B. UN « RABOTAGE » DES NICHES FISCALES QUI NUIT AU DÉVELOPPEMENT DES ÉCONOMIES ULTRAMARINES

24 mesures fiscales sont rattachées à la mission budgétaire « outre-mer » , pour un coût de 3,5 milliards d'euros.

Avant d'examiner les décisions prises lors du Conseil des ministres du 29 septembre 2010 s'agissant de certaines de ces dépenses fiscales, votre rapporteur pour avis souhaite préciser deux éléments importants :

- les dispositifs de défiscalisation profitent aux économies ultramarines et aux ultramarins , comme le confirment les données communiquées par le ministère de l'outre-mer. En 2007, d'après les informations du bureau des agréments de la direction générale des finances publiques, 1 365 emplois directs ont ainsi été créés grâce à ces dispositifs. D'après la direction générale de l'outre-mer (DéGéOM), 1 076 emplois auraient été créés en 2008 et 456 en 2009 ;

- la LODEOM a procédé à plusieurs aménagements du système de la défiscalisation qui ont conduit à des économies importantes : la suppression progressive de la dépense fiscale liée au logement libre et intermédiaire devrait permettre une économie annuelle d'un montant de 251 millions d'euros en 2018 ; la réforme des exonérations de charges sociales a d'ores et déjà permis une économie de 64 millions d'euros ; la réforme du dispositif de la « TVA-NPR » a conduit à une économie de 124 millions d'euros.

Deux articles du projet de loi de finances pour 2011 visant la réduction de la dépense fiscale ont une importance particulière pour les outre-mer :

- l'article 58 vise à réduire les avantages fiscaux applicables à l'impôt sur le revenu. Il prévoit une diminution de 10 points des réductions d'impôts accordés dans le cadre des dispositifs d'aide à l'investissement outre-mer, hormis celui concernant le logement social ;

Votre rapporteur pour avis souligne que cette disposition remet en cause des outils issus de la LODEOM afin de soutenir le « développement endogène » des outre-mer.

- l'article 13 , qui vise à aménager les avantages fiscaux à l'investissement dans la production d'énergie photovoltaïque, supprime l'avantage fiscal relatif aux investissements réalisés outre-mer dans ce secteur et réduit de moitié le taux du crédit d'impôt sur le revenu en faveur des économies d'énergie et du développement durable pour les équipements de production d'électricité photovoltaïque.

Votre rapporteur pour avis regrette cette dernière décision, par ailleurs contradictoire avec certains objectifs fixés par le Gouvernement :

- tout d'abord, il paraît paradoxal de supprimer cet avantage alors que le Grenelle de l'environnement a fixé l'objectif de « parvenir à l'autonomie énergétique, en atteignant, dès 2020, un objectif de 30 % d'énergies renouvelables dans la consommation finale à Mayotte et de 50 % au minimum dans les autres collectivités [ultramarines] » 48 ( * ) , objectif confirmé par le CIOM 49 ( * ) ;

- ensuite, si des dérives ont pu être constatées en matière d'énergie photovoltaïque, votre rapporteur pour avis rappelle que les articles 16 et 17 de la LODEOM prévoient un plafonnement spécifique dans le secteur des énergies renouvelables. Ainsi « les projets d'investissement comportant l'acquisition, l'installation ou l'exploitation d'équipements de production d'énergie renouvelable sont pris en compte dans la limite d'un montant par watt installé fixé par arrêté conjoint des ministres chargés du budget, de l'outre-mer et de l'énergie ». L'arrêté prévu vise donc à moduler le taux de défiscalisation en fonction de la productivité de l'installation, incitant les entreprises concernées à réduire le prix du watt installé.

Or, comme le soulignent nos collègues députés Claude Bartolone et Gaël Yanno, « il est particulièrement étonnant que le Gouvernement, pourtant à l'origine de cette mesure, n'ait pas pris l'arrêté appelé par les articles 16 et 17 de la LODEOM, 17 mois après sa promulgation. En l'absence d'arrêté, la législation antérieure continue de s'appliquer, et il est donc probable que les dérives auxquelles le plafonnement entendait mettre un terme se poursuivent 50 ( * ) ». Votre rapporteur pour avis s'étonne donc de l'utilisation par le Gouvernement de ces dérives pour justifier la suppression de l'avantage fiscal .

