B. UNE FORTE MOBILISATION CONTRE LA DÉLINQUANCE ET L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
1. Une délinquance qui marque le pas
L'année 2005 s'est caractérisée par une stabilisation globale de la délinquance dans l'ensemble des départements et régions d'outre-mer, celle-ci augmentant de 0,78 % par rapport à 2004, à comparer avec l'augmentation de 2,80 % constatée entre 2003 et 2004. Ce résultat doit néanmoins être relativisé compte tenu des bons résultats constatés en métropole, où l'évolution de la criminalité se caractérise par une baisse de 1,30 %.
Si l'on prend les chiffres par département, on constate dans trois d'entre eux - Guadeloupe, Martinique et La Réunion- une tendance forte à la baisse, celle-ci étant particulièrement marquée en Martinique (- 5,70 % entre 2004 et 2005) qui, entre 2001 et 2005, aura vu le nombre d'infractions constatées chuter de 10,10 % , ce qui doit être salué.
En revanche, l'année 2005 a été marquée par une explosion des faits de délinquance en Guyane, avec une augmentation de 14,14 % des faits constatés par rapport à 2005, ce qui porte l'évolution de la criminalité dans ce département à + 54,80 % entre 2001 et 2005. Sans doute ces chiffres incluent-ils l'ensemble des infractions à la législation sur les étrangers qui, en Guyane, représentent 39 % du nombre total d'infractions constatées ; la situation n'en apparaît pas moins préoccupante.
Évolution de la criminalité de 2001
à 2005
(faits de délinquance constatés)
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
Evolution 2004/2005 |
Rappel évolution 2003/2004 |
|
Guadeloupe |
27.009 |
28.763 |
27.837 |
28.578 |
27.882 |
-2,44 % |
+2,66 % |
Martinique |
24.751 |
24.584 |
22.459 |
23.598 |
22.252 |
-5,70 % |
+5,07 % |
Guyane |
15.154 |
18.055 |
19.303 |
20.552 |
23.458 |
14,14 % |
+6,47 % |
La Réunion |
33.822 |
34.980 |
34.415 |
34.202 |
34.177 |
-0,07 % |
+0,62 % |
Total
|
100.736 |
106.382 |
104.014 |
106.930 |
107.769 |
+0,78 % |
+2,80 % |
Total national |
4.061.792 |
4.113.882 |
3.974.694 |
3.825.442 |
3.775.838 |
-1,30 % |
-3,76 % |
Source : ministère de l'outre-mer
Toutefois, interrogé par votre rapporteur pour avis sur cette évolution, M. François Baroin, ministre de l'outre-mer, a indiqué lors de son audition par votre commission que les premiers chiffres disponibles pour l'année 2006 montraient une inversion de tendance en Guyane, avec, depuis le 1 er janvier 2006, une baisse de 14,8 % de la délinquance générale, de 17,7 % de la délinquance de voie publique et de 16,35 % des violences aux personnes . Votre commission se félicite de ces résultats encourageants et ne peut qu'espérer qu'ils se pérenniseront.
L'indice de criminalité dans les quatre départements d'outre-mer reste à peu près stable par rapport à l'année précédente. Il demeure toujours inférieur à ce qu'il est en métropole , à 59,44 %o contre 62,72 %o en métropole. Conséquence de la recrudescence de la criminalité en Guyane, l'indice de criminalité passe, dans cette collectivité, de 110,75 %o à 122,82 %o, niveau jusqu'ici inégalé . Abstraction faite des infractions à la législation sur les étrangers, il s'élève à 74,68 %o.
Évolution de l'indice de criminalité de
2000 à 2005
(pour 1.000 habitants)
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
|
Guadeloupe |
60,6 %o |
63,97 %o |
69,38 %o |
65,89 %o |
64,44 %o |
61,55 %o |
Martinique |
58,4 %o |
64,91 %o |
64,45 %o |
58,21 %o |
59,92 %o |
55,82 %o |
Guyane |
100,9 %o |
87,81 %o |
111 %o |
115,85 %o |
110,75 %o |
122,82 %o |
La Réunion |
40,6 %o |
46,50 %o |
48,25 %o |
45,67 %o |
44,79 %o |
44,10 %o |
Total
|
63,41 %o |
63,41 %o |
63,41 %o |
59,97 %o |
59,86 %o |
59,44 %o |
Total
|
64,21 %o |
68,8 %o |
69,3 %o |
66,98 %o |
63,55 %o |
62,72 %o |
Source : ministère de l'outre-mer
La tendance à l'amélioration de la situation de la délinquance dans les départements et régions d'outre-mer peut être mise au crédit d'une forte augmentation des moyens tant matériels qu'humains mis au service de la lutte contre la délinquance.
