2. Une mobilisation qui doit être plus active en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées
Pour l'accès à l'emploi en milieu ordinaire, la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés a mis en place une obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) pour tous les établissements de vingt salariés et plus dans la proportion de 6 % de l'effectif total. En cas de non-respect de cette obligation, les entreprises assujetties doivent acquitter une contribution à l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), qui constitue désormais un rouage essentiel de la politique d'insertion professionnelle des personnes handicapées.
La loi du 11 février 2005 a étendu cette obligation à la fonction publique et a prévu la création d'un fonds dédié, le fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), pour collecter les contributions des employeurs publics ne respectant pas l'obligation d'emploi de personnes handicapées.
Tout en conservant les principes et le quota de 6 % posés par la loi du 10 juillet 1987, la loi Handicap du 11 février 2005, révisée par la loi du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active, prévoit que les employeurs assujettis à l'OETH peuvent s'acquitter de leur obligation selon plusieurs modalités : - l'embauche de personnes handicapées bénéficiaires de l'OETH, décomptées en fonction de la durée effective d'activité dans l'entreprise au cours de l'année civile quelle que soit la durée de leur contrat de travail 37 ( * ) , les salariés exerçant au moins à mi-temps étant comptabilisés pour une unité comme s'ils exercent à temps plein, les autres devant être comptés au plus pour une demi-unité 38 ( * ) ; - la conclusion de contrats de fournitures, de sous-traitance ou de prestations de services avec des EA ou des Esat (dans la limite de 50 % de l'obligation légale d'emploi) ; - la conclusion d'un accord de branche, de groupe ou d'entreprise prévoyant la mise en oeuvre d'un programme en faveur des travailleurs handicapés (embauche, insertion, formation, adaptation aux mutations technologiques, maintien dans l'emploi) ; - l'accueil de stagiaires handicapés 39 ( * ) (étudiants, formation professionnelle, formation initiale ou en alternance, Agefiph, Pôle emploi...) qui peuvent être décomptés au titre de l'OETH, dans la limite de 2 % des effectifs et pour une durée minimale de quarante heures. Si l'OETH de 6 % n'est pas atteinte, les employeurs sont contraints de payer une contribution à l'Agefiph, dont le montant varie en fonction de l'effectif de l'entreprise et du nombre de salariés handicapés manquants. En l'absence complète d'actions positives en faveur de l'emploi des personnes handicapées pendant une période supérieure à trois ans, la contribution est majorée à 1 500 fois le Smic horaire par unité manquante, quel que soit l'effectif de l'entreprise. |
En juin 2009, 214 233 personnes handicapées étaient à la recherche d'un emploi, et près de 280 000 personnes handicapées étaient employées dans les entreprises assujetties à l'OETH.
Les travailleurs handicapés représentent en moyenne 2,8 % des effectifs des établissements assujettis dans le secteur privé et 4,4 % dans le secteur public soit, dans les deux cas, un taux inférieur au taux requis de 6 %, même si l'on note une amélioration sensible dans la sphère publique.
Au 1 er janvier 2010, les sanctions financières appliquées aux établissements de plus de vingt salariés n'ayant engagé aucune action en faveur de l'emploi des personnes handicapées au cours des quatre dernières années vont être renforcées. Malgré l'enjeu financier que cela représente, de nombreuses entreprises assujetties figurent encore sur la liste noire des établissements dits à « quota zéro » , n'ayant encore entrepris aucune démarche en faveur de l'emploi de personnes handicapées.
Dans le même temps, 40 % des établissements concernés ont atteint le seuil de 6 % requis par la loi . La menace d'une sanction pécuniaire substantielle semble donc avoir partiellement porté ses fruits, en contraignant les entreprises concernées à se mobiliser sur le sujet.
