Avis n° 150 (2012-2013) de MM. Jean-Claude PEYRONNET et Christian CAMBON , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 22 novembre 2012

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N° 150

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2013 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IV

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

Par MM. Jean-Claude PEYRONNET et Christian CAMBON,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Jean-Claude Peyronnet, Xavier Pintat , Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner, vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger , André Trillard, secrétaires ; M. Pierre André, Mme Kalliopi Ango Ela, MM. Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, MM. André Dulait, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Alain Néri, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 235 , 251 à 258 et T.A. 38

Sénat : 147 et 148 (annexe n° 4 ) (2012-2013)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'actualité internationale nous donne tous les jours des raisons de penser que la problématique du développement, d'un développement harmonieux et durable sur l'ensemble de la planète, est aujourd'hui au coeur des enjeux internationaux.

Regardons ce qui se passe sur la rive sud de l'Europe. L'issue des Printemps arabes dépendra en grande partie du développement de l'emploi dans les pays du Maghreb.

Plus au sud, comment ne pas voir que le sous-développement du Sahel est à l'origine des déboires que l'on connaît.

Ailleurs, dans les pays émergents, se joueront, selon les caractéristiques de leur modèle de développement dans dix ans, non seulement une grande partie de la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi, sans doute, l'avenir de notre modèle social européen.

Dans un monde interdépendant, la question sociale, comme on disait au 19 ème siècle, les enjeux environnementaux ou les risques sanitaires ont une dimension planétaire. On assiste aujourd'hui à une convergence entre les questions de développement et les questions de préservation des équilibres sociaux et environnementaux de la planète. C'est une des conclusions fortes du sommet de RIO + 20 qui a lancé le débat sur les objectifs du développement durable.

Dans ce contexte, notre politique de coopération au développement prend tout son sens, mais un sens renouvelé.

Notre politique de développement doit en effet s'adapter à un monde en mouvement, aux équilibres politiques changeants.

Sur le long terme, le cadre dans lequel on a, pendant les décennies qui ont suivi la décolonisation, pensé la coopération a volé en éclats.

La notion de « pays en développement » recouvre aujourd'hui des réalités, sans commune mesure, que vous vous trouviez à Bamako ou à Shanghai, à Nouakchott ou à Brasilia. Le développement des pays émergents bouleverse la donne. Mais même en Afrique, l'extrême pauvreté côtoie une classe moyenne en plein développement, qui porte l'avenir de ce continent.

La notion même de développement est également en train de changer avec la prise en compte des biens publics mondiaux.

A plus court terme, la politique de coopération au développement fait l'objet de nombreuses interrogations.

Dans un contexte de dégradation sans précédent des finances publiques, certains de nos concitoyens considèrent que nous n'avons plus les moyens de cette solidarité et que nous devons nous concentrer sur le territoire national en difficulté. Le niveau des déficits publics donne ainsi une actualité à un débat ancien, qu'en son temps Raymond Cartier avait résumé dans la formule connue : « la Corrèze avant le Zambèze ? »

D'autres, ici ou là, jugent qu'il s'agit d'un instrument utile et finalement bon marché de prévention pour contribuer à sécuriser l'environnement international de notre pays, estimant qu'il faut sans doute mieux « prévenir que guérir » ou être contraint d'intervenir militairement.

D'autres y voient un outil d'influence et de rayonnement de la France, puissance moyenne, certes, mais à vocation planétaire. Et ce fut longtemps l'honneur de la France que d'être à la tête de la lutte contre le sous-développement, d'agir sans relâche pour l'égalité d'accès aux droits fondamentaux, à la vie, à la santé, à l'éducation, qu'on soit né à Paris, à Sidi Bouzid ou à Mopti.

Certains, enfin, pensent qu'il est essentiel de jeter les bases de politiques publiques à l'échelle mondiale, si l'on veut maîtriser les effets de la mondialisation, aussi bien dans le domaine de la santé, de la biodiversité que de l'environnement.

Si on laisse de côté les objectifs, pour analyser concrètement les moyens mis en oeuvre, force est de constater que les évaluations dont nous disposons, tant celles de la Cour des comptes, que celles du Cabinet Ernst and Young, dressent un tableau assez sévère de notre outil de coopération.

Ces évaluations dont notre commission a débattu lors d'une Table ronde le 3 octobre dernier nous décrivent en creux une politique marquée par des effets d'annonce et des promesses sans lendemain, un éclatement administratif qui semble nuire à son efficience, une évaluation de son impact assez incertaine. Cette situation semble empêcher le déploiement d'une stratégie cohérente, de long terme, permettant la synergie des ambitions, des moyens, et d'une structure de pilotage politique et administratif adaptée.

Ce tableau sombre mérite d'être nuancé, à bien des égards, nous pouvons être fiers de ce que font les services de coopération et les agences de l'AFD sur le terrain.

Mais, avec les moyens financiers qui sont les nôtres, c'est-à-dire en diminution, il semble que nous pouvons faire mieux. Plus que jamais l'augmentation des déficits publics et la diminution des marges de manoeuvre budgétaire de la France imposent à la politique de coopération de faire preuve d'efficacité.

C'est à l'aune de ce critère, qui commande de rechercher à chaque fois des réponses adaptées, avec des modalités d'intervention variables selon les secteurs et selon les pays, que vos rapporteurs ont souhaité examiner ce budget.

Ils sont bien conscients que ce dernier doit contribuer à sa manière à la réduction du déficit public. Ce n'est donc pas au regard du montant des financements alloués, mais à celui de la cohérence entre les objectifs fixés et les moyens alloués et du souci d'améliorer l'efficacité, l'efficience et la transparence de cette politique que vos rapporteurs ont abordé ce budget.

PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION

________

1° En ce qui concerne les crédits de la mission « Aide publique au développement », la commission :

Se félicite de l'apparente préservation des moyens budgétaires et extrabudgétaires de la coopération française dans le contexte budgétaire de réduction des dépenses d'intervention de l'Etat ;

Constate que, malgré ses efforts, la France ne sera pas en mesure de tenir l'engagement pris en 2005 au sommet de Gleneagles d'atteindre un taux d'effort d'aide publique au développement de 0,7 % du revenu national brut en 2015 et estime que la France gagnerait à réviser ses ambitions en se concentrant sur certains engagements notamment à l'égard des PMA ;

Regrette les diminutions ces dernières années des crédits d'intervention sous forme de dons et constate que cette évolution est en contradiction avec les priorités géographiques et sectorielles de la coopération française ;

Se félicite de l'affectation des 10 % du produit de la taxe sur les transactions financières au financement de projets de coopération et demande à ce que cette contribution soit déplafonnée.

A adopté un amendement en ce sens.

En ce qui concerne l'effort global de la France en faveur du développement déclaré à l'OCDE, la commission :

Souligne que la politique d'aide au développement a pris des engagements et défini des objectifs peu réalistes qui auraient impliqué un effort budgétaire hors de portée et juge que cette situation découle de la conjonction d'une trajectoire budgétaire déclinante masquée par l'augmentation des prêts.

Constate qu'environ 20 % de l'APD déclarée par la France concernent des dépenses relatives aux écolages, à l'accueil des réfugiés ou aux territoires d'outre-mer, qui n'ont qu'un rapport indirect avec l'aide au développement ;

Observe que le poids des annulations de dettes dans l'évolution de l'APD explique encore une grande partie des variations annuelles de l'effort français en faveur du développement ;

Constate que la proportion de prêts bruts dans l'APD nette totale est deux fois supérieure en France à la moyenne des pays du Comité d'aide au développement (CAD) et prend en compte une part significative de prêts à des conditions proches du marché ;

Constate que la montée en puissance des prêts dans l'APD se traduit d'ores et déjà par une augmentation des remboursements qui viennent en soustraction des dépenses d'APD déclarée ;

Attire l'attention sur le fait que la tentation d'augmenter les prêts dans le dessein de produire l'APD ne constituerait ni une stratégie de développement pertinente, ni une stratégie financière soutenable sur le long terme ;

Demande au Gouvernement d' inclure dans les documents budgétaires et dans sa communication outre l'APD déclarée trois indicateurs supplémentaires :

- l'aide pilotable afin d'isoler dans les crédits notifiés ceux sur lesquels le gouvernement a une maîtrise réelle et peut exercer un pilotage, des arbitrages bref une programmation ;

- l'effort financier de l'Etat en faveur du développement qui correspond in fine à la contribution des contribuables, en déclinant cet indicateur par partenariat différencié ;

- et un indicateur de flux financiers vers les pays en développement du type APD +.

En ce qui concerne les contributions françaises aux fonds multilatéraux, la commission :

Constate que les contributions à la Banque mondiale et aux banques régionales sont insuffisantes pour maintenir le statut de la France dans ces enceintes ;

Observe le poids croissant des fonds verticaux dont les contreparties sont peu lisibles, notamment au sein du programme 110 ;

Constate qu'en dépit se son succès, le niveau de la contribution au Fonds Mondial de Lutte contre la Sida déséquilibre le budget de la coopération et le programme 209 et souhaite que l'évaluation du partenariat avec ce fonds soit publiée ;

Estime que la France doit contribuer à lutter contre la fragmentation de l'aide au niveau international qui accroît les coûts de gestion et les problèmes de coordination.

En ce qui concerne les contributions françaises aux fonds communautaires, la commission :

Constate que ni la stratégie de la France, ni le Livre vert, ni la communication de la Commission n'ont fait l'objet d'un échange avec le Parlement, d'une communication ou d'un débat sur l'intérêt de la contribution de la France au FED et aux autres instruments européens.

Souhaite engager un dialogue avec le Gouvernement sur les nouvelles orientations de la politique européenne et les orientations budgétaires de cette politique ;

Juge qu'une politique européenne de développement rénovée doit assurer la complémentarité et la synergie des politiques de coopération des Etats de l'Union ;

Souhaite que les programmations conjointes entre les Etats membres et la commission soient encouragées ;

Constate que les crédits budgétés pour le FED qui viennent gonfler le programme 209 en LFI sont, ces dernières années, en partie annulés en cours d'année ;

Regrette que les marges de manoeuvre dégagées par la diminution de la contribution au FED n'aient pas permis de redresser le niveau de l'aide projet ;

Observe que le projet de 11 e FED contient une augmentation significative des contributions françaises et un risque important d'éviction des crédits de l'aide bilatérale du programme 209.

5° En ce qui concerne les crédits de l'aide bilatérale, la commission :

Estime que l'aide bilatérale a été stabilisée à un niveau historiquement bas et juge que les capacités opérationnelles bilatérales sont entamées par la diminution des aides sous forme de dons ;

Observe que l'aide bilatérale connaît des évolutions contrastées avec une évolution dynamique des bonifications du programme 110 et un décrochage des subventions du programme 209 et souhaite aujourd'hui un rééquilibrage en faveur du programme 209;

Observe que la préférence française pour les prêts limite sa capacité à intervenir dans les pays les plus pauvres et les secteurs les moins rentables ;

Constate que les 14 pays prioritaires de la coopération française ne représentent que 8 % de l'activité de l'AFD, 24 % de son activité en Afrique, et 25 % de l'effort public en faveur de l'APD géré par l'AFD. Votre commission regrette l'élargissement de la liste des pays prioritaires à un moment où les budgets de la coopération ne permettent pas d'étendre nos priorités.

Observe que les subventions à des projets réalisés dans les 14 pays prioritaires de la coopération française ont diminué de 30 % depuis 2006 ;

Souhaite que le prochain CICID revienne sur la définition des pays prioritaires, de la ZSP, des partenariats différenciés et du champ d'intervention de l'AFD, pour, d'une part, introduire plus de cohérence et de lisibilité dans l'articulation entre les différents zonages et, d'autre part, renforcer le degré de concentration en fonction des instruments ;

Considère que le Sahel et l'accompagnement des printemps arabes doivent être les deux priorités géographiques de notre coopération ;

Regrette que le nombre des assistants techniques ait été réduit dans une telle proportion

Juge que si une réforme ambitieuse des opérateurs publics de promotion de l'expertise française à l'international n'est pas engagée à court terme, permettant aux acteurs du champ d'atteindre la masse critique nécessaire pour remporter les appels d'offres multilatéraux et répondre aux demandes exigeantes des pays émergents, les restrictions budgétaires à venir provoqueront un affaiblissement des différentes structures publiques françaises, qui les éloigneront davantage du seuil de pertinence dans un environnement international de plus en plus concurrentiel ;

6 ° En ce qui concerne les interventions de l'AFD, la commission :

Constate que les dernières évaluations confortent le rôle de l'AFD comme opérateur pivot de la coopération française ;

Souhaite que l'Etat renforce les fonds propres de l'AFD ;

Observe que le plan d'orientation stratégique de l'AFD a accentué l'importance du développement durable dans la stratégie de l'agence ;

Regrette que l'agence ne dispose pas des moyens budgétaires nécessaires pour intervenir de façon significative dans les pays prioritaires de la coopération française ;

Souhaite que l'AFD inscrive ses interventions dans les pays émergents et proto-émergents dans un cadre d'interventions stratégiques clairement établi et fondé sur la coopération d'intérêts mutuels ;

Observe que si, à terme, l'AFD a vocation à intégrer l'ensemble des activités opérationnelles de coopération au développement, la poursuite des transferts de compétences à l'AFD doit s'accompagner de transfert de moyens adaptés ;

Souhaite que les conséquences financières de la diversification géographiques des activités de l'AFD soient clarifiées ;

Souhaite que la promotion des actions des ONG et des collectivités territoriales soit considérée comme un objectif stratégique et que l'Etat puisse, dans le respect de leur autonomie, les aider à structurer leurs efforts dans ce domaine.

7° En ce qui concerne le pilotage du budget, la commission :

Estime que s'il veut maintenir la crédibilité de la politique d'aide au développement, le Gouvernement doit prendre en compte les dernières évaluations et s'efforcer d'améliorer l'efficacité de son pilotage, d'optimiser l'allocation des ressources budgétaires et de renforcer son évaluation ;

Constate que ces évaluations soulignent avant tout la difficulté de mesurer les résultats de la politique française de coopération au développement ;

Juge essentiel de mettre en place un dispositif institutionnel de suivi de la cohérence des politiques nationales et des politiques européennes avec les objectifs de notre coopération afin de restituer l'aide publique au développement dans un cadre plus global des politiques et initiatives qui ont un impact sur le développement ;

Souhaite un renforcement du travail de définition de la stratégie de coopération française, notamment à l'égard de l'Afrique et à l'égard des pays émergents et proto-émergents ;

Juge qu'un ministère de plein exercice serait la solution la plus ambitieuse et la plus cohérente aux difficultés de pilotage et suggère de réduire la fragmentation des centres de décisions ;

Estime que la politique de coopération doit prendre la mesure de la convergence entre les questions de développement et les questions de préservation des équilibres sociaux et environnementaux de la planète ;

S'interroge sur la capacité du budget de l'aide au développement à financer seul la montée en puissance des problématiques liées au développement durable ;

Estime que la rationalisation et la réactivation des instances de coordination bien qu'insuffisantes peuvent entraîner des améliorations et demande qu'une réflexion soit engagée sur la composition du CICID et du Co-CICID, sa présidence, les modalités de fixation de l'ordre du jour et la publicité de ces décisions ;

Souhaite l'adoption, à échéance régulière, par le Parlement, d'une loi de programmation sur le développement qui permettrait de définir un cadre stratégique et budgétaire complet et cohérent, comme c'est le cas dans de nombreux pays d'Europe.

Souhaite que soit mis en place un organisme dédié au dialogue et à la concertation avec les acteurs de l'aide au développement ;

Souhaite qu'un effort d' évaluation des résultats de notre coopération soit effectivement entrepris et que les moyens des unités d'évaluation soient renforcés ;

Demande à ce que les indicateurs de résultats soient majoritairement issus de l'analyse des projets effectivement conduits par la coopération française ;

Attire l'attention du Gouvernement contre les effets pervers d'une coopération uniquement guidée par les résultats et prenant le risque de privilégier les terrains « faciles » et les résultats à court terme au détriment des pays et secteurs les plus « difficiles » et qui de ce fait ont le plus besoin de soutien ;

Demande la mise en place d'un programme concerté et pluriannuel d'évaluation de la politique de coopération au développement entre la DGM, la DG Trésor et l'AFD.

Souhaite un renforcement de la diffusion des évaluations et une réflexion sur l'utilisation de leurs conclusions

Souhaite une amélioration de la communication sur l'action française en matière de coopération au développement afin d'en valoriser les résultats et les impacts.

Demande la mise ne place et le suivi d'indicateurs de moyens pertinents intégrant :

- l'aide pilotable afin d'isoler dans les crédits notifiés ceux sur lesquels le gouvernement a une maîtrise réelle et peut exercer un pilotage, des arbitrages, bref une programmation ;

- l'effort financier de l'Etat en faveur du développement qui correspond in fine à la contribution des contribuables en le déclinant par partenariat différencié ;

Juge que la présentation du budget doit être améliorée et demande une refonte du Document de politique transversale afin qu'il recense les crédits budgétaires au regard de leur contribution aux objectifs du document-cadre avec une présentation par instruments, par géographie et par secteur. Cette présentation devrait également permettre de comprendre le lien entre les crédits budgétaires et l'APD déclarée et de suivre l'effort financier de l'Etat dans le temps. Elle devrait également intégrer des indicateurs de résultats plus nombreux et plus significatifs.

PREMIÈRE PARTIE - QUELLE POLITIQUE, POUR QUEL BUDGET ? OU POURQUOI INVESTIR DANS LA COOPÉRATION INTERNATIONALE EN PÉRIODE DE CRISE DES FINANCES PUBLIQUES ?

Dans le projet de loi de finances pour 2013, les crédits de la mission « aide publique au développement » s'élèvent à 3,1 milliards d'euros en crédits de paiement contre 3,3 milliards d'euros en 2012. Le niveau de ces crédits devrait être stabilisé à 3,067 milliards en 2014 et 2015.

La mission « aide publique au développement » représente environ 35 % de l'ensemble des crédits que la France déclare à l'OCDE au titre de l'aide publique au développement. Les 65 % restants sont partagés entre des dépenses relevant d'autres missions et des dépenses non budgétaires, comme les prêts, les recettes issues de la taxe sur les billets d'avions ou les dépenses des collectivités territoriales au titre de la coopération décentralisée.

Ces 35 % sont cependant au coeur de l'évaluation des moyens de notre coopération. Car ils recouvrent l'essentiel des crédits sur lesquels le Gouvernement a une emprise directe et peut effectuer des arbitrages sectoriels ou géographiques.

La mission budgétaire APD et l'aide publique française

(Md€)

2010

2011

2012

2013

Dans le budget de l'Etat

- politique en faveur du développement (document de politique transversale)

. dont mission Aide publique au
développement

5,83

3,51

6,01

3,33

6,95

3,33

3,1

Pour l'OCDE

- aide nette de la France

- dont aide nette bilatérale

- dont aide nette multilatérale

9,75

5,88

3,87

9,35

6,11

3,24

-

-

-

Source : Cour des comptes, d'après comité d'aide au développement/OCDE et budget de l'Etat en crédits de paiement

L'ensemble des sommes déclarées à l'OCDE représentait en 2012 près de 10 milliards d'euros de dons et de prêts et un effort budgétaire de l'ordre de 7 milliards d'euros.

Dans un contexte budgétaire marqué par la nécessité de redresser les finances publiques, quel est le sens, la raison d'être des millions d'euros inscrits au budget de l'aide au développement dans le projet de loi de finances pour 2013 ?

Les rapporteurs de la commission des affaires étrangères du Sénat ont souhaité, avant d'examiner l'évolution des crédits, ne pas esquiver cette question de fond. Cette question était d'ailleurs au coeur des interrogations des participants à la table ronde que votre commission avait organisée le 3 octobre dernier sur l'avenir de la coopération française 1 ( * ) en présence du ministre du développement.

Ils estiment en effet que les contribuables français sont en droit de se demander pourquoi investir dans la coopération internationale en période de restrictions budgétaires ? Nombre d'entre eux s'interrogent sur les raisons qui conduisent les pouvoirs publics, à un moment où l'ensemble des budgets font l'objet de coupes sévères qui touchent parfois très concrètement la vie quotidienne des Français, à consacrer autant d'argent en faveur de populations aussi éloignées de la France.

De la table ronde et des nombreuses auditions auxquelles ils ont procédé, seuls ou avec la commission réunie, les rapporteurs ont retiré la conviction que cette politique répondait aux intérêts conjoints des Français et des populations avec lesquelles nous engageons une coopération.

La France a un intérêt moral, politique et géopolitique à mener une politique de coopération internationale active. La Grande-Bretagne, confrontée aux mêmes difficultés budgétaires, est d'ailleurs parvenue aux mêmes conclusions, puisque le gouvernement britannique a décidé de sanctuariser la coopération dans un contexte où les dépenses budgétaires font l'objet de réductions drastiques.

Vos rapporteurs sont cependant conscients que cette conviction ne va pas de soi. C'est pourquoi ils ont estimé nécessaire de bien cerner les objectifs des crédits qui vous sont soumis.

I. DES CRÉDITS QUI CONTRIBUENT À UN VOLET CROISSANT DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DE LA FRANCE

Après la décennie qui a suivi la chute du mur de Berlin, pendant laquelle l'APD de la France comme celle des principaux pays a diminué de près de moitié, la première décennie du XXI e siècle a été caractérisée par une augmentation continue des crédits consacrés à la coopération internationale.

Après les années 90, la disparition du bloc communiste a fait perdre à l'aide au développement un de ses moteurs principaux : la volonté de contenir la propagation des idées communistes dans les pays en développement. La remontée du budget de la coopération depuis les années 2000 correspond à une logique qui s'est voulue plus généreuse, plus compassionnelle, dont les OMD sont l'illustration la plus aboutie. Depuis quelques années, sous l'effet de la mondialisation, de nouvelles considérations géopolitiques sont de nouveau venues conforter des motivations d'ordre éthique.

La menace terroriste et le développement d'épidémies à l'échelle planétaire ont notamment mis en évidence l'interdépendance croissante entre les nations développées et les pays en développement. La décennie qui vient de s'achever a montré combien il était dangereux de laisser se creuser une fracture sociale mondiale. Et, de ce point de vue, on ne peut que constater un accroissement des déséquilibres mondiaux dont les conséquences sont préoccupantes aussi bien pour les pays du Sud que pour les pays du Nord.

C'est pourquoi la lutte contre les déséquilibres mondiaux et les conséquences de la mondialisation constituent aujourd'hui les principales raisons d'être de ce budget.

A. DES DÉSÉQUILIBRES MONDIAUX GRANDISSANTS QUI APPELLENT DES SOLUTIONS GLOBALES ET UNE MOBILISATION COLLECTIVE DES PAYS DÉVELOPPÉS

La famine qui sévit dans la Corne de l'Afrique, l'instabilité des pays du Maghreb à l'issue des révolutions arabes, le développement de zones de non-droit dans l'arc de crise qui va du Sahel à l'Afghanistan, les conséquences du réchauffement climatique, voilà autant d'exemples des déséquilibres croissants que connaissent les pays en développement.

1. Malgré des progrès importants en partie liés à l'effort d'aide au développement...

En 2000, lors du Sommet du Millénaire, les 189 chefs d'Etat et de Gouvernements des pays membres de l'ONU se fixaient huit objectifs pour réduire la pauvreté d'ici 2015 et faire du « droit au développement une réalité pour tous » (Déclaration du Millénaire, Résolution adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 8 septembre 2000, à New York).

Dix ans après la définition des OMD, le Sommet sur les OMD aux Nations unies a permis de mesurer le chemin parcouru et les progrès accomplis.

Le creusement des inégalités est le fait le plus saillant de cette première décennie. Si de nombreux pays en Asie et en Amérique Latine devraient atteindre les objectifs fixés, voire dans certains cas les dépasser, ces réussites ne doivent pas masquer l'ampleur des besoins de l'Afrique et en particulier de l'Afrique sub-saharienne.

Les résultats obtenus par certains pays démontrent cependant que la réussite est possible et témoignent du degré d'engagement de chacun des acteurs.

Au-delà d'une approche résignée qui consisterait à constater avec pessimisme les retards par rapport aux objectifs fixés, il convient de regarder les résultats positifs obtenus sur les trente dernières années et plus particulièrement depuis 2000.

Sur les trente dernières années, on assiste à travers la planète à une diminution spectaculaire de la pauvreté.

Le rapport 2011 des Nations unies sur les OMD fait référence aux nouvelles projections de la Banque Mondiale concernant l'évolution de la pauvreté d'ici 2015.

En 1990, le taux de pauvreté était de 46 %. L'objectif de réduire de moitié la proportion de personnes qui vivent avec moins d'1,25 dollar par jour devrait être dépassé en 2015 au niveau global si les tendances observées se poursuivent. Les projections de la Banque Mondiale estiment que ce taux pourrait même atteindre 15 % d'ici 2015.

L'atteinte de cette cible serait principalement due à la diminution de la pauvreté en Inde et en Chine. En 2015, il est ainsi prévu que le taux de pauvreté de la Chine se situe autour de 5 %. En Inde, où la pauvreté est davantage répandue qu'en Chine, ce taux devrait tout de même chuter de 51 % en 1990 à 22 % en 2015.

