B. LA STABILITÉ DES CRÉDITS DU PROGRAMME 177 « PRÉVENTION DE L'EXCLUSION ET INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES » MET EN DANGER LE TRAVAIL DES ACTEURS DE LA LUTTE CONTRE L'EXCLUSION

Le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » est, d'après les documents budgétaires, « au service de la stratégie du « logement d'abord » pour les personnes sans abri ou mal logées, qui fait de l'accès au logement une priorité de l'intervention publique » 4 ( * ) . Cette stratégie a pour objectif de « permettre l'accès aux personnes sans chez soi à un logement décent, pérenne et adapté à leur situation » 5 ( * ) .

Les crédits de ce programme sont stables en 2012, tant en AE qu'en CP.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 177
« PRÉVENTION DE L'EXCLUSION ET INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES »

(en millions d'euros)

Actions

Autorisations d'engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

LFI 2011

PLF 2012

Évolution

LFI 2011

PLF 2012

Évolution

Prévention de l'exclusion

64,3

57,1

-12,6 %

64,3

57,1

-12,6 %

Hébergement et logement adapté

1 087,2

1 095,6

+0,8 %

1 087,2

1 095,6

+0,8 %

Aide alimentaire

22,5

22,6

+0,4 %

22,5

22,6

+0,4 %

Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale

15,9

14,8

-7,3 %

15,9

14,8

-7,3 %

Rapatriés

14,3

14,1

-1,4 %

14,3

14,1

-1,4 %

Total du programme

1 204,2

1 204,2

0

1 204,2

1 204,2

0

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012.

La structure du programme 177 est stable par rapport à 2011, avec cinq actions :

- l'action 11 « Prévention de l'exclusion » finance principalement des allocations et prestations d'aide sociale versées aux personnes âgées et aux personnes handicapées, mais également des actions de prévention et d'accès aux droits qui visent notamment les gens du voyage et les jeunes en situation de risque ;

- l'action 12 « Hébergement et logement adapté » concentre l'immense majorité des crédits du programme ( près de 91 % en AE ). Cette action finance notamment la veille sociale, les services d'hébergement d'urgence, les centres d'hébergement d'urgence et de réinsertion sociale (CHRS), les maisons relais ou encore l'intermédiation locative ;

- l'action 13 « Aide alimentaire » a été créée par la loi de finances pour 2011 6 ( * ) , dans la droite ligne des mesures prises dans le cadre de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) 7 ( * ) ;

- l'action 14 « Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale » finance notamment le soutien aux associations têtes de réseaux intervenant dans le domaine de la lutte contre les exclusions ou dans un cadre d'intervention sociale et la contribution au fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP) ;

- l'action 15 « Rapatriés » regroupe les actions menées en faveur des rapatriés depuis la loi de 2005 relative aux rapatriés 8 ( * ) . Comme l'année dernière, votre rapporteur pour avis s'interroge quant à la pertinence du rattachement de cette action à la mission « Ville et logement ».

La stabilité des crédits du programme 177 conduit votre rapporteur pour avis à formuler deux remarques.

D'une part, le niveau des crédits inscrits du programme 177 au projet de loi de finances pour 2012 illustre l'insincérité de ce budget .

Cette insincérité a été soulignée par notre collègue député Etienne Pinte dans son rapport pour avis sur le présent projet de loi de finances 9 ( * ) . Elle a même été reconnue par le secrétaire d'État chargé du Logement lors de son audition par votre commission pour avis le 2 novembre 2011, ainsi que lors de son audition en commission élargie à l'Assemblée nationale le 3 novembre.

A cette dernière occasion, il a en effet indiqué que « le budget présenté à la représentation nationale est plus ou moins sincère ». Cette déclaration illustre la légèreté avec laquelle le Gouvernement considère le principe de sincérité budgétaire, principe figurant pourtant à l'article 32 10 ( * ) de la loi organique relative aux lois de finances 11 ( * ) .

L'insincérité budgétaire et la sous-budgétisation du programme 177 ne constituent pas une nouveauté . Votre rapporteur pour avis a ainsi eu l'occasion à plusieurs reprises de regretter cette situation 12 ( * ) . Au cours de l'année 2010, le Gouvernement a ainsi ouvert des crédits en cours d'exercice à hauteur de 196,5 millions d'euros 13 ( * ) .

A la fin de l'été 2010, le secrétaire d'État avait pourtant annoncé sa volonté de renoncer aux abondements de crédits, ceci en « rebasant » les crédits du programme 177 au niveau des besoins constatés.

