2. Un législateur « ordinaire » peu dépensier en proportion

S'agissant des dépenses fiscales générées dans les lois ordinaires, il est cette fois possible de disposer de chiffres, fournis dans le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale :

- plus de la moitié de l'impact budgétaire des mesures nouvelles ayant diminué l'impôt sur le revenu depuis 2000 s'explique non par la création de niches fiscales mais par des réformes du barème effectuées dans des lois de finances 10 ( * ) , cette proportion s'établissant aux deux tiers si l'on exclut l'impact budgétaire de la prime pour l'emploi, dont la création par une loi ordinaire est purement circonstancielle 11 ( * ) ;

- sur l'ensemble des mesures nouvelles relatives aux recettes fiscales de l'État adoptées ces dix dernières années, l'impact budgétaire des mesures prises dans des lois non financières est inférieur à 16 %, l'essentiel des allégements d'impôts, soit plus de 84 % de l'impact cumulé des mesures nouvelles, étant imputable à des LF ou à des LFSS : sur environ 68 milliards d'euros de baisses d'impôts consenties de 2000 à 2009, 57 milliards d'euros sont imputables à des mesures prises dans des lois de finances ou des lois de financement de la sécurité sociale, tandis que 11 milliards d'euros découlent de mesures prises dans des lois ordinaires 12 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis ne peut que s'étonner, en conséquence, de l'assimilation parfois effectuée des commissions - à l'exception de celle des finances -, notamment de celle de l'économie, à des commissions « dépensières » .

A titre d'exemple, il rappelle que, dans le cadre de la loi de modernisation agricole 13 ( * ) , deux nouvelles taxes ont été créées, l'une destinée notamment à financer l'installation des jeunes agriculteurs 14 ( * ) .

De même, la commission de l'économie du Sénat avait fait adopter, dans la loi portant engagement national pour le logement, une disposition donnant une nouvelle ressource aux maires, en leur permettant de récupérer une partie de la plus-value générée par la constructibilité des terrains, disposition aujourd'hui adoptée par plus de 5 300 communes 15 ( * ) .

Enfin, la réforme des taxes locales d'électricité effectuée dans le cadre de la loi NOME 16 ( * ) , introduite par voie d'amendement parlementaire, a conduit à une augmentation de recettes pour l'État de l'ordre de 75 millions d'euros. L'objectif était de répondre à une mise en demeure de la Commission européenne : l'introduction du dispositif dans cette loi a conduit à une suspension du contentieux engagé par la Commission européenne 17 ( * ) . Si elle n'avait pas été possible, la France aurait sans doute dû payer des pénalités.

Pour ce qui concerne les initiatives d'origine gouvernementale prises dans des lois ordinaires - dont certaines, comme la baisse de la TVA dans la restauration ou le crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunt, représentent à elles seules une part très importante des dépenses fiscales générées par le législateur ordinaire -, nul ne saurait dire quel aurait été leur destin si le Gouvernement avait choisi des lois financières pour les faire adopter. Dans le deuxième exemple toutefois, la commission saisie au fond aurait été la même.


* 10 Données issues du rapport d'information de M. Gilles Carrez préalable au débat d'orientation des finances publiques pour 2011, n° 2689, juin 2010, p. 10.

* 11 La loi n° 2001-458 du 30 mai 2001 portant création d'une prime pour l'emploi est consécutive à la censure par le Conseil constitutionnel (décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000) de la réduction dégressive de CSG et de CRDS figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

* 12 Rapport n° 3333 fait au nom de la commission des lois par M. Jean-Luc Warsmann, p. 54-55.

* 13 Loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

* 14 Taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles et taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales.

* 15 Article 26 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement.

* 16 Loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité.

* 17 C'est bien l'introduction de la mesure dans le projet de loi qui a conduit à cette suspension, et non son entrée en vigueur, qui était fixée au 1 er janvier.

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