III. UNE LOGIQUE DU « MAL DÉVELOPPEMENT » ENDOGÈNE POUR L'OUTRE-MER

Votre rapporteur pour avis a choisi cette année de s'intéresser à certaines dépenses fiscales rattachées à la mission « outre-mer » .

La LODEOM avait pour objectif de changer la logique de la politique menée par l'État dans les outre-mer, en assurant le passage à une logique de « développement endogène » : des outils ont été ainsi mis en place afin de permettre le rattrapage des outre-mer vis-à-vis de l'hexagone et la mise en valeur de leurs nombreux atouts.

Au terme de l'examen de certaines dépenses fiscales spécifiques aux outre-mer et de leur évolution dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, votre rapporteur pour avis estime, à titre personnel, que ce budget transforme la logique de développement endogène en logique de « mal développement » endogène : certains outils fiscaux mis en place par la LODEOM ne fonctionnent pas et le projet de loi de finances pour 2011 en « casse » d'autres .

A. LE DISPOSITIF DE DÉFISCALISATION EN MATIÈRE DE LOGEMENT SOCIAL INSTITUÉ PAR LA LODEOM EST POUR L'HEURE UN ÉCHEC

La LODEOM a modifié largement le régime de défiscalisation en matière de logement en prévoyant la suppression progressive de la défiscalisation pour le logement locatif libre et intermédiaire et en créant un dispositif de défiscalisation en matière de logement social.

Cette évolution législative a fortement nui à la dynamique du secteur du bâtiment, secteur essentiel des économies ultramarines. Sa situation en 2009 a été particulièrement difficile et ne s'est guère améliorée en 2010, comme l'a montré la mobilisation des entrepreneurs et salariés du secteur à La Réunion.

LA SITUATION DU BTP DANS LES DOMS EN 2009

Guadeloupe

Guyane

Martinique

La Réunion

Évolution des ventes de ciment (2008-2009)

- 12,8 %

- 17,2 %

- 23,3 %

- 25,6 %

Source : réponse au questionnaire budgétaire transmis par votre rapporteur pour avis

Votre rapporteur pour avis souligne que, pour l'heure, le dispositif de défiscalisation en matière de logement social n'a permis la construction d'aucun logement.

Certes la réalisation d'une opération de logement social dure généralement plus de deux ans. Cependant, d'après les informations communiquées par le ministère de l'outre-mer, seuls 829 logements ont été agréés au titre de ce dispositif de défiscalisation entre la fin de l'année 2009 et le 30 septembre 2010 . Cela paraît bien peu au regard des enjeux énormes en matière de logement social outre-mer.

Comme nombre d'autres élus ultramarins, votre rapporteur s'était interrogé quant à l'utilité de ce nouveau dispositif et avait souligné qu'en matière de logement social, la ligne budgétaire unique (LBU) devait rester le socle du financement. Du point de vue des finances publiques, il note d'ailleurs que la Cour des comptes a souligné que, dans certains cas de défiscalisation, « la même aide pour les investissements en cause, consentie directement sous forme de subventions, aurait été nettement moins onéreuse » 44 ( * ) .

Le faible bilan de ce dispositif est également lié à des difficultés d'application qu'ont évoquées les représentants de l'Union sociale pour l'habitat (USH) lors de leur audition par votre rapporteur pour avis. Comme l'indiquent nos collègues députés Claude Bartolone et Gaël Yanno, la défiscalisation « s'articule avec le financement budgétaire du logement social (...) dans des conditions qui ne semblent pas à ce stade pleinement satisfaisantes » 45 ( * ) .

D'une part, les modalités d'instruction des dossiers diffèrent entre les directions départementales de l'équipement (DDE) pour la LBU et les directions régionales des finances publiques pour la défiscalisation

D'autre part, les modalités du cumul de la défiscalisation et de la LBU posent aujourd'hui problème.

Cette question avait été longuement débattue lors des débats sur la LODEOM : la position du Gouvernement avait été alors particulièrement claire : « L'objet de l'article que nous nous apprêtons à examiner est de donner beaucoup de souplesse au dispositif mis en place à cet effet : LBU seule, pas de problème ! LBU cumulée avec la défiscalisation, pas de problème ! Défiscalisation seule, pas de problème non plus ! » 46 ( * ) .

Claude Bartolone et Gaël Yanno soulignent pourtant que l'interprétation qui est faite de la LODEOM est différente : quand les deux sources de financement sont sollicitées, les DDE sont incitées à ne débloquer la LBU que si la défiscalisation ne suffit pas au bouclage du projet. La ministre de l'outre-mer a ainsi publié une circulaire le 1 er juin 2010 indiquant que « sauf cas particuliers, le recours à la défiscalisation doit conduire à une modération de la subvention voire à une absence totale de subvention » 47 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis estime que cette interprétation n'est pas conforme à l'esprit de la loi et qu' elle nuit à l'efficacité du dispositif .


* 44 « Le coût disproportionné de certaines niches fiscales en Nouvelle-Calédonie et à Wallis et Futuna », in : Rapport public annuel 2010, Cour des comptes, p. 503.

* 45 : Rapport d'information n° 2828 (XIII ème législature), Ibid., p. 11.

* 46 Intervention de M. Yves Jégo, secrétaire d'État à l'outre-mer, au Sénat, 12 mars 2009.

* 47 Ministère chargé de l'outre-mer, circulaire relative aux opérations de constructions de logement faisant appel à la défiscalisation dans les conditions fixées par les articles 199 undecies C et 217 undecies du code général des impôts, 1 er juin 2010, p. 3

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