TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS DES MINISTRES

Audition de Martin HIRSCH, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissaire à la jeunesse (mardi 24 novembre 2009)

Réunie le mardi 24 novembre 2009 , sous la présidence de Muguette Dini, présidente, la commission a tout d'abord procédé à l' audition de Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissaire à la jeunesse, sur le projet de loi de finances pour 2010 (mission « Solidarité, insertion et égalité des chances) .

Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissaire à la jeunesse, a présenté les crédits du programme 304 « Lutte contre la pauvreté, revenu de solidarité active et expérimentations sociales » qui mobilisera en 2010 un peu plus de 1,68 milliard d'euros, à comparer aux 580 millions inscrits en loi de finances initiale (LFI) pour 2009. Ces montants sont à rapprocher du coût global du RSA soit, en vitesse de croisière, 10 milliards d'euros, assumé à parité par les départements pour le « RSA socle » et par l'Etat pour le « RSA activité ».

La part « Etat » est financée grâce au redéploiement des crédits destinés à l'ancienne allocation de parent isolé (API), désormais transférée aux départements et intégrée au RSA, aux produits de la nouvelle taxe additionnelle de 1,1 % sur les revenus des placements et du patrimoine et à la subvention que l'Etat verse au fonds national des solidarités actives (FNSA) pour en assurer l'équilibre. Parallèlement, l'Etat s'est engagé à compenser les dépenses transférées aux conseils généraux sur la base des charges effectivement constatées, au titre de l'API, en fin d'exercice dans les comptes administratifs, avec une clause de rendez-vous à la fin de 2010 et de 2011. Il est heureux qu'après un large débat, les ressources nécessaires aient pu être dégagées pour garantir le financement sécurisé de cette réforme.

Les craintes exprimées sur la pérennité des recettes affectées au FNSA et au risque d'afflux massifs de demandes peuvent être apaisées :

- d'abord, la dotation de l'Etat est calculée sur la base d'hypothèses prudentes et de telle sorte que l'équilibre du fonds soit assuré ;

- ensuite, ainsi qu'on l'observe pour la contribution sociale généralisée (CSG), les produits de la contribution additionnelle sur les revenus du capital ne sont sensibles à la conjoncture que sur une petite partie de l'assiette (25 % à 30 %). Dans le contexte actuel de crise, la diminution de la valeur des placements devrait entraîner une baisse des recettes attendues de l'ordre de 300 millions à 400 millions d'euros seulement ;

- par ailleurs, pour faire face à l'afflux des nouveaux prestataires dans les caisses d'allocations familiales, 100 millions d'euros ont été consacrés au recrutement et à la formation d'environ 1 600 personnes en CDI pour traiter les demandes et de quelques personnes supplémentaires en CDD pour la mise en place du RSA.

On observe en réalité que, comme pour les autres prestations (RMI, allocation personnalisée d'autonomie [Apa],...), la montée en charge est progressive, le fonctionnement en rythme de croisière n'intervenant qu'à partir de la deuxième ou troisième année. Ainsi, sur les quatre premiers mois, le « RSA activité » a été versé à près de 400 000 nouveaux allocataires.

L'objectif du Gouvernement est que 90 % des bénéficiaires potentiels aient fait valoir leurs droits d'ici au mois de juillet 2010, soit un an après l'entrée en vigueur de la loi. Les prévisions budgétaires ont néanmoins été établies sur la base d'une entrée immédiate dans le dispositif de tous les allocataires potentiels, afin de faire face aux risques d'à-coups de la généralisation en année pleine et d'éviter des correctifs en cours d'année.

Trois modifications ont été apportées au texte initial du budget pour 2010 :

- lors de son examen par l'Assemblée nationale, le Gouvernement a présenté un amendement visant à ouvrir, sous certaines conditions, le RSA aux jeunes âgés de moins de vingt-cinq ans et sans charge de famille. Cette mesure est une réponse à l'interpellation de la commission des affaires sociales du Sénat lors de l'examen du projet de loi généralisant le RSA à l'automne dernier. Elle résulte d'un consensus trouvé dans le cadre de la commission de concertation mise en place en 2009 et réunissant des représentants des jeunes, des partenaires sociaux et à laquelle ont participé les sénateurs Virginie Klès et Christian Demuynck.

Elle permettra de régler deux situations sensibles : d'une part, celle des jeunes ayant déjà travaillé et qui, à la suite d'une période de chômage, ont épuisé leurs droits et se retrouvent sans ressources ; d'autre part, celle des jeunes qui ont démarré très tôt dans la vie active et qui perçoivent des revenus modestes sans pouvoir toucher le RSA, alors que d'autres, plus âgés, y ont droit.

L'admission au bénéfice du RSA sera conditionnée à l'exigence de deux ans d'activité au cours des trois dernières années : 160 000 jeunes devraient y satisfaire ce qui permettra de lever le tabou de la question de l'accès des moins de vingt-cinq ans à cette prestation, en l'autorisant selon des modalités contrôlées. Ce dispositif sera évalué pour apprécier l'opportunité d'une évolution des conditions d'attribution. Etant donné les marges de manoeuvre budgétaires disponibles, cette nouvelle dépense, estimée à 250 millions d'euros, sera intégralement prise en charge par le FNSA, y compris la part qui relève des conseils généraux ;

- la deuxième modification résulte d'un amendement, adopté en seconde délibération à l'Assemblée nationale, qui a pour effet de diminuer de 82,6 millions d'euros la dotation de l'Etat au FNSA ;

- enfin, il a été décidé le versement aux bénéficiaires de minima sociaux (RSA, allocation de solidarité spécifique [ASS], allocation équivalent retraite [AER]) d'une prime de Noël dont le coût global s'élève à 400 millions d'euros. Près de 340 millions concernent les seuls bénéficiaires du RSA - y compris les ex-allocataires de l'API qui percevront cette prime pour la première fois - et seront donc prélevés sur les ressources du FNSA au titre de l'exercice de 2009. Cette mesure fera l'objet d'une disposition spécifique dans la loi de finances rectificative.

Paul Blanc, rapporteur pour avis de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », s'est interrogé sur les raisons des retards observés dans la montée en charge du RSA en 2009 et l'écart qui en résulte par rapport aux prévisions initiales de dépenses. N'aurait-il pas fallu que les prévisions de dépenses pour 2010 soient révisées en conséquence, celles-ci apparaissant dès lors très largement surestimées ?

