EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Gouvernement a déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat le 21 août 2008 le projet de loi n° 499 (2007-2008) portant dispositions relatives à la gendarmerie.

Répondant à la demande formulée par le Président de la République dans son discours du 29 novembre 2007, ce projet de loi organise le rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur à partir du 1 er janvier 2009. Toutefois, compte tenu des contraintes de l'ordre du jour, il ne devrait pas être examiné avant cette date. Son entrée en vigueur interviendrait dans le courant du premier semestre 2009.

Ce rattachement organique au ministère de l'intérieur est l'aboutissement logique d'une évolution entamée en 2002 avec le placement de la gendarmerie, pour emploi, auprès de ce ministère. Il s'accompagne simultanément d'une réaffirmation du statut militaire de la gendarmerie, condition nécessaire au maintien du dualisme « policier » français.

Compte tenu de l'attachement du Sénat au statut militaire de la gendarmerie, ce projet de loi a été renvoyé au fond à la commission des affaires étrangères et de la défense, notre collègue Jean Faure ayant été désigné comme rapporteur. De manière anticipée, la commission des affaires étrangères et de la défense s'était déjà saisie de ce sujet en créant en décembre 2007 un groupe de travail sur l'avenir de la gendarmerie. Son rapport d'information 1 ( * ) constitue à cet égard une contribution importante pour l'examen du présent projet de loi.

Votre commission des lois s'est saisie pour avis de l'ensemble du projet de loi - dix articles répartis en trois chapitres - compte tenu du rôle de la gendarmerie en matière de sécurité intérieure et de police judiciaire. Rappelons que depuis trois ans, notre commission examine chaque année les crédits de la gendarmerie nationale à l'occasion du débat budgétaire sur les crédits de la mission interministérielle « Sécurité ».

Vos deux rapporteurs ont travaillé conjointement, notamment en procédant à de nombreuses auditions. Ce travail en bonne entente a permis d'aboutir à des conclusions identiques ou très proches sur les points les plus importants du projet de loi.

Si le projet de loi est un texte court dont l'objet est bien défini, il faut néanmoins remarquer qu'il s'inscrit dans un ensemble de réformes et de réflexions plus larges qui affectent ou vont affecter la gendarmerie. On citera ainsi :

- le rattachement du budget de la gendarmerie au ministère de l'intérieur à compter du 1 er janvier 2009 ;

- les réflexions pour garantir la parité globale de traitement et de carrière entre policiers et gendarmes ;

- le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale qui visent notamment à renforcer le lien entre sécurité intérieure et sécurité extérieure ;

- la future loi de programmation militaire ;

- la révision générale des politiques publiques (RGPP).

La gendarmerie est donc à un tournant de son histoire. Il convient de le négocier d'autant mieux que l'existence de deux forces de police, dont l'une à statut militaire, est un atout dont la France ne peut se priver.

LA GENDARMERIE EN QUELQUES CHIFFRES

Source : rapport d'information n°271 (2007-2008) précité

La zone de compétence de la gendarmerie recouvre 95 % du territoire et 50 % de la population.

Les missions civiles (police administrative, police judicaire et maintien de l'ordre) représentent 95 % de l'activité de la gendarmerie, contre 5 % pour les activités militaires.

La gendarmerie compte au total environ 101.000 personnels, dont plus de 99.000 militaires et environ 2.000 civils. A titre de comparaison, l'effectif est de 148.500 pour la police et 330.000 pour les armées (dont 145.000 pour l'armée de terre).

Les effectifs de la gendarmerie se répartissent de la façon suivante :

- 6.450 officiers et 74.050 sous-officiers de gendarmerie ;

- 250 officiers et 4.050 sous-officiers du corps technique et de soutien ;

- 14.400 gendarmes adjoints volontaires ;

- 2.000 personnels civils.

La gendarmerie dispose, en outre, de 25 000 réservistes.

Les 63 000 militaires de la gendarmerie départementale sont répartis dans les 3 600 brigades territoriales (dont 1055 regroupées en communautés de brigades et 697 brigades autonomes) ou dans les unités spécialisées.

