B. L'INTERVENTION DE L'ETAT AURAIT PU ÊTRE PLUS AMBITIEUSE

1. Le recours au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat » constituait une alternative

Sur un plan budgétaire et comptable, la recapitalisation d'établissements bancaires aurait pu passer par le compte « Participations financières de l'Etat » . Cette voie avait d'ailleurs été privilégiée en 2004 dans le cadre du plan de sauvetage d'Alstom organisé par le Gouvernement, et l'Etat était intervenu en prenant des participations au sein d'Alstom, à hauteur de 21 % du capital, pour un montant de 720 millions d'euros. Les titres ont été cédés par la suite, toujours par le biais du compte, en juin 2006 au groupe Bouygues pour 2 milliards d'euros.

Le Gouvernement a cependant considéré que la situation actuelle du compte ne permettait pas un financement de grande ampleur d'opérations de participation : sa trésorerie libre d'emploi n'était, au 30 septembre 2008 que de 234 millions d'euros.

De plus, même si l'Etat détient des participations substantielles cotées qu'il pourrait céder, le contexte financier n'est pas pertinent pour des cessions de parts d'entreprises. On peut noter en effet que, du fait de la chute des cours boursiers, l'ensemble des participations cotées de l'Etat a perdu près de 20 % entre fin septembre et fin novembre 2008 11 ( * ) .

2. La prise de participation directe de l'Etat dans les banques, comme pour Dexia, aurait permis à l'Etat de peser sur la gouvernance des banques

Une alternative aux prêts aux banques aurait pu être la prise de participation directe de l'Etat dans le capital des banques, à la manière de ce qui a été décidé pour Dexia.

La banque Dexia a en effet bénéficié d'un plan de recapitalisation d'urgence de 6,4 milliards d'euros impliquant les Etats belge, français et luxembourgeois. L'Etat français, par l'intermédiaire de la SPPE, a donc injecté 1 milliard d'euros 12 ( * ) , lui permettant de détenir une minorité de blocage au sein de l'assemblée générale des actionnaires. L'intervention de l'Etat s'avérait indispensable du fait de l'implication de la banque dans le financement de la moitié des collectivités territoriales et de la taille de l'établissement. Ces éléments imposaient donc une intervention pour stabiliser le système financier.

A l'exemple de Dexia, où l'entrée de l'Etat dans le capital a conduit notamment au remplacement des principaux dirigeants, il apparaît que la prise de participation directe de l'Etat dans le capital des banques permet à celui-ci de peser sur les décisions prises par la direction de la banque concernée et d'influer sur sa stratégie.

Une recapitalisation directe des banques aurait été, aux yeux de votre rapporteur pour avis, un meilleur choix de la part du Gouvernement, car il aurait permis à l'Etat de peser sur les décisions prises par les directions des banques en matière de stratégie, de crédit ou de gouvernance interne. Il convient d'ailleurs de noter que c'est la voie empruntée par nombre de gouvernements, notamment anglo-saxons : en Grande-Bretagne par exemple, le Gouvernement a injecté près de 47 milliards d'euros dans le capital de trois banques (RBS, HBOS et Llyods), ce que le prix Nobel d'économie Paul Krugman a salué comme une « bonne décision » . Le 12 novembre 2008, le secrétaire au Trésor américain, M. Henry Paulson a quant à lui annoncé que le Gouvernement américain renonçait à son plan de rachat d'actifs invendables des banques, au coeur du plan de sauvetage du système financier qu'il avait présenté, estimant plus efficace d'investir directement au capital des établissements. Son objectif est ainsi de permettre une facilitation de l'accès au crédit.