Dans de nombreux secteurs, les progrès ont été considérables. Ces cinquante dernières années, on estime par exemple qu'un milliard de personnes ont échappé à la famine grâce aux progrès agricoles.

La santé a, elle aussi, progressé de façon spectaculaire avec l'apparition d'innovations comme les vaccins.

En 1960, 20 millions d'enfants de moins de 5 ans ont trouvé la mort. En 2010, moins de 8 millions d'enfants de moins de 5 ans sont décédés. La population mondiale a plus que doublé pendant cette période, ce qui signifie que le taux de mortalité a diminué de plus de 80 %.

La générosité des aides a joué un rôle important dans ces résultats.

Plus récemment, les résultats relatifs à chaque OMD sont également très positifs.

Entre 1999 et 2008, le nombre d'enfants non-scolarisés est passé de 106 millions à 69 millions ce qui représente une augmentation du taux de scolarisation de 81 % à 89 %.

La mortalité infantile a diminué de près d'un tiers. Depuis 1988, environ 2,5 milliards d'enfants dans le monde ont été vaccinés contre la polio. Dans la même période, le nombre de cas de poliomyélite a été réduit de plus de 99 % au plan mondial. Les décès dus à la rougeole ont diminué de 78 % dans le monde entre 2000 et 2008.

Un milliard de personnes supplémentaire a désormais accès à une source d'eau améliorée.

Les grandes pandémies ont pu être endiguées. Le ver de Guinée a été éliminé dans tous les pays sauf quatre, et le nombre de cas est passé de 547 575 en 1991 à 3 109 en 2009.

Une partie de ces résultats est liée aux politiques de coopération mises en place dans les années 2000 grâce à la mobilisation autour des OMD.

Une partie des cibles fixée pour 2015 sont déjà ou seront atteintes d'ici 2015. La Brookings Institute 2 ( * ) les a listées, notamment :

- réduire de moitié l'extrême pauvreté (objectif 1a) ;

- scolarité égale des filles à l'école primaire (objectif 3a) ;

- réduire de deux tiers la mortalité des moins de cinq ans (objectif 4a);

- stopper le VIH/SIDA et inverser la tendance actuelle (objectif 6a) ;

- stopper la tuberculose et inverser la tendance actuelle (objectif 6c) ;

- réduire de moitié la population sans accès amélioré à l'eau potable (objectif 7c) ;

- améliorer la vie des habitants des taudis (objectif 7d).

La cible qui consistait à réduire de moitié le pourcentage de la population n'ayant pas un accès amélioré à l'eau potable est aussi atteinte, à la différence de l'objectif de réduire de moitié le pourcentage de la population sans assainissement de base, malgré certaines divergences sur cette appréciation. Le nombre d'enfants non scolarisés est passé de 106 millions en 1999 à 69 Ces progrès doivent se poursuivre : par exemple, 11% de la population mondiale -soit près de 800 millions de personnes- n'ont toujours pas accès à l'eau potable.

Ainsi, la poursuite de l'objectif des 0,7 % a conduit l'aide totale en provenance des donateurs du CAD de 80 milliards de dollars en 2004 à près de  220 milliards de dollars en 2009, ce qui a permis, notamment, de financer des politiques volontaristes de vaccination et de scolarisation.

Aide Publique au Développement en M€

Source: OCDE

Il serait cependant présomptueux d'imputer les résultats obtenus à ces seuls financements.

L'aide au développement n'est en effet qu'une partie résiduelle du financement du développement des pays concernés. Les politiques de coopération ne viennent en outre qu'en appui des politiques menées par les pouvoirs publics partenaires et des initiatives des sociétés civiles.

Une grande partie des résultats obtenus en matière d'emploi, d'accès à l'eau ou d'éducation est liée à la croissance des économies concernées et a un rapport lointain avec les politiques de coopération mises en place.

La meilleure illustration de ce processus est évidemment l'Inde et la Chine dont la croissance de plus de 10 % sur la dernière décennie a permis à des millions de personnes de sortir de la pauvreté.

C'est également vrai, dans une moindre mesure et selon un processus économique plus incertain, dans un grand nombre de pays africains qui connaissent une croissance bien supérieure aux pays occidentaux depuis une décennie.

2. ... le maintien de très fortes inégalités de développement,

Les progrès enregistrés en matière de développement ne doivent cependant pas nous faire oublier le très fort développement des inégalités entre pays durant ces dernières années.

Comme l'a souligné la conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, ainsi que la dernière conférence sur les PMA 3 ( * ) qui s'est tenue à Istanbul en mai 2011, malgré une croissance moyenne de plus de 7 % par an de 2002 à 2007, un peu plus d'un quart des PMA, soit 14 pays, ont vu leur PIB par habitant baisser ou stagner.

Cette période d'expansion n'a, en outre, entraîné qu'une modeste diminution du déficit chronique d'investissement des PMA qui sont devenus, à l'issue de cette décennie, plus vulnérables aux chocs extérieurs comme l'illustre leur dépendance à l'égard de ressources extérieures.

En 2007, 53 % de la population des PMA vivaient dans l'extrême pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 1,25 dollar par jour et 78 % avec moins de 12 dollars par jour, ce qui concerne pour l'ensemble des PMA plus de  400 millions de personnes.

Il n'y a jamais eu autant d'inégalités entre les plus riches et les moins riches au niveau de la planète. Faute d'une croissance plus élevée dans les pays les plus pauvres, le rapport entre la richesse moyenne par tête des pays les plus riches et celle des pays les plus pauvres est passé de 28 en 1960, à 65 en 1990 et à 84 en 2009.

Les inégalités entre les pays à revenu intermédiaire et les pays à faible revenu s'accroissent également, mais avec un écart et des proportions moindres. Le rapport entre la richesse moyenne des deux catégories s'élève à 9,4 actuellement, contre 4,2 en 1960 et 7,1 en 1990 ;

Cet accroissement des inégalités s'est accompagné dans un nombre croissant de régions par un délitement de l'État.

C'est le cas dans le Sahel où les Etats perdent le contrôle de proportions, sans cesse croissantes, de leur territoire où prospèrent des trafics illicites en direction de l'Europe et des groupes armés plus au moins liés à Al-Qaïda comme l'illustre la crise malienne.

Cet effacement de l'État, que vos rapporteurs ont pu constater lors de leur mission au Mali dés 2009, se développe dans un contexte économique et social préoccupant.

Les trois pays sahéliens que sont le Niger, le Burkina et le Mali sont en effet confrontés à un défi démographique considérable.

Le Niger, qui avait 3 millions d'habitants à l'indépendance, en aura plus de 55 millions en 2050. La population de ces trois pays passera d'ici 2050 de 44 à 125 millions d'habitants.

Or, à moins que localement apparaissent des changements radicaux des politiques économiques et des politiques d'aide, les ressources en terres arables et en eau ne permettront pas de les nourrir ni de leur offrir des emplois 4 ( * ) .

On pourrait ici multiplier les exemples avec la Somalie ou le Yémen dont les territoires sont aujourd'hui morcelés aux mains de chefs locaux et sur les côtes desquels prospère notamment la piraterie.

A Madagascar où vos rapporteurs se sont rendus cette année, on constate une détérioration continue de la situation économique sur fond de crise politique. Depuis 2009, selon l'Unicef, 900 000 enfants ont été déscolarisés, 56 % de la population vit sous le seuil de pauvreté extrême selon la Banque mondiale.

Derrière ces chiffres impersonnels, vos rapporteurs ont constaté les difficultés quotidiennes pour de plus en plus de Malgaches, qui ont de plus en plus de mal à payer leur loyer, rembourser leurs prêts bancaires, se soigner correctement, manger plus d'une fois par jour ou envoyer leurs enfants à l'école.

Ce sous-développement d'une partie de l'Afrique favorise les conflits et l'instabilité politique comme l'illustre la carte suivante.

3. ... dont les conséquences sont accrues par la mondialisation

Les inégalités entre les pays du Sud et du Nord sont devenues d'autant plus inacceptables que la mondialisation des médias leur fait partager le même monde. La mondialisation nourrit des inégalités économiques et sociales qui sont devenues d'autant plus flagrantes que le monde est devenu un espace social unifié.

Des régions entières demeurent à l'écart des bénéfices de la croissance mondiale. Une grande partie du continent africain, de l'Asie et même de l'Amérique latine est restée en marge des effets positifs de la mondialisation. Une telle situation, au moment où la diffusion de l'information rend ces inégalités plus visibles, favorise révoltes et extrémismes. Au fond du Sahel tout comme au fin fond de l'Afghanistan, nous voyons des postes de télévision branchés sur des batteries de camion qui passent en boucle des feuilletons occidentaux mettant à nu notre mode de consommation.

Ces inégalités sont le produit classique du processus de développement. Mais l'explosion des inégalités au plan mondial entre pays fragiles et le reste du monde devient insupportable sur une planète que la télévision a transformée en village global.

En outre, aujourd'hui, les pays du Nord ne sont plus préservés des maux qui touchent les pays du Sud.

Les épidémies nées dans les maillons faibles des systèmes de santé mondiaux, le terrorisme né dans les zones désertées par le développement concernent aussi bien les pays du Sud que les pays du Nord. Car le terrorisme prospère dans des pays que le développement a déserté, où les structures étatiques sont exsangues et la jeunesse désespérée, livrée au fanatisme. Il menace nos sociétés. Mais il détruit des vies plus encore au Sud, en Somalie, en Afghanistan et en Irak.

Un pays comme la France, à quelques dizaines de kilomètres du continent africain, est évidemment bien placé pour mesurer à quel point le sort de ce continent aura des conséquences majeures sur l'Europe.

L'Afrique au 21 ème siècle est l'un des principaux réservoirs de croissance économique, la plus importante réserve de ressources naturelles, le plus grand marché en devenir. Mais l'Afrique devra faire face, d'ici trente ans, au défi du doublement de sa population. La croissance de ce continent devra être à la hauteur d'un défi démographique, économique, alimentaire et environnemental majeur. Le développement de ce continent de 1,8 milliard d'habitants est avant tout l'affaire des Africains, mais il risque, si la croissance n'est pas au rendez-vous, d'être aussi la nôtre du fait de l'ampleur des phénomènes migratoires.

4. ...et par les effets prévisibles du réchauffement climatique

A ces inégalités et ces facteurs de risque viennent s'ajouter les conséquences des modifications du climat liées au mode de développement industriel jusqu'à ce jour pratiqué.

Ces conséquences ne sont pas seulement à venir mais peuvent déjà être constatées. Sous la pression des villes, des champs et de l'exploitation sylvicole, les forêts du globe ont diminué d'environ 40 % au cours des trois cents dernières années, et complètement disparu du territoire de vingt-cinq pays. Une trentaine d'autres Etats ont perdu plus de 90 % de leur couverture forestière. Un déclin, bien que globalement ralenti, qui se poursuit aujourd'hui.

A Madagascar, cette déforestation affecte les écosystèmes de l'île, provoquant des glissements de terrain meurtriers et perturbant les régimes de précipitations.

Ces conséquences touchent au premier chef les pays en voie de développement.

Ainsi constate-t-on des pertes de rendements agricoles, particulièrement importantes dans les régions sahéliennes. Elles sont dues à la chute de fertilité des sols, mais aussi à une pluviométrie de plus en plus irrégulière, et en baisse globale en Afrique du Nord et dans certaines parties du Sahel. On en mesure déjà les impacts sur le taux de malnutrition dans un pays comme le Niger.

Le Groupe d'experts intergouvernemental sur le changement climatique (GIEC) estime que, d'ici 2080, six cents millions de personnes supplémentaires pourraient être exposées à des risques de famine, dans leur plus grande part en Afrique subsaharienne.

Au Maghreb, la température devrait croître de deux degrés d'ici la moitié du siècle, et de quatre d'ici 2100, réduisant considérablement la quantité d'eau disponible.

En Afrique, 250 millions d'Africains vivent le long de côtes exposées à l'élévation du niveau des mers. Ainsi, la conurbation quasi continue entre Abidjan et Lagos compte plus de 25 millions d'habitants vivant à un mètre en dessous du niveau de la mer derrière une dune qui vraisemblablement ne résistera pas à une élévation du niveau de la mer.

Au-delà de l'Afrique, des pays particulièrement pauvres, comme le Bangladesh avec 200 millions d'habitants, sont également très concernés par le réchauffement climatique.

C'est pourquoi une des préoccupations de la politique de coopération doit être de concilier développement et développement durable.

Comme l'a souligné le ministre délégué au développement lors de son audition devant la commission : « Prendre en compte le développement durable, c'est même une condition de réussite économique. Nos partenaires s'endettent aujourd'hui pour construire des barrages. Or, moins de pluies, plus de sécheresse, débouchent rapidement sur des infrastructures surdimensionnées qui tournent au ralenti. C'est déjà le cas de certains barrages au Kenya. L'impact du changement climatique modifie donc la rentabilité économique de ces ouvrages. Or, si ces infrastructures se révèlent impossibles à rentabiliser, au lieu d'être un vecteur de développement, elles se transforment en un poids supplémentaire pour les générations futures. » 5 ( * )

L'invention de nouveaux modes de production capables de sortir 1,3 milliard d'êtres humains de la pauvreté tout en faisant en sorte que l'humanité puisse vivre à 9 milliards dans les limites de notre planète doit constituer une priorité.

C'était le défi de la Conférence du développement durable, Rio+20. Malheureusement, cette conférence n'a pas permis d'adopter un agenda ambitieux, notamment en raison des réticences des pays émergents.

Parce qu'une feuille de route vers un développement durable au niveau global n'a pas été établie, il faut plus que jamais continuer à agir au niveau national et européen.

Les réalisations de notre politique d'aide au développement sont encore la meilleure démonstration de la pertinence de notre discours.

A travers nos réalisations, nous pourrons démontrer à nos partenaires du Sud et aux émergents que développement durable et développement économique ne sont pas des objectifs antagonistes.

L a France doit notamment jouer un rôle de premier plan pour donner un contenu à l'un des rares acquis de Rio : les objectifs du développement durable.

*

Dans ce contexte, le budget de la mission aide au développement a vocation à rassembler les moyens budgétaires d'une politique française de coopération qui se doit d'être ambitieuse, malgré les exigences liées au redressement des finances publiques.

Ce n'est pas, en effet, à un moment où cette politique apparaît plus que jamais nécessaire que la France doit renoncer à jouer un rôle de premier plan dans la lutte pour le développement.

De ce point de vue, on ne saurait comprendre l'évolution des crédits de la mission APD sans saisir le rôle croissant de la politique de coopération pour le développement au sein de la politique étrangère de la France.

*

B. LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT PARTICIPE D'UNE POLITIQUE DE SOLIDARITÉ ET D'INFLUENCE ESSENTIELLE À NOTRE DIALOGUE AVEC LES PAYS DU SUD

La coopération au développement constitue avec notre diplomatie et notre politique de défense un des piliers de la politique étrangère de la France. Elle est un élément essentiel du dialogue Nord-Sud qui est devenu avec la fin de la guerre froide un enjeu central.

1. L'aide au développement constitue un des éléments du statut international de la France par lequel notre pays manifeste une vision du monde au-delà de ses intérêts propres

La France, qui revendique au niveau international une vocation universelle héritée de la révolution, trouve dans l'aide au développement un terrain où elle peut démontrer qu'elle a une vision du monde au-delà de ses intérêts propres.

Ainsi, la participation de la France au financement des politiques relatives aux biens publics mondiaux a vocation à renforcer, aux yeux des partenaires du Sud, la légitimité de la France, puissance moyenne, à participer à la gestion des grands enjeux internationaux. De ce point de vue, le niveau de l'aide française et la capacité des pouvoirs publics français à proposer des solutions novatrices pour faire face aux enjeux du développement durable sont des éléments importants de crédibilité.

Dans un contexte où le statut de la France au sein des instances internationales, et notamment la place de la France au sein du Conseil de sécurité, pourrait être remis en cause, au regard de critères qui mesureraient exclusivement son poids économique, l'aide publique au développement, comme notre effort de défense, contribue à maintenir le rang de la France sur la scène internationale.

Au-delà de l'investissement concret des pouvoirs publics dans telle ou telle politique à l'échelle mondiale, il faut comprendre l'insistance française à accroître son aide multilatérale dans des proportions supérieures à celles de ses principaux partenaires et le souhait d'être parmi les premiers donateurs de certains fonds comme une volonté délibérée d'afficher la place et le rôle de la France dans la gestion des affaires internationales.

La recherche, ces dernières années, dans ce domaine d'une forte visibilité, parfois au détriment de la cohérence et de l'équilibre de notre aide, a pu susciter des critiques souvent justifiées. Il faut toutefois avoir à l'esprit que cette attitude même lorsqu'elle n'est que « gesticulatoire » correspond aussi à une stratégie de défense : la notoriété de la France en tant que puissance d'influence mondiale.

A l'inverse, ces dernières années, la chute au 17 e rang de la place de la France parmi les contributeurs volontaires des institutions dépendantes de l'ONU, comme le PNUD, suscite des critiques récurrentes de nos partenaires qui estiment que la France ne contribue pas à hauteur des responsabilités internationales liées à son statut de membre permanent du Conseil de sécurité.

Un des enjeux est ici d'associer une forte visibilité à une véritable crédibilité sur le long terme.

De ce point de vue, pour votre commission, il importe que le Gouvernement tienne ses engagements et ne fasse que des promesses qu'il sait pouvoir tenir.

2. La coopération internationale est un des volets de politique étrangère d'influence dans des pays du Sud

Dans le monde issu de la décolonisation et de l'après guerre froide, la concurrence entre les grandes nations pour favoriser leur influence dans les pays du Sud passe par des politiques de coopération.

La situation en Afrique où l'influence des anciens colonisateurs est aujourd'hui concurrencée est symptomatique. Ce continent aux évolutions contrastées, aux prises avec des problèmes immenses de gouvernance et de démographie, fait l'objet de la convoitise croissante des pays émergents, la Chine bien sûr, mais aussi l'Inde, la Turquie ou les pays du Golfe, sans parler des USA. La course aux ressources naturelles, les perspectives offertes par le marché africain replacent ainsi l'Afrique au coeur de nouveaux enjeux stratégiques.

Dans ce contexte, les pays récipiendaires de l'aide sont à la fois très demandeurs de soutien financier et, dans le même temps, très courtisés par un nombre de bailleurs de fonds sans cesse croissants.

Le monde de l'aide au développement ressemble, de ce point de vue, à bien des égards, à un marché dans lequel se confrontent une offre et une demande de coopération.

Cette confrontation met en concurrence les puissances occidentales entre elles qui partagent les mêmes types de valeurs et les mêmes modalités d'intervention, mais aussi les pays occidentaux membres de l'OCDE avec les pays émergents qui ont parfois une longue tradition de coopération, comme la Chine, mais dont les modalités d'intervention, notamment en matière d'exigence démocratique et de responsabilité sociale et environnementale, diffèrent.

Pour la France, la politique de coopération fait depuis toujours partie d'une diplomatie qui vise à changer la situation socio-économique et politique des pays bénéficiaires pour les conduire vers des valeurs partagées par les pays occidentaux et notamment par les membres du comité d'aide au développement de l'OCDE, c'est-à-dire les droits de l'homme, la démocratie et le libéralisme économique et politique. C'est le sens des lignes de crédits consacrées au Fonds de solidarité prioritaire (FSP), dans les domaines de la gouvernance (justice, sécurité, droits de l'Homme...).

De ce point de vue, l'alignement des politiques de coopération sur les priorités du bénéficiaire se fait au sein d'un champ des possibles largement prédéterminé.

La montée en puissance de la Chine, qui a multiplié son aide par deux depuis 2006, et de l'Inde, notamment dans le domaine des infrastructures, doit être interprétée comme l'arrivée d'une concurrence non seulement économique mais également politique.

L'effort budgétaire consenti dans le domaine de la coopération doit donc être considéré dans ce contexte de concurrence sur un continent africain qui n'est plus seulement perçu comme une zone de risque économique, politique, sanitaire et militaire, mais également comme un espace d'opportunité économique et politique convoité.

En effet, comme nombre d'observateurs l'ont souligné depuis deux ans 6 ( * ) , le regard sur l'Afrique a changé. On observe, d'une part, un décollage économique dans certains pays et la naissance d'un marché intérieur soutenu par une très forte croissance démographique et, d'autre part, que la pression croissante exercée sur les marchés internationaux des matières premières accroît l'intérêt de l'ensemble des acteurs économiques pour un continent qui dispose d'immenses ressources.

Sur le long terme, l'enjeu dépasse très largement une vision mercantiliste de la coopération. Il s'agit plus fondamentalement de promouvoir à travers des actions de coopération un modèle de développement qui soit conforme aux intérêts partagés de la France et de ses partenaires.

L'enjeu n'est en effet pas de savoir si le Sud va se développer, mais comment il se développe, avec quel impact sur les équilibres régionaux et mondiaux, et avec quels partenaires ? Est-ce d'une manière qui favorise la paix et la sécurité ou en cristallisant les sources de tensions qui menacent la sécurité régionale et mondiale ? En favorisant une élévation des conditions de vie et de travail des populations ou en laissant s'approfondir les risques de dumping social et environnemental ? En favorisant des chemins de croissance compatibles avec la survie de la planète ou en cédant à la tentation du « rattrapage économique à tout prix », sans considération des dangers sociaux et environnementaux afférents ?

La politique de coopération française ne peut se fixer comme objectif de faire pencher à elle seule la balance d'un côté ou de l'autre, mais elle tend, à travers une action collective au sein de la communauté des bailleurs de fonds, à participer à la définition d'une mondialisation maîtrisée et d'un mode de régulation des équilibres mondiaux partagé.

3. La France doit participer à la mise en place de politiques de gestion des biens publics mondiaux de plus en plus incontournables

Quand on prend la mesure du poids des contributions au profit des organismes internationaux dans le budget de la coopération qui est soumis au Parlement, c'est-à-dire plus de 45 % des crédits, on perçoit à quel point les pouvoirs publics misent sur la coopération multilatérale.

Une des raisons de ce choix, qui est commun aux autres pays occidentaux, souvent dans des proportions moindres, est la volonté de participer à la définition de ce qui sera demain des politiques publiques globales, menées sur l'ensemble de la planète.

A travers des questions comme la lutte contre les épidémies ou contre le réchauffement climatique, la communauté internationale a bien perçu la nécessité d'apporter des réponses globales à des phénomènes qui ne connaissent ni les frontières, ni les nationalités.

Au G20 comme à Rio, le Conseil des Nations cherche à construire, souvent avec des points de vue divergents, les prémisses de ce qui devrait être à terme une gouvernance mondiale.

Et la France a joué et entend jouer un rôle moteur dans la définition de ces politiques qui structureront les années à venir. C'est pour cela que la France a été à l'initiative, hier, de la création du Fonds Sida, et aujourd'hui, du Fonds vert pour l'environnement. Il s'agit tout à la fois de préserver les intérêts économiques de l'expertise française et d'assurer à la France un rôle politique qui soit supérieur à son poids économique.

4. Une politique qui constitue un volet important de la sécurisation de l'environnement international de la France

Pour la France, qui borde la Méditerranée et se situe à quelques dizaines de kilomètres du continent africain, la stabilisation de ces zones par le développement est, à court terme, une question de sécurité et, à long terme, un enjeu pour la prospérité.

Début 2012, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) a mené une réflexion interministérielle sur l'évolution du contexte stratégique depuis 2008 et les enjeux structurants qui en découlent pour la défense et la sécurité de la France à l'horizon 2020. Le travail, réalisé avec les administrations concernées et avec l'appui de plusieurs experts français et étrangers, a donné lieu à un document intitulé « La France face aux évolutions du contexte international et stratégique ». Ce document souligne à l'issue de son analyse : « Dans ce contexte, les liens historiques qui nous rattachent à de nombreux pays africains, la place particulière de la francophonie en Afrique, le nombre de nos ressortissants qui y vivent, les enjeux économiques et commerciaux et la proximité géographique de ce continent confirment le caractère stratégique pour la France d'un développement harmonieux de celui-ci » 7 ( * )

Ce rapport, comme celui de notre commission sur les évolutions du contexte stratégique depuis 2008 8 ( * ) , souligne le caractère stratégique pour notre sécurité nationale des évolutions au Maghreb, suite au printemps arabe, et en Afrique subsaharienne.

Les événements récents au Mali justifient la pertinence de cette analyse. La zone sahélienne est évidemment une zone où le terrorisme islamique et les trafics illicites cherchent à se développer et où la France en particulier est menacée dans ses ressortissants et dans ses intérêts.

Les analyses convergent pour souligner que la France et l'Europe ne peuvent se désintéresser du continent qui leur est le plus proche. L'Afrique concentre une très grande partie des conflits et zones de tensions de notre monde. La majeure partie de la bande sahélienne, la République centrafricaine et la République démocratique du Congo constituent un ensemble que le Livre blanc désigne comme des « territoires où l'autorité régalienne est remise en cause », euphémisme pour parler de zones de non-droit.

