IV. UN DOCUMENT DE POLITIQUE TRANSVERSALE QUI DOIT ÊTRE RÉFORMÉ

A. LE DPT NE PERMET PAS DE SUIVRE LA RÉALISATION DES OBJECTIFS FIXÉS PAR LE DOCUMENT CADRE DE COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT.

Les pouvoirs publics se sont dotés d'une stratégie. Cette stratégie définit, comme il a été indiqué, des objectifs de répartition géographique de l'aide. Or, le document de politique transversale ne comporte pas de répartition géographique de l'APD dans son ensemble. On retrouve, certes, quelques informations sur les priorités géographiques.

Il est ainsi indiqué la part de l'aide publique européenne allouée à l'Afrique subsaharienne, la part des ressources subventionnées des banques multilatérales affectées à l'Afrique subsaharienne ou au PMA. Figure également un graphique sur la répartition de l'APD dans son ensemble, mais pas d'informations chiffrées permettant le suivi de l'évolution des clefs de répartition de l'aide bilatérale française.

Cibles de répartition de l'effort public aide bilatérale française
par partenariats différenciés

Afrique

Pays

Méditerranéens

Pays

Émergents

Pays en crise

(gestion des crises et post-crise, hors prévention)

Afrique subsaharienne

14 PPP 10 ( * ) b

Subventions

Cibles

> 50%

10%

Effort financier

Cibles

> 60%

20%

<10%

Votre commission estime que la crédibilité de la stratégie française passe par un suivi annuel des objectifs de concentration fixés par le document-cadre.

Elle demande à ce que des ratios prévus dans ce document fassent l'objet d'un suivi annuel et d'une mise en perspective sur les cinq années précédentes.

Ce suivi suppose un travail de réflexion sur une définition indiscutable des notions de subventions et d'efforts budgétaires afin de partir sur une définition rigoureuse des ratios et en permettre le suivi dans la durée.

Le document-cadre prévoyait que les pouvoirs publics « continueront à rendre compte au Parlement des résultats de l'action publique dans le cadre prévu par la LOLF, en intégrant les priorités définies par ce document-cadre dans la programmation budgétaire, dans le document de politique transversale et dans les analyses de performance ».

Le calendrier n'ayant pas permis de le faire à temps pour cette année, il convient dès à présent de mettre sur le chantier une nouvelle maquette du DPT.

Même si le document-cadre n'a pas fixé des objectifs de répartition par secteur, votre commission observe que le CICID avait défini des secteurs prioritaires qu'il conviendrait de suivre.

La représentation parlementaire souhaite en effet savoir dans quelle mesure la France porte son effort sur, par exemple, l'éducation, la santé ou les infrastructures, pour pouvoir porter une appréciation d'ensemble sur notre coopération.

Elle suggère de reprendre les catégories du CICID qui font l'objet d'un suivi, notamment par l'AFD. Autrement dit, le DPT pourrait assurer un suivi sectoriel de l'aide bilatérale française dans son ensemble, avec un historique de 5 ans. Dans cette perspective, elle a adopté un amendement visant à compléter le contenu du DPT prévoyant un suivi sectoriel de l'aide.

B. LE DPT NE PERMET PAS DE SUIVRE L'ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DE L'APD FRANÇAISE.

L'aide publique au développement de la France peut se répartir en six sous-ensembles.

Il y a, d'une part, l'aide multilatérale, qui elle-même peut se décomposer en aide multilatérale au sens strict et en aide européenne. Il y a, d'autre part, l'aide bilatérale qui peut être décomposée : dons, prêts, annulations de dettes et aides non programmables.

Le suivi de ces six sous-ensembles est essentiel pour comprendre l'évolution de l'APD française. Ils permettent de définir les principaux équilibres stratégiques de notre coopération.

Le premier équilibre que la représentation parlementaire souhaite pouvoir suivre est celui relatif à l'équilibre entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale.

Cette donnée existe dans le DPT actuel, à cette réserve près qu'il faut recalculer le pourcentage et qu'il n'y a pas d'historique concernant les 5 années précédent le budget.

Le deuxième équilibre essentiel du suivi de notre coopération est celui qui concerne l'aide bilatérale programmable et non programmable.