En réalité, la réticence des entreprises à embaucher des personnes handicapées n'est pas seule en cause. D'autres difficultés subsistent, telles que le maintien dans l'emploi des salariés devenus handicapés après un accident de la vie mais aussi le faible niveau de qualification des personnes handicapées, qui constitue un véritable obstacle à leur recrutement, 83 % des personnes handicapées ayant un niveau de formation inférieur ou égal au BEP.
a) L'affirmation du rôle des MDPH et du service public de l'emploi
En matière d'accompagnement vers l'emploi, le Gouvernement a réaffirmé le rôle de Pôle emploi (convention tripartite Etat-Unedic-Pôle emploi), au côté des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et du réseau Cap emploi, dont l'offre de service 2009-2011 a été aménagée afin de mieux répondre aux besoins des demandeurs d'emploi et des employeurs privés et publics. Ces acteurs sont notamment mobilisés pour accompagner les bénéficiaires de l'AAH en capacité de travailler.
En effet, depuis le 1 er janvier 2009, tous les dossiers d'AAH, qu'il s'agisse d'une première demande ou d'un renouvellement, doivent désormais être assortis d'une évaluation des capacités professionnelles et d'une orientation adaptée vers l'emploi.
L'insertion professionnelle : une mission qui devient centrale pour les MDPH
Alors que la plupart des MDPH avaient désigné un référent pour l'insertion professionnelle dès 2007, ainsi que le prévoit la loi 40 ( * ) , certaines d'entre elles ont commencé à mettre en place des pôles dédiés à l'insertion et à l'orientation professionnelles pour faire face à l'afflux des demandes à traiter. Ces équipes pluridisciplinaires sont généralement composées du référent pour l'insertion professionnelle, d'un médecin, d'un psychologue de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), d'un représentant du Pôle emploi et du réseau Cap emploi.
Le référent ou les équipes concernés assurent généralement une triple mission : l'accueil et l'information des usagers ; l'évaluation, l'accompagnement et le suivi individuels des personnes concernées ; enfin, le développement des relations avec le service public de l'emploi (SPE).
Avec 293 900 demandes de RQTH (17 % des demandes) et 179 500 orientations professionnelles (10,4 %) en 2007, l'insertion professionnelle des personnes handicapées constitue désormais un axe majeur du développement de l'activité des MDPH. Si on y ajoute les demandes d'AAH, qui représentaient 20,1 % des demandes, près de la moitié des dossiers (47,5 %) seront liés à l'évaluation des capacités professionnelles des demandeurs.
Cette évolution devrait entraîner :
- en externe : le développement des partenariats avec le SPE, et en particulier le réseau des Cap emploi, l'Agefiph et le FIPHFP, les organismes de formation professionnelle (Afpa notamment et les centres de rééducation professionnelle [CRP], etc.) ainsi que la participation à l'élaboration et à la mise en oeuvre du plan départemental d'insertion des travailleurs handicapés (PDITH) ;
- en interne : de nouveaux recrutements et une formation des personnels des MDPH et des CDAPH aux modalités de mise en oeuvre de la réforme (stages auprès du SPE, présentation des activités du FIPHFP et de l'Agefiph, etc.), ainsi qu'une réorganisation des équipes qui, à défaut de recrutements, pourrait se faire par redéploiement et par la sous-traitance de certains dossiers aux partenaires extérieurs.
Plusieurs MDPH ont ainsi expérimenté, en 2008, en partenariat avec l'Agefiph, un nouveau dispositif d'aide à l'orientation et à l'évaluation des potentiels professionnels des personnes handicapées, le « Service appui projet » (SAP), qui devrait être mis à la disposition des MDPH et généralisé à la fin du premier semestre 2009.
Si votre rapporteur ne remet pas en cause l'utilité de ce nouveau dispositif, il s'inquiète en revanche que le réseau Cap emploi ne puisse participer aux appels à projets lancés par les MDPH , au motif qu'ils seraient à la fois prescripteurs et prestataires. Sans remettre en cause les règles et procédures applicables aux marchés publics, votre rapporteur considère que, s'agissant des prestations offertes aux personnes handicapées, leur spécificité pourrait justifier l'aménagement de cette règle qui exclut de fait les organismes les mieux habilités à remplir cette mission.
