B. RELANCER LE PACTE NATIONAL POUR L'EMPLOI DES PERSONNES HANDICAPÉES
Alors que le taux de chômage des personnes handicapées a atteint, en 2009, 19,3 %, soit plus du double de la moyenne nationale, les politiques mises en oeuvre dans le cadre du pacte national pour l'emploi des personnes handicapées, annoncé par le Président de la République lors de la conférence nationale du handicap du 10 juin 2008, semblent marquer le pas.
Ces politiques poursuivent trois objectifs :
- faciliter l'accès à l'emploi pour les personnes handicapées qui peuvent travailler, en augmentant le nombre de places dans le secteur protégé et en développant les actions de formation pour favoriser l'embauche en milieu ordinaire ;
- amplifier la mobilisation des employeurs en faveur de l'emploi des personnes handicapées en passant d'une logique de sanction à une logique de partenariat, en particulier grâce aux aides apportées par l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et le fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) ;
- faire mieux coïncider les demandes des entreprises et celles des personnes handicapées en utilisant notamment le réseau Cap emploi.
1. Un effort maintenu en faveur du secteur protégé
Pour certains travailleurs handicapés, le milieu protégé constitue l'unique possibilité d'exercer une activité professionnelle, alors que pour d'autres salariés il représente une étape de transition avant une insertion durable dans le milieu ordinaire.
Aussi, l'augmentation du nombre de places offertes en établissements et services d'aide par le travail (Esat) ou dans les nouvelles entreprises adaptées (EA) constitue un des pivots des politiques menées en faveur de l'emploi des personnes handicapées.
Pour 2010, les moyens budgétaires alloués à l'insertion professionnelle des personnes handicapées en milieu protégé s'élèvent au total à environ 2 842 millions d'euros, dont 2 533 millions inscrits dans ce programme au titre de l'« Incitation à l'activité professionnelle » et principalement destinés aux Esat. Il faut y ajouter les crédits inscrits dans le programme « Accès au retour à l'emploi » de la mission « Travail et emploi » en faveur des EA et des programmes départementaux pour l'insertion des travailleurs handicapés (PDITH), soit près de 309 millions.
a) La création de nouvelles places en Esat s'accompagne d'une rationalisation de leurs coûts de fonctionnement
Les Esat ont une vocation à la fois économique, éducative et médico-sociale. Leur objectif est de permettre aux personnes handicapées ayant une capacité de travail inférieure à un tiers de la capacité normale d'exercer une activité professionnelle grâce à un soutien médico-social et éducatif personnalisé.
Il revient à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) d'établir l'incapacité durable ou momentanée de ces personnes à exercer une activité professionnelle en milieu ordinaire et d'apprécier l'opportunité d'une orientation vers ce type d'établissement.
Evolution du nombre de places financées en Esat |
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(en millions d'euros) |
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2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
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Nombre de places |
104 811 |
107 811 |
110 811 |
112 811 |
114 811 |
116 211 |
117 611 |
Crédits |
1 125,7 |
1 188,7 |
1 249,6 |
1 293,8 |
1 331,4 |
1 351,9 |
1 383,3 |
La dotation de 2,53 milliards d'euros qui leur est destinée pour 2010 est en hausse d'un peu plus de 2 % et comprend :
1,38 milliard d'euros, pour le financement des établissements existants et les places nouvelles , soit une progression de 2,3 % qui permet de couvrir, en tenant compte des économies attendues de l'application des tarifs plafonds 34 ( * ) (5 millions) :
- la reconduction des crédits inscrits en 2009 pour financer les 116 211 places existantes, soit 1,35 milliard ;
- l'extension en 2010 des places créées en 2009 (soit 14,8 millions, équivalant au coût de 1 400 places sur onze mois) ;
- la création de 1 400 places nouvelles, financées sur un mois, à compter du mois de novembre (1,4 million) ;
- enfin, l'actualisation des dépenses afin de tenir compte de l'évolution moyenne de la masse salariale (12,9 millions), ce qui permet, hors mesures d'économies, de porter le coût moyen annuel par place de 11 903 euros en 2009 à 11 941 euros en 2010. La campagne de rationalisation des coûts engagée depuis 2009, et en particulier l'application aux établissements de tarifs plafonds, devrait permettre de ramener ce coût à 11 891 euros (contre 11 746 euros en 2009).
1,15 milliard d'euros, pour le financement des aides au poste correspondantes, tenant compte :
- d'une part, des effets en année pleine de la revalorisation de 1,26 % du Smic survenue à mi-année ainsi que de celle de 0,52 % qui doit intervenir au 1 er janvier 2010 ;
- d'autre part, de l'apurement d'une partie des charges qui restent à payer au titre des exercices précédents.
