B. LE RECENTRAGE DES POLICIERS ET DES GENDARMES SUR DES MISSIONS LIÉES À LA SÉCURITÉ

La problématique du recentrage des policiers et des gendarmes sur les missions directement liées à la sécurité avait été soulevée par la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995. Elle n'a pas véritablement évolué depuis. Si la LOPSI du 29 août 2002 l'avait remise au coeur des projets de modernisation, les résultats obtenus n'ont pas été à la hauteur des enjeux, qu'il s'agisse du recrutement d'agents administratifs (voir le I.A.) ou de la réduction de certaines tâches qualifiées, parfois improprement, d'« indues ».

Ces tâches sont de trois types :

- les concours apportés à la justice (tenue des dépôts, extractions, escortes et présentations au parquet, garde de détenus hospitalisés, conduites et surveillance de détenus en soins et consultations) ;

- les gardes statiques ;

- les tâches administratives réalisées au profit d'autres administrations (procurations, enquêtes administratives).

Si les dernières ne sont pas des missions de sécurité, les deux premières en relèvent certainement.

Elles détournent néanmoins les policiers et gendarmes de leurs principales missions que sont la surveillance de la voie publique et l'investigation. En outre, elles sont peu valorisantes pour les personnels et très consommatrices d'ETPT. Enfin, les concours apportés à la justice sont à l'origine d'un agacement des personnels à l'encontre des magistrats qui n'ont pas toujours conscience de désorganiser les brigades de gendarmerie ou les services de police.

La future LOPPSI devra remettre l'ouvrage sur le métier.

1. Les concours à la justice : des résultats très timides

Pour la police nationale en 2005, les missions de transfèrements et extractions, judiciaires et administratives, avaient représenté l'équivalent de 2.600 fonctionnaires équivalent temps plein par jour. Pour la gendarmerie, les concours à la justice représentaient l'équivalent de 1.086 gendarmes.

Trois ans plus tard, on observe une stabilisation, voire une légère baisse pour la police nationale, de ces missions.

La tendance à la hausse enregistrée depuis 2002 semble donc enrayée. Ce résultat est positif si l'on tient compte depuis 2005 de la hausse du nombre de personnes écrouées.

Le transfert de la charge des escortes et de la garde des détenus hospitalisés à l'administration pénitentiaire, à l'exception des détenus particulièrement signalés, prévu sur trois années (2007-2009), a contribué à stabiliser le poids de ces missions.

En 2007, la gendarmerie a consacré 1.968.973 heures-gendarmes contre 1.981.701 en 2006, soit une diminution de 0,6 %. Cela équivaut toujours à environ 1.100 gendarmes par jour.

Pour la direction de la sécurité publique de la police nationale, la charge de ce poste semble être aussi stabilisée après une baisse importante de 10,7 % en 2006 qui succédait à une hausse similaire en 2005. En 2007, cette direction y a consacré 3.735.809 heures fonctionnaires correspondant à 2.395 fonctionnaires, soit une légère hausse de 60 ETPT par rapport à 2006.

Votre rapporteur regrette toutefois que les données transmises par les ministères soient très difficiles à agréger pour obtenir une vision d'ensemble. Les données sur les années passées font l'objet d'actualisations et chaque service (direction centrale de la sécurité publique, préfecture de police...) retient des modes de calcul différents. Une harmonisation serait souhaitable pour l'avenir.

En tout état de cause, la charge de travail reste très importante pour les services de police et de gendarmerie au moment où leurs moyens vont être durablement contraints.

Votre rapporteur regrette que des progrès plus significatifs n'aient pas été accomplis en matière d'utilisation de la visio-conférence ou des salles d'audiences délocalisées à proximité des zones d'attente ou des centres de rétention administrative. Pourtant, l'ensemble des établissements pénitentiaires et des tribunaux sont désormais équipés. Le ministère de la justice s'est fixé comme objectif pour 2009 d'accroître l'utilisation de cette technique.

En outre, il pourrait être utile de revoir la liste des actes qui doivent être notifiés en présence d'un magistrat.

Enfin, des économies pourraient être faites grâce à une meilleure organisation des transfèrements et extractions. Cela supposerait un minimum de coordination des magistrats entre eux.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur estime que le principe prescripteur-payeur devrait être appliqué en l'espèce conformément à l'esprit de la LOLF. Une responsabilisation financière des magistrats serait le levier le plus sûr pour obtenir des résultats significatifs.

Sur le modèle de la réforme des frais de justice et après conclusion d'une convention entre le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur, un droit de tirage serait défini au profit du ministère de la justice, lequel le répartirait ensuite entre les juridictions. En cas de dépassement, chaque juridiction rembourserait au ministère de l'intérieur tout ou partie des frais correspondants.

Votre rapporteur aurait souhaité présenter un amendement en ce sens. Toutefois, la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 interdisant les transferts entre missions, votre commission a adopté un amendement ayant simplement pour objet de demander un rapport au gouvernement sur ce sujet. Il n'a naturellement pas la même portée que l'amendement envisagé initialement. Mais, cela permettra d'obliger le gouvernement à réfléchir enfin sérieusement à un mécanisme de responsabilisation financière du ministère de la justice.

2. Les gardes statiques

La gendarmerie nationale et la police nationale consacrent respectivement environ 2.000 et 2.500 emplois équivalents Temps Plein à des missions de garde statique au profit de différentes autorités, à Paris comme en province.