La nécessaire coordination des acteurs par le service public de l'emploi
Ainsi que le prévoit la loi du Handicap du 11 février 2005, les demandeurs d'emploi bénéficiaires de l'obligation d'emploi (DEBOE) relèvent, au même titre que les autres demandeurs d'emploi, du SPE et doivent élaborer, avec l'aide d'un référent, un projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) pour définir un parcours adapté, comprenant les étapes et mesures destinées à favoriser leur retour à l'emploi.
Ainsi, en 2008, Pôle emploi a placé 60 387 demandeurs d'emploi handicapés, mobilisant à cette fin les référents « handicap » désormais présents dans chaque agence ainsi qu'une base spécifique d'offres d'emploi adaptées à ces publics.
Toutefois, au regard des problèmes spécifiques que rencontrent certains DEBOE dans l'accès à l'emploi, le SPE en confie une partie au réseau Cap emploi, dans le cadre d'une convention de cotraitance qui fixe chaque année le nombre de personnes suivies par ces organismes. Ceux-ci, par leur expertise, jouent un rôle de médiation entre les employeurs et les personnes handicapées en permettant l'adaptation des postes offerts et en participant à la création et à la mise en oeuvre d'actions de formation susceptibles de répondre à la demande des entreprises.
Pour exercer leur activité et bénéficier des financements de l'Etat, de l'Agefiph et désormais du FIPHFP, les Cap emploi doivent faire l'objet d'un conventionnement, qui tient lieu d'agrément. Sa reconduction dépend des résultats de l'évaluation de chaque organisme. La convention de cotraitance 2007-2009 a fait l'objet d'un audit qui a conduit au déconventionnèrent de six organismes sur un ensemble de 111 structures.
En 2008, les Cap emploi ont pris en charge plus de 94 600 personnes, soit une augmentation de 7 % par rapport à l'année 2007 : - près de 66 500 personnes handicapées ont débuté, au cours de l'année, un « projet d'action personnalisé - nouveau départ » (Pap-ND), suite à une orientation du Pôle emploi ; - tous types de contrats confondus, 59 736 personnes ont été recrutées (soit une hausse de 8 % par rapport à l'année 2007), dont 46 000 en contrats de plus de trois mois ; - 15 % des recrutements ont concerné le secteur public. La progression globale du nombre de recrutements s'explique en premier lieu par la croissance du nombre de CDD de courte durée, notamment des CDD de moins de trois mois (26 %). Le nombre de CDI (19 078, soit près d'un contrat sur trois) augmente également, mais dans une moindre proportion (5 %). En outre, les contrats signés grâce à l'intervention du réseau Cap emploi sont, dans 28 % des cas, des contrats aidés contre 34 % en 2007. Leur diminution est essentiellement imputable au secteur marchand avec la forte baisse du contrat initiative emploi (CIE), recentré en 2008 sur les publics jeunes et seniors. Toutefois, cette baisse a été en partie compensée par le fort développement de la prime initiative emploi (PIE) financée par l'Agefiph, les Cap emploi en ayant prescrit près de 8 000 en 2008 (dont 80 % en CDI).
Enfin, plus de 5 600 missions d'intérim ont
été enregistrées, soit une progression de 28 % par
rapport à l'année 2007. Elles représentent
désormais 9,4 % des recrutements de personnes handicapées au
niveau national.
|
Pour s'acquitter de leur mission, Pôle emploi et les Cap emploi peuvent mobiliser les aides et prestations offertes par le FIPHFP et l'Agefiph, définies en fonction des objectifs prioritaires retenus par les ministères compétents.
Plusieurs textes prévoient les modalités de mise en oeuvre des priorités fixées et organisent les relations entre les différents acteurs qui en ont la charge : la convention d'objectifs entre l'Etat et l'Agefiph du 20 février 2008 ; la convention entre l'Agefiph et le FIPHFP du 2 juillet 2008 et le protocole national relatif à la convention Cap emploi signé par l'Etat, l'Agefiph, le FIPHFP et les organismes représentatifs du réseau Cap emploi le 18 février 2009. Par ailleurs, un projet de convention entre Pôle emploi, l'Agefiph et le FIPHFP , dont les déclinaisons régionales et locales associent le réseau Cap emploi, est en préparation pour la période 2010-2011 .