Il a également souhaité savoir comment sera financée la prime de Noël car cette dépense ne devrait pouvoir théoriquement être prélevée sur le FNSA, juridiquement dédié au financement du RSA.

Concernant l'ouverture du RSA aux jeunes âgés de moins de vingt-cinq ans, il a regretté que la rédaction proposée par le Gouvernement renvoie à un décret et ne traduise pas plus clairement les intentions du Président de la République d'en limiter le bénéfice aux seuls jeunes ayant travaillé pendant vingt-quatre mois au cours des trois dernières années.

Au sujet de la montée en charge progressive du RSA, Martin Hirsch a d'abord fait valoir que cette relative lenteur n'est pas imputable à un quelconque retard dans l'application de la loi du 1 er décembre 2008 : l'intégralité des mesures réglementaires ont été prises dans les délais, le dernier décret paru devant permettre la mise en place du contrat unique d'insertion (CUI) au 1 er janvier 2010.

Muguette Dini, présidente, a confirmé avoir signalé la célérité des services en la matière, dans la communication présentée à la commission sur l'application des lois.

Martin Hirsch a ensuite rappelé que le budget pour 2009 prévoyait initialement un excédent de 362 millions d'euros sur le FNSA. Finalement, malgré des dépenses inférieures aux prévisions et en tenant compte de la diminution prévisible des rendements attendus de la contribution additionnelle de 1,1 %, du versement de la prime de Noël aux bénéficiaires du RSA et de l'annulation de crédits adoptée à l'Assemblée nationale, cet excédent devrait s'établir à un niveau légèrement supérieur, de l'ordre de 410 millions d'euros.

Enfin, au regard du rythme de montée en charge observé pour d'autres prestations telles que l'Apa ou la CMU, celui du RSA est parfaitement dans la norme, avec 400 000 nouveaux bénéficiaires sur les quelque 1,6 million de foyers potentiellement concernés. En effet, aucune prestation n'atteint son rythme de croisière dès la première année. Il faut laisser à la population le temps d'apprivoiser la réforme, même si un effort considérable de communication a été, en l'occurrence, réalisé. Une communication plus ciblée, en passant par l'employeur, aurait sûrement été plus efficace, mais elle a été écartée au motif qu'elle aurait pu inciter les entreprises à réduire en conséquence les salaires. En revanche, il est envisagé d'y associer les bailleurs sociaux, qui pourraient prévenir des expulsions locatives en faisant valoir les droits au RSA des personnes éligibles qui n'en ont pas encore fait la demande.

Selon les dernières données mensuelles, 75 000 nouveaux bénéficiaires ont été enregistrés mais, dans le même temps, certains allocataires ont vu leur allocation suspendue parce que, peu familiarisés à cette nouvelle procédure, ils n'ont pas renvoyé leur déclaration trimestrielle de ressources. Certains sénateurs avaient souhaité que l'on puisse calculer chaque mois le montant du RSA en fonction des ressources mensuelles mais cette formule nécessiterait le recours à la télédéclaration, ce qui demeure une opération complexe.

Concernant le financement de la prime de Noël, dès lors que l'exercice n'est pas clos, il est juridiquement possible de prélever les sommes nécessaires sur le FNSA. Cela revient en fait à corriger le montant de la dotation d'Etat inscrite en début d'exercice. Le versement de cette prime constituera une mesure positive pour le pouvoir d'achat des personnes les plus démunies, en offrant un complément de revenu de 150 euros pour une personne seule, par exemple.

Pendant longtemps, on a critiqué les politiques qui visaient à rapprocher le RMI du niveau du Smic, au motif qu'elles avaient un effet désincitatif à la reprise d'une activité. Le RSA permet de sortir de cette problématique en permettant à la fois de soutenir le pouvoir d'achat des personnes disposant de revenus modestes et d'inciter au retour à l'emploi. Il subsiste toutefois des anomalies dans le dispositif que le Gouvernement souhaite corriger : auparavant, un allocataire du RMI reprenant un emploi en contrat aidé ne percevait plus le RMI, le montant de la prestation devant être versé sous forme d'aide à l'employeur. A l'inverse, une personne qui reprenait un emploi à temps partiel en contrat de droit commun pouvait bénéficier de l'intéressement à la reprise d'activité et cumuler ses revenus d'activité et son minimum social.

La loi généralisant le RSA a corrigé cette situation en maintenant le bénéfice du RSA aux personnes qui reprennent une activité en contrat aidé. En revanche, il subsiste un effet pervers dû à la réforme des droits connexes, qui ne sont plus accordés désormais en raison du statut mais en fonction des revenus. Or, certains anciens allocataires du RMI, titulaires d'un contrat aidé, bénéficiaient jusqu'à présent d'allocations logement à taux plein et de la CMU-c, du fait de leur statut d'allocataire, puisqu'ils étaient alors considérés comme tels même s'ils ne percevaient plus le RMI. Au seul titre de leurs revenus, ils ne peuvent désormais plus bénéficier de ces avantages. Pour rectifier cette anomalie qui conduit à une perte de revenus nette pour ces personnes, le Gouvernement prévoit de déposer un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2009, pour maintenir le bénéfice des droits connexes à leur profit.

S'agissant de l'ouverture du RSA aux jeunes, les conditions d'éligibilité liées à l'activité des potentiels bénéficiaires seront définies par décret. Il faut en effet envisager plusieurs cas de figure selon que le demandeur était salarié, exploitant agricole ou chef d'entreprise. Ce nouveau dispositif fera l'objet d'une évaluation et d'éventuelles modifications si nécessaire.

Annie Jarraud-Vergnolle s'est demandé dans quelle mesure une telle catégorisation des jeunes n'est pas discriminatoire, regrettant que finalement peu de jeunes pourront en réalité bénéficier du nouveau dispositif. D'autres questions se posent sur les modalités d'application de cette mesure : la condition de vingt-quatre mois d'activité vaut-elle pour un temps plein comme pour un temps partiel ? Un dispositif d'accompagnement a-t-il été prévu afin que les jeunes ne s'installent pas durablement dans le RSA ? Enfin, les financements prévus par l'Etat sont-ils suffisants pour assurer la pérennité du dispositif, notamment pour les départements ?

