EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER - Mesures tendant à améliorer la qualité des normes et des relations des citoyens avec les administrations

Article 9 - (art. L. 146-8, L. 241-3 et L. 241-3-2 du code de l'action sociale et des familles) -Simplification des procédures pour les personnes handicapées

Objet : Cet article propose de rendre optionnelle la réalisation du plan personnalisé de compensation du handicap, de permettre, dans certains cas, la délivrance à titre définitif de la carte d'invalidité et de ramener de quatre à deux mois les délais d'attribution de la carte de stationnement.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Voté dans la loi Handicap du 11 février 2005, l'article L. 146-8 du code de l'action sociale et des familles, qui prévoit que l'équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) propose, à toute personne qui lui adresse une demande d'aide ou de prestation, un plan personnalisé de compensation du handicap (PPC), établi sur la base de l'évaluation de ses besoins, de son incapacité permanente et de son projet de vie. L'élaboration de ce plan personnalisé est systématique, quelle que soit la demande.

Le du présent article propose de limiter l'obligation de le réaliser à deux cas :

- soit lorsque l'équipe pluridisciplinaire l'estime indispensable ;

- soit lorsque la personne handicapée ou sa famille le demande.

Cette mesure a pour objectif d'alléger la charge des MDPH confrontées à la difficulté de traiter, dans des délais raisonnables, l'ensemble des demandes qui leur sont adressées, du fait du manque de personnels et de l'instabilité des équipes.

L'article L. 241-3 du même code encadre la délivrance des cartes d'invalidité. Ce document attestant du handicap de son détenteur, offre un certain nombre d'avantages, en particulier fiscaux : demi-part supplémentaire pour le calcul de l'impôt sur le revenu, diverses réductions d'impôts pour l'emploi d'une aide à domicile ou les travaux d'accessibilité ou d'adaptation du logement, divers abattements ou dégrèvements sur la taxe d'habitation, la taxe foncière ou les droits de succession, mais aussi priorité d'accès aux places assises dans les transports en commun ou encore priorité dans les files d'attente.

Selon les termes de l'article L. 241-3 précité, « la carte d'invalidité est délivrée à titre définitif. ou pour une durée déterminée par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées à toute personne dont le taux d'incapacité permanente est au moins de 80 % [...] ou qui a été classée en troisième catégorie de la pension d'invalidité de la sécurité sociale. »

Pour les personnes pouvant justifier de l'attribution d'une pension d'invalidité de troisième catégorie, le traitement de la demande est particulièrement rapide puisqu'il ne nécessite aucun certificat médical et qu'il ne donne pas lieu à évaluation par l'équipe pluridisciplinaire 2 ( * ) .

Pour les autres demandes, le taux d'incapacité est apprécié en application du guide barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités figurant à l'annexe 2-4 du décret n° 2004-1136 du 21 octobre 2004 relatif au code de l'action sociale et des familles.

Dès lors que le demandeur remplit les critères requis (taux d'incapacité de 80 % et plus ou titulaire d'une pension d'invalidité de 3 e catégorie), la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) peut décider d'accorder la carte soit à titre définitif, soit pour une durée déterminée, celle-ci ne pouvant être inférieure à un an, ni excéder dix ans.

Au motif d'alléger les démarches des personnes handicapées, le 2 ° de cet article propose d'attribuer cette carte à titre permanent pour les personnes dont le handicap serait considéré comme « définitif » suivant des référentiels définis par voie réglementaire.

Le du présent article propose d'accélérer la délivrance des cartes de stationnement pour personnes handicapées, en ramenant de quatre à deux mois le délai maximal de réponse suivant la demande. A défaut de réponse dans les délais, le préfet serait tenu de délivrer la carte au demandeur.

En pratique, les étapes de ce nouveau dispositif se dérouleraient de la manière suivante :

- le demandeur ou son ayant droit dépose une demande auprès de la MDPH ;

- dès lors que le dossier comporte les pièces requises, il lui est délivré un récépissé mentionnant la date de dépôt, qui vaut « accusé de réception » ;

- après deux mois à compter de cette date et à défaut de réponse de la part de l'administration, la demande est automatiquement acceptée ;

- dès lors, le demandeur peut se présenter à la préfecture avec son récépissé et une carte de stationnement lui est délivrée.

