CHAPITRE ADDITIONNEL APRÈS LE CHAPITRE II - CRÉATION D'UNE ACTION DE GROUPE FONDÉE SUR L'ADHÉSION VOLONTAIRE

Article additionnel après l'article 11 (art. L. 411-2, chapitre II du livre IV [nouveaux] du code de la consommation et art. L. 211-15 [nouveau] du code de l'organisation judiciaire) - Création d'une procédure d'action de groupe fondée sur l'adhésion volontaire

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement tendant à la création, en droit de la consommation, d'une action de groupe fondée sur l'adhésion volontaire.

Le dispositif proposé constitue la reprise de la proposition de loi de notre collègue Richard Yung 92 ( * ) , ainsi que de celle de notre ancien collègue Laurent Béteille 93 ( * ) , déposées à l'issue des travaux du groupe de travail de la commission des lois sur l'action de groupe 94 ( * ) , dont ils ont été les rapporteurs.

La création d'une telle procédure est le seul moyen pour remédier à l'une des principales lacunes de la protection du consommateur en droit français, soulignée par les auteurs des deux propositions de loi : « aussi exigeantes que soient les obligations auxquelles les professionnels sont tenus et aussi étendus que soient les droits reconnus aux consommateurs, lorsque les préjudices qui leur sont causés sont minimes, ces derniers ne disposent d'aucun recours utile contre les premiers pour obtenir la réparation du dommage qu'ils ont subi, alors même que parfois, ce dommage concerne de très nombreux consommateurs ». Des préjudices d'un faible montant, les plus nombreux dans une société de consommation de masse, sont ainsi laissés sans réparation : le professionnel qui ne respecte pas le droit engrange un bénéfice au détriment de consommateurs lésés parce qu'il est trop coûteux pour eux de faire respecter leur droit.

L'action de groupe parachève l'édifice protecteur du droit de la consommation français, parce qu'elle remédie à l'atomisation des consommateurs, découragés de saisir le juge pour de faibles montants, alors que le préjudice global causé par le professionnel est important et appelle une juste réparation.

Elle autorise les consommateurs lésés à s'unir pour conduire contre le professionnel une action indemnitaire. Elle ne crée pas d'autre droit que celui de faire valoir le sien .

Le mécanisme d'un recours collectif éveille parfois des craintes, notamment chez les représentants des entreprises, liées aux errements des « class actions » américaines.

Toutefois, ces inquiétudes peuvent être levées, comme l'ont montré les deux rapporteurs du groupe de travail de votre commission, à la condition d'assortir la procédure d'action de groupe d'un certain nombre de garde-fous, au premier rang desquels, les garanties procédurales traditionnelles du droit français.

Le présent dispositif, qui se substituerait à l'actuelle action en représentation conjointe dont l'échec est avéré 95 ( * ) , décline toutes ces garanties 96 ( * ) .

La première est celle du rôle conféré à certaines associations de défense des consommateurs spécialement habilitées à cet effet, pour conduire l'action de groupe, qui leur permet de jouer le rôle de filtre contre les actions dilatoires ou abusives.

La deuxième garantie est celle du champ circonscrit de l'action de groupe : celui des seuls dommages matériels trouvant leur origine dans un manquement contractuel ou pré-contractuel d'un professionnel à l'égard d'un consommateur ou d'un manquement aux règles de la concurrence. L'action serait introduite par une ou plusieurs des associations spécialement agréées, l'une d'entre elles pouvant se voir reconnaître la qualité de chef de file.

La troisième garantie est celle de l'organisation de l'action en deux phases distinctes.

Au cours de la première phase, l'association requérante présenterait un certain nombre de cas-types à partir desquels le juge serait en mesure de statuer sur la responsabilité du professionnel pour tous les cas similaires.

Le juge définirait, dans la décision établissant le principe de cette responsabilité, le groupe des consommateurs concernés et les mesures de publicité, à la charge du professionnel, permettant de porter à la connaissance des consommateurs concernés la possibilité de se joindre à l'action de groupe pour être indemnisés de leur préjudice.

L'adhésion à l'action devrait donc être volontaire (principe dit de « l' opt-in »), ce qui permettrait d'éviter les dérives liées à l'« opt out » qui autorise quelques uns à parler au nom de ceux qui ignorent même qu'une action est en cours.