Martin Hirsch a fait valoir que si l'on modifie les critères d'âge au profit des plus jeunes, la création d'une condition liée à l'exercice préalable d'une activité n'est pas contraire au principe constitutionnel d'égalité. L'encadrement du dispositif vise à éviter qu'un jeune demande le RSA au sortir de l'école. En réalité, les politiques mises en oeuvre par le Gouvernement permettent d'offrir un soutien à l'ensemble des jeunes :

- les jeunes ayant déjà travaillé sont éligibles au RSA ;

- ceux qui ont des difficultés d'insertion peuvent bénéficier du contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis), pour lequel l'Etat a apporté 80 millions d'euros supplémentaires, auxquels s'ajoutent 40 millions destinés aux missions locales, chargées d'orienter les jeunes vers ce dispositif ;

- enfin, les étudiants bénéficieront d'un dixième mois de bourse.

Par ailleurs, un amendement du Gouvernement, adopté lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, devrait permettre d'expérimenter une dotation d'autonomie ainsi qu'une allocation contractualisée d'autonomie sur de petits effectifs. Le moment venu, il pourrait être envisagé de généraliser ces deux dispositifs en opérant un redéploiement des aides diverses perçues par les familles.

Concernant les modalités de décompte de la durée d'activité requise pour être éligible au RSA, il ne faut pas forcément se référer à la nature du contrat. Le décret définira des équivalences sur la base d'une activité à temps plein sur vingt-quatre mois. Ainsi, trois années d'activité à temps partiel seraient une condition suffisante. La responsabilité de l'accompagnement reviendra aux missions locales.

Enfin, sur la compensation des dépenses des départements au titre du « RSA socle », la loi a prévu plusieurs clauses qui sécurisent le dispositif de financement et a également clairement distingué le « RSA activité » financé par l'Etat et le « RSA socle » assumé par les départements.

René Teulade a demandé des précisions sur la gestion des fonds de solidarité, regrettant que ces fonds un peu « fourre-tout » soient mobilisés pour financer de trop nombreuses aides. L'expérience récente de l'Apa fait craindre un transfert massif des charges vers les départements, sans compensation.

Martin Hirsch a regretté que la commission des finances du Sénat ait adopté un amendement réduisant les crédits du FNSA de 500 millions d'euros.

Au sujet de la compensation des dépenses transférées aux départements, il a estimé que, tirant les leçons des expériences passées, les départements ont obtenu des garanties dans la loi. De plus, le fonds de mobilisation départemental pour l'insertion (FMDI), constitué en 2005 pour compléter, à raison de 500 millions par an, les compensations versées par l'Etat au titre du RMI, sera reconduit en 2010.

Au nom d'Anne-Marie Payet , Muguette Dini, présidente, s'est enquise du calendrier prévu pour l'entrée en vigueur du RSA dans les départements d'outre-mer (Dom).

Martin Hirsch a signalé que la mise en oeuvre anticipée du RSA dans les Dom a été proposée aux représentants de ces collectivités qui lui ont préféré le RSTA, lequel présente l'avantage d'être forfaitaire pour un coût estimé à 250 millions d'euros, soit un montant équivalent au coût de l'extension du RSA en année pleine. En outre, le député René-Paul Victoria a été nommé parlementaire en mission pour établir une évaluation comparative des deux dispositifs et permettre au Gouvernement de prendre l'ordonnance prévue par la loi avant le 1 er janvier 2011.

Raymonde Le Texier a dénoncé le caractère intrusif et la trop grande complexité des formulaires de demande du RSA, qui comportent par exemple des questions relatives aux sommes éventuellement placées sur un livret A. Dès lors, certains bénéficiaires potentiels renonceraient à faire valoir leurs droits. Elle a également souhaité connaître la date de mise en oeuvre effective du RSA jeunes et du dixième mois de bourse.

Martin Hirsch s'est voulu rassurant sur le versement effectif du dixième mois de bourse, expliquant que l'arbitrage ayant été rendu le 28 septembre, le dispositif n'a pu être intégré au budget 2010. Cette mesure fera l'objet d'une loi de finances rectificative en cours d'année après que la direction générale des universités se sera assurée que la durée effective des cours est partout de dix mois.

Concernant le formulaire, il est convenu des maladresses commises au démarrage, en particulier au sujet de l'information des candidats sur l'obligation alimentaire qui incombe à leurs parents. Un nouveau formulaire a été diffusé depuis, qui comporte en effet des questions relatives aux dépôts sur le livret A, dont le rendement est pris en compte, comme c'était le cas pour le RMI, dans les ressources du bénéficiaire. La minoration de l'allocation qui en résulte est en réalité très faible.

Jean Desessard a déploré un contrôle excessivement tatillon.

Gisèle Printz a souhaité savoir si le fait d'être propriétaire de son logement a également une incidence sur le montant du RSA.

Martin Hirsch a précisé que les revenus locatifs sont comptabilisés dans les ressources si le logement est loué. S'il est habité par l'allocataire, une somme forfaitaire de 40 euros est retirée du montant de l'allocation.

A Annie Jarraud-Vergnolle , qui souhaitait obtenir des précisions sur le partenariat signé avec Total, Martin Hirsch a indiqué que ce partenariat s'inscrit dans le cadre des actions financées par le fonds d'expérimentations pour les jeunes. L'entreprise Total, à hauteur de 50 millions d'euros, mais aussi l'union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), à raison de 30 millions, contribueront à plusieurs actions en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes (permis de conduire, aide à la création d'entreprise, etc.).

Enfin, il a précisé que le RSA jeunes devrait entrer en vigueur entre juillet et septembre 2010.

Audition de Nadine MORANO, secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité (mardi 24 novembre 2009)

Puis la commission a entendu Nadine Morano, secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité, sur le projet de loi de finances pour 2010 (mission « Solidarité, insertion et égalité des chances) .

Nadine Morano, secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité, a présenté les crédits des trois programmes dont elle a la charge : le programme 157 « Handicap et dépendance », le programme 137 « Egalité entre les hommes et les femmes » et le programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables ». Dans un contexte économique et budgétaire difficile, le projet de loi de finances pour 2010 atteste de la volonté du Gouvernement de soutenir les personnes les plus fragiles.

Avec un budget de 9,1 milliards d'euros, en hausse de 15,6 %, le programme 157 « Handicap et dépendance » permet la mise en oeuvre des engagements du Président de la République en faveur des personnes handicapées. L'effort global de la Nation pour la politique du handicap s'élèvera à 39 milliards en 2010.