Actuellement, selon les termes de l'article L. 241-3-2 du code de l'action sociale et des familles, « cette carte est délivrée par le préfet conformément à l'avis du médecin chargé de l'instruction de la demande » , ce qui signifie que le préfet a compétence liée avec le médecin qui instruit la demande. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la demande doit être adressée en premier lieu à la MDPH, afin que l'instruction puisse être réalisée par un médecin de l'équipe pluridisciplinaire 3 ( * ) .

Or, dans de nombreux départements, la durée d'instruction excède largement deux mois : les délais moyens de délivrance sont de 3,7 mois pour un adulte et de 2,8 mois pour un enfant. Néanmoins, ils sont conformes aux délais maximaux prévus par l'article R. 241-33 du code précité. Celui-ci prévoit que, pour toute décision relevant de la CDAPH, le silence gardé pendant plus de quatre mois à partir du dépôt d'une demande vaut décision de rejet.

II - La position de votre commission

Si votre commission partage l'objectif visé par l'auteur de la proposition de loi de simplifier les démarches des personnes handicapées, elle constate que les mesures proposées ne sont pas forcément opportunes et n'ont globalement pas reçu le soutien des associations.

S'agissant du plan personnalisé de compensation , ces dernières ont réaffirmé leur attachement à l'élaboration systématique de ce plan, rappelant qu'il est « la clef de voûte du droit à compensation » et qu'il « permet d'accompagner la personne dans la mise en oeuvre des différentes réponses qui lui sont proposées suite à l'expression de ses besoins et de ses souhaits dans le cadre de son projet de vie » . Plus qu'une réponse administrative, les associations considèrent que le PPC permet la mise en oeuvre d'une « réponse individualisée et personnalisée » 4 ( * ) .

S'agissant de la carte d'invalidité , il convient de rappeler que celle-ci peut d'ores et déjà être attribuée de façon définitive, que le handicap soit irrévocable ou non, l'opportunité d'une telle décision relevant de la CDAPH. Dès lors, la disposition proposée n'est d'aucune utilité et risque même de complexifier l'évaluation des dossiers par les équipes pluridisciplinaires, qui devront statuer, en sus , sur le caractère « définitif » ou non du handicap. Sans compter la difficulté d'élaborer le référentiel réglementaire correspondant.

S'agissant enfin de la carte de stationnement , votre commission partage l'objectif visé de réduire les délais d'attente des personnes handicapées, mais elle ne peut négliger le double risque d'une augmentation des demandes et de la délivrance de cartes à des personnes dont l'état ne le justifierait pas. Alors que plusieurs associations ont déploré le manque de places de stationnement réservées et aménagées pour les personnes handicapées, ce nouveau dispositif pourrait finalement se traduire par l'occupation abusive des places disponibles par des personnes qui n'auraient pas dû bénéficier de cet avantage au détriment de celles qui en ont réellement besoin.

Soucieuse d'améliorer le traitement des demandes des personnes handicapées, votre commission a déjà eu l'occasion de proposer la mise en oeuvre rapide de deux mesures alternatives, dénuées de ces inconvénients et susceptibles de réduire les délais d'instruction des dossiers :

- l'une, de nature législative, qui autorise les CDAPH à statuer en formations restreintes pour certaines demandes, telles que les cartes de stationnement ou les renouvellements de droits ou de prestations 5 ( * ) ;

- l'autre, de l'ordre de la pratique mais qui pourrait faire l'objet d'une circulaire du ministère de l'intérieur, favorisant une délégation plus systématique par le préfet de la signature des cartes de stationnement aux MDPH (celui-ci étant tenu de se conformer à l'avis du médecin instructeur), ce qui éviterait un aller-retour inutile entre la MDPH et la préfecture et permettrait ainsi de réduire les délais de délivrance de la carte de un à deux mois.

En conséquence, votre commission propose à la commission saisie au fond de supprimer l'ensemble de cet article.


* 2 Articles R. 241-12 et R. 241-13 du code de l'action sociale et des familles.

* 3 Articles R. 241-16 et R. 241-17 du code de l'action sociale et des familles.

* 4 Citation d'une lettre adressée aux parlementaires par l'Association des paralysés de France (APF).

* 5 Cette disposition figure à l'article 7 de la proposition de loi n° 191 relative aux MDPH et portant diverses dispositions relatives à la politique en faveur du handicap déposée par Paul Blanc, le 23 décembre 2009, et en cours d'examen au Sénat.

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