2. La nomination des dirigeants et la fixation de leur rémunération, composantes essentielles de la mission de l'Etat actionnaire

a) Une nouvelle procédure qui renforcera le contrôle de la représentation nationale

L'Etat actionnaire a cherché à s'impliquer fortement cette année dans les procédures de renouvellement des dirigeants de plusieurs entités relevant de son périmètre, parfois en sollicitant le recours, lorsque cela s'avérait nécessaire, à des professionnels du recrutement.

Votre rapporteur pour avis rappelle qu'en application de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, le pouvoir constituant dérivé a institué une nouvelle procédure modifiant les conditions dans lesquelles s'exerce le pouvoir de nomination du Président de la République s'agissant des postes de président d'entreprises publiques revêtant une importance particulière dans la vie économique et sociale de la Nation, ce dont se félicite votre rapporteur pour avis .

Désormais, ce pouvoir de nomination ne pourra s'exercer qu'« après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée parlementaire ». Pour le Sénat, il s'agira, dans l'immense majorité des cas, de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire . Aucune nomination ne pourra donc intervenir en cas de vote négatif représentant, en cumul, au moins les trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des commissions, ce que salue votre rapporteur pour avis.

La désignation de ces entreprises relève d'une loi organique, dont le projet cite quatre établissements publics (RATP, RFF, SNCF, La Poste) et trois sociétés anonymes (ADP, EDF, FDJ). Bien que la loi organique n'ait pas encore été adoptée à ce jour, le Gouvernement a manifesté sa volonté de se plier d'ores et déjà à la nouvelle procédure, à l'occasion de l'arrivée à son échéance du mandat de Pierre Graff, président d'ADP. Ainsi son renouvellement en cette qualité a été précédé d'une simple consultation de votre commission de l'économie sans que celle-ci ne formule d'avis sur cette nomination.

Le renouvellement du mandat du président-directeur général d'EDF a lui aussi donné lieu à auditions par les commissions parlementaires compétentes et il doit en être de même à l'occasion de la désignation du président-directeur général de La Française des Jeux dont le mandat arrive à échéance prochainement.

Enfin, votre rapporteur pour avis espère qu'à l'avenir une attention particulière sera réservée à la parité hommes-femmes dans les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises du périmètre de l'APE. Il souhaite dénoncer la sous représentation manifeste des femmes dans ces structures, comme l'illustre le tableau suivant, et appelle les pouvoirs publics à se saisir de cette question. Il recommande à cet égard que cette question puisse être envisagée dans le cadre d'une mission d'information sénatoriale dont il propose par ailleurs la création s'agissant des questions de rémunération des dirigeants d'entreprises.

Source : APE.

b) La rémunération des dirigeants des entreprises à participation publique

La rémunération des dirigeants des entités relevant du portefeuille de l'APE est l'objet d'une attention particulière de votre rapporteur pour avis puisqu'il s'agit selon lui d'une composante essentielle de la mission de l'Etat actionnaire , qui doit être exercée conformément au cadre juridique applicable rappelé ci-dessous.

LE CADRE JURIDIQUE APPLICABLE À LA RÉMUNÉRATION
DES DIRIGEANTS DES ENTREPRISES À PARTICIPATION PUBLIQUE

Ce cadre repose d'une part, sur les règles propres au fonctionnement des entreprises considérées qui dépendent directement de leur forme juridique (société anonyme ou établissement public) et d'autre part, sur un contrôle externe, de niveau ministériel, exercé sur l'ensemble des entreprises publiques.

- La rémunération des dirigeants d'entreprises est traditionnellement une question relevant de la compétence des organes de gestion des entreprises elles-mêmes .

Il en va tout particulièrement ainsi dans les entreprises constituées sous forme de sociétés anonymes. L'article L.225-47 du code de commerce dispose ainsi que « Le conseil d'administration élit parmi ses membres un président (...). Il détermine sa rémunération ». Il en va de même du conseil de surveillance qui fixe celle des membres du directoire (article L.225-63) et, « s'il l'entend » (ce n'est donc pas une obligation), alloue une rémunération au président du conseil de surveillance (article L.225-81).

Dans celles de ces sociétés dont les titres sont cotés, le législateur est intervenu depuis plusieurs années pour rendre plus transparente l'octroi de ces rémunérations. Depuis 2001, l'assemblée générale est ainsi informée dans le rapport qui lui est présenté chaque année de la rémunération totale et des avantages de toute nature versés, durant l'exercice, à chaque mandataire social (article L. 225-102-1). De même, les éléments de rémunération différés sont depuis 2005 soumis à la procédure de contrôle des « conventions réglementées » comprenant notamment un rapport spécial des commissaires aux comptes et une consultation de l'assemblée générale des actionnaires (article L. 225-42-1). La loi « TEPA » du 1 er août 2007 a enfin renforcé la rigueur de ce dispositif en interdisant « les éléments de rémunération, indemnités et avantages dont le bénéfice n'est pas subordonné au respect de conditions liées aux performances du bénéficiaire » (même article).