L'allocation aux adultes handicapés (AAH) est dotée à hauteur de 6,5 milliards, soit une progression de 6,5 % par rapport à 2009, qui permet de tenir la promesse présidentielle de revaloriser le montant de cette allocation de 25 % d'ici à 2012. En 2010, la hausse sera de 4,4 % après une augmentation de 9,7 % depuis 2008 ; sur cinq ans, cela représente un effort exceptionnel de 1,4 milliard.

En outre, 2,5 milliards d'euros seront consacrés aux établissements et services d'aide par le travail (Esat) : 1,4 milliard pour financer les 117 400 places existantes ainsi que la création de 1 400 places nouvelles et 1,1 milliard accordé à ces établissements au titre des aides aux postes correspondantes.

Par ailleurs, la dotation de 14 millions d'euros que l'Etat apporte chaque année aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), en sa qualité de membre du groupement d'intérêt public (Gip), est reconduite en 2010. Elle est complétée par 7,1 millions afin de compenser les postes que l'Etat n'a pu mettre à disposition. Cet effort supplémentaire représente une augmentation de 54 % des crédits inscrits en loi de finances initiale (LFI) pour 2010. En 2009, 16,5 millions ont été versés à ce titre aux MDPH en complément des crédits en provenance de la CNSA, qui ont atteint 60 millions, dont 15 en compensation des missions nouvelles qui résultent de la réforme de l'AAH et de la mise en place de la prestation de compensation pour les enfants. Mme Nadine Morano a dit travailler à l'élaboration d'une solution qui permette à la fois de garantir la participation de l'Etat au financement des MDPH et de préserver la gouvernance actuelle qui associe étroitement l'Etat, les conseils généraux, les caisses de sécurité sociale et les associations représentatives des personnes handicapées.

Pour ce qui concerne le programme 137, « Egalité entre les hommes et les femmes », des crédits de 29,5 millions d'euros, en légère hausse, permettront de mettre en oeuvre les politiques nécessaires à la reconnaissance des droits des femmes.

En matière d'égalité professionnelle, une discussion avec les partenaires sociaux, membres de la commission nationale de la négociation collective, a été engagée sur la base d'un document d'orientation définissant les axes retenus par le Gouvernement dans ce domaine. Les conclusions en sont attendues pour le 30 novembre 2009.

La politique de lutte contre les stéréotypes sera également poursuivie en partenariat avec l'éducation nationale et aussi dans le cadre de la commission « Image des femmes », qui travaille sur les représentations véhiculées par les médias.

Le volet concernant l'égalité en droit et en dignité porte prioritairement sur la mise en oeuvre du second plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes (2008-2010), auquel le Gouvernement souhaite donner une nouvelle impulsion à l'occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes et dans le cadre d'une détermination commune européenne.

Enfin, le programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables » bénéficiera de 14,6 millions d'euros, consacrés à l'accompagnement des familles dans leur rôle de parents. Ils permettront de financer des aides en faveur de la parentalité et soixante-seize maisons des adolescents, où les jeunes en difficulté trouvent une prise en charge éducative, sociale, juridique et médicale.

Par ailleurs, le soutien des familles monoparentales mobilisera encore en 2010 164,2 millions d'euros, ces crédits devant progressivement s'éteindre avec la généralisation du RSA depuis le 1 er juin 2009, qui a intégré l'allocation parent isolé (API), supprimée en tant que prestation distincte.

Enfin, la protection de l'enfance et des familles bénéficiera de 228,8 millions d'euros dont 222,2 millions pour financer 190 000 mesures de protection juridique des majeurs, la subvention versée à l'agence française pour l'adoption (Afa) et la contribution de l'Etat de 2,1 millions au groupement d'intérêt public « Enfance en danger » (Giped).

Paul Blanc, rapporteur pour avis de la mission « Solidarité, insertion, égalité des chances », a souhaité connaître le montant des crédits manquants au titre de la compensation des personnels non mis à disposition des MDPH par l'Etat. Il a également regretté que l'amendement qu'il a présenté sur la première partie du projet de loi de finances pour exonérer les MDPH de la taxe sur les salaires n'ait pas été adopté, après avoir reçu un avis défavorable du Gouvernement.

Nadine Morano s'est engagée à apporter les crédits nécessaires au bon fonctionnement des MDPH, sur la base de l'étude réalisée par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Les difficultés rencontrées par les MDPH pourraient être résolues par le dépôt d'une proposition de loi réglant notamment les problèmes liés au statut des personnels conformément aux conclusions du rapport d'information récemment présenté par Paul Blanc et Annie Jarraud-Vergnolle.

Enfin, les crédits inscrits pour 2010 ajoutés aux concours de la CNSA devraient permettre de couvrir les engagements de l'Etat vis-à-vis des MDPH. Une étude récemment engagée doit estimer leur montant.

Annie Jarraud-Vergnolle a mentionné une étude de l'association des directeurs de MDPH, parue en octobre, évaluant à 34,3 millions d'euros les montants dus par l'Etat au titre des postes non mis à disposition des maisons départementales depuis leur création. Certaines ont bénéficié de la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux supplémentaires par le conseil général, d'autres ont dû embaucher des personnels contractuels ou vacataires pour pourvoir les postes vacants. Des difficultés sont certes liées aux statuts des personnels mais les financements manquants menacent la pérennité de certaines MDPH, par exemple celle des Pyrénées-Atlantiques à laquelle l'Etat doit 1 million d'euros, que le conseil général ne sera pas en mesure de compenser par une avance.

Nadine Morano a souligné la nécessité d'une étude contradictoire des besoins réels à financer qui sera menée conjointement par l'inspection générale des affaires sociales (Igas), l'inspection générale des finances (IGF) et l'inspection générale de l'administration (Iga) et dont les conclusions seront rendues dans les meilleurs délais.

Paul Blanc, rapporteur pour avis, a regretté la suppression, en commission mixte paritaire, de la disposition adoptée par le Sénat dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, permettant de redéployer les excédents de trésorerie accumulés au titre de la PCH par certains départements au profit de ceux dont les dépenses ont excédé les concours de la CNSA entre 2006 et 2010.

