DEUXIÈME PARTIE - LES DOCUMENTS BUDGÉTAIRES ET LE SUIVI DE L'EFFORT FRANÇAIS EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DOIVENT ÊTRE AMÉLIORÉS

Comme chaque année, le gouvernement doit présenter le projet de budget de l'aide au développement de la France pour l'année suivante à travers deux documents :

1) le document de politique transversale (DPT) « politique française en faveur du développement » qui présente une vision d'ensemble de la politique et des programmes qui y contribuent, la stratégie globale d'amélioration des performances de celle-ci et l'effort financier consacré par l'État à la politique transversale pour l'année à venir, l'année en cours et l'année précédente.

2) le projet annuel de performances (PAP) de la mission « aide publique au développement » qui présente les objectifs quantitatifs à atteindre, ainsi qu'une analyse des coûts et des opérateurs dépendant de chaque programme.

Ces documents doivent permettre au Parlement de se prononcer sur les orientations de la politique de coopération de la France. Ils devraient permettre d'en connaître aisément les grandes orientations et les principales évolutions.

Cette année, le document de politique transversale a été remis à la représentation nationale plus d'un mois après le dépôt du projet de loi de finances.

Votre commission rappelle, à cette occasion, qu'il convient de respecter les délais de communication des documents budgétaires et des réponses aux questionnaires budgétaires afin de permettre au Parlement d'effectuer sa mission.

L'arrivée tardive du DPT a été l'occasion de constater que cette année, le calcul des prévisions pour l'année n+2 et n+3 de l'effort relatif de la France par rapport à son revenu en faveur du développement ne figurait plus.

Les auteurs du document laissant à la représentation nationale le soin de recalculer ce ratio d'APD sur RNB qui constitue la référence internationale sur la base de laquelle s'effectuent les comparaisons entre pays au regard de l'engagement d'atteindre en 2015 le ratio de 0,7 % du RNB.

Si ce ratio fait l'objet d'un certain fétichisme, il ne dit pas tout et présente même, comme mesure de notre coopération, des inconvénients importants.

Il demeure cependant un des éléments de notre politique qui est suivi par l'opinion publique, les parlementaires, nos partenaires du Sud comme du Nord.

Dans le Document de politique transversale du projet de loi de finances pour 2010, figure, comme toutes les autres années, le ratio d'APD sur Revenu National Brut (RNB), mesurant l'effort relatif de la France en faveur du développement.

L'APD française (2008-2011)

(CP, en millions d'euros)

Source : DPT « Politique française en faveur du développement » annexé aux PLF pour 2010

Dans le Document de politique transversale du projet de loi de finances pour 2011, ce ratio pour l'ensemble de la durée de la programmation budgétaire a disparu.

Votre commission craint que supprimer cet indicateur d'un rapport public ne fasse pas disparaître le besoin de financement que son évolution illustre.

Elle rappelle qu'un indicateur de politique publique ne doit pas disparaître ou apparaître selon qu'on juge son évolution satisfaisante ou pas.

Cette pratique contrevient à la maturité et à la sincérité du débat budgétaire.

Vos rapporteurs ne manqueront pas, dans les développements suivants, ni d'analyser les efforts que les pouvoirs publics déploient et les difficultés qu'ils éprouvent à tenir leurs engagements internationaux, ni de recalculer les prévisions de l'APD/RNB en question.

Mais ils souhaitent également saisir cette occasion pour réfléchir sur ce que devrait être ce document de politique transversale pour éclairer la décision du Parlement, aider aux arbitrages du ministre en charge de ce budget et assurer aux débats sur l'aide au développement la transparence requise.

Avant d'évoquer le document de politique transversale, il convient de resituer la mission budgétaire APD dans l'effort global de la France en matière de coopération.

I. UNE MISSION BUDGÉTAIRE « AIDE AU DÉVELOPPEMENT » QUI NE TRADUIT QUE 35 % DE L'EFFORT FRANÇAIS EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT

Il faut rappeler ici que la mission « Aide publique au développement » ne recouvre pas la totalité de l'effort d'aide publique au développement consenti par la France, comptabilisé par l'OCDE.

Source : DPT « Politique française en faveur du développement » annexé aux PLF pour 2011

La mission « Aide publique au développement » sur laquelle votre commission se prononce ne représente que 35 % de l'effort français en faveur du développement. Les 65 % restants sont partagés entre des dépenses relevant d'autres missions et des dépenses non budgétaires, comme les prêts, les recettes issues de la taxe sur les billets d'avions ou les dépenses des collectivités territoriales.