Qu'il s'agisse de l'immigration clandestine, de la radicalisation religieuse, de l'implantation des groupes terroristes, des réseaux criminels, les trafics divers (drogues, armes etc.), des réseaux de prolifération, ou du blanchiment, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale soulignait déjà en 2008  : « La bande sahélienne, de l'Atlantique à la Somalie, apparaît comme le lieu géométrique de ces menaces imbriquées et, à ce titre, appelle une vigilance et un investissement spécifique de la durée. » 9 ( * ) . Depuis, la situation n'a fait que se dégrader.

Ces fragilités comme ces atouts nécessitent une action résolue pour faire progresser la paix et la sécurité en Afrique, condition évidemment essentielle du développement et de la croissance économiques.

Si pour atteindre cet objectif, il était nécessaire de procéder à une reconfiguration de nos moyens militaires et de renouveler les bases juridiques de notre présence en renégociant les accords de défense français, chacun est conscient que la stabilisation de la zone du Sahel ne pourra se faire avec des moyens exclusivement militaires 10 ( * ) .

L'origine des difficultés actuelles de la zone est en effet le sous-développement économique de ces régions et la faiblesse des politiques publiques menées par les Etats concernés. La révision du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale en 2012 le confirmera. La politique française dans cette zone relève d'une approche globale dans laquelle la coopération pour le développement joue un rôle central.

Le même raisonnement peut être tenu pour la zone méditerranéenne. L'accompagnement de la transition démocratique dans ces pays est un enjeu majeur de la sécurisation de l'environnement proche de la France. Comme l'a souligné le rapport de la commission sur le contexte stratégique de la France précité : « Nous avons désormais un « voisinage », un « étranger proche », une rive sud de la Méditerranée, en situation de « grande instabilité » ».

Or l'issue du processus initié par les printemps arabes dépendra avant tout, à moyen terme, de facteurs liés au développement du marché du travail.

En effet, d'après le FMI, compte tenu de la croissance démographique dans la région, les pays du printemps arabes doivent créer d'ici 2020, 50 millions d'emplois nouveaux, ne serait-ce que pour absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail, c'est-à-dire sans pour autant diminuer le chômage actuel qui est en moyenne de 25 % pour les jeunes.

La question de la transition économique constitue donc un défi majeur qui justifie les efforts promis dans le cadre du partenariat de Deauville.

II. DU FORAGE DES PUITS DANS LE SAHEL À LA PRÉSERVATION DES BIENS PUBLICS MONDIAUX : UNE POLITIQUE EN COURS DE MUTATION

A. UNE POLITIQUE QUI A, DEPUIS DIX ANS, RENOUVELÉ SES STRUCTURES, SES PROCÉDURES ET SA STRATÉGIE

À la lecture comparée des budgets de la mission « aide au développement » pour 2002 et pour 2013, on mesure le chemin parcouru par la coopération française.

Les crédits qui sont soumis à notre examen englobent aujourd'hui le réchauffement climatique, la prévention des conflits et la reconstruction des pays en crise. Ils témoignent d'une diversification sectorielle et géographique de nos interventions. Depuis dix ans, les modalités de l'aide ont, de plus, considérablement changé. La nature des projets, les modalités d'intervention, le nombre et la nature des partenaires se sont diversifiés. De la lutte contre la pauvreté à la préservation des biens publics mondiaux, l'aide au développement a tendance aujourd'hui à englober tous les aspects des relations avec les pays du Sud.

La structure actuelle du budget et la répartition des crédits d'intervention comme des emplois résultent d'abord d'une profonde modification des structures entreprise depuis 2004 avec la suppression du ministère de la coopération, la création de la DIGICID puis de la Direction générale de la Mondialisation (DGM) au ministère des affaires étrangères, le transfert croissant de certains secteurs d'activités du Quai d'Orsay à l'AFD puis la création de structures de coordination entre la direction du Trésor, le Quai d'Orsay et l'AFD avec le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et le Conseil d'orientation stratégique (COS).

Le partage au sein des programmes 110 et 209 entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale témoigne du poids croissant des organisations internationales de développement et des fonds verticaux, que ce soit dans le même domaine, dans le domaine de la santé ou celui de la protection de l'environnement.

L'évolution divergente des bonifications de prêts qui connaissent une croissance forte et des subventions dont le montant diminue illustre également une mutation des modalités d'intervention de la coopération française dans le sens d'un recours accru aux prêts et d'une diminution sensible des dons avec la possibilité de moduler l'effort financier de l'Etat en fonction du degré de bonification des prêts.

Après la réforme des structures, parallèlement à la réforme des modalités, les administrations en charge de la politique de coopération ont également renouvelé la stratégie de coopération au développement de la France.

En effet, à travers la définition d'un document-cadre de coopération au développement 11 ( * ) à laquelle la commission des affaires étrangère du Sénat avait participé, les pouvoirs publics se sont dotés pour la première fois d'une véritable stratégie dans un domaine où le pragmatisme et le traitement au cas par cas avaient souvent prévalu.

Cette stratégie a été récemment déclinée dans le nouveau contrat d'objectifs et de moyen de l'AFD qui a fait l'objet d'un avis de la commission en mars 201112 ( * ) et dans un Programme d'orientation stratégique 3, dit POS 3, de la même agence adopté le 9 octobre dernier 13 ( * ) .

L'ensemble de ces réformes a pour origine des processus internes à la France. Il s'agit tout à la fois de banaliser la relation avec l'Afrique et de l'intégrer dans une politique de coopération à l'échelle mondiale, et de réformer ses instruments afin de réaliser des économies budgétaires et de rationalisation de son fonctionnement.

Elles tiennent également à l'évolution du contexte international. Il s'agit de prendre en compte le parcours de plus en plus contrasté des pays du Sud, les échecs des politiques d'aide au développement dans de nombreux pays d'Afrique et l'émergence des enjeux environnementaux.

Pour atteindre ces différents objectifs, les pouvoirs publics se sont adaptés avec une grande rapidité et un succès inégal selon les thèmes.

En quelques années, la politique de coopération française a investi des zones géographiques bien au-delà des anciennes colonies françaises. Elle a diversifié ses moyens d'intervention sous l'impulsion de l'Agence Française de Développement, a adapté l'assistance technique, a inventé de nouveaux modes d'intervention.

La rapidité de ces transformations a cependant accru la complexité d'une politique déjà en mal de repères.

Si on ne prend que l'extension géographique de l'aide française, elle est telle qu'elle affecte sa lisibilité.

Hier concentrée sur les pays du Champ, la France intervient aujourd'hui auprès d'une centaine de pays et territoires, des pays les moins avancés jusqu'aux grandes économies émergentes telles que la Chine, l'Inde et le Brésil, sans parler des décisions récentes d'extension des activités de l'AFD en Asie centrale dans le Caucase.

A cette complexité s'est ajoutée la perplexité des professionnels du secteur devant les résultats très contrastés des politiques menées depuis trente ans. Ni les succès, ni les échecs des pays du Sud ne semblent pouvoir s'expliquer par les modèles de développement successifs que beaucoup ont préconisés avec enthousiasme et dévouement.

S'ajoute à cela l'incompréhension croissante des citoyens. Comment expliquer au grand public que l'on trouve parmi les quatre premiers pays d'intervention de l'aide française en 2010, la Chine, alors que ce pays qui a un PIB trois fois supérieur à la France semble capable de racheter le Portugal ou de voler au secours de l'euro ?

De ce point de vue le document-cadre de coopération développement, à la rédaction duquel votre commission a participé, a permis de donner un sens et une perspective à cette politique dont la présentation budgétaire ne permet pas d'en comprendre clairement les enjeux.

Ce document-cadre a également pour mérite de fédérer l'action des administrations qui concourent à l'aide au développement . En effet, une des particularités du dispositif français de coopération est bien la dichotomie entre l'action de la direction du Trésor et celle de la direction générale de la Mondialisation dont la séparation des programmes 110 et 209 est l'illustration.

Dans cette nouvelle stratégie qui imprègne l'ensemble des documents budgétaires relatifs au budget de la coopération, le changement le plus marquant par rapport aux analyses traditionnelles de l'aide au développement est la fin d'une vision dichotomique du monde.

L'atténuation de la dichotomie politique Nord-Sud, marquée par l'entrée des grands pays émergents dans le G20, apparaît potentiellement aussi importante que la fin de la confrontation Est-Ouest.

La fin de la dichotomie pays riches/pays pauvres se dessine avec l'apparition d'un classement moins binaire des Etats : moins avancés, pauvres, intermédiaires.

La disparition de la dichotomie donateurs/récipiendaires, avec un nombre croissant de pays qui sont simultanément donateurs et bénéficiaires d'aide publique au développement et avec lesquels il nous faudra inventer ensemble de nouvelles réponses aux défis contemporains. Ainsi, en dépit des incertitudes entourant sa comptabilisation, l'aide extérieure chinoise, qui relève d'une tradition ancienne, s'élèverait aujourd'hui à deux ou trois milliards d'euros selon les sources.

La dissipation de la dichotomie aide publiques/marchés, avec la multiplication des instruments hybrides où l'action publique contribue à mobiliser les flux privés en faveur du développement à l'image du fonds de garantie ARIZ qui facilite l'accès au crédit des entreprises et des institutions de micro-finance dans la zone d'intervention de l'AFD 14 ( * ) .

La fin de la dichotomie Etat/ONG au profit d'une diversité d'acteurs publics (Etats, collectivités, opérateurs publics, chambres consulaires) et privés (associations, fondations, syndicats) et d'actions menées en consortium par ces divers acteurs.

B. DES OBJECTIFS AMBITIEUX À L'ÉCHELLE D'UNE SEULE NATION

Les objectifs de la coopération française tels qu'ils figurent dans le projet de loi de finances pour 2013 résultent de ce processus de mutation de la coopération française. Tels qu'ils sont formulés, ils apparaissent très ambitieux à l'échelle d'une seule nation comme la France et s'inscrivent nécessairement dans une action collective des pays développés et émergents en faveur d'un développement solidaire et durable de l'ensemble de la planète.

1. Des objectifs de solidarité clairement affichés

La lutte contre la pauvreté et les inégalités qui est au coeur des Objectifs du millénaire pour le développement. Ces 8 objectifs définis dans le cadre de l'ONU, notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation, traduits en 18 cibles et 47 indicateurs, constituent aujourd'hui le point de ralliement de l'ensemble des politiques de coopération des pays occidentaux. Ces objectifs ont vocation à être intégrés ou articulés après 2015 dans un cadre plus large des Objectifs pour le développement durable (ODD) qui restent à définir.

La promotion d'une croissance durable et partagée dans les pays en développement. L'exemple des pays émergents montre que la croissance économique reste le moyen le plus efficace de tirer les populations hors de la pauvreté. Cet objectif est poursuivi à travers le financement d'infrastructures, le soutien au développement du secteur privé par le biais de mécanismes de marchés, comme les garanties bancaires ou encore par des moyens non budgétaires comme le soutien, lors des négociations commerciales internationales, à l'insertion de ces pays dans le commerce mondial.

La prévention des crises et des conflits. La pauvreté et la fragilité de certains Etats, notamment africains, favorisent les crises, les conflits, les tensions migratoires, le développement du terrorisme et des trafics illicites, ainsi que l'émergence de pandémies à l'échelle planétaire. Dans cette perspective, la politique d'aide au développement tend à contribuer à la stabilisation des zones de tensions, à la prévention des conflits et à l'accompagnement des Etats fragiles ou en transition.

La préservation des biens publics mondiaux tels que le climat, la biodiversité, la sécurité sanitaire. Dans ce but, la coopération française cherche à mettre en place des mécanismes de régulation et des politiques globales à l'échelle planétaire à l'image du Fonds mondial de lutte contre le sida, des campagnes de vaccination ou des plans d'appui à la préservation de la biodiversité.

Récemment, des discussions sur la formulation d'Objectifs de développement durable qui ont été menées dans le contexte de la conférence Rio+20 devraient renforcer cette dimension dans l'ensemble des politiques de développement.

2. Des objectifs d'influence qui mériteraient d'être précisés.

On a souvent soupçonné l'aide au développement de cacher derrière des objectifs louables des intentions qui étaient moins désintéressées qu'il n'y paraissait. De fait, si l'aide publique au développement est une composante parmi bien d'autres de la politique extérieure d'un État, on ne peut aucunement attendre d'une politique extérieure qu'elle soit tout à fait désintéressée ; chaque État remplissant la mission qui est la sienne pour le compte de ses citoyens.

Vos rapporteurs l'ont souligné, cette coopération vise également une sécurisation de son environnement géopolitique tout comme une légitimation de sont statut international.

Il n'est en effet pas illégitime qu'on attende d'une politique publique financée par le contribuable français un retour. Un don reste un don même lorsque le donateur en retire certains bénéfices. La véritable question se situe moins dans les intérêts poursuivis que dans les bénéfices retirés in fine par les pays aidés.

Les intérêts du Nord et du Sud peuvent être communs comme dans la gestion des biens publics mondiaux, ou bien se recouper lorsque le donateur a intérêt au décollage économique du pays aidé. La proximité entre l'Europe et ses voisins du Sud (Méditerranée et Afrique) en fournit un exemple.

Sur le long terme, les objectifs ultimes poursuivis par la politique de coopération correspondent aux intérêts mutuels des pays du Nord et du Sud. Il s'agit d'un développement plus harmonieux de la planète assis sur un modèle de développement durable et moins inégalitaire.

Il s'agit en outre pour nos concitoyens de contribuer à un environnement international plus sûr, à la mise en place de politiques publiques globales plus efficaces et de préserver la place et le rôle de la France afin qu'elle garde la capacité de défendre de façon autonome les intérêts des Français.

Certes, ce retour sur le long terme n'est guère quantifiable, mais il est sans nul doute fondamental.

La revue des différents objectifs affichés par le budget de l'aide au développement fait apparaître un déséquilibre très clair dans la prise en compte de ces deux aspects de la politique de coopération au développement que sont la solidarité et l'influence.

Ni le budget ni le document-cadre de coopération ne mentionne explicitement la question des intérêts français.

Certes, d'autres instruments de coopération contribuent directement à la promotion de notre savoir-faire, à notre diplomatie culturelle ou encore à la sécurité de la France. Mais la coopération au développement est un des instruments de notre diplomatie d'influence.

De même, une partie de l'aide bilatérale française vise explicitement le soutien aux entreprises françaises. En 2009, 11 % de l'aide française était liée, soit un taux inférieur à la moyenne des donateurs (16 %).

Or telle que présentée dans les documents budgétaires, la politique de coopération au développement doit « contribuer au développement du Sud par le partenariat scientifique et technologique », « permettre la réalisation de projets de développement durable dans les pays émergents, faisant appel au savoir-faire français ».

La promotion du savoir-faire français ne constitue cependant qu'un objectif secondaire. Sur un total d'environ 8 700 contrats totalisant près de 4,4 milliards d'euros ainsi recensés sur les six dernières années alors que les financements octroyés par l'AFD sont totalement déliés depuis 2002, les entreprises françaises n'ont remporté, sur la période 2006-2011, que 29% du montant des marchés qu'elle finance, tandis que les entreprises locales en ont remporté 41%.

Ainsi, malgré l'effort de présentation d'une vision unifiée de la coopération au développement au travers du document-cadre, une carence du dispositif français de coopération au développement relevée par le CICID en 2004, reste toujours d'actualité en 2012 : « Notre aide, composante de l'action extérieure de la France, doit être plus claire dans ses objectifs », et ce constat est particulièrement vrai en ce qui concerne les objectifs poursuivis en matière d'influence et qui explique nombre d'incohérences entre stratégie et instruments.

Source d'ambiguïté, ce manque de clarté a en effet pu contribuer jusque-là à une certaine confusion des rôles, à la poursuite d'objectifs contradictoires selon les acteurs et les personnes, au recours à des méthodologies imprécises, voire enfin à des mécanismes institutionnels flous qui ne font pas la part des choses entre politique d'affichage et politique véritablement mise en oeuvre.

Comme le soulignent les travaux du bilan évaluatif de la politique française de coopération au développement entre 1998 et 2010 effectués par le Cabinet Ernst and Young auquel votre rapporteur Christian Cambon a participé, un affichage assumé et constant des positions en la matière ferait probablement gagner en lisibilité et crédibilité.

3. Des objectifs qu'il faut poursuivre en créant des coalitions entre acteurs nationaux et multilatéraux

Vos rapporteurs ne peuvent que souscrire à l'ensemble de ces objectifs tout en soulignant qu'ils ne sont pas à la portée d'une seule nation fût-elle la France.

La lutte contre les pandémies, le sous-développement, la faim, le réchauffement climatique à l'échelle planétaire sont des entreprises sans fin qui exigent la mise sur pied de coalition d'Etats et d'organisme multilatéral.

La coopération au développement ne se conçoit plus comme un exercice solitaire des nations, mais comme l'articulation entre une coopération nationale, européenne et multilatérale.

Comme l'a souligné Jean-Michel Severino lors de la table ronde organisée par la commission, une fois qu'on a défini nos objectifs et nos in térêts, « il reste à choisir les partenariats permettant de les atteindre, leur allouer des ressources et ensuite mesurer l'efficacité de notre action, non pas à l'aune d'un critère quantitatif mais à partir de notre propre appréciation de la façon dont nous aurons ou non atteint nos objectifs. Si certains de ces objectifs, comme le réchauffement climatique, sont de nature globale, la France a aussi des voisins et, parmi les grandes questions mondiales, certains sujets l'intéressent plus que d'autres. L'importance relative du Maghreb et de l'Amérique centrale n'est pas la même selon qu'on l'apprécie de Paris ou de la Banque mondiale à Washington. Comme tous les pays, la France a vocation à concentrer ses moyens sur les actions lui permettant d'atteindre ses objectifs. Il ne saurait donc y avoir querelle théologique entre aide bilatérale et aide multilatérale. En revanche, il faut définir une tactique d'utilisation raisonnée de l'ensemble des instruments à notre disposition. »

C. UNE APPLICATION DIFFÉRENCIÉE SELON LES ZONES

Derrière les crédits budgétaires des programmes 209 et 110, il y a dans la pratique des modalités d'intervention de plus en plus diversifiées selon le niveau de développement des pays partenaires.

Aujourd'hui, selon les pays, les pouvoirs publics dosent le contenu en moyens publics des interventions en modulant l'équilibre entre les dons et les prêts et, au sein des prêts, en adaptant le degré de bonification des interventions.

Cette application différenciée se traduit par un effort financier variable selon les zones qui est indépendant du niveau des engagements pris.

1. L'Afrique, enjeu majeur du 21e siècle, reste officiellement la destination principale des dons et prêts issus des programmes 110 et 209

La zone prioritaire de la coopération française demeure l'Afrique subsaharienne pour des raisons tant historiques que géographiques. Cette zone devrait compter en 2050 environ 1,8 milliard d'habitants, c'est-à-dire plus que la Chine ou l'Inde. Elle concentre les problèmes (gouvernance, pauvreté, conflits) mais aussi les opportunités (ressources minières et foncières).

Le projet de budget de l'APD, reprenant le document-cadre de coopération au développement (DCCD), consacre cette importance en indiquant que la France consacrera plus de 60 % de l'effort financier de l'Etat sur l'ensemble de la zone et plus de 50 % des subventions sur les 17 pays pauvres prioritaires 15 ( * ) .

Dans la pratique, les objectifs de concentration des crédits sur cette zone adoptés ces dernières années ont été difficiles à atteindre en raison de la diminution des crédits de subvention de l'aide bilatérale et du fait que les pays les plus pauvres de la zone, sortant d'un processus de désendettement, sont peu éligibles aux prêts. Le montant de l'aide sous forme de dons n'a en particulier pas été suffisant pour avoir un impact significatif.

De fait, les dons français consacrés aux secteurs sociaux dans cette zone « passent » de façon croissante par le biais des contributions aux institutions européennes et multilatérales qui consacrent plus de 50 % de leurs subventions à l'Afrique subsaharienne et aux pays les moins avancés (PMA) mais sans « retour politique » pour notre pays.

Comme ont pu le constater vos rapporteurs lors de leur mission au Mali, le visage de la coopération française dans l'Afrique francophone s'en trouve considérablement modifié. La France conserve une forte intimité avec ces pays et possède encore une expertise et une capacité reconnues d'entraîner les autres bailleurs de fonds. Mais la France n'est plus, loin s'en faut, ni le seul, ni le premier bailleur de fonds d'une Afrique francophone courtisée aussi bien par les autres membres de l'OCDE que par les pays émergents. Si nos contributions aux différents fonds multilatéraux qui interviennent dans ces pays sont très conséquentes, elles restent en effet peu visibles pour les populations ou les élites politiques de ces pays bénéficiaires.

La France mobilise l'ensemble de la palette des moyens de coopération en faveur du continent africain : la coopération bilatérale, des prêts, concessionnels ou non, des subventions, des garanties, des prises de participation, de l'assistance technique, de la coopération scientifique et universitaire.

Alors que l'enveloppe globale de dons au sens strict, c'est-à-dire de subventions, diminuait, les pouvoirs publics ont cherché à concentrer l'aide sur quelques pays prioritaires d'Afrique. L'augmentation du taux de concentration n'a pas pu empêcher la diminution des moyens en valeur absolue.

La coopération bilatérale française dans les pays prioritaires représente aujourd'hui environ dix millions d'euros par an et par pays.

Sur une aide publique au développement déclarée, estimée à près de dix milliards d'euros par an, dix millions d'euros par an pour un pays prioritaire, c'est un millième par pays, autrement dit, pour le moins, une priorité relative.

2. La Méditerranée : un soutien pour accompagner le printemps arabe qui reste à financer

La deuxième zone d'intervention de la coopération française est la Méditerranée.

Enjeu essentiel pour la stabilité et la prospérité du sud de l'Europe et pour la préservation de cette mer commune à l'Europe, au Moyen-Orient et à l'Afrique, cette zone regroupe des pays de niveau de développement hétérogène, avec des pays à revenus intermédiaires devant relever des défis démographiques importants.

La coopération française intervient dans cette zone sous forme de prêts bonifiés et, plus rarement, sous forme de dons. Le document-cadre prévoit que l'Etat y consacre 20 % de son effort financier. D'après les informations disponibles, cette zone représenterait 15,8 % de notre effort financier.

Dans les pays méditerranéens, tous pays à revenus intermédiaires, la variété des situations se prête à une optimisation de l'aide par la différenciation des outils. La coopération bilatérale y mobilise une palette diversifiée d'instruments financiers : prêts plus ou moins concessionnels, garanties, fonds d'investissements, partenariats public-privé et, plus ponctuellement, des subventions destinées à lever des facteurs bloquants, amorcer des dynamiques d'investissement ou financer de façon ciblée des actions non rentables mais présentant un fort impact environnemental ou social.

La nécessité d'accompagner la transition démocratique de ces pays et les conséquences de la situation actuelle sur la stabilité de la région et la gestion des flux migratoires ont conduit à faire du développement harmonieux de cette région voisine de la France une priorité et à renforcer notre effort financier.

Le développement économique et social de cette région constitue un défi considérable et ce, notamment, pour des raisons démographiques. La transition démographique est en marche mais l'inertie du phénomène va poser un grave problème dans la mesure où, d'ici 2030, la population en âge de travailler va s'accroître de 40 % au Maghreb et de 50 % au Moyen-Orient.

Son absorption par le marché du travail exigerait des taux de croissance de l'économie non pétrolière de l'ordre de 6 à 7 %. Le maintien des taux actuels de chômage chez ces populations jeunes, (plus de 50% dans certains pays de la zone) fait donc courir des risques très importants (migrations, troubles sociaux, extrémisme) qui sont accrus par l'inefficacité générale des systèmes éducatifs.

Les révoltes des pays arabes sont les conséquences non seulement d'une revendication démocratique face à la corruption d'un régime, mais aussi de l'insuffisante création d'emplois qualifiés.

C'est pourquoi la France doit s'engager dans l'accompagnement des nouveaux pouvoirs avec l'Union européenne et l'ensemble des institutions internationales compétentes pour :

- promouvoir une croissance riche en emplois (appui au secteur privé et modernisation du secteur financier ; appui à la diversification des filières et à l'innovation ; souveraineté alimentaire et énergétique) ;

- favoriser la cohésion sociale et territoriale (développement des infrastructures de transport, appui aux activités rurales génératrices de revenus, développement durable des villes, et adaptation du dispositif d'enseignement et de formation professionnelle aux besoins du marché du travail) ;

- améliorer la qualité de vie des populations (notamment par l'adaptation à la raréfaction des ressources naturelles -stress hydrique, sécheresse, et l'amélioration des conditions de vie en ville- mobilité, habitat).

C'est le sens du soutien exprimé par le G8 aux transitions démocratiques en Afrique du Nord et au Moyen-Orient à travers le « Partenariat de Deauville ».

Ce partenariat devrait permettre un soutien financier à l'Egypte et à la Tunisie de 40 milliards de dollars, 20 milliards de dollars provenant des banques multilatérales de développement ; 10 milliards de l'aide bilatérale des membres du G8, dont 1,1 milliard d'euros sur trois ans qu'apportera la France ; et 10 milliards qui proviendront des pays du Golfe.