L'aide au poste est versée aux Esat par l'intermédiaire de l'agence de services et de paiement (ASP) qui en assure la gestion pour le compte de l'Etat. Elle a vocation à permettre la compensation par l'Etat des charges supportées par les Esat au titre de la rémunération garantie, des cotisations sociales afférentes (35,7 %), du financement de la formation professionnelle continue et de la prévoyance pour les travailleurs handicapés admis dans ces établissements et services. La rémunération garantie est composée d'une part financée par l'établissement, qui doit être d'un montant supérieur à 5 % du Smic et d'une part financée par l'Etat, qui ne peut excéder 50 % du Smic. Elle est versée au travailleur handicapé dès son admission en période d'essai, sous réserve de la conclusion d'un contrat de soutien et d'aide par le travail et est maintenue pendant toutes les périodes de congés et d'absences autorisées. La rémunération garantie varie selon que la personne handicapée exerce son activité à temps plein ou à temps partiel et est d'autant plus importante que le niveau de participation financière de l'établissement est élevé afin de jouer un rôle d'incitation. En 2008, la rémunération directe versée par les Esat représentait en moyenne 12,5 % du Smic. Le développement de la contractualisation, qui se traduit par la signature de conventions entre l'Etat et les Esat, doit permettre peu à peu d'ajuster la part consacrée par les établissements à la rémunération garantie de leurs salariés handicapés et, par voie de conséquence, de mieux calibrer l'effort budgétaire de l'Etat dans ce domaine.
Source : d'après le projet annuel de
performances, 2009.
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A la fin de l'année 2010, la capacité d'accueil de ces structures sera ainsi portée à 117 611 places, dont 13 400 places créées depuis 2005 . Votre commission ne peut que se réjouir de l'accroissement des capacités d'accueil en Esat, alors que le taux d'occupation des places a atteint 98 % à la fin de 2007. A cet égard, elle approuve les mesures prises permettant de mieux prendre en compte les besoins réels de création de places selon les départements, en se référant notamment aux décisions d'orientation des CDAPH.
En revanche, votre commission se montre plus réservée sur les mesures de rationalisation des coûts appliquées aux Esat . Auditionnées par votre rapporteur, les associations gestionnaires de ces établissements ont fait part de leur inquiétude quant aux effets pervers qui pourraient résulter de l'application des nouveaux tarifs plafonds. Outre la sortie tardive (à la fin du mois de septembre) de l'arrêté qui les fixe pour 2009, qui a retardé le versement aux établissements du solde de la dotation dont ils bénéficient au titre de cet exercice, son contenu suscite de fortes réserves :
- d'une part, la modulation des tarifs selon le type de handicap des personnes accueillies fait craindre une logique de « tarification à la pathologie », alors même que les personnes atteintes d'un syndrome autistique par exemple ou les infirmes moteurs cérébraux (IMC) présentent, bien que souffrant de la même affection, des troubles d'intensité variable nécessitant des modalités de prises en charge de niveau très différent ;
- d'autre part, l'application de tarifs plafonds majorés de 20 % ou de 25 % pour les établissements accueillant au moins 70 % d'autistes ou d'IMC risque de se traduire soit par des effets de seuil pénalisants pour les structures qui accueillent dans de moindres proportions des personnes lourdement handicapées, soit par une sélection accrue lors de l'admission.
Votre commission sera attentive à ce que l'application de ces tarifs n'entraîne pas un phénomène d'éviction des personnes les plus lourdement handicapées, leur accompagnement nécessitant un ratio d'encadrement plus élevé.
Elle souhaite en outre que l'arrêté fixant les tarifs plafonds pour 2010 soit établi dès que possible , afin que les Esat bénéficient d'une meilleure visibilité pour la gestion de leur fonctionnement et que le versement du solde de la dotation qui leur est allouée n'intervienne pas trop tardivement.
* 34 Prévus depuis la loi de finances pour 2009, les tarifs plafonds, fixés par arrêté, visent une meilleure maîtrise de l'évolution des dépenses de fonctionnement des établissements présentant les coûts à la place les plus élevés. L'arrêté du 28 septembre 2009, a fixé le plafond de référence à 12 840 euros. Ledit plafond est augmenté lorsque l'établissement accueille au moins 70 % de personnes atteintes d'un handicap lourd. A titre d'exemple, il est porté respectivement à 15 410 et 16 050 euros pour les personnes atteintes d'un syndrome autistique et les infirmes moteurs cérébraux.