Nadine Morano a fait observer que cette mesure, susceptible de déstabiliser les budgets des départements, ne relève à son sens ni d'une loi de financement de la sécurité sociale, ni d'une loi de finances, mais pourrait faire l'objet d'une proposition de loi.

Paul Blanc, rapporteur pour avis, a fait valoir que cette disposition aurait néanmoins permis d'apaiser les départements.

Nadine Morano s'est dite déterminée à prendre les mesures qui s'imposent pour mettre en ordre de marche les MDPH sur l'ensemble du territoire. Sur la base des constats et des conclusions du rapport sénatorial et de l'étude demandée, une concertation sera engagée sur ce sujet, qui pourrait aboutir à une proposition de loi à examiner au début de 2010.

Paul Blanc, rapporteur pour avis, a émis le voeu que l'Afa, constituée sous la forme d'un Gip, ne connaisse pas les mêmes difficultés que les MDPH. Puis il a souhaité connaître les raisons du retard pris dans la mise en oeuvre de la réforme de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ainsi que la date de son application effective.

Concernant l'examen systématique de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé lors de toute demande ou renouvellement d'AAH, Nadine Morano a rappelé qu'une mission de préfiguration a été confiée à plusieurs experts sur les critères qui devront être retenus pour évaluer l'employabilité des bénéficiaires de l'AAH, ce rapport devant être remis le 28 novembre prochain.

Puis Paul Blanc, rapporteur pour avis, a signalé l'apparition de problèmes entre l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (Agefiph) et les Cap emploi qui ont été exclus de certains appels à projet concernant l'accompagnement vers l'emploi de personnes handicapées en capacité de travailler. Ces organismes ont pourtant démontré leur compétence, avec des résultats exemplaires en matière d'insertion professionnelle de ces publics spécifiques, et leur rôle dans ce domaine a été consacré par la loi. Dès lors, quel avenir l'Etat entend-il leur réserver alors que l'Agefiph a tendance à recourir, plus qu'auparavant, aux organismes de placement privés tels qu'Adecco, qui n'offrent pourtant pas les mêmes garanties de compétences que les Cap emploi ?

Nadine Morano s'est défendue de remettre en cause l'action des Cap emploi, affirmant au contraire son intention d'en renforcer le rôle. Deux défis majeurs doivent être relevés pour réduire le taux de chômage des personnes handicapées qui s'élève à 19,3 %, soit le double du taux de chômage global :

- améliorer la formation des personnes handicapées, 83 % ayant un niveau inférieur ou égal au BEP. Cela suppose une réflexion de fond sur les conditions d'orientation des jeunes handicapés qui ont tendance à s'autocensurer et à privilégier les études courtes ;

- mobiliser les entreprises en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Une charte a été signée avec les entreprises du Cac 40 qui associe notamment Pôle emploi et le réseau Cap emploi, mais aussi les centres d'information et d'orientation qui devront diffuser auprès des jeunes des informations relatives aux carrières qui s'offrent aux personnes handicapées.

Les efforts entrepris commencent d'ailleurs à porter leurs fruits, puisque 40 % des entreprises assujetties ont atteint le seuil de 6 % de salariés handicapés requis par la loi et que le taux de recrutement avoisine 4,4 % dans la fonction publique. Les ministères de la solidarité et de la défense font même figure d'exemple avec un taux d'emploi de travailleurs handicapés supérieur à 6 %. Les actions favorisant le maintien des personnes handicapées dans l'emploi sont également essentielles, certaines aides pouvant être mobilisées pour adapter le poste de travail de personnes qui ont été touchées par un accident de la vie. Enfin, il faut souligner le succès de l'initiative du Crédit agricole qui a lancé un « tour de France des compétences » et de la campagne en faveur de l'emploi des personnes handicapées, qui permettent de changer le regard de la société sur le handicap.

Après avoir rappelé que c'est à son initiative que le Crédit agricole a pu recruter plus de 1 200 personnes de niveau bac + 2 après la mise en place d'une action de formation spécifique, Paul Blanc, rapporteur pour avis, a souligné l'importance de la formation, parfois trop négligée dans les prestations ou aides proposées par l'Agefiph, tandis que les régions, qui en ont la compétence, n'offrent pas suffisamment de programmes adaptés aux personnes handicapées. Il a souhaité que l'Etat réaffirme le rôle des Cap emploi et de l'Agefiph vis-à-vis des personnes handicapées. Enfin, il a salué les progrès réalisés par le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), déplorant en revanche les résultats plus mitigés de l'Agefiph.

Par ailleurs, il s'est enquis des suites que le Gouvernement entend donner aux recours formulés par plusieurs associations contre deux décrets se rapportant à la loi du 5 mars 2007 sur la protection juridique des majeurs : l'un encadrant l'exercice libéral de la profession de mandataire judiciaire, l'autre fixant les sommes susceptibles d'être prélevées sur les ressources de la personne protégée.

Pour ces deux décrets du 31 décembre 2008, Nadine Morano a précisé que :

- le premier, relatif à l'exercice à titre individuel de l'activité de mandataire judiciaire, devrait être maintenu, le Gouvernement n'étant aucunement lié pour fixer la durée de l'agrément et encadrer le niveau d'activité de ces mandataires. Cela n'empêche néanmoins pas les préfets ou les directions départementales de l'action sanitaire et sociale (Ddass) d'effectuer des contrôles tandis que, comme c'est le cas dans l'ensemble du champ social et médico-social, les organismes gestionnaires de services tutélaires sont soumis à une évaluation régulière ;

- le second, relatif aux modalités de participation des personnes protégées au financement des mesures de protection, appelle en revanche des modifications afin que le montant de la participation financière des personnes protégées prévu par le texte soit cohérent avec les charges réellement supportées par le mandataire judiciaire, ce qui suppose une révision du barème de la participation.

Paul Blanc, rapporteur pour avis, s'est inquiété de l'avenir que l'Etat entend réserver au fonds national de protection de l'enfance (FNPE) dont la création était prévue par la loi du 5 mars 2007.

Nadine Morano a expliqué que la mise en place du FNPE pose des problèmes juridiques, la Cnaf n'étant pas habilitée à gérer ce fonds. Toutefois, dans le respect des dispositions de la loi du 5 mars 2007 et à la suite de la décision du Président de la République d'organiser, au premier semestre de 2010, des états généraux de la protection de l'enfance, elle a souhaité que le fonds soit abondé et mis en place, en l'orientant davantage vers le soutien de l'enfance fragilisée, en partenariat avec les départements et les associations.