La solution choisie par le Gouvernement d'accorder simplement 10,5 milliards de prêts aux banques montre d'ailleurs ses limites aujourd'hui . Mis à part le taux d'intérêt de 9 % de ces prêts, le plan ne comporte aucune contrepartie réelle de la part des banques. Le Premier ministre, M. François Fillon, avait rappelé, lors de la présentation du plan de soutien, que l'Etat exigerait des banques des « contreparties » , notamment « orienter les fonds obtenus vers les prêts à l'économie française » et se conformer à « des principes éthiques » pour les rémunérations de leurs agents. De même, la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, Mme Christine Lagarde, a insisté, lors de son audition par la commission des affaires économiques du Sénat le 5 novembre 2008 sur le fait que les banques avaient l'obligation d'utiliser les sommes mises à leur disposition pour le financement de l'économie et non pour des placements . Les banques se sont en effet engagées à garantir une croissance de 3 à 4 % des flux de crédit, soit 50 % de moins que les montants sur la même période l'année précédente.

Or ces engagements n'ont pas été respectés : les banques ont en effet restreint le crédit aux PME et aux ménages, comme le souligne une enquête trimestrielle de la Banque de France qui relève que trois banques sur quatre reconnaissent avoir durci leurs critères d'octroi de crédits aux entreprises depuis juin 2008.

Le Gouvernement a donc menacé les banques de nationalisation partielle. Après que le médiateur du crédit, M. René Ricol a indiqué que « si les banques coupaient le robinet du crédit, l'Etat n'hésiterait pas à arrêter de leur prêter de l'argent » 13 ( * ) , le Premier ministre a ainsi menacé de « rentrer au capital des banques, éventuellement de changer leurs dirigeants, de contrôler leur stratégie ».

Votre rapporteur pour avis considère que le plan de soutien aux banques aurait été beaucoup plus efficace en matière de soutien à l'activité économique et de soutien du niveau de crédit aux PME et aux ménages s'il avait prévu l'entrée au capital des banques . Le Gouvernement a manqué d'ambition, mais aussi de rigueur en se contentant d'accorder des prêts sans aucune garantie de la part des banques.

Le fonds stratégique d'investissement (FSI)

Outre le plan de soutien aux banques, la crise économique a conduit le président de la République à annoncer le 23 octobre 2008, dans le cadre d'un ensemble de mesures destinées à soutenir l'économie, la création du fonds stratégique d'investissement (FSI).

Il en a détaillé les contours le 20 novembre 2008 : qualifié de « fonds souverain à la française », le FSI sera doté de 20 milliards d'euros d'ici 2009.

Placé sous la responsabilité de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), il a vocation à soutenir le développement des petites et moyennes entreprises et à sécuriser le capital d'entreprises stratégiques. Il sera abondé à parité par la CDC et par l'Etat :

- la CDC y apportera l'équivalent de sept milliards d'euros de participations stratégiques et injectera trois milliards d'euros de liquidités issus de sa trésorerie. Au vu de leur valeur à la fin novembre 2008, plus de la moitié des participations de la CDC devrait donc être transférée au FSI.

- l'Etat apportera une partie du portefeuille de l'Agence des participations de l'Etat (APE), comme Air France, Renault ou encore une partie de France Telecom, également pour un montant de sept milliard d'euros. Il injectera également trois milliards d'euros, financés par endettement.

Votre rapporteur pour avis s'interroge sur la marge de manoeuvre dont va disposer ce fonds alors que les actifs sont aujourd'hui largement sous-évalués.

Par ailleurs il souligne que la mise en place de ce fonds n'est pas sans conséquence sur le périmètre du compte « Participations financières de l'Etat » et sur les missions de l'APE.

Enfin votre rapporteur pour avis s'étonne des propos du président de la République considérant que le fonds doit conduire l'Etat à être minoritaire dans les entreprises où il investit, le contrôle fort des participations que l'Etat détient relevant de l'APE. Soulignant que l'APE gère aujourd'hui les participations même minoritaires de l'Etat, il s'interroge sur la portée de ces déclarations s'agissant de la redéfinition des missions de l'APE.

* 11 La valeur du portefeuille de participations cotées de l'Etat est passée d'environ 149 milliards d'euros le 1 er septembre 2008 à environ 120,6 milliards d'euros le 19 novembre 2008.

* 12 Globalement, l'intervention publique française s'élève à 3 milliards d'euros, puisque la Caisse des dépôts et consignations a injecté 2 milliards d'euros.

* 13 France-Info - 31 octobre 2008.

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