La gendarmerie mobile compte 16 500 personnels répartis en 123 escadrons.

En 2006, les gendarmes ont constaté 1 026 132 crimes et délits, soit plus du quart des crimes et délits constatés en France. Par leur action, 329 659 personnes auront été mises en cause, dont 106 654 placées en garde à vue et 17 006 écrouées.

En 2006, la gendarmerie a consacré plus de 1,8 million d'heures aux extractions et transfèrements judiciaires, correspondant à plus de 108 800 escortes. Plus de 1000 gendarmes sont mobilisés quotidiennement à ces tâches.

La gendarmerie contrôle plus de 800 000 km de routes et autoroutes. En 2006, les unités de gendarmerie ont constaté 24 213 accidents corporels, ayant causé la mort de 3651 personnes et occasionné des blessures à 33 200 autres.

La gendarmerie a procédé en 2006 à 4074 opérations de sauvetage en montagne, 649 en mer, 235 sur les fleuves et 7 en milieu souterrain.

Environ 1200 gendarmes français sont actuellement déployés à l'étranger, dont 400 en opérations extérieures.

Le budget de la gendarmerie en 2008 est de 7,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 7,4 milliards d'euros, en crédits de paiement.

La gendarmerie dispose de 24 000 véhicules de brigades, 147 véhicules blindés (VXB 170), 7 patrouilleurs et 24 vedettes, ainsi que 44 hélicoptères.

L'immobilier de la gendarmerie comportait, au 1 er juillet 2007, 79 949 logements, dont 33 167 appartiennent à l'État (730 casernes domaniales) et 46 782 sont loués (29 259 logements répartis dans 3 397 casernes locatives et 17 523 logements hors caserne).

I. LE DUALISME DES FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE : UNE RICHESSE À CONSERVER ET À OPTIMISER

A. UN FACTEUR D'ÉQUILIBRE INDISPENSABLE

L'existence de deux forces de sécurité intérieure, dont l'une à statut militaire, présente plusieurs avantages. La gendarmerie, par sa vocation interministérielle, à la lisière de différents univers, joue un rôle important d'équilibre des pouvoirs.

1. En matière de sécurité intérieure

L'existence de deux forces de police distinctes par leur statut, leur organisation et leur mode de fonctionnement est une garantie pour l'Etat républicain et les citoyens. Elle permet en outre au gouvernement de se prémunir contre tout mouvement de contestation ou de grève de l'une des deux forces, voire contre toute dérive séditieuse de la part de la police ou de la gendarmerie.

C'est aussi une garantie d'indépendance et d'impartialité pour l'autorité judiciaire qui dispose ainsi du libre choix du service de police judiciaire compétent. Les magistrats ne dépendent pas ainsi d'une seule force de police. En outre, cela crée une émulation entre services enquêteurs et permet, lorsqu'un policier ou un gendarme est mis en cause, de saisir un service enquêteur n'appartenant pas son corps.

2. Le contrôle des armées

La gendarmerie nationale assure la police judiciaire dans les armées. En cas de conflit ou dans le cadre d'opérations extérieures, la gendarmerie accompagne les forces armées et est spécifiquement chargée des missions de police militaire qui prennent alors le nom de prévôtés.

Ce rôle particulier au sein des forces armées, mais en dehors des armées, explique que la gendarmerie soit qualifiée d'« arme ».

Ce positionnement permet à la gendarmerie de contrôler les armées. A cet égard, elle est indispensable car les autres solutions ne sont pas satisfaisantes : soit les armées se contrôlent elles-mêmes, soit cette mission incombe à la police nationale qui ne dispose pas de la culture militaire suffisante.

Cette mission de police militaire explique largement les tensions qui peuvent exister entre la gendarmerie et les armées, en particulier l'armée de terre. Le souvenir du putsch des généraux de 1961, au cours duquel le général Salan avait été arrêté par la gendarmerie, reste très vivace et fut évoqué à plusieurs reprises au cours des auditions.

* 1 Rapport d'information n° 271 (2007-2008) au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense par le groupe de travail sur l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie, présidé par M. Jean Faure.

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