Force est de constater que les engagements du ministre ne sont, cette année encore, pas respectés : les crédits inscrits pour 2012 restent inférieurs de près de 80 millions d'euros au niveau des crédits consommés en 2010 14 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis estime que cette sous-budgétisation chronique est inacceptable : elle nuit en effet fortement à l'action des services de l'État en charge de la lutte contre l'exclusion et, surtout, au travail des associations. Lors de leur audition par votre rapporteur pour avis, plusieurs d'entre elles ont ainsi souligné que, du fait de cette situation, elles ne disposaient d'aucune visibilité s'agissant de leurs financements.

D'autre part, la faible augmentation des crédits destinés à l'action 11 « Hébergement et logement adapté », action qui finance notamment les structures d'hébergement d'urgence, illustre l'injustice de ce budget .

Votre rapporteur pour avis relève tout d'abord que les crédits de cette action n'augmentent que très légèrement en 2012 , de 0,8 %, soit un niveau inférieur à l'inflation. Autrement dit, les crédits destinés notamment aux associations actives en matière d'hébergement d'urgence diminueront en valeur en 2012.

Plusieurs lignes de cette action diminuent même en 2012 :

- les crédits destinés à l'hébergement d'urgence sont fixés à 244 millions d'euros en 2012, soit une diminution de 4 millions d'euros (-1,6 %) par rapport à 2011 ;

- le dispositif des CHRS est doté de 613 millions d'euros en 2012, soit une diminution de 12 millions d'euros (-1,9 %).

Enfin, votre rapporteur pour avis s'étonne des objectifs ambitieux du Gouvernement figurant dans le projet annuel de performances et de leur décalage avec les réalisations en 2011 .

RÉALISATIONS ET OBJECTIFS FIXÉS
POUR L'ACTION « HÉBERGEMENT ET LOGEMENT ADAPTÉ »

Financements en 2011

Objectifs pour 2012

Places d'hébergement d'urgence

13 487

14 522

Places de stabilisation hors CHRS

4 048

4 397

Places en CHRS

39 540

39 442

Sources : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012, p. 42-43 ; réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur pour avis.

Votre rapporteur pour avis s'interroge : comment le Gouvernement peut-il espérer financer plus de places avec moins de moyens budgétaires ? Plus globalement, comment le Gouvernement peut-il, en pleine période de crise économique, et donc alors que les besoins augmentent , réduire les crédits destinés à l'hébergement d'urgence ? Comment peut-il prendre cette décision après « l'engagement très concret du Président de la République de réduire d'un tiers la pauvreté sur la durée du quinquennat » 15 ( * ) ?

Lors de leur audition par votre rapporteur pour avis, les associations ont fait part de leurs inquiétudes, estimant que, si les crédits du programme 177 sont globalement stables, le champ des actions qu'il finance s'est élargi au cours des dernières années. L'Union nationale interfédérale des oeuvres et des organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) estime ainsi que l'évolution des crédits est « décevante pour les associations et préjudiciable pour les personnes » 16 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis rappelle d'ailleurs que cette situation a conduit le président du SAMU social, M. Xavier Emmanuelli, à démissionner au cours de l'été 2011.

En conclusion, votre rapporteur pour avis souhaite rappeler que la politique en matière d'hébergement est étroitement liée à la politique de construction de logements sociaux.

L'objectif de la politique financée par les crédits du programme 177 doit en effet être la sortie des centres d'hébergement ou des logements de transition. Or cette dernière n'est possible que si une politique volontariste de construction de logements sociaux - et très sociaux - est engagée.

Avec l'analyse des crédits du programme 135 que votre rapporteur pour avis effectuera par la suite, l'examen des crédits du programme 177 conduit votre rapporteur pour avis à juger sévèrement la stratégie du « Logement d'abord » : le projet de loi de finances pour 2012 illustre que le Gouvernement adopte en fait une stratégie du « ni hébergement, ni logement » .


* 4 Projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012, p. 18.

* 5 Ibid., p. 18.

* 6 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

* 7 Loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

* 8 Loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des rapatriés.

* 9 Avis n° 3811 (XIII ème législature) au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2012, Tome VII : Ville et logement. Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables, M. Etienne Pinte.

* 10 Cet article dispose : « Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'État. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. »

* 11 Loi organique n  2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

* 12 Cf. notamment Avis n° 115 (2010-2011) au nom de la commission de l'économie sur le projet de loi de finances pour 2011, Tome VII : Ville et Logement, MM. Pierre André et Thierry Repentin, p. 29-30.

* 13 Cf. Rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2010, p. 20.

* 14 Comme indiqué dans le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2010 (p. 20), ont été consommés au titre du programme 177 en 2010 : 1 284,8 millions d'euros en AE et 1285,2 millions d'euros en CP.

* 15 Projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012, p. 27.

* 16 Contribution écrite transmise à votre rapporteur pour avis.

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