A Gisèle Printz qui demandait que les entreprises qui n'embauchent pas de travailleurs handicapés soient davantage sanctionnées, Paul Blanc, rapporteur pour avis, a indiqué que la loi Handicap a déjà renforcé les sanctions applicables.

Gisèle Printz a également déploré les conditions dans lesquelles les femmes victimes de violence sont accueillies dans les commissariats. Enfin, elle s'est inquiétée des difficultés persistantes d'accès aux lieux publics pour les personnes handicapées.

Paul Blanc, rapporteur pour avis, a rappelé que la date butoir pour la mise en accessibilité a été fixée à 2015.

Nadine Morano a confirmé que les entreprises assujetties à l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés (OETH) mais qui ne respectent pas l'objectif de 6 % fixé par la loi doivent s'acquitter d'une cotisation à l'Agefiph, qui sera augmentée à partir du 1 er janvier 2010 pour celles qui n'ont encore pris aucune mesure. Les entreprises peuvent en effet s'acquitter de l'OETH de différentes manières, par l'embauche de stagiaires dans la limite de 2 % de leurs effectifs ou par le recours à la sous-traitance auprès des Esat, par exemple.

Sur l'accessibilité, l'échéance a bien été fixée à 2015 pour la mise en conformité. La création annoncée d'un observatoire de l'accessibilité pour accompagner les collectivités concernées devrait permettre de respecter cette date. Ce nouvel organisme assurera une mission de conseil et d'audit ; il formulera, si nécessaire, des recommandations de bonnes pratiques, en particulier pour que tous les types de handicap soient pris en compte, y compris le handicap sensoriel, souvent oublié. Les bailleurs sociaux et les services de transport seront associés à cette démarche.

Pour les femmes victimes de violence, la mise en oeuvre du plan triennal précédemment engagé sera poursuivie. Dans les tout prochains jours, un clip de prévention sera diffusé, mettant en scène des enfants, les violences étant malheureusement le plus souvent commises en leur présence, ce qui accroît le risque qu'ils reproduisent ce genre de comportement une fois adultes.

Des efforts ont été accomplis pour apporter une aide aux femmes victimes de violences, en particulier lorsqu'elles sont accueillies dans un commissariat. Plus de cent cinquante points d'accueil ont déjà été mis en place dans les commissariats dans le cadre du plan interministériel de prévention de la délinquance et il est prévu d'en créer cent supplémentaires. Outre le renforcement de la formation des agents, il est, à son sens, nécessaire que la violence psychologique soit reconnue par la loi.

Annie Jarraud-Vergnolle s'est inquiétée des disparités constatées d'un département à l'autre, la part des financements accordés par l'Etat aux MDPH pouvant varier de 12 % à 67 %. Elle a également souhaité savoir à quelle date sera mis en place le comité interministériel du handicap, créé par un décret du 6 novembre 2009, et quelles seront ses missions. Puis elle s'est interrogée sur la participation du FIPHFP au financement du réseau Cap emploi et des centres de formation des personnels du secteur public. Enfin, elle a demandé si le dispositif d'apprentissage spécialisé proposé, pour une durée illimitée en fonction de leurs besoins, aux jeunes handicapés mentaux sera maintenu, voire développé, et si des mesures spécifiques seront prises en faveur de l'insertion professionnelle, l'accompagnement et le maintien dans l'emploi des personnes atteintes d'un handicap psychique.

Nadine Morano a indiqué avoir souhaité la création d'un comité interministériel du handicap en remplacement du délégué interministériel aux personnes handicapées afin d'impliquer davantage les acteurs et associations représentatives et assurer une plus grande transversalité des politiques menées. Cette transversalité est nécessaire pour traiter des sujets - formation, accompagnement des personnes atteintes d'un handicap psychique,... - qui impliquent plusieurs ministères et pour lesquels le ministère chargé du handicap ne peut agir seul. Le comité devrait se réunir avant la fin de l'année, peut-être même le 3 décembre si la date est confirmée.

Concernant le développement de l'apprentissage au profit des personnes atteintes d'un handicap mental, elle s'est dite favorable à la prolongation de la durée des études et des formations si nécessaire. En réponse à Annie Jarraud-Vergnolle , qui demandait si les contrats signés pour deux ans pourraient être prolongés d'une année, elle a répondu par l'affirmative, ajoutant que la limite d'âge pour accéder à ce type de contrat est supprimée depuis le 1 er janvier 2009. De façon générale, elle a souhaité que des mesures soient prises en partenariat avec les ministères de l'éducation nationale et de l'université pour favoriser l'accès des personnes handicapées à des études supérieures plus longues, afin de répondre aux demandes des entreprises.

A ce sujet, Paul Blanc, rapporteur pour avis, a évoqué le développement des expériences dites « Esat hors les murs » qui permettent aux travailleurs handicapés d'exercer une activité en milieu ordinaire tout en continuant à bénéficier d'un accompagnement professionnel et médico-social.

Raymonde Le Texier s'est dite frappée de constater que, par un phénomène d'autocensure, les personnes handicapées s'interdisent de suivre des formations longues. Cette attitude résulte, à son sens, des difficultés persistantes qu'elles rencontrent pour accéder à l'école ordinaire. Elle a également souhaité que les familles d'enfants touchés par une infirmité motrice cérébrale, ou même par une simple dyslexie, puissent bénéficier d'un aménagement des conditions de passage des examens (temps supplémentaire ou accompagnement).

Concernant l'égalité professionnelle et la lutte contre la violence faite aux femmes, il est regrettable que les crédits qui y sont consacrés demeurent faibles et soient même, pour certains, en baisse. Il reste pourtant beaucoup à faire pour permettre qu'à niveau de qualification égal, les femmes perçoivent des rémunérations équivalentes à celles des hommes et puissent suivre les mêmes carrières. Redoutant que la génération actuelle soit encore sacrifiée, sans pouvoir obtenir gain de cause, elle a appelé de ses voeux des mesures d'ampleur dans ce domaine. Sur cet aspect des choses, la disposition récemment adoptée dans le projet de loi de financement pour 2010, qui permet d'accorder aux pères le bénéfice de la seconde année de majoration de durée d'assurance liée à la présence d'enfant, constitue une régression pour les mères.

