1960, des juifs d'Afrique du nord. Enfin, le bouddhisme compte près de 400.000 fidèles, dont 300.000 venant d'Asie et les « mouvements religieux atypiques » connaissent une certaine vitalité. Ainsi, les témoins de Jéhovah revendiquent près de 140.000 « proclamateurs ».

b) La construction de nouveaux lieux de culte

Invitée à rechercher une meilleure adaptation du droit des cultes à l'évolution de la société française afin de donner tout son sens et sa portée à la liberté de religion, la commission a notamment étudié les marges de manoeuvre du législateur pour faciliter la construction des lieux de culte.

En effet, le droit à l'édification de lieux de culte apparaît comme le corollaire de la liberté d'exercice du culte. Ainsi, le juge des référés du Conseil d'Etat, dans une ordonnance du 25 août 2005 Commune de Massat , après avoir rappelé que la liberté de culte était une liberté fondamentale, a souligné que cette liberté ne se limitait pas au droit de tout individu d'exprimer les convictions religieuses de son choix dans le respect de l'ordre public, mais qu'elle avait aussi pour composante la libre disposition des biens nécessaires à l'exercice d'un culte.

Aussi, la commission de réflexion souligne-t-elle que « la question de l'immobilier cultuel constitue un axe majeur de toute politique soucieuse non seulement de l'intégration des minorités religieuses, mais aussi, sur un plan plus général, de l'enracinement des populations sur un territoire, quelles que soient leurs confessions ».

Le besoin de construction d'édifices du culte touche en premier lieu les religions nouvellement implantées sur le territoire et qui ne disposent donc d'aucun patrimoine cultuel. Selon le rapport de la commission présidée par M. Machelon, « il s'ouvre ainsi une salle de prière évangélique toutes les semaines, et un lieu de culte musulman tous les dix jours. Compte tenu de la demande à laquelle ces deux confessions doivent faire face, ces chiffres demeurent insuffisants ».

S'agissant de l'islam, les constructions en cours ne permettent pas de rattraper le retard, même si certains grands projets sont facilités par l'intégration d'un centre culturel bénéficiant de subventions publiques. La situation des mouvements évangéliques, qui ne reçoivent pas le même accompagnement des pouvoirs publics que l'islam, est plus préoccupante encore.

Le rapport de la commission de réflexion juridique, examinant les marges de manoeuvre du législateur pour faciliter la construction des lieux de culte, considère que l'article 2 de la loi de 1905, aux termes duquel « la République ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne aucun culte », n'a pas de valeur constitutionnelle et n'énonce pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Afin de faciliter la construction de nouveaux lieux de culte , la commission de réflexion préconise :

- une généralisation à l'ensemble du territoire des garanties que peuvent accorder les communes et les départements aux emprunts contractés pour financer des édifices religieux dans les agglomérations en voie de développement et d'accorder cette faculté aux régions ;

- d'ouvrir la possibilité pour les collectivités territoriales d'octroyer des avances remboursables aux associations prenant en charge la construction d'édifices de culte ;

- l'autorisation formelle des aides directes à la construction de lieux de culte ;

- que les maires soient incités à prévoir des espaces réservés aux lieux de culte dans leurs documents d'urbanisme. Cette incitation pourrait d'abord prendre la forme d'une circulaire, puis être inscrite dans le code de l'urbanisme.

Lors de son audition devant la commission des lois, M. Christian Estrosi, ministre de l'aménagement du territoire, a indiqué que le rapport de la commission de réflexion juridique avait été adressé aux responsables des grandes familles spirituelles ainsi qu'aux associations d'élus, afin de recueillir leurs observations.

Evoquant la question du financement de la construction des lieux du culte, qu'il a jugée centrale, il a considéré qu'il n'était pas juste que les fidèles des confessions les plus récemment installées sur le sol français rencontrent des difficultés pour pratiquer leur culte, et doivent parfois recourir à des montages financiers hasardeux.

Il a estimé que la commission de réflexion proposait à cet égard des pistes intéressantes, telles que les baux emphytéotiques avec option d'achat, les garanties d'emprunt et les avances remboursables. Il a jugé que la possibilité, pour les communes, de subventionner la construction de lieux de culte pouvait également être envisagée, dans la mesure où une telle subvention semblait préférable à un financement étranger à la légalité incertaine.

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