Ces 35 % sont cependant au coeur de l'évaluation des moyens de notre coopération . Car ils recouvrent l'essentiel des crédits sur lesquels le gouvernement a une emprise directe et peut effectuer des arbitrages sectoriel ou géographique.

La mission aide au développement ne représente également que 55 % des dépenses budgétaires comptabilisées dans le document de politique transversale.

Les 45 % des dépenses budgétaires restant sont partagés entre 20 programmes hors « mission APD » dont l'objet principal est autre que l'APD et dont seulement une partie des moyens est destinée à des actions de développement.

Les principaux programmes de la politique transversale hors « mission APD » sont les suivants :

• Pour le ministère des finances :

- Programme 853 : ressource à conditions spéciales, ressource très concessionnelle mise en oeuvre par l'AFD

- Programme 852 : consolidations de dettes des Etats étrangers

- Programme 851 : financement de la réserve pays émergents (aide liée)

• Pour le ministère des affaires étrangères :

- Programme 105 : action de la France en Europe et dans le monde, qui inclut une partie de nos contributions multilatérales statutaires

- Programme 185 : qui inclut la coopération culturelle et éducative

• Pour le ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur (programmes 150, 172, 187, 231), incluant la recherche pour le développement et le coût de la scolarité des étudiants étrangers issus de pays en développement en France.

Votre commission constate l'introduction dans le document de politique transversale de deux nouveaux programmes 781 et 782 relatifs aux comptes d'affectation spéciale en faveur des fonds environnementaux contre la déforestation dans le cadre du financement précoce pour mettre en oeuvre l'engagement de la France en matière de lutte contre le changement climatique dans le cadre des « financements précoces » de l'Accord de Copenhague.

À l'occasion de la conférence sur le climat tenue à Copenhague en décembre 2009, la France a en effet pris l'engagement d'aider les pays en voie de développement à réduire leurs émissions de CO 2 pour un montant atteignant 1,2 milliard d'euros sur la période 2010-2012, soit 420 millions d'euros par an, qui doivent être additionnels.

Le compte d'affectation spéciale est alimenté par la cession d'une partie des quotas carbone dans un plafond de 150 millions d'euros correspondant aux unités de quantité attribuée (UQA) à la France dans le cadre du protocole de Kyoto. Ces quotas ont été attribués à certains états partis au protocole de Kyoto pour la période 2008-2012 en fonction des objectifs de réduction des émissions de CO 2 à atteindre.

Grâce aux efforts déjà réalisés et à ses bonnes performances en matière de lutte contre le changement climatique, la France dispose d'un volume excédentaire de quotas.

Les actions de lutte contre la déforestation visent en priorité les grands massifs forestiers mondiaux, à savoir le Bassin du Congo, le massif amazonien et l'Indonésie.

Vos rapporteurs observent que ces financements étant censés être additionnels, et se demandent s'ils devraient être inclus dans les dépenses d'APD annoncées et ainsi contribuer à l'objectif de 0,7 % d'APD.

L'accord prévoit en effet que « L'engagement collectif des pays développés est de fournir des ressources nouvelles et supplémentaires , y compris la foresterie et des investissements via les institutions internationales, approchant 30 milliards de dollars pour la période 2010-2012 ».

Ils observent que l'Accord de Copenhague risque d'être amoindri si tous les pays se contentent de réorienter leur aide au développement, qui ne serait alors plus additionnelle.

Un ensemble de dépenses du budget général sont également comptabilisables en APD.

Ces dépenses budgétaires « hors politique transversale » sont principalement relatives à l'Outre-mer, et à la problématique Sécurité-Défense dont l'objet est par exemple la formation de gendarmes et de personnels de police au sein des populations des pays en développement (0,3 % du budget du programme 152 « Gendarmerie Nationale » est comptabilisable en APD).

Enfin, un ensemble de dépenses publiques en faveur du développement ne relevant pas du budget de l'Etat est également comptabilisable, au moins en partie, en APD. C'est le cas par exemple des contributions communautaires et des dépenses budgétaires des collectivités en faveur du développement.

Le schéma suivant tente de synthétiser la complexité de la répartition des différents types de crédits en fonction de leur origine.

Ces différents graphiques illustrent combien la mise en oeuvre de la politique française de coopération est éclatée dans de nombreux canaux. Si la légitimité de chaque canal n'est pas remise en cause, cette complexité pose le problème du pilotage d'ensemble, des arbitrages dans l'affectation des moyens et du renforcement des synergies entre canaux.

Cette complexité conduit également à une faible lisibilité du budget de l'aide au développement qu'on apprécie généralement à travers deux indicateurs : le montant de l'effort français en faveur du développement et le montant de la mission « aide au développement ».

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