Une des difficultés actuelles pour honorer ces engagements est la situation de l'AFD au regard du respect du ratio « grand risque » en 2012. Comme le souligne le plan d'orientation stratégique de l'Agence, le niveau actuel des fonds propres réglementaires de l'Agence ne permet pas de maintenir en 2012 un montant d'engagements annuels en Tunisie et au Maroc de même niveau que celui des années récentes. L'entrée en vigueur des règles de calcul de Bâle III devrait permettre de desserrer cette contrainte en 2013, mais pas au-delà.

3. Le développement de la coopération dans les pays émergents qui devrait faire l'objet d'une stratégie d'ensemble

Loin du « pré carré » africain, la France intervient depuis une dizaine d'années dans ces pays sur des projets en lien avec la préservation des biens publics mondiaux et la lutte contre le réchauffement climatique par le biais de prêts de l'AFD faiblement concessionnels.

Il s'agit de financer des projets pilotes de développement, sobres en carbone, de façon à développer des coopérations avec ces nouvelles puissances, à renforcer la crédibilité des positions françaises dans les négociations internationales sur le climat, à aider les intérêts de l'expertise et des entreprises françaises et, le cas échéant, à influencer les politiques publiques de ces pays.

Le document-cadre prévoit de limiter à 10 % de l'effort financier de l'Etat les interventions dans les pays émergents.

Intervenant essentiellement dans les pays à enjeux systémiques mondiaux et régionaux, les moyens de la coopération avec les pays émergents mobilisent principalement des prêts peu ou pas bonifiés, qui font office de point d'entrée pour les coopérations techniques et la promotion d'expertise, de savoir-faire et de technologies. Ces actions sont complétées, le cas échéant, par une composante d'assistance technique et des subventions ponctuelles d'accompagnement.

La finalité des activités de la coopération française dans les pays émergents suscite des interrogations.

Certains considèrent que, pour justifié qu'il soit, le mandat relatif aux biens publics mondiaux conduit à intervenir dans des pays comme la Chine, qui ont des capacités financières qui devraient leur permettre de financer eux-mêmes ce type de projet.

Il est, de fait, difficile de considérer que la coopération française fait en Chine de l'aide au développement. Si la Chine n'est pas encore la superpuissance que certains craignent, elle ne peut plus être considérée comme un pays en voie de développement.

Cette situation conduit naturellement la commission des affaires étrangères à s'interroger sur les objectifs explicites et implicites des projets pilotes financés par l'AFD dans ces pays.

Les motivations avancées par les pouvoirs publics sont de plusieurs ordres. La majorité des documents stratégiques ainsi que les bleus budgétaires soulignent que les financements consacrés à cette zone contribuent à une politique d'influence conduisant les pays émergents vers un sentier de croissance plus sobre en carbone.

Compte tenu de la modestie des sommes en jeu par rapport à la taille des investissements publics de pays comme la Chine ou l'Inde, il paraît présomptueux de penser que nos financements ont une quelconque influence sur la trajectoire de croissance de ces pays.

Ainsi, vos rapporteurs ont pu constater, lors de leur mission en Inde en mai dernier, que les financements français représentaient un montant de l'ordre du millième du cinquième plan quinquennal qui prévoit des investissements à hauteur de 5 000 milliards de dollars dans les seules infrastructures.

On évoque, par ailleurs, volontiers la défense des intérêts économiques français pour justifier le financement de projets sur des marchés prometteurs comme la Chine et l'Inde. Or, d'après les informations dont disposent vos rapporteurs, le taux de retour pour les entreprises françaises des financements de l'AFD reste décevant, aux alentours de 1 % grâce aux marchés de prestations intellectuelles passés par l'AFD malgré les initiatives prises par l'agence. Le marché chinois est, en effet, très difficile à pénétrer, les entreprises chinoises remportant 99 % des marchés d'aide de la Banque mondiale dans leur pays.

Il reste que l'établissement de relations de haut niveau sur le thème de la croissance verte afin de promouvoir l'expertise française dans ce domaine et d'établir un dialogue sur un sujet de plus en plus central dans l'agenda international présente en soi un intérêt.

Alors que les années 1990 ont été marquées par la prise de conscience des interdépendances mondiales et par la mise en place d'outils et de règles de gestion collective avec les pays émergents, cette dynamique semble s'être interrompue au cours des années 2000. Ce grippage, qui s'explique en partie par une réaffirmation générale de la souveraineté, à la fois par les pays émergents et les autres représentants des non-alignés et une affirmation de la capacité de blocage des émergents comme à RIO +20.

Ces blocages ont alimenté une dynamique de ressentiment entre puissances émergentes et puissances établies qui les ont éloignées de la résolution des défis communs. Le sommet Rio+20 ou la gestion des crises libyenne, syrienne et ivoirienne avec les membres du groupe IBAS au Conseil de sécurité sont des exemples récents de tels malentendus producteurs de déception, et de ressentiment.

Les incompréhensions et le ressentiment dont témoignent ouvertement plusieurs pays émergents cimentent les solidarités entre ces pays, jusque dans des configurations où l'hétérogénéité entre les pays s'efface dans l'opposition au bloc occidental. L'ensemble BRICS, qui réunit des régimes radicalement différents, gagne ainsi en réalité, jusque dans des projets concrets (possibilité exprimée lors du sommet de New Delhi de créer une banque de développement Sud-Sud ou «banque des BRICS»).

Dans ce contexte, il y a un intérêt à définir une stratégie globale vers les pays émergents avec l'ensemble des acteurs de la diplomatie française en définissant des objectifs et des pays cibles et en associant l'ensemble des opérateurs (AFD, BRGM, IRD, GRET, ADETEF, CF1, AEI, etc.).

Cette stratégie pourrait être l'occasion de mieux différencier les approches selon les pays et les thèmes.

Au lieu de se focaliser sur des grands émergents, on pourrait imaginer accroître les coopérations économiques bilatérales, mais aussi tri- et multilatérales, dans des pays néo-émergents comme le Mexique, la Colombie, le Chili, l'Argentine, le Nigeria, l'Afrique du Sud, la Turquie, l'Indonésie ou le Vietnam, mais aussi solliciter les émergents démocratiques (Brésil, Inde, Afrique du Sud, Turquie, Corée du Sud) sur des projets conjoints d'aide à la gouvernance démocratique dans des pays tiers.

III. UNE POLITIQUE COMPLEXE DONT LE CONTRÔLE ET L'ÉVALUATION SONT DE PLUS EN PLUS DIFFICILES

Outre l'existence d'objectifs et d'instruments différenciés selon les zones, le budget de la mission Aide au développement finance des mécanismes de plus en plus complexes.

Cette complexité prend essentiellement deux formes. La première est le financement de projets de développement par des coalitions d'acteurs hétérogènes : État, organisations non gouvernementales, organisations multilatérales, fondations privées. La deuxième est le recours croissant à des instruments financiers de plus en plus élaborés associant des éléments de financements publics avec des instruments de marché.

A. UNE POLITIQUE DE PLUS EN PLUS COMPLEXE

1. La France, comme l'ensemble de ses partenaires, intervient de plus en plus rarement seule et de plus en plus fréquemment au sein de coalitions de bailleurs de fonds nationaux ou multilatéraux

La coopération française s'est longtemps pensée à travers les relations privilégiées que la France entretenait avec ses anciennes colonies.

De ce point de vue, une des évolutions les plus marquantes de ces dernières années est le fait que la coopération ne se conçoit plus comme un exercice solitaire, mais comme une relation de partenariat avec les pays récipiendaires d'abord, avec les autres bailleurs de fonds nationaux et multilatéraux, ensuite, et, enfin, avec un nombre croissant d'intervenants en France (ONG, collectivités, entreprises) et au niveau international (organisations internationales, fonds verticaux, fondations, nouveaux pays donateurs ...).

Le nombre de ces acteurs avec lesquels l'Etat interagit a crû de façon considérable. Le nombre d'organisations internationales ou de fonds spécialisés éligibles à l'APD auxquels la France a contribué, soit par le versement de contributions obligatoires, de contributions volontaires, ou par la reconstitution de fonds concessionnels s'est ainsi accru de plus de 100 % ces dernières années : il s'établissait à une trentaine jusqu'en 2004, 38 en 2005, 56 en 2006, 60 en 2007, 61 en 2008, 66 en 2009 et 64 en 2010. Selon les estimations de l'IGF, le nombre d'associations dans le domaine du développement s'établit entre 35 000 et 45 000.

De même, le nombre total d'opérations de l'AFD cofinancées avec d'autres bailleurs de fonds est passé de 60 en 2002 à 103 en 2011.

Alors que les cofinancements de projets ou programmes de développement avec d'autres bailleurs de fonds représentaient 17% des engagements nets de l'AFD en 2002, ils en représentaient 54% en 2010, et 36% en 2011.

En cumulé depuis dix ans, les cofinancements avec d'autres bailleurs de fonds concernent 222 projets, près de 8 Md€ d'engagements nets de l'AFD, pour un montant total des projets proche de 50 Md€. Ils représentent un tiers des engagements nets de l'AFD accordés durant cette période en opérations courantes, ABG et C2D dans les pays en développement pour lesquels l'AFD a mandat. Ainsi plus de 20 % des projets de l'AFD sont désormais des cofinancements.

Source: AFD

Même sans cofinancement, la France intervient de plus en plus rarement seule. La mise en oeuvre de notre politique bilatérale consiste aujourd'hui à repérer des opportunités où elle peut faire valoir sa valeur ajoutée et à construire des partenariats autour d'une action.

Aujourd'hui la gestion de projet de coopération internationale consiste à former des coalitions d'acteurs susceptibles de s'accorder avec un pays récipiendaire sur un projet de développement.

C'est dans ce cadre, conformément aux travaux sur l'efficacité de l'aide, que se sont développées une division du travail, des programmations conjointes et la mise en place, selon les pays et selon les secteurs, de chefs de file. C'est tout le sens du code de conduite sur la division du travail adopté par les membres de l'Union européenne et des travaux qui s'en sont suivis.

Une des conséquences concrètes de ces pratiques est qu'un certain nombre des crédits inscrits au budget de la coopération vont être mis en oeuvre par un opérateur qui peut être aussi bien français qu'allemand, finlandais, danois ou européen.

Dès lors, la responsabilité de la gestion de ces crédits, leur lisibilité et l'évaluation des actions entreprises se trouvent partagées entre un nombre croissant d'acteurs.

2. Une politique de coopération qui se joue de façon croissante au niveau multilatéral comme l'illustrent la montée en puissance des crédits multilatéraux ainsi que l'inscription de la coopération pour le développement dans l'agenda du G20 et du G8

Convaincus de la valeur ajoutée d'une action européenne pour le développement, les gouvernements successifs ont fait le choix d'inscrire la politique française d'aide au développement dans un cadre européen. C'est pourquoi la France a toujours oeuvré pour l'affirmation de cette compétence de l'Union.

Il en résulte que le quart du budget de la coopération est mis en oeuvre par des actions de la Commission européenne.

Evolution de l'APD en volume (en Md USD) et en % de l'APD nette par canal

Source : DPT 2012

La coopération française s'inscrit aussi résolument dans le cadre multilatéral qui constitue, dans un monde devenu totalement interdépendant, le niveau approprié pour l'élaboration de nombre de réponses communes aux défis mondiaux, parmi lesquels figure l'extrême pauvreté.

Pour cette raison la moitié de l'aide française transite par des organismes multilatéraux et européens.

En 2010, l'aide française multilatérale et communautaire représente environ 40% des crédits d'APD nette alors qu'elle n'était que de 20% en 1990 et 30% environ en 1998.

A cet égard, la tendance générale suivie par l'aide française est conforme aux évolutions connues par les autres membres du CAD, dont la part du multilatéral a également augmenté depuis 1990 et s'établit en 2011 autour de 30%.

La France est cependant désormais le pays qui utilise le plus le canal multilatéral, qui représente 57% des crédits de la mission APD. Cette situation conduit à ce qu'une part majoritaire des crédits qui sont soumis au vote du Parlement soit mise en oeuvre par des organismes qui échappent au contrôle du Parlement. Certes, les organismes auxquels la France contribue disposent d'organes de contrôle. En outre, la France est généralement représentée dans les organes exécutifs de ces organismes, de sorte qu'elle participe à la programmation de ces organismes qui, par ailleurs, rendent des comptes à leur conseil d'administration.

Il reste que le Gouvernement ne saurait être entièrement responsable des performances de chaque organisme.

Il revient, en définitive, au Parlement de juger de la pertinence de ses contributions au regard des objectifs de la coopération française et de la qualité du partenariat qu'entretiennent les pouvoirs publics avec les organismes de développement qu'ils financent.

La qualité des différents partenariats est cependant difficile à évaluer. On en juge souvent par l'adéquation entre le pouvoir accordé aux représentants de la France et la part des financements français ainsi que par la capacité des représentants français à orienter la programmation de ces organismes dans le sens des objectifs de la coopération française.

3. Des modalités d'intervention de plus en plus complexes

En l'espace d'une décennie, les instruments utilisés par la coopération française ont vécu une révolution spectaculaire. L'aide au développement traditionnelle comprenait exclusivement des prêts et dons.

Depuis, les modalités d'intervention de la coopération française se sont considérablement diversifiées avec la mise en place de mécanismes d'imposition ou de quasi-imposition tels que les taxes sur les tickets d'avions 16 ( * ) ; l'augmentation des investissements dans les capitaux à risques ; le recours de plus en plus fréquent aux outils des marchés financiers tels que, par exemple, la facilité financière internationale appliquée à la vaccination (IFFim) 17 ( * ), les partenariats publics privés comme l'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI Alliance) 18 ( * ) , les mécanismes d'assurance, les systèmes de garantie, la mise en place de nouveaux canaux pour l'aide tels que les fonds et programmes mondiaux « verticaux » a l'instar du Fonds mondial pour l'environnement ou du fonds, ou le développement d'instruments de prêts cont racycliques ou contingents, etc.

Une des conséquences de ces innovations est, de fait, que le budget de la mission coopération inscrit dans la loi de finances reflète de moins en moins la réalité des financements réellement disponibles pour l'aide au développement.

Ainsi, la taxe sur les billets d'avions est un mécanisme extra-budgétaire, de même que l'IFFIm qui est un mécanisme basé sur des emprunts d'Etat. Les mécanismes de garantie de l'AFD ne se traduisent également pas par une ligne de crédit, mais rentrent, en cas de sinistre, dans les comptes de résultats de l'AFD.

Même quand l'instrument mis en oeuvre figure dans la loi de finances, comme c'est le cas pour l'aide budgétaire, la traçabilité de ses crédits du budget français à leur emploi effectif sur le terrain est problématique tout comme leur évaluation.

4. Des acteurs français sans cesse plus nombreux qui rendent le pilotage de cette politique difficile.

Les responsabilités de la politique de coopération s'articulent autour de différents dispositifs principaux qui impliquent au moins deux ministères et l'AFD, mais également un nombre croissant d'opérateurs publics, d'institutions multilatérales, d'ONG ou de fondations.

Si l'on prend le seul secteur de la santé, on retrouve un nombre particulièrement élevé d'acteurs dont les compétences se complètent et souvent se recoupent :

• le ministère des Affaires étrangères

Le ministère des Affaires étrangères assume la responsabilité générale de définition de la stratégie de l'APD, et est aussi responsable dans le secteur de la santé de la coopération multilatérale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Il gère, dans le cadre du programme 209, les dotations multilatérales (dont FMSTP, OMS, ONUDISA), un appui au GIP-ESTHER, plusieurs FSP dont le FSP régional Muskoka en appui à quatre agences des Nations unies spécialisées dans ce secteur (OMS/AMPS, UNFPA/ONU Femmes et UNICEF).

Le ministère des Affaires étrangères anime un réseau de conseillers régionaux de coopération en santé (les CRCS sont chargés du suivi des activités liées au FMSTP, ils collectent et analysent les avis dans le cadre du dispositif 5%, des activités des 4 Agences des Nations unies appuyées dans le cadre du FSP Muskoka et d'autres modalités de coopération en santé, coopération décentralisée, coopération régionale, inter universitaire, etc.).

• le ministère des Affaires sociales et de la santé

Certaines actions du ministère des affaires sociales et de la santé entrent dans le cadre de l'aide publique au développement (notamment par le biais du programme 124), comprenant ses contributions au GIP-ESTHER et à l'OMS, ou la mise à disposition de personnel. Le ministère suit le champ communautaire et les accords bilatéraux de coopération qu'il a signés avec une cinquantaine de pays ainsi que de nombreux jumelages institutionnels. En outre, il gère des partenariats hospitaliers dans les géographies où l'AFD n'est pas autorisée à fournir un appui.

Le ministère dispose à l'étranger d'un réseau des conseillers pour les affaires sociales (CAS) implantés sur 13 sites, incluant les représentations permanentes de la France à Bruxelles et à Genève, dont 8 dans les pays de l'Union européenne.

• l'Agence française de développement

L'AFD a été chargée par le CICID (2004) de la responsabilité de la mise en oeuvre de l'aide bilatérale en santé, ainsi que de l'assistance technique qui l'accompagne. Conformément aux directives de l'Etat, l'Agence appuie les secteurs public et privé et recourt à une large gamme d'instruments (subventions pour des projets Muskoka, prêts souverains ou non souverains, lignes de crédits bancaires, garanties...).

Entre 2007 et 2011 l'Agence a engagé 372 M€ dans le secteur de la santé (hors Outre-Mer), dont près de la moitié (173 M€) en Afrique, principalement orientés sur les projets de renforcement des systèmes de santé qui ont concerné, entre autres, le développement des ressources humaines en santé ou encore l'extension des systèmes de partage des risques financiers liés à la maladie (forfait obstétrical, micro assurance santé).

• Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche finance les centres de recherche et notamment l'Institut de recherche pour le développement (IRD) entièrement voué à la coopération au développement, les universités, certains instituts de formation, et apporte des subventions à l'ANRS.

• Le MINEFI gère le mécanisme financier IFFIm, une des sources de financement du GAVI.

Comme le soulignent les travaux du bilan évaluatif de la coopération française depuis dix ans menés par le Cabinet Ernst and Young : au-delà de la concentration des moyens en faveur des grandes initiatives multilatérales, la coopération française dans le secteur de la santé reste très dispersée, mise en oeuvre sur un large spectre thématique, et par une profusion d'acteurs hétérogènes. La mise en cohérence d'approches différentes, voire divergentes ou concurrentes, n'est pas assurée actuellement, et ne pourra l'être que sur la base d'une connaissance et d'un suivi beaucoup plus consistant des actions.

Car les acteurs en aval des principales institutions précitées sont également particulièrement nombreux.

On trouve :

- un ensemble de structures publiques ou parapubliques, France Expertise Internationale (EPIC sous tutelle du MAEE qui a pris en 2010 la suite de FCI), le réseau d'expertise GIP ESTHER, l'ADECRI en matière de protection sociale, le GIP SPSI (santé, protection et action sociales), etc.

- les hôpitaux qui, depuis la loi du 31 juillet 1991, sont autorisés à signer des conventions et à entreprendre des partenariats sur le plan international ;

- les universités, qui depuis les lois de 1991 et 2007, peuvent assumer des missions de coopération internationale ;

- les institutions académiques ou de recherche, INSERM, IRD, ANRS, CNRS ;

- des fondations privées, l'Institut Pasteur, la Fondation de France, les fondations des entreprises (Total, Veolia, Sanofi-Aventis), etc.

- les ONG (AMI, AMP, CIDR, CRF, DSF, Un Coeur pour la Paix, IECD, Santé Sud, AOI, ATD Quart Monde, La Chaîne de l'Espoir, HI, ID, INTER AIDE, MDM, MRCA, PCS, REMED, SAMU social international, SDM,...) ;

- les intervenants de la coopération décentralisée, conseils régionaux, grandes municipalités ;

- les cabinets et entreprises privées (CREDES, Conseil santé, France accréditation, IRIS Conseil,...) ;

Cette hétérogénéité, parfois décrite comme une richesse par la variété des capacités mises en oeuvre et des partenaires de coopération, est surtout pointée comme un des principaux points faibles en termes de pilotage et de cohérence.

B. UNE POLITIQUE DIFFICILE À EVALUER.

L'augmentation des financements croisés et des contributions multilatérales rend de plus en plus difficile le rapprochement entre les crédits votés et les résultats obtenus sur le terrain.

Concernant l'aide multilatérale, l'Inspection générale des finances (IGF) a produit, en novembre 2010, un rapport sur les indicateurs de performance qui pourraient être retenus. L'IGF constate qu'aucun pays n'est parvenu, à ce jour, à mettre en place des indicateurs de performance de l'aide transitant par les canaux multilatéraux. Le rapport retient trois conclusions principales. Il n'est pas possible de bâtir des indicateurs de performance synthétiques de l'aide multilatérale au développement financée par le France, en raison de :

- l'obstacle lié à l'attribution des résultats. Le document-cadre de coopération au développement français rappelle également cet obstacle : « Le développement est le résultat de politiques nationales complexes et imbriquées, à l'élaboration et au financement desquelles la communauté internationale contribue généralement pour une part mineure. Il est donc très difficile de distinguer les effets de l'aide extérieure dans l'évolution globale de l'économie ou de la situation sociale d'un pays, et ce, d'autant que le pays concerné peut être largement affecté par des éléments extérieurs : évolution des cours mondiaux, crise financière ou économique internationale, effet d'une plus ou moins bonne pluviométrie... » ;

- la quantité limitée de données fiables et abrégeables ;

- l'absence d'harmonisation, voire de compatibilité entre les différents systèmes de mesure de la performance, mise en place dans les différentes organisations multilatérales.

De même que, dans des co-financements, il est très difficile de pouvoir distinguer la part des résultats qui revient à chacun et peu rigoureux de s'attribuer, comme c'est souvent le cas, l'ensemble des résultats obtenus.

C. UNE ORGANISATION POLITIQUE ET ADMINISTRATIVE CONTESTÉE

La politique de coopération française a fait preuve, ces dix dernières années, d'une capacité d'adaptation importante.

La lecture du projet de loi de finances pour 2013 et du document de politique transversale, qui est annexé par comparaison avec les documents budgétaires des années 2000, illustre le chemin parcouru.

Cette politique s'appuie aujourd'hui sur une stratégie acceptée par l'ensemble des acteurs. Cette stratégie a été déclinée au niveau des opérateurs, notamment à l'AFD à travers le contrat d'objectifs et de moyens et le plan d'orientation stratégique récemment adopté. Les structures ont évolué avec le transfert de compétence effectué vers l'AFD, la mise en place de structures de coordination interministérielle avec le Comité interministériel de coopération internationale au développement (CICID), présidé par le Premier ministre, ou le Conseil d'orientation stratégique (COS) de l'AFD qui réunit l'ensemble des ministres en charge de la tutelle de l'AFD.

Mais, surtout, les modalités d'intervention ont évolué afin de favoriser des effets systémiques grâce à la mobilisation de coalition d'acteurs nationaux et multilatéraux et d'instruments de plus en plus variés associant initiatives publiques et privées. Les stratégies sectorielles et géographiques tentent de s'articuler au niveau national, au niveau européen et au niveau multilatéral.

De nombreux acteurs, à la direction générale de la Mondialisation, à l'Agence française de développement et à la direction du Trésor, ont ainsi dessiné en une décennie le nouveau visage de la coopération française moderne.

Malgré ces évolutions, cette mutation apparaît cependant encore inachevée. Les évaluations effectuées cette année, tant celle de la Cour des comptes, que celles du Cabinet Ernst and Young, dressent en effet un tableau assez sévère de notre outil de coopération sur lequel vos rapporteurs reviendront en fin de rapport.

1. Une organisation bicéphale et un réseau de mise en oeuvre dispersé

La répartition du budget de l'APD dans les différents programmes 209 et 110 reflète l'organisation institutionnelle de la coopération française.

a) Un dispositif de coopération éclaté entre les affaires étrangères, les finances et l'AFD

A la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère des finances qu'illustre la présence des programmes 110 et 209 s'ajoutent le secrétariat d'Etat à la coopération et surtout l'Agence française de développement qui gère une partie importante des crédits des trois programmes.

Si la réforme de 1998 a conduit à la rationalisation administrative de l'aide autour de deux grands pôles, l'un diplomatique, issu de l'absorption du secrétariat d'Etat à la coopération par le ministère des affaires étrangères et européennes, et l'autre, financier, centré sur le ministère des finances, elle a surtout conforté le rôle de l'AFD qui est devenue l'« opérateur pivot » de l'aide française.

Depuis lors, les transferts successifs de compétences ont conduit l'AFD à prendre en charge la gestion de plus de 60  % des moyens de l'aide programmable mise en oeuvre par les canaux bilatéraux.

En dépit des réformes, le dispositif institutionnel est encore composé de nombreuses structures qui appellent nécessairement de multiples mécanismes de coordination.

L'AFD, édifiée sur sa culture et son expérience de banque de développement, contrôle plusieurs types d'instruments (projets, aide budgétaire, prêts, subventions) et bénéficie d'une relative autonomie dans le cadre de la triple tutelle des ministères des finances, des affaires étrangères et européennes et de l'immigration et du développement solidaire, d'un conseil d'orientation stratégique et d'un contrat d'objectifs et de moyens sur lequel vos rapporteurs reviendront.

