II. LA RÉPARTITION DE LA MISSION EN DEUX PROGRAMMES NE RÉPOND PAS À UNE LOGIQUE OPÉRATIONNELLE ET NE PERMET PAS AU PARLEMENT D'ARBITRER ENTRE LES CRÉDITS BILATÉRAUX ET MULTILATÉRAUX.

La mission est aujourd'hui répartie en deux programmes dont la répartition répond à des critères peu lisibles qui reflètent le caractère bicéphale d'une politique gérée par deux ministères :

- le programme 110 « Aide économique et financière au développement », mis en oeuvre par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi (MINEIE),

- le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE).

1. La répartition ne correspond à aucune logique sectorielle, géographique ou instrumentale significative par rapport à la stratégie de coopération au développement

Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » du ministère de l'économie présente la spécificité de concentrer une part prépondérante des crédits destinés à des institutions financières multilatérales de développement ainsi qu'au financement des annulations de dettes bilatérales et multilatérales et de la bonification des prêts.

Le responsable du programme est le directeur général du trésor et de la politique économique, qui est à la fois gouverneur ou gouverneur suppléant des banques multilatérales de développement, responsable de la cotutelle de l'Agence française de développement (AFD) et -dans le cadre des accords de coopération monétaire- administrateur des banques centrales de la zone franc. Par ailleurs, la direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) assure la présidence et le secrétariat du Club de Paris, en charge, au plan international, des annulations de dettes à caractère public.

Le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » du ministère des affaires étrangères et européennes comprend :

- la coopération bilatérale, qui inclut l'ensemble des actions bilatérales dans les secteurs prioritaires définis par le CICID du 5 juin 2009 (santé, éducation, agriculture, développement durable et croissance), est mise en oeuvre, en partie, par des opérateurs (en premier lieu l'AFD). La coopération bilatérale inclut aussi la gouvernance, seul domaine qui est géré directement par le ministère des affaires étrangères ;

- la coopération multilatérale, en particulier la lutte contre le sida à travers le Fonds mondial SIDA ;

- la coopération communautaire mise en oeuvre à travers un unique instrument : le Fonds européen de développement.

La direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) met en oeuvre ce programme, auquel contribuent aussi la direction des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l'Homme et de la francophonie, le Centre de crise et la direction de la communication et du porte-parolat.

Les objectifs et les pays d'intervention des programmes 110 et 209 sont les mêmes. Les instruments utilisés diffèrent en ce sens que les crédits de la Banque mondiale relèvent du 110 et ceux du FED du 209, mais l'AFD, principal opérateur français de notre aide bilatérale, voit venir ses subventions du 209 tandis que le 110 fournit les aides budgétaires et les bonifications de prêts.

Ces programmes relèvent de deux ministères différents. C'est ce qui explique leur existence.

Toutefois, cette division du travail ne repose pas, comme en Allemagne, sur une distinction entre coopération technique et coopération financière, mais plutôt sur des usages historiques (reprise de l'héritage de la « coopération » par le ministère chargé des affaires étrangères, proximité entre le ministère des finances et les prédécesseurs de l'Agence française de développement).

Ainsi, l'articulation des responsabilités budgétaires entre le ministère chargé des affaires étrangères, responsable du programme 209 « Solidarité avec les pays en développement », et le ministère de l'économie, responsable du programme 110 « Aide économique et financière au développement » apparaît plus comme un compromis que comme une répartition logique fondée sur la nature de l'aide : aide au développement ou politique de rayonnement ou d'influence, prêts ou dons, aides bilatérale ou multilatérale, aide directe ou aide transitant par les opérateurs.

La conduite de l'aide multilatérale est, par exemple, éclatée entre le ministère de l'économie qui assure la représentation de l'Etat auprès des institutions financières multilatérales (Banque mondiale, banques régionales de développement) et assure le secrétariat du « Club de Paris » des Etats prêteurs et le ministère chargé des affaires étrangères qui assume les mêmes fonctions auprès des institutions relevant du système des Nations unies - ONU, programme des Nations unies pour le développement (PNUD), programme alimentaire mondial(PAM), etc.

L'architecture budgétaire retenue pour le financement de l'aide ne reflète en réalité que la dualité du pilotage de cette politique.

Alors que le budget de l'Etat représente les trois-quarts de l'aide nationale déclarée à l'OCDE, sa présentation demeure relativement complexe, aussi bien pour des raisons techniques recevables que parce qu'elle reflète encore, malgré des améliorations récentes, les influences de plusieurs logiques entre lesquelles le choix n'a pas été fait.

Malgré un effort de convergence dans la présentation des programmes, la mission privilégie ainsi une répartition par instrument et non par finalité de l'aide.

Le financement de la Facilité internationale de financement pour la vaccination figure dans le programme 110 alors que le programme 209 dispose d'une finalité « santé », ou celui de l'aide bilatérale en matière de gouvernance financière par le programme 209 alors que le programme 110 comprend une action « stabilisation macroéconomique et financière ».

La lutte contre le réchauffement climatique se trouve partiellement dans le programme du ministère de l'économie et dans celui des affaires étrangères.

Cette complexité, qui est à l'image d'un politique qui recouvre aujourd'hui un éventail très large d'interventions publiques, se traduit par une faible lisibilité du budget.

2. La répartition entre les deux programmes limite les marges de manoeuvre du Parlement

Compte tenu des règles de la LOLF, le Parlement ne peut pas, en outre, amender au sein de chaque programme entre les lignes budgétaires, et donc procéder au sein du programme 209 à un arbitrage entre l'aide multilatérale et l'aide bilatérale.

Avec la LOLF, l'irrecevabilité financière résultant de l'article 40 de la Constitution demeure, mais elle s'apprécie désormais au niveau de la mission (article 47 de la LOLF).

Ainsi, un parlementaire peut désormais prendre l'initiative de majorer les crédits d'un programme, à la condition de ne pas augmenter ceux de la mission dont relève ce programme. Il ne peut donc pour majorer un programme qu'enlever à l'autre programme les crédits à due concurrence. Autrement dit, les parlementaires sont tenus de prendre au 110 pour alimenter le 209 ou inversement.

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