- Dans le cas particulier des entreprises publiques, ces rémunérations sont par ailleurs soumises à un contrôle ministériel particulièrement étroit .

Le principal texte de référence en matière de rémunérations des dirigeants d'entreprises publiques est le décret n° 53-707 du 9 août 1953 relatif au contrôle de l'Etat sur les entreprises publiques nationales et certains organismes ayant un objet d'ordre économique ou social. Régissant l'ensemble des établissements publics industriels et commerciaux, entreprises et sociétés nationales, sociétés d'économie mixte et sociétés anonymes dans lesquelles l'Etat détient la majorité du capital social (par renvoi aux dispositions désormais intégrées à l'article L. 133-1 du code des juridictions financières), ce décret institue un contrôle ministériel sur les rémunérations des dirigeants de l'ensemble de ces entreprises.

L'article 3 de ce texte dispose ainsi que « Dans les organismes contrôlés en vertu du présent décret (...) sont fixés ou approuvés, nonobstant toute dispositions contraires, par décision conjointe du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre intéressé (...) le traitement et les autres éléments de rémunération d'activité et de retraite des présidents, des directeurs généraux, des présidents directeurs généraux, des présidents et membres de directoires et d'une manière générale des personnes qui, quel que soit leur titre, exercent des fonctions équivalentes ».

Source APE.

Votre rapporteur pour avis observe que, depuis peu, l'Etat actionnaire cherche à moderniser les conditions de fixation de la rémunération des dirigeants des entreprises à participation publique, en veillant notamment à généraliser, selon les cas, les comités des rémunérations. L'une des principales missions de ces comités est de préparer les travaux des conseils en formulant des avis et propositions sur les différents éléments de rémunération des dirigeants sociaux (présidents, directeurs généraux et directeurs généraux délégués, membres de directoires), notamment en matière de salaire (part fixe et part variable), de critères et d'objectifs sur la part variable, ainsi qu'en matière d'appréciation des résultats obtenus par les dirigeants au regard des objectifs fixés.

L'Etat actionnaire veille aussi de façon croissante à ce que la rémunération des dirigeants des entreprises pour lesquelles il détient une participation, soit directement liée à leurs performances et à ce que la composante variable de la rémunération -le fameux « bonus » - ait un caractère pleinement incitatif, reposant sur des critères et des objectifs à atteindre tant quantitatifs (structure du bilan, résultats opérationnels et rentabilité, ...) que qualitatifs (critères de qualité de la gestion, mise en oeuvre avec succès de certains projets, ...).

Le rapport annuel sur l'Etat actionnaire relève ainsi qu'« en 2009, l'Etat actionnaire a tout particulièrement veillé à la mise en oeuvre, au sein des entités de son périmètre concernées, des dispositions de l'article 25 de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009 et du décret n° 2009-348 du 30 mars 2009 modifié » . Ces dispositions récentes visent à encadrer la rémunération des dirigeants mandataires sociaux des entreprises ayant bénéficié de soutiens exceptionnels de l'Etat, des entreprises publiques cotées et lors des interventions du FSI.

L'article 5 du décret précité précise les règles et principes applicables notamment aux entreprises publiques cotées :

- le directeur général ou le président du directoire qui détiendrait le statut de salarié y renonce au plus tard lors du renouvellement de son mandat ;

- les éléments variables de la rémunération sont autorisés par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance. Cette autorisation est rendue publique. Ces éléments ne sont pas liés au cours de bourse. Récompensant la performance de l'entreprise d'une part et son progrès dans le moyen terme d'autre part, ils sont déterminés en fonction de critères précis et préétablis ;

- s'il est prévu une indemnité de départ, celle-ci est fixée à un montant inférieur à deux années de rémunération. Elle n'est versée qu'en cas de départ contraint, à la condition que le bénéficiaire remplisse des critères de performance suffisamment exigeants. Elle n'est pas versée si l'entreprise connaît des difficultés économiques graves.

Votre rapporteur pour avis ne peut passer sous silence le malaise que provoque dans l'opinion le niveau de rémunération des dirigeants des grandes entreprises , surtout lorsque l'Etat y détient un droit de regard en raison des participations qu'il détient. Ce débat, comme le reconnaissait très récemment le Président de votre Haute assemblée, M. Gérard Larcher, « doit être mis sur la table ». Votre rapporteur pour avis appelle donc le Sénat à mettre en place une mission d'information sur cette question le plus rapidement possible . En effet, de nombreuses voix se sont élevées, transcendant les appartenances politiques, pour s'étonner des conditions posées par M. Henri Proglio pour assurer la présidence d'EDF. Si votre rapporteur pour avis ne conteste nullement les grandes qualités de ce remarquable dirigeant, il ne peut toutefois, en tant qu'élu, s'abstenir de relayer l'émoi de nos concitoyens quant à la rémunération des « patrons », à un moment où les Français doivent justement affronter la crise.

Dans un souci de transparence, votre rapporteur pour avis a décidé de relayer l'information, d'ailleurs publique sur ces rémunérations en reproduisant le tableau ci dessous.

Page mise à jour le

Partager cette page