Comme il a été observé lors de l'analyse de l'APD française pour 2009, il existe un certain nombre de dépenses dans l'aide bilatérale qui ne font pas l'objet d'un pilotage par les pouvoirs publics français. En effet, les dépenses relatives aux écolages, aux réfugiés ou aux opérations de dettes, échappent dans leur répartition et dans leur évolution annuelle, aux pouvoirs publics qui ne peuvent que les constater a posteriori. Il convient de les séparer des dépenses en dons et en prêts, qui font l'objet d'une affectation géographique et sectorielle, qui s'insèrent dans une stratégie des différents opérateurs et constituent de ce fait l'élément central de la politique de coopération.

Si le Parlement ou l'opinion publique veulent avoir une idée du volet crédit sur lequel les responsables politiques ont une marge de manoeuvre et donc une responsabilité, et sur lequel des arbitrages peuvent être faits, il faut qu'ils puissent suivre le montant de l'aide bilatérale qui fait l'objet d'une programmation.

Vos rapporteurs estiment important que le DPT intègre cette catégorie et en assure le suivi. Ils constatent que la définition du CAD de l'aide programmable n'est sans doute pas adaptée à ce suivi puisqu'elle se situe du point de vue des pays récipiendaires sans distinguer l'aide multilatérale de l'aide bilatérale.

Il convient donc de rechercher une définition opérationnelle qui permette un suivi rétrospectif et des prévisions.

Ce travail d'élaboration statistique ne semble pas insurmontable et permettrait un progrès considérable dans la compréhension des choix budgétaires opérés.

Le troisième équilibre qui fait l'objet d'une attention particulière de la part des parlementaires comme des ONG est l'équilibre entre les dons et les prêts au sein de l'aide bilatérale.

La répartition entre les dons et les prêts fait l'objet dans cet avis budgétaire d'un chapitre entier tant il apparaît que cet équilibre influence la répartition géographique et sectorielle de notre aide.

Actuellement, le DPT ne permet pas de suivre cet équilibre puisqu'on ne retrouve que la catégorie « prêts AFD » et « missions APD hors prêts AFD » qui regroupe aussi bien l'aide bilatérale que l'aide multilatérale.

Un tableau statistique regroupant la répartition au sein de l'aide bilatérale programmable des dons et des prêts permettrait de se faire une idée plus précise de la politique menée.

S'agissant des dons, il conviendrait de clairement définir le périmètre des subventions au sein de l'effort total dans la mesure où des cibles spécifiques leur sont attachées.

S'agissant des prêts, il conviendrait de suivre les flux bruts et nets afin de bien comprendre l'impact relatif des engagements et des remboursements.

La combinaison de ces différents critères, dons, prêts, aide bilatérale programmable, aide bilatérale, aide multilatérale, répartition géographique et sectorielle, devrait offrir au Parlement et à l'opinion publique une vision d'ensemble de la politique d'aide au développement.

Ces informations devraient être complétées par un suivi des performances comparées de la France et des autres membres du CAD, en termes de niveau d'effort (APD/RNB).

Vos rapporteurs insistent sur la nécessité de produire des données rétrospectives sur 5 ans, pour l'ensemble des données, et de fournir des données en valeur absolue et en pourcentage.

L'ensemble de ces observations a conduit la commission des affaires étrangères a adopter un amendement insérant un article additionnel rattaché aux crédits de la mission « aide publique au développement » précisant le contenu du DTP afin que celui-ci contienne :

- une présentation détaillée de l'évolution à titre rétrospectif sur les cinq dernières années et de façon prévisionnelle pour la durée de la programmation triennale des finances publiques :

- de l'effort français d'aide publique au développement en proportion du revenu national brut avec celui des autres Etats membres du Comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économique ;

- de la répartition entre les principaux instruments de coopération des crédits consacrés à l'aide au développement tels qu'ils sont présentés dans les documents budgétaires et de l'aide publique au développement qui en résulte, permettant d'identifier les moyens financiers respectivement affectés à l'aide multilatérale, communautaire et bilatérale, à l'aide bilatérale qui fait l'objet d'une programmation, ainsi qu'aux subventions, dons, annulations de dettes et prêts ;

- de la répartition de ces instruments par secteurs, par zones d'intervention de la coopération française et par catégories de pays selon leur revenu ;

- du montant net et brut des prêts.

- un récapitulatif des engagements internationaux de la France en matière d'aide publique au développement et un état des lieux de leur mise en oeuvre. »

L'amendement dans son intégralité est annexé au présent rapport.


* 10 Bénin, Burkina Faso, Comores, Tchad, République démocratique du Congo, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, Sénégal, Togo. Cette liste est révisable par décision conjointe des ministres de tutelle, sur proposition du cosecrétariat du CICID.

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