II. LA SITUATION DES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER
A. VERS LA MISE EN oeUVRE DES DISPOSITIONS DU TITRE XII DE LA CONSTITUTION
Adoptés en première lecture par le Sénat le 31 octobre 2006, le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer apportent des novations juridiques affectant directement les départements et régions d'outre-mer. Ces textes, pour lesquels l'urgence a été déclarée et qui sont désormais en instance devant l'Assemblée nationale, devraient, selon les engagements du Gouvernement, être définitivement adoptés avant la fin de la présente législature.
1. Vers une mise en oeuvre des dispositions de l'article 73 de la Constitution relatives à l'adaptation des lois et règlements par les départements et les régions d'outre-mer
La réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 a donné aux départements et régions d'outre-mer la possibilité d'adapter localement les lois et règlements sur leurs territoires et d'y fixer des règles pouvant relever du domaine de la loi 9 ( * ) . La mise en oeuvre de ces pouvoirs normatifs nouveaux nécessite néanmoins l'adoption par le Parlement d'une loi organique déterminant la procédure à suivre.
Sur ce point, le projet de loi organique adopté par le Sénat a prévu une procédure en trois temps :
- une demande d'habilitation formulée par l'assemblée locale concernée 10 ( * ) ;
- le vote d'une habilitation législative autorisant à adapter localement, dans des matières déterminées, les lois ou règlements ou à fixer les règles localement dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi . Cette habilitation pourrait résulter d'une loi spécifique ou d'une disposition particulière d'une loi n'ayant pas cet unique objet insérée à l'initiative du Gouvernement ou d'un parlementaire, mais non d'une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution. Elle ne serait valable que pour une durée maximale de deux ans à compter de la promulgation de la loi qui la comporte ;
- l'adoption par l'assemblée locale concernée, à la majorité absolue de ses membres, d'une délibération mettant en oeuvre l'habilitation obtenue . Cette délibération serait soumise au contrôle juridictionnel du Conseil d'Etat, le préfet bénéficiant d'un déféré à caractère suspensif.
2. Vers la transformation des communes de Saint-Barthélemy et Saint-Martin en collectivités d'outre-mer
Conformément à l'engagement qu'il avait pris après les résultats positifs des consultations des populations locales le 7 décembre 2003, le Gouvernement a présenté, dans le projet de loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, des dispositions tendant à ériger les îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, qui forment actuellement des communes de la Guadeloupe, en collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution. Chacune des deux îles serait ainsi dotée d'une collectivité unique se substituant, sur son territoire, à la commune, au département et à la région de la Guadeloupe.
Ces deux collectivités seraient dotées pour chacune d'elles d'organes propres : un conseil territorial, un président du conseil territorial, un conseil exécutif et un conseil économique, social et culturel.
A la suite des travaux du Sénat et à l'initiative de votre commission, ces collectivités seraient toutes deux dotées de l'autonomie, alors que le projet de loi initial prévoyait que Saint-Martin, compte tenu de ses difficultés particulières, n'accéderait à l'autonomie qu'au terme d'une période « probatoire ». Les compétences normatives de la collectivité de Saint-Martin seront étendues progressivement, afin de lui laisser le temps de développer les ressources techniques nécessaires à leur exercice 11 ( * ) .
Dans ces deux collectivités, le régime d'application des lois et règlements serait fondé sur le principe de l'identité législative, assorti d'exceptions, ce qui devrait garantir à la fois la sécurité juridique et le respect des spécificités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Toutefois, ne relèveraient pas de l'application du principe d'identité législative les lois et règlements relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile : les textes portant sur ces matières ne seraient applicables à Saint-Martin que sur mention expresse. Ces dispositions devraient permettre à Saint-Martin notamment de bénéficier d'un droit adapté à sa situation particulière, liée à l'exercice d'une double souveraineté française et néerlandaise sur l'île et au contexte de la zone Caraïbe.
Les deux nouvelles collectivités seraient représentées au Parlement, la création de deux sièges de sénateurs ayant été votée par le Sénat. La question de la représentation à l'Assemblée nationale devrait être tranchée au cours de la navette, à l'initiative des députés.
Sous réserve de l'adoption de ce texte par le Parlement, ces deux communes devraient donc, en 2007, rejoindre la catégorie des collectivités d'outre-mer.
Votre commission estime que la viabilité financière de la collectivité de Saint-Martin ne pourra être réellement assurée que si un effort financier spécifique est entrepris prochainement . Dans le projet de loi organique, le Sénat a d'ailleurs prévu que la commission paritaire de concertation chargée d'examiner toute question dont le règlement requiert une coordination des actions et des décisions de l'État et de la collectivité de Saint-Martin aurait pour mission d'élaborer un plan de rattrapage sur la rénovation et la construction d'équipements structurants visant à permettre le développement économique et touristique et évaluant les engagements financiers respectifs de l'État et de la collectivité de Saint-Martin.
* 9 La Réunion ayant cependant été exclue, à la demande de ses élus, de cette dernière possibilité.
* 10 A la majorité des présents pour les demandes d'habilitation à adapter localement les lois et règlements ; à la majorité des membres de l'assemblée intéressée pour les demandes d'habilitation à fixer les règles.
* 11 Voir le rapport n° 25 (2006-2007) de M. Christian Cointat au nom de la commission des lois, p. 220 et suivantes.