Dans les pays partenaires, les Services de coopération et d'action culturelle (SCAC), dirigés par un conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC), à la fois conseiller de l'ambassadeur sur le pilotage du dispositif de l'aide française au plan local et chef de service, sont les interlocuteurs privilégiés de la direction générale de la mondialisation.

Cette direction gère les actions et programmes de coopération technique dans les domaines de la gouvernance. Le Fonds de solidarité prioritaire (FSP), dont le ministère des affaires étrangères et européennes a la maîtrise, lui permet d'intervenir dans différents secteurs.

Au ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, la direction générale du Trésor est responsable de la gestion des contributions françaises auprès de la Banque mondiale, du FMI et des banques régionales de développement (BafD, BAsD, BID) et est en relation directe avec les administrateurs représentant la France auprès de ces institutions.

Les contributions françaises auprès des institutions de l'Union européenne et du système des Nations unies sont gérées par les services du MAEE.

Le MINEFE gère également les financements d'appuis budgétaires (leur instruction est toutefois menée de manière conjointe par la DGTPE, la DGM et avec l'appui de l'AFD), les remises et allègements de dettes (Club de Paris) ainsi que l'instruction et la mise en oeuvre des Contrats de développement et de désendettement.

Toutes ces actions sont menées de manière conjointe entre la DGTPE et la DGM avec l'appui technique de l'AFD.

Sur ces différents points, au sein de la DGTPE, les conseillers financiers régionaux entretiennent des relations très suivies avec les SCAC et les agences de l'AFD.

Sur place, les missions économiques, au sein des ambassades, sont peu impliquées dans les problématiques de coopération au développement. Elles le sont davantage dans les pays dits « émergents » en raison de leur fonction de mise en oeuvre des instruments spécifiques du MINEFE dans ces pays (instruments financiers FASEP et réserve pays émergents).

D'un point de vue budgétaire, l'éclatement de l'action de l'Etat en matière de coopération se traduit par une multiplication des programmes et des lignes budgétaires dont l'architecture ne répond pas toujours à une logique facilement accessible.

D'un point de vue opérationnel, la complexité du pilotage de la politique de coopération française implique cependant des délais de concertation qui peuvent être importants. Cette concertation ne permet pas toujours de surmonter les divergences et impose donc le recours fréquent à des arbitrages du Premier ministre et du Président de la République. Ainsi, à titre d'exemple, on peut constater que l'AFD a adopté un budget pour l'année 2011 avant le mois de mai de cette même année.

Chaque réforme, même minime, donne lieu à des négociations complexes au sein du ministère des affaires étrangères puis entre le ministère des affaires étrangères et le ministère des finances. Ainsi, la modification du document de politique transversale consécutive à l'amendement proposé par votre commission a été adoptée par le Parlement en décembre dernier et a donné lieu à des discussions fournies sur l'interprétation qu'il convenait de donner aux exigences du Parlement. Ces discussions et la volonté de ne publier ce document qu'après les conclusions du G20 ont participé au retard considérable avec lequel ce document a été publié.

Ainsi, malgré des réformes successives, le dispositif institutionnel reste marqué par certains héritages de l'histoire : l'importance des ex-colonies du « pré carré », le rôle hypertrophié de la Présidence de la République, et une certaine concurrence entre les deux ministères les plus concernés par cette politique, ceux de l'Économie et des affaires étrangères.

Le dispositif institutionnel ne permet pas de porter cette politique de manière globale et cohérente : le secrétaire d'Etat ou ministre délégué chargé de la coopération, placé auprès du ministre des affaires étrangères, a bien du mal, par construction, à jouer le rôle d'animation et de coordination interministérielle qui lui est en théorie assigné, coincé entre un ministre de plein exercice qui exerce les arbitrages internes au Quai d'Orsay, et le ministre de l'économie. Deux ministres puissants qui, de par leurs missions, répondent à des fonctions d'objectifs différentes de celles de la Coopération : un prisme essentiellement monétaire et financier ou commercial à Bercy, un prisme avant tout diplomatique et d'influence au Quai d'Orsay.

Quelles que soient la majorité et la bonne volonté du ministre en charge du dossier, la priorité gouvernementale semble ailleurs. Cela se traduit concrètement aussi bien dans les agendas des ministres, souvent accaparés par d'autres missions, que dans les arbitrages budgétaires. Depuis que la Coopération lui a été rattachée en 1998, le ministère des Affaires étrangères a ainsi globalement démontré une grande difficulté à défendre les moyens de l'APD, en particulier dans le contexte d'arbitrages avec d'autres moyens du Quai, de son réseau ou de ses politiques.

Pour sa part, le ministère de l'économie est, par construction, plus mobilisé par les moyens nécessaires pour les activités dont il a la charge directe en faveur des banques de développement et, au plan bilatéral, par les activités de prêt qui figurent à son budget que par ceux des dons pour les projets dans les pays les plus pauvres ou pour l'assistance technique qui figurent au budget du ministère des affaires étrangères. Le choix des instruments n'est dès lors plus guidé par les objectifs visés ou les besoins de nos partenaires, mais par le poids respectifs de chaque ministre de part et d'autre de la Seine.

b) Les solutions pour assurer la coordination et la cohérence de la politique de développement connaissent un succès inégal.

Cet éclatement des centres de décision se traduit, au quotidien, par la nécessité d'une étroite collaboration entre tous les acteurs. Une institutionnalisation de cette collaboration a été recherchée par la création d'instances de cogestion telles que le Comité interministériel de Coopération Internationale au Développement (CICID), présidé par le Premier ministre, ou le Conseil d'orientation stratégique (COS) de l'AFD, qui réunit l'ensemble des ministres en charge de la tutelle de l'AFD.

Ces instances connaissent un succès inégal : le CICID ne s'est réuni que deux fois depuis 2006 et pas depuis deux ans et demi. Il n'a validé ni la stratégie française à l'égard de la Banque mondiale, ni celle à l'égard de la politique européenne de développement, ni même le document-cadre au développement qui définit la stratégie française d'aide au développement pour les dix ans à venir.

Ce dernier épisode illustre l'existence d'un dysfonctionnement. Soit le dispositif est trop lourd pour être mobilisé quand il le faudrait, soit les ministres concernés considèrent la coopération comme un sujet suffisamment secondaire pour ne pas trouver le temps, en deux ans et demi, de se réunir une seule fois pour valider une stratégie qui a vocation à marquer le secteur pendant plus d'une décennie.

Le COS, de création récente, a pour l'instant été convoqué 4 fois depuis 2009.

Quant à la Conférence d'orientation stratégique et de programmation (COSP), créée par le CICID, de juillet 2004, elle n'a pas tenu de réunion depuis décembre 2007.

Aussi, la cohérence de la politique menée est-elle, au quotidien, assurée par une étroite concertation entre chacune des administrations et les cabinets ministériels et, sur le long terme, par l'adoption de documents stratégiques, comme le document-cadre (DCCD), qui permettent de fédérer les différents acteurs, autour d'objectifs communs.

La complexité du pilotage de la politique de coopération française implique cependant des délais de concertation qui peuvent être importants. Cette concertation ne permet pas toujours de surmonter les divergences, et impose donc le recours fréquent à des arbitrages du Premier ministre et du Président de la République.

c) Une mise en oeuvre locale dispersée.

Les ambassades conservent en effet des services spécialisés, les services de coopération et d'action culturelle (SCAC), qui ont succédé aux « missions d'aide et de coopération » en 1998 et constituent les deux tiers des effectifs de la direction générale de la mondialisation.

La direction générale du Trésor dispose, de son côté, d'une trentaine de services économiques régionaux, placés auprès des ambassades ou des représentations auprès des organisations internationales. Leur format évolue actuellement dans le cadre du transfert de certaines de leurs activités à l'opérateur UBIFRANCE.

Censés se consacrer à la « promotion des intérêts français à l'étranger » plus qu'à l'aide, encore présents dans certains pays d'Afrique sans vocation régionale (Bénin, Burkina Faso, Madagascar, Mali, etc.), ils contribuent à la gestion des deux instruments d'aide-projet liée : la « réserve pays émergents » (RPE) et le fonds d'étude et d'aideau secteur privé (FASEP).

Enfin, l'Agence française de développement (AFD) dispose d'un réseau propre d'agences à l'étranger dont le nombre s'est accru (30 en 1998, 55 en 2011) et dont l'effectif est de plus de 660 agents. Sa fonction première est de mettre en oeuvre les projets de prêts et de subventions qu'elle finance, ce qui la conduit à dimensionner son réseau a priori en fonction des possibilités de prêts aux partenaires locaux.

Les agences de l'AFD doivent cependant assumer d'autres missions (subventions-projets, gestion des organisations non gouvernementales), qui nécessitent que l'évolution de ce réseau soit coordonnée avec celle des services de l'Etat, comme le prévoit le nouveau contrat passé entre l'Etat et l'Agence.

Bien qu'une coordination ait été mise en place dans certaines ambassades dans le cadre de « pôles de développement », vos rapporteurs ont pu constater que les interlocuteurs de terrain, notamment les partenaires locaux, éprouvent des difficultés face au partage des responsabilités et des rôles respectifs au sein du dispositif français.

A Madagascar, ils ont observé que si le développement agricole relevait de l'agence de l'AFD, le soutien au cadastre rural relevait du SCAC, que si la santé est de la compétence de l'AFD, le FSP peut financer une maternité.

Cette situation tient à la répartition des compétences entre les services des ambassades et les agences de l'Agence française de développement.

En effet, par une décision gouvernementale de juillet 2004, la mise en oeuvre des programmes financés par le ministère chargé des affaires étrangères dans la plupart des secteurs (agriculture et développement rural, santé, éducation de base, formation professionnelle, environnement, infrastructures et développement urbain) a été transférée à l'Agence. Le ministère n'a donc, en principe, conservé, en exécution directe, que les actions dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche, de la francophonie et de la culture et dans celui de la gouvernance.

Or, d'un point de vue local, le partage des compétences qui en est résulté a, selon l'évaluation de la Cour des comptes : « plutôt brouillé les repères. D'une part, il a perturbé la mise en oeuvre de certains projets et affaibli leur cohérence, notamment dans le domaine de l'éducation où interviennent simultanément les deux acteurs. D'autre part, le ministère a poursuivi son action dans des secteurs en principe transférés en lançant de nouveaux projets ou en conservant des assistants techniques » 19 ( * ) .

Cette complexité associée, nous le verrons plus avant, avec une faible évaluation des résultats, fait dire à la Cour des comptes, s'agissant de l'ensemble de la politique de coopération que « malgré des améliorations incontestables, ce modèle continue cependant de souffrir d'une impulsion intermittente, d'une absence d'identification d'un responsable à compétence générale, d'une difficulté à raisonner en termes d'aide pilotable, du poids de cloisonnements administratifs traditionnel et d'une insuffisante attention portée aux résultats concrets des projets. »

2. La création d'un ministère délégué au développement change-t-elle la donne ?

Dans le Gouvernement Ayrault, l'innovation en matière de coopération au développement a été la modification de l'intitulé du ministre en charge de ce portefeuille. Cette modification a-t-elle des conséquences sur la politique menée et le budget présenté ?

A première vue, le décret d'attribution du ministre ne diffère guère de son prédécesseur.

Les décrets d'attribution du ministre délégué au développement et de son prédécesseur.

M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, traite, par délégation du ministre des affaires étrangères, des questions relatives au développement, notamment en ce qui concerne la préparation et la mise en oeuvre de la politique du Gouvernement en matière de coopération technique et d'aide au développement.
A la demande du ministre des affaires étrangères, il conduit les négociations internationales relevant de son domaine de compétence ou y participe. Il représente le Gouvernement ou participe à sa représentation dans les instances internationales traitant de questions de coopération internationale et de développement. Il veille à favoriser la cohérence des actions d'aide au développement, notamment en matière de biens publics mondiaux. A cette fin, il est consulté sur les interventions publiques et sur toute décision pouvant avoir une incidence sur le développement des pays concernés. Il est associé aux négociations relatives aux questions de développement avec les institutions financières internationales et participe aux réunions entre bailleurs de fonds qu'elles organisent. Il suit les actions de l'Union européenne en matière d'aide au développement. Par délégation du ministre des affaires étrangères, il peut représenter le Gouvernement aux conseils des ministres prévus dans ce cadre. En outre, il accomplit toute mission que le ministre des affaires étrangères lui confie.

M. Henri de Raincourt, ministre auprès de la ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération, connaît de toutes les affaires relatives à la coopération et au développement que lui confie la ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, notamment pour la préparation et la mise en oeuvre de la politique du Gouvernement en matière de coopération culturelle, scientifique et technique et d'aide au développement. A la demande de la ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, il conduit les négociations internationales relevant de son domaine de compétence, ou y participe. Il représente le Gouvernement

ou participe à sa représentation dans les instances internationales traitant de questions de coopération internationale et de développement. Il veille à favoriser la cohérence des actions d'aide au développement. A cette fin, il est consulté sur les interventions publiques et sur toute décision pouvant avoir une incidence sur le développement des pays concernés. Il est associé aux négociations relatives aux questions de développement avec les institutions financières internationales et participe aux réunions entre bailleurs de fonds qu'elles organisent, y compris celles des groupes consultatifs de la Banque mondiale. Il suit les actions de l'Union européenne en matière d'aide au développement. Par délégation de la ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, il peut représenter le Gouvernement aux conseils des ministres prévus dans le cadre de la coopération de l'Union européenne avec les Etats de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. En outre, il accomplit toutes missions que la ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, lui confie, notamment à l'égard des Français de l'étranger.

Quant à la structure ministérielle et budgétaire, elle n'a pas changé, comme en témoigne la stabilité de la maquette budgétaire.

Le changement de titre manifeste cependant un changement de philosophie dont la seule pratique permettra d'en mesurer la portée. Il s'agit de dissocier l'aide au développement des relations bilatérales avec l'Afrique qui relève directement du ministre des affaires étrangères. Ainsi la volonté de rupture avec la Françafrique se traduit par une dissociation entre les objectifs de solidarité et les objectifs d'influence.

Cette volonté de dissocier l'influence politique de l'aide au développement affichée de manière assez prononcée par le nouveau ministre délégué au développement peut être également interprétée comme un exemple de l'européanisation de la coopération française.

Ainsi une évolution récente du dispositif européen de coopération a vu la création du SEAE en charge des relations politiques avec les pays partenaires de l'Union européenne et la création de la DG DEVCO (de la fusion d'une partie de la DG DEV et de la DG AIDCO) en charge des problématiques de développement.

La politique de coopération française apparaît au milieu du gué. Elle a presque définitivement abandonné la rive de la coopération postcoloniale et des dérives de la Françafrique, mais elle n'est pas encore parvenue à devenir cette boîte à outils d'une « mondialisation maîtrisée » qu'évoquent des discours volontaristes, dont on peine à voir la concrétisation.

DEUXIÈME PARTIE - L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT FRANÇAISE DOIT CONCENTRER SON EFFORT BUDGÉTAIRE SUR LES PAYS LES MOINS AVANCÉS

Les rapporteurs de la commission des affaires étrangères, à l'occasion des missions sur le terrain, notamment au Mali et à Madagascar, et lors de leurs auditions, ont été frappés par le contraste entre la réalité des moyens sur le terrain et la place de la France dans les statistiques officielles de l'OCDE en matière d'aide au développement.

Alors que les autorités françaises sillonnent le globe de conférences internationales en symposium, en annonçant que la France est le troisième bailleur mondial de l'aide au développement, nombre de professionnels du secteur témoignent de la diminution d'interventions sur le terrain d'une coopération française dont l'influence se réduit.

Cette situation ne date pas du présent budget. Car de fait, on constate que les subventions projets de la France en 2004 étaient comparables en volume à celles de l'Allemagne et du Japon, alors qu`elles sont aujourd'hui deux fois moins élevées que celles de l'Allemagne et trois fois moins que celles du Japon.

Vos rapporteurs ont cherché à mieux comprendre un décalage qui concerne à la fois le volume de l'aide, mais également sa répartition.

S'agissant du volume déclaré à l'OCDE, ils ont pris conscience, au fur et à mesure de leurs travaux, que ce contraste n'était pas tant lié à la façon dont l'Etat français déclare son aide au Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE qu'à la façon dont le CAD définit cette aide qui apparaît de plus en plus déconnectée de la réalité des crédits effectivement disponibles sur le terrain pour financer des projets de coopération.

Ils en ont conclu que la mesure de l'APD par l'OCDE était non seulement un mauvais thermomètre de l'effort français en faveur de l'aide au développement, mais également un très mauvais guide pour la coopération.

Car le fétichisme qui entoure cet indicateur conduit naturellement les autorités politiques à favoriser une allocation des ressources qui maximise son niveau. Or l'allocation des ressources budgétaires qui en résulte ne contribue pas toujours à poursuivre les objectifs de développement que la France s'est par ailleurs fixés.

I. UNE AIDE PUBLIQUE FRANÇAISE ENCORE AUJOURD'HUI PILOTÉE AU REGARD D'UN THERMOMÈTRE LARGEMENT FAUSSÉ QUI A MASQUÉ UNE DIMINUTION DES MOYENS MIS EN OEUVRE

A. SELON LA MESURE DÉFINIE PAR L'OCDE, L'APD FRANÇAISE DECLARÉE, AVEC PLUS DE 10 MILLIARDS ET 3 % DE L'AIDE PROGRAMMABLE MONDIALE SERAIT L'UNE DES PLUS IMPORTANTES AU MONDE

Comme le souligne le document de politique transversale annexé à la loi de finances, la France déclare un volume d'APD déclaré supérieur à la moyenne des pays donateurs.

L'APD totale nette française déclarée n'a en effet cessé de croître entre 2007 et 2011, passant de 7,2 milliards d'euros à près de 10 milliards d'euros, soit une progression de 25 %. Cette augmentation est due, par ordre d'importance, à l'augmentation des concours multilatéraux, à l'effet net des prêts consentis par l'AFD et des concours communautaires.

Le ratio APD/RNB, qui mesure l'effort relatif de chaque pays en matière d'APD déclarée, s'élève à 0,46 % en 2011.

La France a été en 2011 le troisième bailleur mondial en volume d'APD nette déclarée , derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni.

En rapportant cette aide au revenu national brut, la France apparaît comme le 10 e contributeur en termes d'effort relatif par rapport au revenu national du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE.

Avec 0,46 %, la France a un niveau d'effort inférieur aux années 80 et 90, au-dessus de 0,6 %, comme l'illustre le graphique suivant.

Source : OCDE

Le suivi de cet indicateur ne présente cependant qu'un intérêt limité. Comme l'a souligné le ministre du Développement lors de la table ronde organisée par la commission le 3 octobre dernier : « On peut douter de la pertinence de cet indicateur dit structurant. ....Il n'a pas grand sens. A titre d'anecdote, la facture de chauffage des centres de rétention a longtemps été comptabilisée - et peut-être l'est-elle encore ! - dans l'aide au développement. Qu'on pousse la température de quelques degrés et l'on se rapproche de l'objectif...des 0,7 % ».

Il a été rejoint en cela par M. Jean Michel Severino qui observait qu'aussi « étonnant que cela puisse vous paraître, en tant que directeur général de l'AFD, je n'ai jamais compris la nature des chiffres communiqués à l'OCDE, tant ils avaient subi les transformations, les structurations et les triturations destinées à rendre notre discours présentable. Ni indicateur d'objectifs, ni indicateur de mesure, ni indicateur d'efficacité, notre indicateur d'APD ne semble servir qu'à nous tromper sur la communication et à nous sentir coupables. »

Si l'on prend un indicateur plus sincère de l'effort réellement consenti qu'est l'aide programmable 20 ( * ) , l'aide au développement française représente un peu plus de 9 % de l'APD des pays du CAD et 3 % de l'APD l'ensemble des donneurs.

Évolution absolue et relative de l'aide programmable française

en millions de dollars (US) courant

Aide programmable par pays (APP)

2006

2007

2008

2009

2010

France (valeur absolue)

3 166

3 595

4 301

4 171

4 836

Donneurs du CAD, total

41 727

44 714

53 496

54 873

57 173

Part relative France/Donneurs du CAD (en %)

8%

8%

8%

8%

8%

Agences Multilatérales, total

23 537

28 160

32 024

37 415

35 839

Donneurs du CAD et Agences Multilatérales

65 264

72 874

85 520

92 288

93 012

Part relative France/(Donneurs du CAD et Agences Multilatérales) (en %)

5%

5%

5%

5%

5%

Pays Non-CAD, total

4 105

5 457

8 130

4 759

4 743

Part relative France/Pays non-CAD(en %)

77%

66%

53%

88%

102%

Total tous les donneurs

134 633

151 206

179 170

189 336

190 766

Part relative France/Tous donneurs(en %)

2%

2%

2%

2%

3%

Membres du G7

32 073

32 818

39 610

41 201

43 747

Part relative France/Membres du G7 (en %)

10%

11%

11%

10%

11%

B. LES CRITÈRES RETENUS POUR LA DÉCLARATION DE L'APD NE PERMETTENT CEPENDANT PAS DE MESURER L'ARGENT EFFECTIVEMENT DISPONIBLE POUR FINANCER DES PROJETS DE DÉVELOPPEMENT

1. Même si elle en a une lecture assez large, la France respecte les critères de déclaration définis par l'OCDE

L'ensemble des dépenses contribuant à l'effort français en faveur du développement est comptabilisé par le Comité aide au développement (CAD) de l'OCDE.

Pour être comptabilisées à ce titre, ces dépenses doivent répondre à quatre critères qui ont été définis au sein de l'OCDE par les pays membres.

Les bénéficiaires doivent être des pays ou des territoires considérés en développement par le CAD, ou une institution multilatérale de développement. Les apports doivent émaner d'organismes publics (Etats, collectivités locales ou autres organismes publics).

Ces apports doivent avoir pour but essentiel de favoriser le développement économique et l'amélioration du niveau de vie du pays bénéficiaire. Ces apports peuvent être des dons ou des prêts présentant des conditions plus favorables que celles du marché.

La liste des pays bénéficiaires est révisée tous les trois ans et est basée sur les données de revenu national brut par habitant. Les contributions de chaque pays aux organismes internationaux peuvent être comptabilisées au titre de l'APD, en totalité ou seulement en partie, selon la nature de l'organisme.

Cet agrégat constitue le thermomètre de l'engagement de chaque pays en faveur du développement. Il est la référence pour la comptabilisation des engagements en faveur des objectifs du millénaire pour le développement et notamment ceux visant une APD de 0,7 % du revenu national brut.

Les principales catégories de dépenses de l'APD française peuvent être répertoriées dans quatre catégories : aide bilatérale, aide multilatérale, aide européenne transitant notamment pas le Fonds Européen de Développement et opérations sur dette.

APD de la France par type d'activité

(données 2000-2010 et prévisions pour 2011-2013)

En millions d'euros ; source : DG Trésor 2011 et base de données du CAD

Source : DPT 2012

Les pouvoirs publics français sont régulièrement critiqués sur la composition de l'APD déclarée à l'OCDE.

Mais force est de constater que ces déclarations, qui font l'objet d'une vérification de la part de l'OCDE, sont conformes aux règles fixées. La France a pu par le passé, et peut parfois encore aujourd'hui, avoir une interprétation large des catégories de dépenses susceptibles d'être déclarées, mais elle s'en tient aux règles fixées par l'ensemble des bailleurs de fonds du CAD.

Ainsi, les règles de l'OCDE autorisent les Etats à déclarer des dépenses d'écolage. La France a longtemps eu une interprétation très large de ces dépenses. D'autres pays, comme la Grande-Bretagne, ne déclarent pas ces dépenses, considérant que des étudiants étrangers issus des pays en développement dans les instituts d'enseignement supérieur ne relevaient pas de l'aide au développement. De ce fait, les critiques formulées à l'encontre de la déclaration française portent en réalité sur les règles de l'OCDE.

2. L'APD déclarée constitue cependant un mauvais thermomètre de l'effort français en faveur du développement
a) L'APD au sens de l'OCDE ne prend pas en compte nombre d'efforts qui relèvent clairement d'une aide au développement

L'APD au sens de l'OCDE ne prend pas en compte nombre d'efforts qui relèvent clairement d'une aide au développement, comme les garanties apportées par l'Agence française de développement, les prises de participation de Proparco, le montant des dotations privées des organisations non gouvernementales (ONG) bénéficiant de déductions fiscales.

Il s'agit de montants importants, comme l'a montré la Cour des comptes. On peut relever :

- les dépenses fiscales résultant de la déductibilité des dons aux organisations de solidarité internationale, visée par l'article 200 du code général des impôts ont été évaluées récemment par l'inspection générale des finances entre 600 et 800 millions d'euros par an ;

- les garanties publiques octroyées à des entreprises ou à des banques des pays en développement, qui représentent une part croissante de l'activité de l'Agence française de développement s'élèvent à 167 millions d'euros en 2011 ;

A l'inverse, la France a traditionnellement eu une interprétation large des critères lui permettant de gonfler sa déclaration avec des dépenses dont l'objet n'était pas strictement de l'aide au développement.

b) Figurent au sein des dépenses déclarées au titre de l'APD française prés de deux milliards d'euros de crédits qui ont un rapport très lointain avec une aide de terrain effective.
(1) Les coûts d'accueil des étudiants issus de pays en développement dans les universités françaises sont comptabilisés à hauteur de plus de 600 millions d'euros

La France a, depuis deux ans, suite aux observations du CAD, notamment lors de la revue par les pairs de 2008, effectué des efforts de sincérité dans sa déclaration, en particulier, dans l'évaluation des coûts d'accueil des étudiants issus de pays en développement dans les universités françaises, appelés « écolages ».