- enfin, aucun audit de la filière photovoltaïque ultramarine n'a eu lieu préalablement à cette décision . Le rapport sur la régulation et le développement de la filière photovoltaïque n'évoque ainsi pas l'outre-mer puisque « la mission a exclu de son champ d'analyse les problématiques liées au développement du photovoltaïque outre-mer, dont les enjeux spécifiques pourraient justifier des investigations ad hoc » 51 ( * ) .

La suppression brutale de l'avantage fiscal en matière de photovoltaïque représente , aux yeux de votre rapporteur pour avis, un risque important pour l'économie des outre-mer : les énergies renouvelables y constituent un des secteurs prometteurs pour soutenir leur développement endogène, dans lequel ils disposent d'ailleurs d'une certaine avance par rapport à l'hexagone.

Votre rapporteur pour avis reprend à son compte les propos du rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, notre collègue Gilles Carrez, lors de la présentation devant la commission des Finances du rapport relatif à la contribution au service public de l'électricité (CSPE) : « Le développement de l'énergie photovoltaïque (...) est (...) plus légitime [outre-mer] que sur le reste du territoire national. La production d'électricité y restera toujours coûteuse, puisqu'il n'est pas envisageable d'y installer des centrales nucléaires. Le sens économique du soutien aux énergies renouvelables, notamment photovoltaïques, y est donc plus tangible, même s'il conduit à un cumul d'avantages fiscaux parfois excessif » 52 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis n'ignore pas les problèmes posés, notamment en Martinique, par la compatibilité du développement des fermes photovoltaïques outre-mer avec la préservation des terres agricoles. Il tient à signaler que des dispositifs technologiques ont été mis au point pour répondre à cet impératif et pourraient être utilement mis en oeuvre 53 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis s'inquiète donc des conséquences de l'article 13 du projet de loi de finances pour 2011 : l'amendement adopté par nos collègues députés, à l'initiative du Gouvernement ne règle en rien le problème . Une commission, composée d'élus et de représentants de l'administration, évaluera avant le 30 juin 2011 le dispositif et proposera, le cas échéant, des dispositions pouvant figurer dans une loi de finances ultérieure.

Il estime que d'autres mesures , qui recueillent d'ailleurs l'assentiment des professionnels du secteur qu'il a pu rencontrer, permettraient de limiter les dérives tout en préservant la filière photovoltaïque ultramarine et devraient donc être envisagées par le Gouvernement. En contrepartie du maintien du dispositif de défiscalisation des projets dans le secteur, il serait ainsi pertinent d'instituer une obligation d'agrément au premier euro et de publier au plus vite l'arrêté prévu par les articles 16 et 17 de la LODEOM.

Lors de sa réunion du 3 novembre 2010, la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, contre la proposition de son rapporteur pour avis, a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010, le groupe socialiste et M. Daniel Marsin votant contre.


* 48 Quatrième alinéa de l'article 56 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

* 49 Cf. mesure n° 24 : « rendre l'outre-mer autonome sur le plan énergétique d'ici 20 ans ».

* 50 Rapport d'information n° 2828 (XIII ème législature), Ibid., p. 28.

* 51 Inspection générale des Finances/Conseil général de l'industrie de l'énergie et des technologies, Mission relative à la régulation et au développement de la filière photovoltaïque en France, p. 3.

* 52 « La contribution au service public de l'électricité : dix propositions pour sortir de l'impasse' », Rapport d'information n° 2818 (XIII ème législature), déposé par la commission des Finances sur les enjeux et perspectives de la contribution au service public de l'électricité, Michel Diefenbacher et Jean Launay, p. 43.

* 53 Votre rapporteur pour avis a ainsi rencontré les porteurs d'un projet de remise en exploitation de terres agricoles en Martinique, le concept agrisolaire, dont l'objectif est de permettre le développement de l'agriculture et de la production d'énergie solaire sur la même surface agricole.

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