Enfin, elle a souhaité que des solutions de logement soient proposées aux femmes victimes de violences conjugales, qui sont souvent contraintes de quitter leur domicile pour se protéger de leur conjoint. Aux solutions actuelles d'hébergement en foyer, peu satisfaisantes, il serait préférable de leur offrir celle d'un logement autonome, situé si possible près des lieux de vie des enfants et du lieu de travail. D'autres pays ne prévoient-ils pas des dispositions légales d'éloignement du conjoint violent ?

Muguette Dini, présidente, s'est dite scandalisée que les femmes victimes de violences soient contraintes de quitter le domicile familial pour se protéger de leur conjoint alors que ce dernier devrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

Janine Rozier a indiqué que la loi sur le divorce prévoit qu'en cas de violence, le conjoint qui en est victime conserve la jouissance du logement familial - le cas échéant avec les enfants -, le conjoint violent devant faire l'objet d'une mesure d'éloignement très rapide.

Muguette Dini, présidente, a toutefois fait valoir que les mesures d'éloignement du conjoint violent sont très difficiles à obtenir dans des délais rapides, ce qui contraint la femme victime à quitter son domicile pour se protéger.

En réponse aux interrogations sur la scolarisation des enfants handicapés, Nadine Morano a souligné les progrès réalisés : près de 180 000 enfants ont été accueillis en milieu ordinaire à la rentrée de 2009, soit 30 % de plus qu'en 2005, ce qui représente un effort financier de l'Etat de l'ordre de 540 millions d'euros. En outre, la présence des élèves handicapés contribue à changer le regard sur le handicap, en particulier celui de leurs camarades de classe.

S'agissant de l'égalité professionnelle, elle a déploré que subsistent des écarts moyens de salaires qui atteignent jusqu'à 27 % et que les lois ne soient pas appliquées. Elle s'est dite favorable à la mise en oeuvre de mesures plus coercitives pour que les objectifs fixés au niveau européen soient respectés et que les entreprises en défaut transmettent les rapports de situation comparée qui leur ont été demandés et signent les accords requis sur la parité et l'égalité salariale. Cela suppose une simplification des modalités de négociation des accords au niveau des entreprises, les sujets de la parité et de l'égalité salariale pouvant faire l'objet d'une négociation commune.

Il est évident que les inégalités professionnelles trouvent leur origine dans les stéréotypes véhiculés dès le plus jeune âge, en particulier au travers des activités et des jeux proposés aux enfants. L'orientation professionnelle devrait être définie sur la base des compétences, et non en fonction du sexe des personnes : il faut que les jeunes femmes soient davantage incitées à embrasser des carrières d'ingénieur, par exemple, plutôt que de s'orienter vers les professions médico-sociales si cela ne correspond pas à leur goût. Cela suppose notamment une modification des représentations figurant sur les emballages des jouets et l'organisation des rayons des supermarchés qui séparent ceux réservés aux filles et aux garçons. Une plus grande mixité dans ce domaine aurait aussi, par la suite, une influence sur la répartition des tâches ménagères au sein du couple, les femmes continuant d'y consacrer beaucoup plus de temps que les hommes. Enfin, les partenaires sociaux rendront prochainement leur avis sur le document d'orientation sur l'égalité salariale. Pour sa part, elle s'est déclarée favorable à des mesures coercitives telles que les quotas dans les conseils d'administration.

S'agissant des actions de lutte contre les violences faites aux femmes, la France fera l'expérimentation prochaine de deux dispositifs déjà en vigueur en Espagne :

- le bracelet électronique qui permet de contrôler l'éloignement effectif du conjoint violent, une alerte étant donnée dès lors qu'il s'approche du domicile familial ;

- un téléphone d'urgence social équipé d'un moyen d'enregistrement et d'un GPS qui associe un dispositif d'alerte et d'accompagnement, la personne victime de violences étant appelée régulièrement - au moins deux fois par mois - par le centre d'appel.

En Espagne toujours, il existe également une aide au déménagement, qui permet à la femme victime de violences de changer de ville ou de région pour reconstruire sa vie loin de son ex-conjoint.

André Lardeux a mentionné le rapport critique de la Cour des comptes sur le dispositif national de protection de l'enfance. Quelles suites le Gouvernement entend-il donner à ces observations qui appellent, semble-t-il, des mesures réglementaires ?

Il s'est également interrogé sur les raisons des dysfonctionnements observés sur la prise en charge des appels reçus au numéro d'urgence 119 pour l'enfance en danger.

Puis, évoquant un récent arrêt du tribunal d'Angers, il a souhaité connaître la position du Gouvernement sur l'accouchement sous X, la France restant le dernier pays en Europe à avoir maintenu ce principe dans sa législation. Or, la situation qui en résulte est, humainement, difficilement acceptable pour les enfants concernés.

Enfin, il s'est ému des conclusions du tribunal administratif de Besançon qui, en permettant à un couple homosexuel d'adopter un enfant, a dans le même temps admis le principe d'un droit à l'enfant, qui n'est pas en accord avec les conventions internationales signées par la France sur les droits de l'enfant.

Nadine Morano a rappelé que le service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger (Snated) prend chaque année en charge plus de 655 000 appels. Les missions de ce service ont vocation à être élargies aux familles en détresse, pour répondre aux cas, de plus en plus nombreux, d'infanticides et d'homicides conjugaux, ces derniers s'étant élevé à 157 l'an dernier, soit près de 20 % des meurtres commis en France.

S'agissant des appels reçus au 119, les observations formulées par la Cour des comptes seront prises en compte et des améliorations seront apportées, en particulier à la formation des personnels. Une campagne de communication sera d'ailleurs lancée pour que le 119 soit aussi connu que le numéro des pompiers ou du Samu et qu'il permette à des parents ou enfants en détresse psychique de trouver un soutien plutôt que de passer à l'acte.

Concernant l'accouchement sous X, elle a marqué sa préférence pour un accouchement protégé, permettant de maintenir la possibilité de l'abandon, sans lien de filiation, avec un accompagnement renforcé de la mère. Mais il faut parallèlement renforcer le droit existant des enfants d'accéder à leurs origines personnelles en s'appuyant sur le conseil national d'accès aux origines des personnes (Cnaop), en veillant à la conservation des données médicales (groupe sanguin, pathologies familiales...) et en permettant, le cas échéant, la levée du secret médical. Dans le cadre de l'accouchement protégé, l'enfant aura le droit de connaître ses origines, ce qui suppose une préparation psychologique de la mère à l'éventualité que son enfant veuille, un jour, entrer en contact avec elle, sachant que celui-ci ne pourrait alors revendiquer une filiation juridique et les droits qui y sont liés.