La France comptabilisait, en effet, dans son APD, le coût que représente la présence dans les universités françaises de tous les étudiants issus de pays en développement, qu'ils retournent ou non dans leur pays à la fin de leurs études, quelles que soient les disciplines étudiées, sans que leur présence ne reflète un accord de coopération avec leur pays d'origine, ainsi que les étudiants étrangers vivant en France et ayant obtenu leur baccalauréat en France.

Depuis 2008, la déclaration française d'APD au CAD exclut notamment les étudiants de nationalité étrangère ayant obtenu un baccalauréat en France, pour lesquels les probabilités de retour sont notoirement faibles.

L'écolage est ainsi passé de 879 millions d'euros en 2007 à  693,5 millions d'euros en 2011 .

La comptabilisation reste cependant large, puisqu'elle continue à inclure tous les autres étudiants issus de pays en développement, qu'ils retournent dans leur pays ou pas à la suite de leurs études et que leur présence relève ou non d'un accord spécifique.

Montant de l'écolage déclaré en APD

Ecolage, en millions €

Année

Montant

2007

878,4

2008

636,5

2009

665,2

2010

696,8

2011

693,5*

Source : OCDE DG Trésor

*hors subventions spécifiques en faveur de certains PED

De plus, selon les directives pour l'établissement des rapports statistiques, du CAD, , les coûts comptabilisés dans l'APD doivent refléter « la mise en oeuvre par le pays d'accueil d'une politique délibérée de coopération pour le développement, c'est-à-dire, au minimum, que ces coûts soient expressément mentionnés dans le budget du gouvernement et que les instances chargées des programmes d'APD participent de manière adéquate à l'élaboration de la politique d'accueil et de formation d'étudiants originaires de pays bénéficiaires de l'aide, compte tenu de facteurs nationaux particuliers. ».

Or la politique de la France en la matière se caractérise par une absence notable de sélection, de stratégie et pour tout dire de politique. En tout état de cause, elle méconnaît les exigences de la directive de l'OCDE relatives à « la définition des disciplines et des niveaux d'enseignement ; l'évaluation des compétences ou des qualifications particulières dont les bénéficiaires de l'aide intéressés ont besoin ; la détermination du nombre d'étudiants ou de stagiaires à accueillir et les critères de sélection ; les possibilités d'adapter l'enseignement aux besoins des étudiants originaires de pays en développement ; l'organisation d'échanges de vues avec les pays bénéficiaires sur les moyens de faire coïncider les places disponibles dans le système éducatif du donneur avec les besoins de chaque pays ; la mise en place de mesures spécialement destinées à éviter l'exode des cerveaux ; l'aide à la réintégration des étudiants dans leur pays d'origine ».

(2) Les coûts d'accueil des réfugiés issus des pays en développement sont comptabilisés à hauteur de plus de 300 millions d'euros

Dans le même temps, la France continue à déclarer des sommes importantes au titre de l'accueil des réfugiés, comme l'illustre le tableau suivant :

Montant des dépenses liées à l'accueil des réfugiés déclarées en APD 21 ( * )

en millions d'euros

2007

2008

2009

2010

2011

APD réfugiés

276

256

272

328

392

Source : OCDE

Sur le principe, votre commission a du mal à comprendre en quoi les dépenses concernant les plates-formes d'accueil des demandeurs d'asile peuvent être considérées comme des dépenses concourant au développement des pays du Sud.

On peut concevoir qu'il s'agisse de dépenses de solidarité avec les populations des pays du Sud. Que ces dépenses concourent au développement de long terme de ces pays, c'est contestable.

Certes, les règles de l'OCDE l'autorisent. D'autres pays déclarent des sommes comparables, certains pays cependant, comme le  Royaume-Uni, s'y refusent.

Il convient de souligner qu'il s'agit de sommes considérables puisqu'elles s'élèvent à un montant proche de la contribution française au fonds mondial contre le Sida.

Comme l'a souligné le ministre du développement lors de la table ronde organisée par la commission « la facture de chauffage des centres de rétention a longtemps été comptabilisée - et peut-être l'est-elle encore ! - dans l'aide au développement. Qu'on pousse la température de quelques degrés et l'on se rapproche de l'objectif (des 0,7 %)... ».

(3) Les dépenses liées à la diffusion de la francophonie dans les pays en voie de développement sont comptabilisées à hauteur de 100 millions d'euros

Une partie du coût des établissements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est également comptabilisée dans l'aide publique au développement française.

La fraction retenue correspond au pourcentage des dépenses relatives aux élèves étrangers scolarisés dans les établissements de l'AEFE dans les pays éligibles à l'APD.

Les principales dépenses liées à l'AEFE comptabilisables en APD, mesurant l'effort de l'Etat envers les élèves étrangers, sont les frais généraux de scolarité des élèves étrangers scolarisés dans les réseaux d'établissements français, les rémunérations des professeurs et les bourses d'études

en millions d'euros

2006

2007

2008

2009

2010

Montants AEFE comptabilisés en APD

90

95,9

88

105,4

106,7

Source : OCDE

(4) Les dépenses liées à la zone franc sont comptabilisées à hauteur de 70 millions d'euros

D'autres dépenses déclarées à l'OCDE ne sont pas spontanément celles auxquelles on pense en matière d'aide au développement, comme les dépenses liées au franc et à la rémunération des dépôts des avoirs des banques centrales de la zone franc (BCEAO, BEAC et BCC), comptabilisables en APD 22 ( * ) , qui se sont élevées, respectivement en 2010 à plus de 73 millions d'euros.

Montant des dépenses liées aux Francs CFA et à la rémunération des dépôts des banques centrales des pays de la zone franc comptabilisées dans l'APD française

En M€

APD 2007

APD 2008

APD 2009

APD 2010

BCEAO

26,73

32,29

34,70

28,71

BEAC

56,65

45,29

45,99

43,73

BCC

-

0,69

0,61

0,79

TOTAL

83,38

78,27

81,29

73,23

Source : OCDE

L'ensemble de ces dépenses, qui ont un rapport lointain avec l'aide au développement, représente près de 2 milliard d'euros, soit 18 % de l'APD française déclarée.

c) Le poids des annulations de dettes qui représentent, selon les années, 8 à 40 % de l'aide déclarée explique l'essentiel des variations annuelles de l'APD française.

L'évolution du volume total de l'APD française depuis 2002 est marquée par le rôle essentiel de la comptabilisation des annulations de dettes.

La France est, en effet, l'un des principaux contributeurs de l'initiative Pays pauvres très endettés (PPTE). Ainsi, après avoir largement contribué à la hausse de l'APD française jusqu'en 2006, la chute de l'APD en 2007 s'expliquait essentiellement par la baisse des allègements de dettes.

La hausse de l'APD annoncée en 2009 s'explique à nouveau par la comptabilisation d'importants allègements de dettes qui s'élèvent en effet à 2,7 milliards de dollars en 2009, soit 22 % de l'APD, contre 2 % en moyenne pour les donateurs du CAD.

Ces annulations de dettes sont, pour une grande partie, négociées dans le cadre du Club de Paris, notamment la contribution de la France à l'initiative PPTE.

La France est, en effet, le premier contributeur à l'initiative PPTE, sous laquelle des montants très importants ont été annulés entre 2002 et 2004.

France (versements nets)

(en M$)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

APD totale

7 253,09

8 472,56

10 026,22

10 600,59

9 883,59

10 907,55

12 600,02

Allègements de dette

2 718,75

1 753,68

3 363,55

3 500,80

1 497,57

973,75

2 773,52

% allègements de dettes/APD totale

37,48%

20,70%

33,55%

22,01%

15,15%

8,93%

22,01%

Source : OCDE

Le rôle des allégements de dette est très nettement supérieur en France par rapport aux autres pays du CAD.

Source : OCDE

Le poids des allégements de dette dans l'APD française va demeurer important selon le projet de loi de finances.

En effet, le document de politique transversale prévoit des annulations de dette de plus de 1 milliard en 2015, soit 17 % de l'aide bilatérale et 11 % du total.

DPT 2013

2011

2012

2013

2014

2015

Aide bilatérale

6 130

6 676

6 634

6 484

7 262

annulations de dettes et refinancements

817

1 194

896

616

1 247

Aide multilatérale

3 254

3 029

3 192

4 048

3 654

Total

9384

9 705

9 826

10 531

10 916

part des annulations de dette dans l'aide bilatérale

13,3%

17,9%

13,5%

9,5%

17,2%

part des annulations de dette dans l'APD

8,7%

12,3%

9,1%

5,8%

11,4%

La comptabilisation de ces annulations est, à certains égards, légitime.

Ces annulations de la dette des pays les plus pauvres sont une condition de leur développement. L'assainissement de leurs finances a d'ailleurs probablement contribué à leur relative résistance à la crise financière. Elles constituent, par ailleurs, une perte de créance pour l'Etat français et les contribuables français.

Cependant, dans de nombreux cas, ces annulations portent sur des créances impayables, qui n'auraient jamais pu être remboursées. Elles relèvent donc, dans ce cadre, plus d'un jeu d'écriture comptable que d'une véritable contribution au financement du développement.

Dans son estimation de l'APD « réelle », Coordination SUD, la coordination nationale des ONG françaises de solidarité internationale, déduit 90 % du montant total des allègements de dettes de l'APD officielle.

Elle se fonde sur la recommandation d'une étude réalisée par Daniel Cohen sur les annulations de dettes des PPTE. Estimant que la grande majorité des allègements de dettes constitue un effacement comptable de créances impayables, il recommande en effet que seuls 10 % de ces annulations soient comptabilisés en APD, les 90 % restants devant être inscrits en pertes sur allègements 23 ( * ) .

d) Les flux net de prêts, parfois à des taux proches du marché, représentent plus d'un milliard d'euros d'APD

L'évolution de l'APD française est enfin marquée par le poids des prêts.

Au total, les flux nets liés aux prêts représentent 1,1 milliard d'euros dans l'APD nette de la France, soit 12,3 %.

Les prêts ainsi notifiés comportent un degré de bonification et doivent financer des projets développement.

La croissance de la part des prêts dans l'APD française suscite trois séries de questions.

(1) La question du degré de concessionnalité des prêts ou jusqu'où peut-on considérer des prêts à des taux de marché comme de l'APD

Parmi ces prêts, certains sont à des taux très éloignés des conditions des marchés financiers et bénéficient d'une intervention publique significative, d'autres, en revanche, sont à des conditions de taux et de durée proches de celles du marché.

Vos rapporteurs estiment qu'il est contestable d'intégrer dans l'aide publique au développement des prêts proches des conditions du marché.

Il leur apparaît paradoxal que les prêts consentis par exemple à la Chine, dont on leur assure qu'ils ne coûtent rien aux contribuables français, soient comptabilisés au titre de l'aide au développement dans des proportions telles que la Chine, sur la période 2007-2009, soit le quatrième de l'APD bilatérale française. Certes, la moitié de cette APD est constituée d'écolage dont on peut, par ailleurs, contester la comptabilisation. Mais le reste est bien constitué de prêts de l'AFD dans un pays dont on a du mal à considérer qu'il est en développement au même titre que l'Afrique subsaharienne. Il s'agit de prêts à des conditions proches de celles du marché dans un pays qui est en passe de devenir la première puissance économique mondiale dont les capacités financières lui permettent de racheter la dette du Portugal et de la Grèce.

En résumé, ces prêts ne sont pas de l'aide dans la mesure où, d'une part, les taux sont proches de ceux du marché et où, d'autre part, l'AFD, compte tenu de son mode de tarification, dégage de ses activités en Chine ou en Inde une marge bancaire proportionnelle au montant important des financements consentis. Il ne s'agit pas non plus d'un effort public dans la mesure où ces prêts ne font pas l'objet de bonification puisqu'on nous assure que le coût pour l'État est désormais nul. Cela ne correspond pas non plus à une assistance à un pays en développement, ni à une activité de développement au sens strict, puisque l'AFD n'intervient que dans des projets liés à la lutte contre le réchauffement climatique afin de défendre les intérêts des entreprises françaises.

Autrement dit, peuvent être comptabilisés chaque année plus de 200 millions d'euros au titre de l'aide publique au développement des financements qui ne sont ni de l'aide, ni un effort public, ni du développement.

Il s'agit là d'une situation paradoxale qui mériterait un examen attentif. Au-delà de la Chine se pose la question des taux d'intérêt des prêts consentis susceptibles d'être déclarés.

Pour être notifiés à l'OCDE au titre de l'APD, les éléments de libéralité des prêts doivent atteindre le minimum requis de 25 %. Comme l'a souligné la revue à mi-parcours de la France par le CAD : « Certains de ces prêts ont des taux d'intérêt proches du niveau du marché (en comparaison, par exemple, avec le taux d'actualisation différencié), même si leur élément de libéralité atteint le minimum requis de 25 %. ».

La France a maintenu qu'elle considérait bien ces prêts comme concessionnels : d'une part, les pays bénéficiaires n'obtiendraient pas ces fonds à de telles conditions sur le marché, et, d'autre part, les risques encourus par le prêteur ne sont pas facturés aux bénéficiaires.

Le Secrétariat de l'OCDE estime que les risques encourus par le prêteur sont déjà couverts dans les statistiques du CAD par la possibilité de notifier en APD, en cas de défaut, les éventuelles annulations de ces prêts. Ceci implique que le niveau de concessionnalité de ces prêts devrait être considéré plutôt du point de vue du donneur (« coût d'opportunité » pour le donneur plutôt qu'« avantage procuré à l'emprunteur »).

Vos rapporteurs souhaitent que la définition de la concessionalité des prêts soit donc à nouveau discutée dans l'enceinte du CAD. Mais ils attirent l'attention sur les conséquences d'une révision des règles de comptabilisation sur le niveau de la déclaration française qui pourrait être amputée de plusieurs centaines de millions d'euros.

Au-delà de la question de la notification, vos rapporteurs soulignent que les prêts et les dons n'ont évidemment pas, en termes de générosité publique, la même signification, ni la même portée pratique. Ils concèdent volontiers qu'il existe une continuité entre des prêts très concessionnels et les dons, mais trouvent abusif de considérer de la même façon des prêts aux conditions du marché et des dons.

(2) La question de la dynamique de la croissance des prêts et son incidence sur l'évolution future de l'APD française.

Les prêts en direction des pays en développement sont en effet déclarés comme APD au moment du décaissement et viennent au moment des remboursements en soustraction des dépenses d'APD, de sorte que, sur le long terme, seul le coût brut du prêt pour le prêteur est comptabilisé au titre de l'aide, comme l'illustre le graphique suivant.

Les prêts nets représentent le volume des décaissements réalisés desquels est déduit le volume des remboursements de prêts perçus la même année.

En 2006, le volume des remboursements était supérieur au montant des décaissements, d'où un impact global négatif sur l'APD française comme l'illustre le tableau suivant :

Année

Prêts

APD nette totale

Nets

Bruts

2005

-405

812

10 026

2006

-979

934

10 601

2007

-344

1 072

9 884

2008

594

2 026

10 908

2009

1 451

2 704

12 602

2010

1 926

3 154

12 915

A partir de 2008, cependant, cet impact est redevenu positif, du fait de la très forte augmentation des décaissements des nouveaux prêts.

Les remboursements des prêts contractés dans les années 90 risquent d'avoir, dans ces conditions, des effets sensibles sur la déclaration française d'APD. Compte tenu de la multiplication des prêts par quatre de 2006 à 2010, l'arrivée de la période de remboursement entraînera une diminution massive de notre APD.

Le montant prévisionnel des remboursements qui viendront en déduction de l'APD brute dans les cinq prochaines années est retracé dans le tableau ci-dessous :

Remboursements de prêts en M€

2012

2013

2014

2015

2016

AFD

424

489

560

714

808

RPE

404

380

359

329

309

FMI

41

40

93

174

nd

Total

870

909

1 012

1 218

1 117

Autrement dit, le début des remboursements de la vague de prêts des années 80 va amputer la déclaration de la France de plus d'un milliard d'euros par an à partir de 2013.

De plus en plus la situation de la France ressemble à celle du Japon. Quand on regarde les flux d'APD négative, c'est-à-dire les remboursements du capital des prêts concessionnels, le Japon représente à lui seul 64% du total des remboursements.

Il a développé, au milieu des années 80, une politique d'APD basée sur les prêts qui a permis au Japon d'accroître son poids dans l'aide du CAD de 10 à 25 % pour revenir aujourd'hui à 8 % avec un effet net des prêts proche de 0.

Cette situation illustre l'aspect transitoire de la création d'APD par les prêts à engagement constant. Dans cette perspective la seule solution pour limiter l'effet de ces remboursements serait d'augmenter sans discontinuer le montant des prêts. Or on voit bien les limites d'un processus qui n'est pas soutenable pour l'AFD, ne serait-ce que pour des raisons prudentielles.

(3) La question du bon équilibre entre les dons et les prêts au regard des objectifs géographiques de la coopération française.

Les prêts sont bien adaptés pour intervenir dans les pays et les secteurs les plus dynamiques où leur effet de levier permet d'espérer une influence significative. En revanche, ils ne permettent pas d'intervenir dans les pays les plus pauvres, qui sortent à peine d'un processus de désendettement dans les situations de crise ou dans les secteurs sociaux.

Vos rapporteurs y reviendront plus longuement dans l'étude de l'aide bilatérale.

Un chiffre résume la situation : en 2010, sur plus de 3 milliards de prêts engagés, l'AFD a consenti un peu plus de 300 millions d'euros de prêts dans les PMA, comme l'illustre le tableau suivant :

Source : AFD

C. UNE INTERPRÉTATION LARGE DES CRITÈRES DE L'OCDE QUI FAUSSE LES COMPARAISONS INTERNATIONALES

Le recours à une interprétation large des critères de l'OCDE conduit à fausser les comparaisons internationales. Ainsi, si l'on considère la déclaration de la France et de la Grande-Bretagne en 2009, on constate que sur la dizaine de milliards déclarés par les deux pays la France déclarait au titre des écolages et des annulations de dettes plus de 2 milliards là où la Grande-Bretagne ne déclarait que 42 millions.

France

Royaume-Uni

APD

12 601,55

11 282,61

Écolages

931,44

0

Annulations de dette

1 405,25

42,59

APD-annulation de dettes et écolage

10 264,86

11 240,02

Source OCDE en millions de dollars

Les deux pays pouvaient afficher un taux d'effort, c'est-à-dire une APD rapportée au revenu national brut de 0,51 %, mais en réalité, si l'on supprime les écolages que la Grande-Bretagne se refuse à déclarer et les annulations de dettes qui ne sont pas évaluées à leur juste valeur, le taux d'effort réel de la France n'est plus que de 0,38 %.

Selon les données préliminaires d'APD 2011, la France et la Grande-Bretagne ont déclaré au titre de l'APD des sommes comparables. Toutefois, en dehors de la question des modes de comptabilisation, les chiffres français et britannique reposent sur des instruments différents.

en M$ courants

2007

2008

2009

2010

2011*

France

9 884

10 908

12 602

12 915

12 994

Grande-Bretagne

9 848

11 500

11 283

13 053

13 739

* sur la base des données préliminaires d'APD 2011

en % RNB

2007

2008

2009

2010

2011*

France

0,38%

0,39%

0,47%

0,50%

0,46%

Grande-Bretagne

0,36%

0,43%

0,51%

0,57%

0,56%

* sur la base des données préliminaires d'APD 2011

Entre 2006 et 2010, la répartition de l'aide bilatérale entre dons et prêts est restée plutôt stable en Grande-Bretagne, alors que la part des prêts dans l'aide bilatérale triplait en France.

Répartition entre dons et prêts de l'aide bilatérale brute

% dons / prêts

2007

2008

2009

2010

2011*

France

87% / 13%

76% / 24%

69% / 31%

73% / 27%

70% / 30%

Grande Bretagne

89% / 11%

90% / 10%

93% / 7%

92% / 8%

nd

* sur la base des données préliminaires d'APD 2011

D. L'AIDE PILOTABLE ET L'EFFORT FINANCIER DE L'ETAT QUI SONT DES CRITÈRES PLUS PERTINENTS POUR ORIENTER LE NIVEAU DE L'AIDE FRANÇAISE DOIVENT FAIRE L'OBJET D'UNE PUBLICATION ET D'UN SUIVI

La définition de l'aide publique au développement au sens de l'OCDE qui sert essentiellement à mesurer notre effort pour atteindre les 0,7 % a perdu beaucoup de sa pertinence pour mesurer les moyens effectivement disponibles sur le terrain pour des projets de coopération.

Dès qu'un interlocuteur veut parler de l'effort réel en faveur d'un pays, ou bien de l'argent effectivement disponible pour financer des projets, il évoque d'autres critères dont l'aide programmable, autrement dit, l'aide dont on a enlevé les annulations de dette, les coûts d'écolage et de prise en charge des réfugiés, et autres éléments moins en rapport avec le développement et l'effort financier de l'Etat.

Aide publique programmable en valeur absolue et en pourcentage

en millions de dollars (US) courant

Aide programmable par pays (APP)

2006

2007

2008

2009

2010

Donneurs du CAD, total

41 727

44 714

53 496

54 873

57 173

Agences Multilatérales, total

23 537

28 160

32 024

37 415

35 839

Donneurs du CAD et Agences Multilatérales

65 264

72 874

85 520

92 288

93 011

Pays Non-CAD, total

4 105

5 457

8 130

4 759

4 743

Total tous les donneurs

134 633

151 206

179 170

189 335

190 766

France (valeur absolue)

3 166

3 595

4 301

4 171

4 836

Part relative France/Donneurs du CAD (en %)

8%

8%

8%

8%

8%

Part relative France/(Donneurs du CAD et Agences Multilatérales) (en %)

5%

5%

5%

5%

5%

Source : OCDE

« L'aide programmable pays » (APP) se calcule, selon la  définition de l'OCDE, à partir de l'APD bilatérale brute de laquelle on déduit un certain nombre de postes qui correspondent à des dépenses non programmables, soit parce qu'elles sont imprévisibles (aide humanitaire, annulation de dettes), soit parce qu'elles n'entraînent pas de flux transfrontaliers (écolage, réfugiés), soit parce qu'elles n'entrent pas dans des accords entre gouvernements (aide aux ONG, aide allouée par les collectivités locales), soit parce qu'elles ne peuvent pas être ventilées (PED non ventilés).

Au regard de l'aide programmable, l'aide française représente 4 milliards soit 3 % de l'aide mondiale 24 ( * ) .

Si on se situe au niveau des pays récipiendaires, les études de terrain montrent que les montants vraiment disponibles sont encore plus limités. Une enquête de l'OCDE sur 55 pays a établi que, sur les 8 milliards de dollars d'aide publique au développement brute française, seulement 1,7 milliard de dollars était effectivement disponible pour des projets bilatéraux d'aide au développement.

Ainsi, sur 8 milliards déclarés en 2008 par la France, seulement quatre sont programmables et un peu moins de deux ont été délivrés de façon bilatérale dans les pays récipiendaires.

On constate, par ailleurs, que la France est l'un des pays où la part relative de l'aide programmable par rapport à l'ensemble de l'APD est la plus faible. Pour la moyenne des pays du CAD, l'aide programmable représente 63 % de l'APD, en France, elle ne représente que 37 % de l'aide déclarée en 2010.

Cette situation explique que la progression de l'APD globale soit en décalage avec celle de l'aide programmable. Si l'aide programmable a augmenté depuis 2000, sa progression a été plus lente que l'APD globale : alors qu'elle représentait plus de la moitié de l'APD en 2000, son poids est seulement de 37 % en 2010.

Evolution de l'aide programmable (versements en millions de dollars)

Source : OECD.Stat

Cette évolution illustre une capacité de plus en plus limitée à orienter les crédits vers les axes prioritaires de la politique d'aide française.

L'APD française se caractérise également par une part décroissante de l'aide programmable (même si elle a augmenté en volume entre 1998 et 2010), notamment lorsqu'on la compare avec la moyenne des pays membres de l'OCDE, qui limite sa capacité à piloter et contrôler les crédits en fonction de ses priorités. Sur près de 10 milliards d'euros comptabilisés au titre de l'APD au sens du CAD en 2010, moins de 5 milliards correspondent à des crédits effectivement programmables au titre de l'aide bilatérale (37% de l'APD nette de la France contre une moyenne de 63% pour les pays donateurs du CAD).

*

Les observations précédentes attestent que l'on juge notre effort public en faveur du développement à l'aune d'un thermomètre largement faussé. Les batailles de chiffres auxquelles donne lieu le débat budgétaire sur l'aide publique au développement n'ont pas toujours de sens.

Les observations précédentes soulignent combien la définition actuelle de l'aide publique au développement à l'OCDE mesure mal la réalité qu'elle est supposée appréhender.