Ainsi, on assiste, depuis 1994, à une croissance constante des effectifs de la police nationale et de la gendarmerie nationale dans les quatre départements d'outre-mer, où la gendarmerie exerce ses prérogatives sur 67 % de la population.
Entre 2005 et 2006, les augmentations des effectifs de la police nationale ont été comparables en valeur à celles constatées entre 2004 et 2005, à l'exception de la Guyane dont les effectifs restent stables. Toutefois, dans ce département, de nouveaux effectifs viendront très prochainement renforcer les fonctionnaires présents : 26 fonctionnaires seront affectés avant la fin 2006 dans le cadre d'une nouvelle section départementale d'intervention placée auprès du directeur départemental de la sécurité publique ; 24 nouveaux fonctionnaires de la police aux frontières seront affectés au centre de rétention de Cayenne-Rochambeau en 2007-2008 ; 30 policiers supplémentaires seront affectés au commissariat de Saint-Georges de l'Oyapock avant 2008, dans la perspective de la mise en service du pont sur l'Oyapock.
Évolution des effectifs de police nationale
(2004-2006)
(au 1
er
janvier
2006)
2004 |
2005 |
2006 |
Evolution
|
|
Guadeloupe |
954 |
967 |
978 |
+ 1,13 % |
Martinique |
773 |
822 |
873 |
+ 6,20 % |
Guyane |
531 |
590 |
588 |
- 0,33 % |
La Réunion |
932 |
991 |
1.052 |
+ 6,15 % |
Source : ministère de l'outre-mer
Sur la période 1994-2006, le renforcement des effectifs de police dans les quatre départements d'outre-mer apparaît considérable.
Évolution des effectifs de police nationale dans
les départements d'outre-mer
|
|
Guadeloupe |
+ 55,23 % |
Martinique |
+ 78,16 % |
Guyane |
+ 96,65 % |
La Réunion |
+ 62,59 % |
Source : ministère de l'outre-mer
L'augmentation des effectifs de la gendarmerie est également sensible , particulièrement en Guyane et dans la commune de Saint-Martin en Guadeloupe.
En Guyane, les effectifs de la gendarmerie nationale atteignent désormais 451 personnes, auxquelles s'ajoutent les membres des trois escadrons de gendarmerie qui contribuent à la sécurité générale du département et des deux escadrons chargés spécifiquement de la lutte contre l'orpaillage clandestin. La Guyane dispose donc d'une force totale de 826 gendarmes.
En Guadeloupe, la gendarmerie est présente avec 685 militaires, hors escadrons de gendarmerie mobile. A Saint-Martin, en particulier, 10 militaires supplémentaires ont été affectés au peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie nationale créé en 2002, ce qui porte à 122 gendarmes les effectifs disponibles dans cette commune.
L'amélioration des résultats obtenus provient également de l'utilisation de méthodes d'action plus efficaces et qu'il convient de renforcer.
Tel est, en premier lieu, le cas des opérations « Anaconda » en Guyane.
Visant à lutter contre les opérations d'orpaillage clandestin, le nombre de ces opérations a connu une nette progression, passant de 73 en 2004 à 107 en 2005. Au premier semestre 2006 , 58 missions ont été menées.
L'efficacité de ces actions, qui tendent à l'éradication des zones majeures d'orpaillage clandestin grâce à des actions lourdes, au blocus des voies d'approvisionnement, à des postes de contrôle permanents mobiles, ainsi qu'à la saisie et la destruction des matériels utilisés par les orpailleurs (or, mercure, carburant, moteurs, etc.), se traduit par la remise en cause de la rentabilité de ces activités illicites, estimée à environ 20 millions d'euros en 2005. Ainsi, depuis janvier 2006, les matériels détruits ou saisis dans le cadre de ces opérations représentent un montant de plus 8 millions d'euros.
Pour autant, le phénomène est loin d'être éradiqué : plus disséminés et plus petits, les sites illégaux restent présents sur toutes les zones aurifères. En outre, les élus locaux se plaignent des effets « collatéraux » de ces opérations qui pousseraient vers les villes, à commencer par Cayenne et Saint-Laurent du Maroni, les « garimpeiros » 12 ( * ) qui s'y livreraient à la délinquance pour assurer leur subsistance.
En second lieu, votre commission a toujours considéré que, face à la recrudescence de la délinquance, les groupements d'intervention régionaux (GIR) sont à même de constituer un dispositif de réponse efficace et adapté . Elle se félicite de voir que les groupements de la Martinique et de La Réunion ont été réactivés et que le groupement de la Guyane est désormais doté d'une structure permanente qui permettra de renforcer l'action combinée des agents de l'Etat (police, gendarmerie, douanes, inspection du travail, fisc) sur le terrain.
* 12 Nom communément donné aux personnes -souvent de nationalité brésilienne- travaillant sur les sites d'orpaillage clandestin.