La seconde phase de l'action devrait permettre au juge de statuer sur la liste des personnes dont la demande d'indemnisation serait recevable ainsi que sur le montant de cette indemnisation ou le mode de calcul à retenir. Le préjudice pourrait faire l'objet d'une réparation en nature (par exemple par un crédit d'heures de communication en plus). Au-dessous d'un certain montant individuel d'indemnisation défini par décret, la décision du juge serait rendue en dernier ressort.

La question de la responsabilité du professionnel ayant été tranchée au cours de la première phase de la procédure, le recours intenté contre la décision du juge au cours de cette seconde phase ne pourrait porter que sur la détermination des victimes, du montant de leur créance, des éléments de son évaluation ou des modalités de la réparation.

Afin de permettre une indemnisation plus rapide des consommateurs lésés, à l'expiration des voies de recours, la décision relative à l'indemnisation deviendrait exécutoire de plein droit, pour toutes les indemnisations individuelles qui n'ont pas fait l'objet d'une contestation.

L'association à l'origine de l'action de groupe serait compétente pour déposer les demandes d'indemnisation, faire procéder aux mesures d'exécution de la décision ou représenter les consommateurs lésés en cas de contestation de leur demande.

Afin de préserver les droits de ceux qui ne bénéficieront pas de l'action de groupe, pendant le cours de l'instance, la prescription des actions civiles en responsabilité contre le professionnel pour des faits similaires serait suspendue. De la même manière, les décisions rendues n'auraient l'autorité de la chose jugée qu'à l'égard du professionnel et des consommateurs qui se sont joints à l'action.

L'action de groupe est parfois combattue au nom du nécessaire développement de la médiation. Opposer l'une à l'autre est artificiel : elles se complètent très utilement. L'action de groupe est un aiguillon pour la médiation et un recours en cas d'échec. La médiation, elle, s'intègre parfaitement à l'action de groupe, notamment pour aboutir à une solution indemnitaire acceptée par tous.

C'est pourquoi le dispositif proposé prévoit que des médiations puissent être organisées entre le professionnel et les consommateurs lésés en vue d'un accord indemnitaire. À compter de l'engagement de l'action de groupe, seule l'association requérante ou l'association ayant été désignée chef de file pourrait participer à une médiation au nom du groupe. Le juge aurait la possibilité d'inviter les parties à se soumettre à une médiation conduite par un médiateur qu'il désigne. L'accord éventuellement conclu à l'issue de la médiation serait soumis à homologation par le juge afin qu'il s'assure qu'il ne porte pas atteinte aux droits des consommateurs intéressés et qu'il lui confère force exécutoire.

Les manquements aux obligations du droit de la consommation ainsi qu'à celles du droit de la concurrence étant susceptible de se recouvrir, le dispositif proposé organise la façon dont les décisions du juge saisi d'une action de groupe intervenant dans le champ de compétence de l'Autorité de la concurrence et celles de cette dernière autorité pourraient s'articuler.

Enfin, les actions de groupe seraient portées devant un nombre limité de tribunaux de grande instance spécialisés pour traiter ce contentieux de masse.

Votre commission vous propose d'adopter l'article additionnel résultant de l'amendement qu'elle a adopté .

*

* *

Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption de ses amendements, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi dont elle s'est saisie pour avis.


* 92 Proposition de loi tendant à renforcer la protection des consommateurs par la création d'une action de groupe fondée sur l'adhésion volontaire, n° 202 (2010-2011). Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-202.html

* 93 Proposition de loi tendant à renforcer la protection des consommateurs par la création d'une action de groupe fondée sur l'adhésion volontaire, n° 201 (2010-2011). Cette proposition de loi est devenue caduque. Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl10-201.html

* 94 L'action de groupe à la française : parachever la protection des consommateurs , rapport d'information n° 499 (2009-2010) de MM. Laurent Béteille et Richard Yung, fait au nom de la commission des lois. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/notice-rapport/2009/r09-499-notice.html

* 95 Seules cinq actions de ce type ont été conduites depuis 1992, sans succès.

* 96 Voir le schéma de cette procédure reproduit en annexe 1.

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