Les défauts de cet agrégat ont des conséquences sur la conduite de la politique d'aide au développement et introduisent un biais dans ses orientations.

La pression exercée afin que les Etats remplissent leur engagement en termes de pourcentage d'aide publique au développement dans le revenu national, avec les 0,7 %, conduit, sur le long terme, les gouvernements à maximiser des dépenses qui entrent dans l'agrégat, au détriment d'autres types d'interventions qui peuvent s'avérer tout aussi utiles sinon plus.

Autrement dit, cet agrégat constitue non seulement un problème statistique, mais également un problème politique.

C'est pourquoi il importe de diversifier les instruments de mesure de l'OCDE.

Vos rapporteurs demandent à ce que la France plaide au sein de cette enceinte pour une évolution des critères de comptabilisation en complétant l'indicateur actuel par d'autres indicateurs plus pertinents.

Le document-cadre prévoit de « promouvoir l'utilisation complémentaire d'un indicateur plus large permettant de mieux rendre compte de l'ensemble des efforts consentis en faveur du financement du développement ».

La France a, par le passé plaidé, avec d'autres membres du G8, pour la construction d'un indicateur dit « APD+ », qui aurait vocation à compléter l'indicateur actuel en incluant les investissements directs à l'étranger, les transferts des migrants, les prêts non concessionnels et les financements innovants.

Certains craignent que notre pays ait plus à perdre qu'à gagner dans une redéfinition des modes de comptabilisation, la prise en compte des dépenses fiscales ou des garanties ne suffisant pas à compenser une rigueur accrue dans la comptabilisation des prêts et de certaines dépenses controversées.

Vos rapporteurs estiment qu'il importe avant tout d'avoir des indicateurs pertinents dont le suivi permet de piloter cette politique.

La définition d'un indicateur large est un élément important des discussions à venir sur le cadre post 2015.

Comme il a été précédemment indiqué, cet indicateur large pourrait être complété par une mesure de l'effort budgétaire en faveur du développement et une plus grande utilisation de l'aide pilotable.

L'aide programmable est un concept du CAD qui insiste sur la prévisibilité de l'aide du point de vue du bénéficiaire.

L'aide pilotable est un concept original qui prend le point de vue du donateur (nous) et vise à ne s'intéresser qu'à ce qui peut faire l'objet d'une maîtrise de la part des pouvoirs publics. Elle exclut donc les écolages et les annulations de dettes multilatérales mais comprend aussi bien l'aide bilatérale classique (aide projet, aide budgétaire, C2D, ...) que notre part d'aide multilatérale qui peut être orientée par nos représentants.

Votre commission estime en conclusion de cette partie que l'effort financier de la France en faveur de la coopération au développement doit être suivi à travers trois indicateurs supplémentaires qui devraient figurer dans le DPT :

- l'aide pilotable afin d'isoler dans les crédits notifiés ceux sur lesquels le gouvernement a une maîtrise réelle et peut exercer un pilotage, des arbitrages bref une programmation ;

- l'effort financier de l'Etat en faveur du développement qui correspond in fine à la contribution des contribuables ;

- et un indicateur de flux financiers vers les pays en développement du type APD + ;

Elle demande au Gouvernement d'inclure ces indicateurs dans les documents budgétaires et dans sa communication et de les promouvoir au sein des instances internationales et au premier chef au sein de l'OCDE.

II. LA FRANCE DOIT RENONCER AUX PROMESSES QU'ELLE NE PEUT PAS TENIR POUR SE RECENTRER SUR SES PRIORITÉS

Quelle que soit la majorité, la politique d'aide au développement donne lieu à des conférences internationales où il est d'usage de prendre des engagements, de faire des promesses qui sont malheureusement parfois des annonces sans lendemain.

En droite ligne avec les valeurs issues de son histoire et l'idée qu'elle se fait de son rôle dans le monde, la France se veut une nation généreuse.

Elle a depuis des années multiplié les promesses et s'évertue à chaque sommet international à en formuler d'autres.

L'habitude a été prise d'annoncer dans les grands sommets internationaux des engagements sectoriels ou géographiques que la France souhaiterait tenir, sans toujours prendre en compte sa capacité à les atteindre.

A. LE POSITIONNEMENT DE LA FRANCE SE CARACTÉRISE PAR UNE MULTIPLICATION DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX EN DÉCALAGE AVEC LES MOYENS BUDGÉTAIRES PROGRAMMÉS

Certains de ces engagements ont été suivis d'effet au prix d'efforts budgétaires importants. D'autres non.

Il est vrai que longtemps les gouvernements successifs ont parfois privilégié, en matière de coopération, les effets d'annonce, sans se soucier ni de leur cohérence, ni de leur suivi.

Dans certains cas, on peinerait à mesurer, après quelques mois, la traduction concrète de ces engagements qui ne font pas toujours l'objet d'une affectation financière véritablement nouvelle et clairement identifiée, comme c'est désormais recommandé par l'OCDE.

Certaines nouvelles « annonces » internationales s'appuient sur le recyclage d'une aide limitée ou une simple réallocation des subventions, non extensible, et déjà promise plusieurs fois.

L'objectif ne peut se limiter à répondre à une émotion populaire, à l'occasion d'une catastrophe humanitaire ou d'un conflit, sans véritable analyse des besoins, des demandes de nos partenaires du Sud, des moyens disponibles ou de la cohérence avec les interventions existantes.

Les exemples abondent de ces annonces politiques, dont aucune évaluation digne de ce nom n'est ensuite dressée : réponse au tremblement de terre en Haïti, appui à la reconstruction en Afghanistan, programmes de soutien à l'Autorité palestinienne, mesures pour juguler la crise alimentaire.

Les décisions d'aide à ces pays en crise se traduisent régulièrement par une simple réallocation des subventions en principe destinées aux pays les plus pauvres d'Afrique pourtant eux-mêmes déclarés « prioritaires », voire par l'annonce en grande pompe des sommes prévues avant les crises auxquelles ces promesses, comprises à tort comme additionnelles, sont censées remédier.

Dans un contexte où ces subventions bilatérales pour l'Afrique avaient déjà atteint un étiage jamais constaté depuis plus de 30 ans, on conçoit bien la difficulté de conduire une politique crédible dans ces pays pourtant prioritaires.

A privilégier la visibilité plus que la cohérence, la politique de coopération française a parfois perdu de sa crédibilité.

On retrouve ce goût du coup médiatique dans les moments les plus solennels des sommets internationaux, quand le Président de la République annonce, à la tribune de l'ONU en septembre dernier, une augmentation de 60 millions d'euros de la contribution de la France au Fonds mondial de lutte contre le Sida, sans la budgéter en amont et sans qu'en aval, un an après, ces sommes ne soient décaissées au profit du fonds mondial.

Depuis cette somme, à défaut d'être additionnelle, a été prise sur les crédits issus de la taxe sur les billets d'avions destinés à UNITAID.

La France a annoncé un effort supplémentaire pour finalement réallouer des sommes existantes, c'est-à-dire en langage courant « en déshabillant Paul pour habiller Pierre ».

Comme le souligne le dernier rapport de la Cour des comptes, la politique d'aide au développement procède « d'objectifs affichés peu réalistes » et d'un « effort budgétaire non soutenable ».

Cette situation n'est pas récente, mais découle de la conjonction d'une trajectoire budgétaire déclinante masquée par l'augmentation des prêts et d'une décennie d'engagements toujours ambitieux.

B. BEAUCOUP DE PROMESSES, QUELQUES ENGAGEMENTS TENUS

Parce qu'un certain nombre de ces engagements sont tenus, ces derniers ont un impact considérable sur la programmation de la politique de coopération française.

Certains de ces engagements ont pour vertu de canaliser des financements vers une priorité internationale, à l'image des engagements de Muskoka en faveur de la santé maternelle et infantile.

La direction générale de la Mondialisation et l'Agence française de développement se trouvent cependant souvent en première ligne pour appliquer des promesses à la décision desquelles elles n'ont pas toujours été pleinement associées, qui viennent parfois contredire leur programmation et pour lesquelles elles ne reçoivent pas toujours de moyens supplémentaires.

Ces nombreux engagements financiers sont et seront, dans le contexte actuel de nos finances publiques, de plus en plus difficiles à tenir.

1. Faut-il abandonner l'objectif des 0,7 % ?

La France s'est, notamment, engagée de manière répétée et solennelle à porter son APD à 0,7 % du revenu national brut en 2015.

Lors de sa dernière réunion, le 5 juin 2009, le Comité interministériel sur la coopération internationale et le développement (CICID) a rappelé l'engagement de la France de consacrer, d'ici 2015, 0,7 % de son revenu national brut à l'aide publique au développement.

Cet engagement avait déjà été rappelé par le Président de la République, fin 2008, lors de la Conférence sur le financement du développement, à Doha.

Un engagement intermédiaire a été pris dans le cadre de l'Union européenne d'élever ce ratio à 0,51 % en 2010.

En 2011, la contribution française s'élève à 9,35 milliards d'euros, soit 0,46 % du revenu national brut, soit un niveau identique à la moyenne de l'OCDE et très proche de celle des membres de l'Union européenne (0,45 %).

Evolution de l'aide publique au développement française (1980-2010)

Source : Cour des comptes, d'après comité d'aide au développement/OCDE .

La France n'a donc pas tenu son engagement d'élever son effort d'APD à 0,51 % en 2010 comme elle s'y était engagée.

Si l'on compare avec les autres pays de l'OCDE, on constate que la France est dans une situation intermédiaire. Les pays suivants ont fait mieux encore : Belgique (0.64 %), Danemark (0.90 %), Finlande (0.55 %), Irlande (0.53 %), Luxembourg (1.09 %), Pays-Bas (0.81 %), Royaume-Uni (0.56 %) et Suède (0.97 %).Tandis que d'autres pays n'y sont pas parvenus: Allemagne (0.38 %), Autriche (0.32 %), Espagne (0.43 %), Grèce (0.17 %), Italie (0.15 %) et Portugal (0.29 %).

D'autres membres du CAD ont fait, à l'horizon 2010, diverses promesses qui ont été honorées. Les Etats-Unis s'étaient engagés à doubler leur aide à l'Afrique subsaharienne entre 2004 et 2010, ce qui a été réalisé et même plus dès 2009, avec un an d'avance. Le Canada avait promis de multiplier par deux le volume de son enveloppe de l'aide internationale par rapport à son niveau de 2001, et il l'a fait.

L'Australie s'était donnée pour objectif de porter son APD à 4 milliards AUD et y est parvenu. La Norvège s'était engagée à maintenir son rapport APD/RNB à 1 % et a fait mieux. Enfin la Suisse a tenu sa promesse de porter son rapport APD/RNB à 0,41 %.

Pour 2015, l'atteinte de l'objectif de 0,70 % du revenu national brut supposerait un effort budgétaire d'une grande ampleur.

Selon la Cour de comptes « En se fondant sur l'hypothèse d'un revenu national brut français à 2 489 milliards d'euros en 2015, un accroissement de 8,76 milliards d'euros serait ainsi nécessaire entre 2012 et 2015 , soit une augmentation annuelle de près de 20 % pendant quatre années consécutives. »

Une telle progression n'est pas sans précédent mais elle n'avait pu être atteinte entre 2000 et 2005 que grâce au dynamisme des annulations de dettes, peu envisageable aujourd'hui.

Dans ces conditions, le respect des engagements supposerait une progression significative des crédits budgétaires consacrés à l'aide ou une augmentation de l'aide budgétairement indolore (prêts faiblement concessionnels, annulations de dettes commerciales).

La réalisation de ces hypothèses étant peu probable, les administrations responsables ont préconisé aux ministres concernés, lors de la réunion du co-secrétariat du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 21 mai 2010, une stabilisation de l'aide française à hauteur de 10 milliards d'euros.

Cet objectif représente déjà un effort supplémentaire de 6,6 milliards d'euros sur la période 2011-2015 (dont 3,6 milliards d'euros au cours du triennal 2011-2013), acté dans le budget triennal voté par le Parlement fin 2010.

Cette mesure n'empêchera pas, selon les projections citées par la Cour des comptes, une baisse de la part du revenu national brut aux alentours de 0,41 % en 2015, prévision qui a conduit l'OCDE à demander en octobre 2010 l'établissement d'une « feuille de route » destinée à éclairer la trajectoire française pour atteindre ses engagements.

Dans le DPT annexé au projet de loi de finances prévoit quant à lui une évolution plus favorable. L'effort français d'APD progresserait en valeur et représenterait 0,47% du RNB en 2012, 0,46 % du RNB en 2013 et 0,48% du RNB en 2014 et 2015.

Cet effort inclut l'impact de la création en PLF 2013 d'une ressource nouvelle pour le développement : l'affectation d'une fraction de la taxe sur les transactions financières (TTF) au Fonds de solidarité pour le développement.

Les prévisions sont néanmoins à prendre avec précaution : elles présentent en effet une marge d'incertitude importante et d'autant plus forte que leur horizon est éloigné. Elles sont soumises à une forte volatilité, en particulier en ce qui concerne les annulations de dette, en fonction du traitement de la dette des pays emprunteurs en Club de Paris. Comme telles, elles sont conditionnées au calendrier de conclusion d'accords entre les pays concernés et le FMI.

Dans ces conditions, il est clair que la France ne sera pas en mesure de tenir son engagement de 0,7% en 2015.

Prévisions d'APD pour 2015

Principaux types d'activités d'aide

au développement

2011

2012

2013

2014

2015

(a)

(b)

(c)

(c)

(c)

Aide bilatérale

6 130

6 676

6 634

6 484

7 262

Aide multilatérale

3 254

3 029

3 192

4 048

3 654

Total

9 384*

9 705

9 826

10 531

10 916

Pour cela il aurait fallu établir une stratégie budgétaire adaptée dès 2007.

Comme le souligne la Revue à mi-parcours de l'aide de la France, établie le 16 septembre 2010 par le CAD : « Contrairement à la recommandation du dernier examen par les pairs, la France n'a pas encore développé une feuille de route pour son APD. N'ayant pas tenu son engagement pris à Monterrey en 2002 d'atteindre un ratio d'APD/RNB de 0,5 % en 2007, et ayant reporté son engagement d'atteindre 0,7 % de 2012 à 2015, la France prévoit que le ratio APD/RNB se situera entre 0,47 % et 0,51 % en 2010, le montant réalisé dépendant des hypothèses d'annulations de dette dans l'enceinte du Club de Paris (notamment pour la République démocratique du Congo). Il n'est donc pas assuré que la France atteigne le but européen de 0,51 % en 2010. Pour atteindre 0,7 % en 2015, engagement confirmé par la France, il lui faudra une feuille de route basée sur des apports d'APD budgétisés et donc plus prévisibles » 25 ( * ) .

Source : OCDE

Votre commission souligne que les engagements chiffrés sont ceux sur lesquels la crédibilité de notre politique est finalement perçue, tant de la part de nos partenaires du Nord que de la part des bénéficiaires de notre aide sur le terrain.

Quand vos rapporteurs effectuent des missions en Afrique, leurs interlocuteurs africains, qui doivent faire face à des défis colossaux, liés notamment à la pression démographique, leur rappellent les engagements de la France et s'étonnent de voir que nos promesses ne sont pas tenues alors que le 0,7 % avait été perçu comme une contrepartie des ajustements structurels.

La France ne peut, dans ces conditions, que redoubler d'effort pour promouvoir des mécanismes de financements innovants.

Ce faisant, elle n'échappe pas à certaines contradictions quand elle évoque cette perspective lointaine pour faire oublier ses promesses passées, tout en s'engageant dans les enceintes internationales à ce que ces financements innovants soient additionnels par rapport à ceux qui ont été pris dans le cadre des OMD.

Si la France veut miser sur une diplomatie d'influence, si la France veut être à l'origine des nouvelles politiques publiques mondiales qui semblent émerger, peser sur les transformations de l'architecture des organisations internationales, et sur la définition du cadre post-OMD, il faut qu'elle en paie le prix et qu'elle illustre par ses engagements financiers la crédibilité de sa parole.

Vos rapporteurs estiment que la France aurait dû établir, dès 2007, une feuille de route budgétaire qui nous aurait permis de définir une stratégie crédible pour arriver à notre objectif.

C'est ce qu'a fait la Grande-Bretagne qui ne manque pas d'ailleurs de le faire savoir dans les sommets internationaux, comme en septembre à l'ONU.

Ne pouvant manifestement pas atteindre le niveau d'effort qu'elle s'est fixé pour 2015 en raison des contraintes pesant sur ses moyens budgétaires, la France gagnerait à réviser ses ambitions en se concentrant sur certains engagements.

Car l'engagement de Gleneagles (2005) visant à consacrer 0,7 % de la richesse nationale sous forme d'APD n'est pas le seul engagement que la France risque de ne pas tenir.

2. Les nombreux autres engagements en matière économique, social et environnemental sont partiellement tenus

Le bilan de ces engagements est très inégal. Il donne parfois le sentiment que la France s'est engagée pour des milliards qu'elle n'a pas. Alors que les moyens de notre coopération diminuaient, nos promesses se sont faites plus nombreuses.

Vos rapporteurs observent à ce propos que le document de politique transversale ne recense que cinq engagements internationaux de la France, laissant de côté des promesses effectuées par les plus hautes autorités de l'État ces dix dernières années.

Il est vrai que la situation actuelle plaide pour un recentrage, car les promesses ont été trop nombreuses. Des engagements pris à l'horizon d'une dizaine d'années voire plus est manifestement une tentation facile pour des gouvernements dont l'horizon temporel est plus limité.

a) L'engagement en faveur des PMA doit être une priorité

La France s'est engagée en faveur des Pays les moins avancés (PMA) 26 ( * ) à leur consacrer 0,15 % du RNB lors de l'adoption du Programme d'action 2001-2010 des Nations unies sur les PMA en 2001.

Le CICID du 18 mai 2005 avait acté l'atteinte de cet objectif d'ici 2012.

En 2009, les PMA ont reçu 26 % de l'APD française, soit près de 2,3 milliards d'euros, représentant 0,12% du revenu national brut (RNB). Depuis 2001, l'objectif des 0,15 % n'a été atteint qu'à deux reprises, en 2003 et 2004, en raison de l'annulation de la dette de plusieurs PMA.

Ces objectifs se révèlent très difficiles à atteindre pour les mêmes raisons que pour l'Afrique subsaharienne. La France a, certes, accru significativement son effort en volume au cours de la période, mais la part des pays les moins avancés dans l'aide déclarée n'a représenté que 36,4 % au cours de la décennie, soit un niveau inférieur à celui de la décennie passée (37,6 %).

Répartition des instruments d'APD par catégories de revenu des pays bénéficiaires

APD nette, en millions d'euros

2006

2007

2008

2009

2010

PMA

Aide bilatérale

Dons a

Total

1 007

892

773

726

808

dont Subventions b

344

366

377

332

363

Prêts

Nets

-186

-30

-26

10

-1

Bruts

10

36

67

53

70

Réaménagements de dette d

164

168

159

58

299

Aide multilatérale imputée e

1 115

1 142

1 287

1 557

1 673

Pour mémoire : APP c

747

661

618

589

667

APD bilatérale totale nette

986

1030

907

793

1 106

APD nette, en millions d'euros

2006

2007

2008

2009

2010

Autres PFR

Aide bilatérale

Dons a

Total

203

167

117

109

115

dont Subventions b

22

5

8

7

6

Prêts

Nets

47

100

117

89

234

Bruts

96

145

170

161

296

Réaménagements de dette d

1 631

12

3

857

81

Aide multilatérale imputée e

232

287

271

527

105

Pour mémoire : APP c

231

213

238

216

100

APD bilatérale totale nette

1881

280

238

1054

430

APD nette, en millions d'euros

2006

2007

2008

2009

2010

PRITI

Aide bilatérale

Dons a

Total

1 160

1 163

960

963

965

dont Subventions b

120

99

108

107

95

Prêts

Nets

-277

-383

-53

219

494

Bruts

321

295

526

813

1 059

Réaménagements de dette d

1 028

942

545

124

724

Aide multilatérale imputée e

676

658

691

852

958

Pour mémoire : APP c

893

868

1 041

1 317

1 238

APD bilatérale totale nette

1911

1722

1452

1307

2 183

APD nette, en millions d'euros

2006

2007

2008

2009

2010

PRITS

Aide bilatérale

Dons a

Total

563

652

578

622

656

dont Subventions b

40

46

39

37

31

Prêts

Nets

47

114

332

96

277

Bruts

163

219

453

196

426

Réaménagements de dette d

83

1

1

19

12

Aide multilatérale imputée e

269

244

274

351

652

Pour mémoire : APP c

586

740

929

711

1 053

APD bilatérale totale nette

693

767

911

737

945

La répartition des instruments d'APD par catégories de revenu des pays bénéficiaires montre que l'aide programmable pour les PMA est deux fois moins élevée que pour les pays à revenu intermédiaire.

La Cour des comptes a souligné ainsi que « L'aide française à ces pays n'atteignait ainsi, en 2011, que 0,07 % du revenu national brut contre 0,13 % pour le Royaume-Uni, situation qui faisait craindre aux deux ministères principalement concernés un « effondrement de la part de notre aide publique au développement consacrée aux 14 pays pauvres prioritaires », malgré l'engagement publiquement réitéré lors de la conférence mondiale pour les pays les moins avancés de mai 2011. »

Aide au développement française à destination des PMA

en millions $

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Aide bilatérale

643

1 106

2 244

2 265

1 000

1 238

1 410

1 308

1 102

Aide multilatérale

617

753

826

1 199

1 227

1 400

1 563

1 856

2 169

Total APD PMA

1 259

1 858

3 069

3 464

2 227

2 637

2 973

3 164

3 270

% RNB aux PMA

0,093%

0,127%

0,171%

0,168%

0,105%

0,116%

0,114%

0,112%

0,122%

Canal bilatéral

51%

59%

73%

65%

45%

47%

47%

41%

34%

Canal multilatéral

49%

41%

27%

35%

55%

53%

53%

59%

66%

Source : OCDE

La France doit mettre en place une trajectoire permettant de respecter l'engagement de consacrer 0,15 % du revenu national brut aux pays les moins avancés.

Cet objectif correspond à la vocation de l'aide au développement en faveur des pays les plus démunis. Cet engagement s'inscrit dans le cadre de la Déclaration du Millénaire et souligne la nécessité de concentrer l'aide au développement sur les groupes et les pays les plus pauvres, par là même les plus éloignés de la réalisation des OMD, mais aussi à la priorité géographique accordée par la France à l'Afrique subsaharienne.

b) La France a pris de nombreux engagements vis-à-vis de l'Afrique qu'elle peine à tenir.
(1) La France ne consacre pas 60 % de l'effort financier de l'Etat en faveur de l'Afrique subsaharienne

Le projet annuel de performances pour 2013 de la mission APD rappelle l'engagement pris par le CICID de consacrer 60 % de l'effort financier de l'Etat en faveur de l'Afrique subsaharienne.

D'après les données communiquées à vos rapporteurs, moins de 50% de l'effort financier de l'Etat a été destiné à l'Afrique subsaharienne sur la période 2006-2010. S

Seul sur la même période, l'AFD a réussi à concentrer les ressources budgétaires que lui ont été confiées par l'Etat sur cette région, avec, en 2010, 60% de l'effort financier global géré par l'AFD consacrés à l'Afrique subsaharienne, conformément au niveau cible défini par le COM.

(2) Le doublement de l'aide publique au développement à destination de l'Afrique par rapport à 2004 est loin d'être atteint.

Lors de l'adoption du Consensus européen sur le développement en 2005, la France a promis qu'un accroissement de 50 % de l'aide de l'Union européenne d'ici 2010 devrait aller à l'Afrique.

Dans le cadre d'un doublement de l'aide mondiale d'ici 2010, les membres du G8, à l'occasion du sommet de Gleneagles (2005), se sont également engagés à doubler d'ici 2010 leur aide pour l'Afrique, ce qui suppose d'avoir augmenté en 2010 de 25 milliards de dollars l'aide publique au développement à destination de l'Afrique par rapport à 2004.

A ce stade, vos rapporteurs n'ont pas eu communication de données permettant d'établir l'atteinte ou non de l'objectif de doublement de l'aide vers l'Afrique.

Mais en 2008, l'APD totale de l'ensemble des membres du CAD à l'Afrique s'est élevée à 43 milliards de dollars, soit une hausse de 15 milliards de dollars par rapport à 2004.

Les pays du G8 ont participé de manière très significative à cet effort, la « contribution G8 » s'élevant à 30 milliards de dollars en 2008, soit près de 70 % du total.

Cette évolution ne correspond cependant qu'à une hausse de 10 milliards de dollars de l'APD du G8 vers l'Afrique par rapport à 2004, à comparer avec les 25 milliards promis. Les pays du G8 n'ont atteint que 40 % de l'objectif.

Au niveau de l'Union européenne, l'aide à l'Afrique s'élève actuellement à 37 % de l'APD européenne totale. Ce chiffre est en légère baisse depuis 2005, date à laquelle l'aide pour l'Afrique s'élevait à 44 % du total de l'APD européenne.