C'est dans le cadre de ces conventions qu'il a été prévu que, pour la première fois en 2009, le FIPHFP contribue, en année pleine, au financement des Cap emploi. Son apport, de 14 millions d'euros, a permis d'augmenter de près de 7 millions l'enveloppe globale allouée à ce réseau, ce dont votre commission ne peut que se féliciter. Ainsi, conformément à son souhait, la revalorisation de la participation financière du FIPHFP ne s'est pas traduite cette année par la minoration à due concurrence de la participation de l'Agefiph.
Contributions au financement du réseau Cap emploi |
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(en millions d'euros) |
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2007 |
2008 |
2009 |
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Agefiph |
62,7 |
57,5 |
57 |
FIPHFP |
0 |
7 (1) |
14 |
Pôle emploi |
22 |
22 |
22 |
TOTAL |
84,5 |
86,5 |
93 |
(1) Au titre du second semestre, soit 14 millions d'euros en année pleine. |
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Source : ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité |
Alors que la création de Pôle emploi a entraîné une restructuration du SPE et que le financement du réseau Cap emploi par le FIPHFP a modifié la gouvernance de ces organismes, la nouvelle organisation qui en découle appelle les remarques suivantes :
- le rôle d'impulsion de Pôle emploi, en tant qu'opérateur à titre principal, doit être mieux affirmé, en particulier par rapport à l'Agefiph et au FIPHFP. Il est en effet singulier que ce soient les organismes collecteurs qui définissent les priorités en matière d'insertion professionnelle, alors qu'ils sont, d'une certaine façon, à la fois juges et parties ;
- cela suppose un renforcement de la tutelle de l'Etat sur ces deux fonds, et en particulier sur l'Agefiph , dont on peut se demander si la priorité n'est pas davantage d'aider les entreprises à s'acquitter de leur OETH que de réduire le taux de chômage des personnes handicapées (même si ces deux objectifs peuvent présenter certaines convergences) ;
- les organismes de formation doivent être davantage mobilisés. En 2008, 12 000 travailleurs handicapés ont été formés par l'Afpa, soit seulement 6 % des stagiaires. Or, 60 % des stagiaires trouvent un emploi dans les six mois suivant leur formation et, parmi eux, la part de ceux qui accèdent à un CDI est passée de 28,1 % à 36 % ;
- le rôle des Cap emploi doit être conforté au regard des bons résultats obtenus sur la période 2007-2008. Cela suppose de leur reconnaître un rôle spécifique au sein du SPE , qui pourrait prendre la forme d'une délégation de service public ou d'un élargissement du champ de la convention de cotraitance ;
- les offres de services des Cap emploi doivent être mieux adaptées aux besoins des employeurs publics et des grandes entreprises ;
- enfin, alors que, de plus en plus souvent, il est fait appel à des opérateurs privés (cabinets de recrutements, agences d'intérim ou organismes de placement,...), il serait logique que ces organismes soient eux aussi soumis à un conventionnement préalable et à une évaluation régulière de leurs pratiques et de leurs résultats.
Il faudra préciser, d'une part, quelle est l'autorité compétente chargée du conventionnement et de l'évaluation, d'autre part, quels sont les critères et la pondération retenus (placements, formations, accompagnement, orientation...). Votre commission estime que cette mission ne peut relever que de l'Etat ou de Pôle emploi, mais en aucun cas des seuls financeurs que sont l'Agefiph et le FIPHFP.
* 37 Modifié par la loi du 1 er décembre 2008 généralisant le RSA qui a supprimé la condition d'une présence minimale de six mois au cours des douze derniers mois.
* 38 Modifié par la loi précitée du 1 er décembre 2008, qui a remis en cause le principe du décompte des salariés pour une unité quelle que soit la durée hebdomadaire du temps de travail.
* 39 La loi du 1 er décembre 2008 a élargi les catégories de stages pouvant être pris en compte.
* 40 Article L. 146-3 du code de l'action sociale et des familles.