Gardes statiques assurées par la direction centrale de la sécurité publique
(volume horaire hors DOM-COM)

2006

2007

Evolution
2006/2007

Gardes statiques permanentes (hors préfecture)

786.502

613.561

- 21,98 %

Gardes statiques temporaires (hors préfecture)

178.518

166.629

- 6,6 %

Total gardes statiques (hors préfecture)

965.020

780.190

- 19,15 %

Gardes statiques permanentes des préfectures

654.356

626.233

- 4,2 %

Gardes statiques temporaires des préfectures

103.641

75.575

- 27,08 %

Total gardes statiques des préfectures

757.997

701.808

- 7,4 %

Total général

1.723.017

1.481.998

- 13,98 %

Gardes statiques assurées par la préfecture de police
(en nombre de fonctionnaires)

Au 1 er août 2007

Au 1 er août 2008

Gardes statiques

- Service de garde de l'Elysée

- Compagnie de garde de l'hôtel préfectoral

- Compagnie de garde du dépôt

- Unité générale de protection

936

232

147

174

383

921

233

125

176

387

Gardes dynamiques - U.M.I.P.

255

230

TOTAL

1 191

1 151

Gardes statiques assurées par la gendarmerie en 2007 et 2008

MISSIONS

2007

2008

Observations

Présidence de la République

365 ETP

387 ETP

Mission confiée à la garde républicaine par arrêté

Hôtel Matignon

137 ETP

137 ETP

Mission confiée à la garde républicaine par arrêté

Sénat

166 ETP

166 ETP

Mission confiée à la garde républicaine par arrêté

Assemblée Nationale

169 ETP

169 ETP

Mission confiée à la garde républicaine par arrêté

Hôtel du Quai d'Orsay

33 ETP

33 ETP

Mission confiée à la garde républicaine par arrêté

Hôtel de Brienne

88 ETP

67 ETP

Mission confiée à la garde républicaine par arrêté réduite en 2007, puis en 2008

Garde du ministère de la justice

18 ETP

18 ETP

Hôtel de Castries

4 ETP

8 ETP

Mission imputée financièrement au bénéficiaire en 2008

Garde du groupement interministériel de contrôle

11 ETP

11 ETP

Conseil Constitutionnel

7 ETP

7 ETP

Mission imputée financièrement au bénéficiaire en 2008.

Protection de la résidence du Président Chirac à Bity (19)

37 ETP

6 ETP

Mission confiée à la gendarmerie mobile sous réquisition

Garde résidence du PR Valérie Giscard d'Estaing à Authon

15 ETP

15 ETP

Mission confiée à la gendarmerie mobile sous réquisition

Garde résidence du PR Valérie Giscard d'Estaing à Chanonat

3 ETP

Mission confiée dans le cadre du service courant depuis 2008

Garde de la résidence du Premier ministre à Solesmes (72)

16 ETP

16 ETP

Sécurité du palais de justice de Paris

540 ETP

540 ETP

Garde des locaux du ministère de la défense (Ilot Saint-Germain)

76 ETP

76 ETP

Mission devrait être allégée le 1 er janvier 2009 suite à l'externalisation du filtrage des accès

Sécurité de la résidence du Chef d'état-major des armées

15 ETP

15 ETP

Mission devrait être allégée le 1 er janvier 2009 suite à l'externalisation du filtrage des accès

Hôtel national des Invalides

72 ETP

72 ETP

Sous-préfecture de Corte

7 ETP

7 ETP

Mission confiée à la gendarmerie mobile sous réquisition

Emprises diplomatiques Etats-Unis, Israël et Royaume-Uni

278 ETP

278 ETP

Mission confiée a la gendarmerie mobile sous réquisition

TOTAL

2.057 ETP

2.028 ETP

Enfin, s'agissant des compagnies républicaines de sécurité, elles y consacrent depuis quatre ans les effectifs suivants :

- en 2005, 654 fonctionnaires/jour ;

- en 2006, 472 fonctionnaires/jour ;

- en 2007, 476 fonctionnaires/jour ;

- sur les sept premiers mois de 2008, 441 fonctionnaires/jour.

Ces résultats montrent une baisse assez sensible des gardes statiques pour la police nationale . Ils restent néanmoins insuffisants, notamment pour la gendarmerie nationale, même si de nombreuses gardes statiques ne peuvent être supprimées complètement.

Plusieurs solutions peuvent être mise en oeuvre :

- le développement de l'utilisation de dispositifs de vidéoprotection, ainsi que l'installation de systèmes de détection et d'alarmes électroniques ;

- de matériels de défense passive (barrages empêchant l'accès aux abords des immeubles à protéger par des véhicules risquant de commettre des attentats) ;

- de systèmes de surveillance vidéo signalés, reliés à un centre de surveillance (privé ou public). Il existe des logiciels capables de détecter sur une transmission vidéo des « mouvements » suspects dans des zones prédéfinies.

En outre, les missions de gardes statiques assurées par la gendarmerie mais qui ne sont pas prévues par un texte normatif seront imputées financièrement à leur bénéficiaire, si ce dernier souhaite continuer à en bénéficier. Cette responsabilisation financière pourrait utilement inspirer les réflexions sur la diminution des charges de transfèrements et d'extractions judiciaires. C'est désormais le cas pour le Conseil constitutionnel.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page