Concernant l'arrêt qui a été rendu sur l'adoption, elle a rappelé les conclusions du rapport de la mission d'information, dont elle était alors membre, conduite par l'Assemblée nationale en 2006, sur les droits de l'enfant et de la famille : un enfant a le droit de grandir avec un père et une mère. La logique aurait alors voulu que la possibilité d'adopter accordée aux personnes célibataires ait été remise en cause, d'autant que, en l'absence d'information sur l'orientation sexuelle des candidats à l'adoption, chacun sait qu'en réalité, de nombreux couples homosexuels adoptent ainsi des enfants. Ce sujet mérite un débat sans tabou, portant sur l'ensemble des questions suivantes : quel est l'intérêt supérieur de l'enfant ? Quel est le projet parental ? Quelle est la situation réelle des familles ?

Selon l'institut national des études démographiques (Ined), près de 3,5 millions d'enfants vivent dans des familles monoparentales, 2,5 millions dans une famille recomposée et au moins 30 000 sont élevés par deux adultes de même sexe. Dès lors que ces situations existent, la société ne doit-elle pas se préoccuper du statut juridique de ces enfants et de leur protection ? Il faut alors se poser la question de l'opportunité d'ouvrir aux couples homosexuels l'adoption simple. La même interrogation concerne le statut juridique des enfants nés de mères françaises, inséminées en Belgique, et qui sont élevés ensuite par leur mère et sa compagne. Dans la mesure où la loi française ne reconnaît pas cette situation, sans pour autant l'interdire, cela soulève le problème de la sécurité juridique et du statut de l'enfant.

Paul Blanc, rapporteur pour avis, a rappelé que la disposition permettant aux personnes célibataires d'adopter à été votée dans un contexte émotionnel particulier, celui du décès accidentel des parents de cinq enfants que souhaitait adopter leur tante, célibataire.

Louis Pinton s'est dit pour sa part réservé sur l'opportunité de légiférer pour résoudre des problèmes particuliers, préférant que la loi fixe les grands principes sans porter de jugement de valeur sur certaines situations particulières.

Muguette Dini, présidente, a estimé que ce sujet pourrait faire l'objet d'un débat plus approfondi en commission.

Nadine Morano a ensuite ajouté que, concernant les violences faites aux femmes, l'éloignement du conjoint violent devrait également concerner les conjoints pacsés et concubins.

Muguette Dini, présidente, a fait observer que le principe de l'accouchement sous X pose également la question de l'anonymat des dons de gamètes. Enfin, il faut savoir que de nombreuses jeunes femmes maghrébines ont recours à l'accouchement sous X, contre leur gré, pour se protéger des réactions de leurs familles ; il serait préoccupant que le droit d'accès aux origines personnelles de l'enfant, dix-huit ans après, ne vienne perturber la vie familiale de ces femmes avec d'éventuelles conséquences dramatiques.

Alain Vasselle s'est enquis des risques encourus par les collectivités en cas de retard dans l'établissement de leur diagnostic d'accessibilité, qui doit être réalisé avant le 31 décembre prochain.

Puis il a signalé une nouvelle fois, pour la sixième année consécutive, le problème posé par l'élection de personnes handicapées mentales à la présidence des conseils de vie sociale de certains foyers occupationnels résultant de la règle suivant laquelle cette présidence doit être assurée par un résident du foyer. Bien que des dispositions réglementaires et une circulaire prohibent ces pratiques, l'union nationale des associations de parents et des amis des personnes handicapées mentales (Unapei) et l'association départementale des associations de parents et amis des personnes handicapées mentales (Adapei) de l'Oise persistent à le faire, ce qui pose évidemment des difficultés considérables dans le fonctionnement de ces conseils.

Par ailleurs, le reste à vivre, qui correspond à un montant équivalent à 30 % de l'AAH, est insuffisant au regard de l'augmentation continue de la contribution demandée par les conseils généraux pour le prix de journée, qui atteint 10 à 11 euros désormais. Si l'on ajoute l'acquittement de la cotisation maladie complémentaire, les charges fixes s'élèvent à 350 euros par mois. Le reste à vivre est alors souvent insuffisant pour couvrir les frais d'habillement, souvent élevés pour les personnes handicapées mentales en raison de leur comportement, les frais de transport, etc.

Enfin, il a dénoncé les pratiques de certains établissements qui ne reversent une fraction de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) à la personne handicapée que lorsque celle-ci s'absente pour une durée minimale de huit jours. Il en résulte que les week-ends en famille ne sont pas praticables, ou diversement selon les règles en vigueur dans les départements. Ces mesures, qui empêchent les personnes handicapées de voir régulièrement leurs familles, relèvent de la maltraitance telle que l'avait dénoncée, voici six ans, le rapport de la commission sénatoriale d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées dont les préconisations n'ont toujours pas été suivies d'effet.

Concernant l'établissement du diagnostic d'accessibilité, Nadine Morano a rappelé que l'observatoire récemment mis en place a vocation à accompagner les collectivités concernées pour tenir l'échéance de 2015.

Sur l'élection des résidents à la tête des conseils de vie sociale des établissements de personnes handicapées mentales, Nadine Morano a indiqué qu'elle veillerait à ce que ces pratiques, contraires aux textes, cessent.

Au sujet du reste à vivre, elle a rappelé qu'à l'initiative de la commission des affaires sociales du Sénat, un article du projet de loi de financement pour 2010 vise à neutraliser les effets de l'augmentation du forfait hospitalier journalier.

Enfin, pour combattre les pratiques illégales de certains établissements visant à restreindre les séjours des personnes handicapées dans leur famille, elle a promis de transmettre une nouvelle fois des recommandations claires aux établissements. Ce genre d'attitude montre seulement qu'ils ne conçoivent pas leur budget avec assez de précision pour prendre en compte les courts séjours en famille. En acceptant l'invitation que lui faisait Alain Vasselle, elle a pris l'engagement de se rendre dès que possible dans l'Oise, afin de constater avec lui la réalité de cette situation.

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