En valeur absolue, la part de l'Afrique dans l'aide européenne a cependant substantiellement augmenté, passant de 7,2 milliards d'euros en 2005 à 9,7 milliards en 2009, dont 8,4 milliards pour l'Afrique subsaharienne.

Cette différence entre valeur absolue et part relative de l'aide à l'Afrique s'explique par une progression importante de l'APD consacrée aux autres zones géographiques (Asie et Amérique latine, voisinage de l'Europe) dans le cadre de l'APD européenne.

En termes d'APD nette, la France a consacré, en 2005, 3 260 millions d'euros à l'Afrique. Malgré un effort de concentration réaffirmé par le CICID de juin 2009, la France éprouve des difficultés à atteindre cet objectif.

Un doublement supposait que l'APD nette de la France vers l'Afrique atteigne plus de 6 520 millions d'euros en 2010. En 2010, l'aide de la France à l'Afrique n'est que de 2 621 millions d'euros, soit 40 % de l'objectif.

APD nette, en millions d'euros

2006

2007

2008

2009

2010

Afrique subsaharienne

3 405

2 056

1 817

2 382

2 621

Source : OCDE

(3) Les 10 milliards d'euros d'engagements financiers français bilatéraux pour l'Afrique subsaharienne promis au Cap sont susceptibles d'être atteints

Lors du discours du Cap en février 2008, le Chef de l'Etat a également indiqué que le total des engagements financiers français bilatéraux pour l'Afrique subsaharienne s'élèvera à 10 milliards d'euros sur les cinq prochaines années.

L'engagement dépasse le seul cadre de l'APD pour inclure les 2,5 milliards annoncés dans le cadre du soutien à l'initiative privée, dont des garanties et participations.

L'initiative pour le soutien à la croissance en Afrique, dont le Président de la République a annoncé le lancement en février 2008 au Cap, s'inscrit dans le cadre des promesses qu'il a faites de doubler les engagements financiers du groupe AFD en Afrique subsaharienne sur la période 2008-2012, soit 10 milliards d'euros d'engagements au total (qui correspondent au doublement des engagements contractés sur 2002-2007).

L'activité du Groupe AFD en Afrique subsaharienne a connu une forte croissance, pour atteindre 2,2 milliards d'euros d'engagements en 2010 (dont 1,8 milliard sont réalisés par l'AFD et 439 millions par sa filiale PROPARCO), soit 38 % de l'activité du Groupe dans les États étrangers. Cela a représenté une multiplication par 3,3 des engagements depuis 2005 (665 millions en 2005 dont 60 millions pour PROPARCO).

PROPARCO participe activement, aux côtés de l'AFD, à la mise en oeuvre de l'initiative du Cap dans sa composante de soutien au secteur privé qui mobilise 2,5 milliards d'euros au bénéfice de 2 000 entreprises, avec à terme la création de plus de 300 000 emplois et une mobilisation de financements complémentaires auprès des investisseurs de plus de 8  milliards.

En 2010, les engagements du Groupe AFD en Afrique subsaharienne s'inscrivent à la hausse. Le plan d'affaires de l'Agence prévoit un montant d'engagement de 2,6 milliards d'euros, dont 2,1 milliards réalisés par l'AFD et 530 millions par PROPARCO, soit une croissance de l'activité de 18 % environ.

Ainsi sur la période 2008-2012, sur la base de prévisions pour 2011 et 2012, l'activité cumulée du groupe AFD devrait permettre de dépasser l'objectif fixé de 10 milliards d'euros.

Prévisions d'activité du Groupe AFD sur l'Afrique subsaharienne 2008 - 2012
(en milliards d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

cumul

1,3

2,1

2,4

2,6

2,9

11,3

Source : OCDE

c) L'engagement fort vis-à-vis des pays du Maghreb en transition devra être financé.

Dans la continuité du printemps arabe, le Sommet de Deauville (G8) en mai 2011 s'est traduit par l'adoption du Partenariat de Deauville, dans le but d'accompagner, par la promotion de l'Etat de droit et une croissance économique inclusive, les transitions démocratiques à l'oeuvre en Tunisie et en Égypte (étendu ensuite au Maroc, à la Jordanie puis à la Libye).

Le Partenariat s'est rapidement imposé comme la principale réponse de la communauté internationale aux printemps arabes.

La France a su garder un rôle diplomatique actif depuis lors : elle est en pointe dans le processus d'extension du mandat de la BERD aux pays du sud de la Méditerranée (qui permettra à terme des aides de l'ordre de 2,5 milliards d'euros par an dans la région), appuie les discussions commerciales avec ces pays en vue de la négociation d'accords de libre-échange complets et approfondis et fournit une aide bilatérale importante de l'ordre de 2,7 milliards d'euros pour 2011-2013). Ces aides prennent la forme d'assistance technique, de prêts concessionnels, d'aide-projet liée, de dons ou de soutiens via les outils de crédits-export (COFACE, pour près de 2,5 milliards d'euros). En voici les détails par pays.

- Maroc : 481 millions d'euros en 2011 sous forme de prêts concessionnels de l'AFD en faveur de secteurs des infrastructures (énergie, transports), agriculture et pêche, emploi et formation professionnelle. Une « Aide projet liée » de 700 millions d'euros a par ailleurs été dégagée pour des projets d'infrastructures (transport - ligne à grande vitesse Tanger-Kénitra par exemple - plan solaire marocain...).

- Tunisie : lors du sommet de Deauville, 425 millions d'euros de prêts concessionnels sur 3 ans, dont 310 millions d'euros de financements nouveaux, ont été annoncés. 200 millions d'euros de prêts (dans l'éducation, la réhabilitation des zones rurales, la formation professionnelle...) ont été signés et 185 millions d'euros d'aide budgétaire sectorielle (emploi et formation , ainsi que secteur bancaire et financier du Programme d'appui à la relance) ont été décaissés en 2011.

- Égypte : 650 millions d'euros de prêts concessionnels sur 3 ans ont été annoncés. 115 millions d'euros ont été débloqués en 2012 (secteurs de l'agriculture, sécurité alimentaire, formation professionnelle, soutien aux PME). Le principe d'une participation de l'AFD à hauteur de 300 millions d'euros pour le financement de la ligne 3 du métro du Caire a été approuvé.

- Jordanie : 150 millions d'euros d'aide budgétaire sectorielle «énergie » ont été approuvés le 27 juin 2012.

- Libye : l'assistance humanitaire pendant la crise a représenté 3,1 millions d'euros

Pour l'ensemble des bailleurs de fonds, le montant total de l'aide promise aux pays en transition s'élève à 38 milliards d'euros.

Au-delà de ces résultats quantitatifs, une des avancées significatives est d'avoir ébauché les principes d'un Partenariat fondé par une réponse coordonnée des bailleurs de fonds sur ce qu'ils pourraient apporter aux pays en transition.

L'extension du mandat de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) permettra de faire bénéficier à ces pays de l'expérience de cette institution pour appuyer la modernisation économique, notamment le développement du secteur privé et de l'emploi. Le G8 a décidé la création d'un fonds dédié au sein de la BERD. Les banques multilatérales et les fonds régionaux de développement (Banque Africaine de Développement, Fonds Arabe pour le Développement Economique et Social, Fonds Monétaire Arabe, Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement, Banque Européenne d'Investissement, Groupe de la Banque Islamique de Développement, Fonds Monétaire International, Fonds OPEP pour le Développement International, Groupe de la Banque Mondiale) ainsi que cinq pays régionaux « associés» (Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Qatar, Koweït et Turquie) se sont également fortement engagés à soutenir ce Partenariat.

Votre commission se félicite, d'une part, du niveau de la mobilisation financière en faveur de l'accompagnement des transitions démocratiques et, d'autre part, de la méthode qui consiste à coordonner en amont l'engagement des bailleurs de fonds.

Elle fonde l'espoir que les promesses, tant au niveau des méthodes que du montant, soient tenues dans la durée.

Elle souhaite que ces transitions démocratiques conduisent à l'instauration de régimes respectueux des droits de l'homme, de la liberté d'expression et de l'égalité hommes femmes.

D'autres engagements ne concernent pas des zones géographiques, mais des secteurs, en particulier la santé et l'éducation.

d) De nombreux engagements dans le domaine de la santé sont pour une large part respectés

Ainsi, à l'occasion du sommet d'Heiligendamm (2007), puis du sommet de Toyako (2008), les pays du G8 se sont engagés à consacrer 60 milliards de dollars, au cours des cinq prochaines années, à la santé en Afrique.

• Les engagements de d' Heiligendamm en faveur de la santé en Afrique

Le Président Sarkozy a précisé que la France y consacrerait pour sa part 1  milliard de dollars par an.

D'après le rapport 2009 du CAD de l'OCDE, pour ce qui concerne l'effort d'aide au développement de la France dans le domaine de la santé, cet effort est évalué à 1 046 millions de dollars en 2008 et à 860 millions de dollars en 2009.

Selon les informations fournies à vos rapporteurs, ce dernier chiffre devrait néanmoins être complété concernant deux contributions principales : la contribution de la France via le Fonds européen de développement (de l'ordre de 50 millions de dollars par an) et celle à UNITAID, qui s'est élevée en 2009 à 142 millions d'euros, soit 197 millions de dollars, selon le taux de change utilisé par l'OCDE pour cette année.

Le total s'élève ainsi, en 2009, à plus de 1 110 millions de dollars. L'objectif serait donc atteint.

Conformément aux engagements pris par le G8, ces données ont été rendues publiques dans le rapport de redevabilité du G8.

• Les engagements de Muskoka en faveur de la santé maternelle et infantile

En juin dernier, le sommet du G8 de Muskoka a prévu un financement additionnel de 7,3 milliards de dollars sur la période 2010-2015 afin de combler le retard dans l'atteinte des OMD n° 4 et n° 5.

Le Président de la République a indiqué à Muskoka que notre pays s'engagerait sur l'Initiative en matière de santé maternelle et infantile à hauteur de 500 millions d'euros sur la période 2011-2015, soit 100 millions supplémentaires par an.

Pour assurer le suivi de ces engagements et en dresser un premier bilan, la méthodologie élaborée par le G8, en consultation avec l'OCDE et l'OMS, a été utilisée. Elle recense à la fois les interventions directes en faveur de la santé des mères et des enfants, mais aussi les contributions des programmes transversaux (santé de base, ressources humaines). Au-delà de la santé, les programmes d'accès à l'eau et à l'assainissement ou à l'éducation sont également répertoriés. Sur la base de cette méthodologie, la contribution annuelle de la France, ayant pour but l'atteinte des OMD 4 et 5, s'élevait à  300 millions d'euros en 2008.

Les engagements de la France pris à Muskoka se concrétisent de trois façons :

Sur l'enveloppe FSP bi/multi, un budget annuel de 19 millions d'euros par an est affecté à quatre agences des Nations unies (OMS, UNFPA, ONUFEMMES, UNICEF), réunies autour d'un cadre commun d'analyse et d'interventions coordonnées. Pour ce faire, la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats a mis en place un FSP mobilisateur qui comprend trois composantes :

- Projet Muskoka n° 2011 - 10 intitulé : accélérer la réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infantile, et renforcer les programmes de planning familial. Son exécution, pour un montant de 4,5 millions d'euros, est confiée à l'OMS.

- Projet Muskoka n° 2011 - 11 intitulé : appui à la réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infantile en Afrique francophone et en Haïti, et renforcer les programmes de planning familial. Son exécution, pour un montant de 6 millions d'euros, est confiée à UNFPA / ONUFEMMES.

- Projet Muskoka n° 2011 - 12 intitulé : améliorer la santé des femmes et des enfants dans sept pays d'Afrique. Son exécution, pour un montant de 8,5 millions d'euros, est confiée à l'UNICEF.

Les conventions cadres pour les cinq années du programme (2011-2015) et les conventions financières pour la première année du projet ont été signées au cours du mois de novembre avec les quatre agences concernées. Les fonds correspondants ont été décaissés en novembre 2011.

De plus, l'Alliance mondiale pour les vaccins (GAVI) reçoit une contribution d'un montant de 5,5 millions d'euros et la Fondation Réseau Aga Khan pour le Développement perçoit pour sa part un montant s'élevant à 0,5 million d'euros par an pour l'Afghanistan et les pays limitrophes.

Par le biais du canal bilatéral, l'Agence française de développement (AFD) s'est vue allouer un budget de 48 millions d'euros.

D'ici 2013, en accord avec les pays partenaires, l'AFD mettra en place des appuis pour la santé maternelle et infantile, ainsi que la santé génésique. Initiée dans certains pays, l'identification des programmes se poursuit dans les autres pays. Il a été convenu que ces appuis pouvaient déroger aux documents cadres de partenariat (DCP). Selon le principe de redevabilité défini, ce financement doit correspondre dans sa totalité à des interventions visant l'amélioration de la santé des mères et des enfants.

L'augmentation de la contribution annuelle au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, passée de 300 à 360 millions d'euros, est comptabilisée dans le cadre des engagements multilatéraux. Selon la méthodologie de redevabilité définie par le G8, 46 % de l'augmentation de la contribution au Fonds mondial, soit 27 millions d'euros, participent directement à l'atteinte des OMD 4 et 5.

Répartition 2012

M€

AFD - Bilatéral

48

Fonds Mondial

27

GAVI sur bi/multi

5,5

OMS sur bi/multi (dont ressources humaines)

4,5

UNFPA sur bi/multi

5

UNI Femme bi/multi

1

UNICEF sur b/multi

8,5

AKDN (Afghanistan et pays limitrophes)

0,5

TOTAL

100

Les thèmes prioritaires retenus par la France dans le cadre de ses appuis sont : la prise en charge intégrée des maladies de l'enfant (PCIME), la vaccination, la nutrition de la mère et de l'enfant, la réduction de la mortalité maternelle et néonatale (avec ses trois piliers que sont l'espacement des naissances, les soins obstétricaux et néonataux d'urgence, et l'accouchement assisté par du personnel qualifié), la gestion de la crise des ressources humaines en santé. De manière transversale, une attention particulière est portée à la promotion des droits des femmes.

Conformément aux engagements exprimés à la Conférence de Ouagadougou par le ministre de la Coopération, un accent particulier est mis sur la planification familiale et la santé de la reproduction dans les neuf pays d'Afrique francophone partenaires de la Conférence.

Les pays prioritaires pour ces appuis, centrés sur l'Afrique francophone, sont les suivants : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, RCA, RDC, Sénégal, Tchad et Togo, auxquels s'ajoutent des pays en crise : Afghanistan et Haïti.

• Les engagements en faveur de l'Alliance Mondiale pour les Vaccins et l'Immunisation (GAVI) restent à financer

A la conférence des donateurs organisée le 13 juin 2012, la France a en outre pris l'engagement de verser 100 millions d'euros additionnels à l'Alliance Mondiale pour les Vaccins et l'Immunisation (GAVI).

L'Alliance mondiale pour la vaccination

Depuis sa création, en 2000, l'Alliance mondiale pour la vaccination (GAVI) a soutenu les pays les plus pauvres dans l'introduction de nouveaux vaccins. 67 pays ont été soutenus pour introduire le vaccin contre l'Hépatite B ; 61 pays ont bénéficié du soutien de GAVI pour le vaccin Hib (utilisé généralement en combinaison dans un vaccin « pentavalent ») et 17 pays ont été accompagnés dans leur campagne contre la fièvre jaune.

GAVI a permis la vaccination de 326 millions d'enfants. L'OMS estime que 5,4 millions de décès ont ainsi pu être évités.

GAVI a été le premier fonds multilatéral à ouvrir une fenêtre de financement du renforcement des systèmes de santé. Depuis 2005, plus de 500 millions d'USD ont été octroyés à 54 pays, permettant notamment de favoriser la décentralisation des interventions aux niveaux nationaux.

GAVI développe actuellement avec le Fonds mondial, la Banque Mondiale et l'OMS, une plate-forme de coordination des financements en faveur des systèmes de santé. Ce nouvel effort conjoint doit permettre de limiter les duplications de financement entre les différentes agences, d'harmoniser leurs approches et de réduire les coûts de transaction pour l'ensemble des partenaires. La mise en oeuvre de la plate-forme est en cours dans une dizaine de pays pilotes.

GAVI contribue également à baisser les prix des vaccins. Celui contre l'hépatite B a pu être réduit de 69 % en dix ans. A travers un mécanisme de financement innovant (l'Advance Market Commitment), GAVI a obtenu une réduction très significative (plus de 3 fois) du vaccin contre le pneumocoque en cours d'introduction actuellement dans les pays en développement.

Cet engagement de mobiliser 100 millions d'euros additionnels à GAVI porte sur la période 2011-2015.

Le financement pluriannuel du GAVI devrait s'inscrire dans le schéma suivant : 2011 : 26 millions ; 2012 : 5,5 millions ; 2013 : 5,5 millions ; 2014 : 19,5 millions ; 2015: 19,5 millions, soit un total de 76 millions d'euros.

Ce financement additionnel est à ce jour assuré par un projet financé par un programme FSP n° 2011-27 dans le cadre de l'enveloppe des engagements de Muskoka d'un montant de 28 millions d'euros (6 millions d'euros en 2011 puis 5,5 millions d'euros par an de 2012 à 2015) et 20 millions d'euros qui ont été versés en 2011 suite à la réaffectation d'un reliquat de la contribution française au Fonds européen de développement.

On constate que presque la moitié des millions additionnels nécessaires resteront à financer sans doute par des contributions extrabudgétaires et vraisemblablement pris sur les revenus de la taxe sur les billets d'avions.

• Les engagements supplémentaires en faveur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme

Le Président de la République Nicolas Sarkozy avait annoncé aux Nations unies, lors du sommet des OMD en septembre 2010, l'augmentation de 20 % de la contribution annuelle de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, pour la porter à un total de 1,4 milliard de dollars sur les trois prochaines années, soit 60 millions additionnels par an : « nous avons pris la décision, alors que nous sommes le deuxième contributeur au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, nous avons décidé d'augmenter notre contribution de 20 % au cours des trois prochaines années. Non seulement nous ne voulons pas réduire, non seulement nous ne voulons pas stabiliser, nous allons augmenter de 20% ».

La France a honoré cet engagement grâce à un prélèvement sur la taxe sur les billets d'avions. Etant donné qu'à l'origine cette taxe devait uniquement servir à financer Unitaid et l'IFFIm, l'augmentation de la contribution au Fonds Mondial n'est donc pas additionnelle, mais semble se faire au détriment d'autres priorités.

e) Dans le domaine de l'éducation : des objectifs ambitieux et difficiles à atteindre

A l'occasion du sommet France-Royaume-Uni en mars 2008, l'engagement a été pris de construire un nouveau partenariat pour scolariser dans le primaire 16 millions d'enfants africains d'ici 2010 (la moitié pour la France, soit 8 millions d'enfants, et l'autre pour la Grande-Bretagne) et tous les enfants d'ici 2015. Les deux états se sont aussi engagés à travailler -avec d'autres pays- pour recruter et former 3,8 millions d'enseignants supplémentaires nécessaires pour atteindre l'objectif de l'éducation primaire universelle en Afrique subsaharienne en 2015.

Selon les statistiques publiques d'aide au développement diffusées par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui reposent sur les déclarations harmonisées des pays membres de l'organisation, la France a fourni une aide bilatérale à l'éducation de base de 661 millions de dollars pour la période 2008-2010, dont 463 millions en faveur de l'Afrique subsaharienne. A ce montant doit être ajoutée la contribution française en faveur de l'éducation de base qui transite par la Commission européenne, soit  120 millions de dollars américains sur 2008-2010, et les 7,5 millions de dollars de contribution au Partenariat mondial pour l'éducation (20 millions d'euros sur 2005-2008). Le montant total de la contribution française en faveur de l'éducation de base s'élève donc à environ 790 millions de dollars américains sur la période 2008-2010, dont environ 70 % sont consacrés aux pays d'Afrique subsaharienne, soit 550 millions de dollars.

Les organisations internationales évaluent à 100 $ le coût moyen de scolarisation annuelle d'un élève dans les pays en développement. On peut donc estimer que la France, par son effort d'APD en faveur de l'éducation de base, a contribué à la scolarisation d'environ 5,5 millions d'enfants en Afrique subsaharienne.

D'après les informations communiquées à la commission, si l'on estime à environ 100 dollars le coût de scolarisation d'un élève dans les pays en développement, on peut affirmer que la France, par son effort d'APD depuis l'accord Brown-Sarkozy pour les années 2008/2009, contribue, dans le monde, à la scolarisation d'un peu plus de 5 millions d'enfants sur les huit millions envisagés.

En ce qui concerne l'Afrique, dont la déclaration du sommet franco-britannique du 27 mars 2008 stipule qu'elle constitue le champ d'application prioritaire en matière d'éducation, ce chiffre doit être ramené à 2,5 millions d'enfants (50 % des enfants non scolarisés se trouvent sur le continent africain).

Cet engagement, qui a fait l'objet d'un premier bilan lors du sommet franco-britannique des 17 et 18 mai 2009, se traduit aussi par l'implication de la France dans d'autres initiatives, à commencer par l'Initiative Fast-Track (Initiative de Mise en OEuvre Accélérée).

Au plan multilatéral, la France a joué un rôle moteur dans la conception et la mise en oeuvre de l'Initiative Fast-Track (FTI) depuis 2002 et la mise en place d'une expertise technique rénovée et reconnue (pôles régionaux : PASEC et pôle de Dakar auprès du bureau éducation « Afrique » de l'Unesco).

La France fait partie des 18 donateurs du fonds catalytique de FTI, elle y a contribué à hauteur de 20 millions d'euros sur 3 ans (2005-2008) et s'est engagée à verser 47,5 millions d'euros pour 2011/2013 au nouveau fonds unifié (Fonds de l'Education pour Tous). De plus, une aide financière additionnelle est versée chaque année au Secrétariat de FTI (1,3 million versé en 2009-2010) et deux experts français y sont mis à disposition, ce qui permet à la France d'être au coeur du dispositif.

La scolarisation primaire universelle à l'horizon 2015 :
un objectif majeur de l'aide

L'éducation constitue un enjeu majeur dans le processus de développement. Entre 2000 et 2010, le nombre d'enfants non scolarisés est passé de 105 millions à 72 millions. Pour atteindre la scolarisation primaire universelle d'ici à 2015, on estime qu'il faudrait recruter 3,2 millions d'enseignants (soit un financement supplémentaire d'environ 9,1 milliards de dollars par an) et construire 6,2 millions de salles de classe supplémentaires (le coût d'une salle de classe s'élevant en moyenne à 13 500 dollars). Le FTI prend toute sa part dans ce défi. En 2008, quelque 81 millions d'enfants étaient scolarisés dans les pays partenaires FTI, contre 59 millions en 2000. Sur l'ensemble des pays FTI, plus des deux tiers des filles avaient achevé le cycle d'études primaires en 2008, contre seulement 52 % en 2000. Mais le nombre d'enfants non scolarisés recule trop lentement, la qualité de l'éducation reste insuffisante dans un trop grand nombre de pays, et les écarts entre les sexes perdurent.

Les progrès enregistrés dans les pays qui ont rejoint FTI sont remarquables. En Afrique subsaharienne, 20 millions d'enfants supplémentaires ont été admis à l'école primaire entre 2001 et 2007 et le nombre d'enfants scolarisés dans le primaire durant la même période a augmenté de 28 % dans toutes les régions confondues.

FTI est reconnu pour ses avantages relatifs indéniables : (1) les progressions d'effectifs scolaires, (2) la mobilisation des ressources nationales pour l'éducation, (3) l'alignement sur les politiques nationales et l'harmonisation des bailleurs.

Le premier événement de reconstitution du fonds de l'Education pour Tous a eu lieu les 7 et 8 novembre 2011 à Copenhague : l'objectif de recouvrement du fonds était de 1,75 milliard de dollars à 2,5 milliards de dollars sur les trois prochaines années.

Mais, compte tenu de la persistance de la crise financière mondiale, les pays donateurs ont pris l'engagement de n'apporter qu'1,5 milliard de dollars au Fonds du Partenariat mondial pour l'éducation.

Les pays en développement partenaires se sont engagés, quant à eux, à augmenter de plus de 2 milliards de dollars les financements nationaux en faveur de l'éducation de base et à

Le Royaume-Uni a annoncé un engagement financier de 50 millions de livres par an d'ici à 2015, la France de 15 millions d'euros par ans.

f) Un engagement en faveur de l'agriculture qui restent à concrétiser

Dans le secteur de l'agriculture , la France s'est engagée en 2008 à investir 1,5 milliard d'euros dans l'agriculture dont un milliard en Afrique dans les cinq prochaines années .

Cet engagement a été pris dans un contexte de crise alimentaire qui avait mis en lumière un certain désengagement des bailleurs de fonds comme des Etats dans ce secteur pourtant essentiel à la sécurité alimentaire des populations.

Comme l'a souligné le Président de la Commission de la CEDEAO, Dr Mohamed IBN CHAMBAS, dans son allocution prononcée lors de l'ouverture du Forum « Investir dans l'agriculture en Afrique subsaharienne », le 8 décembre 2008 à Paris : « Les 25 dernières années ont, malheureusement, été marquées par un triple désinvestissement dans le secteur : désinvestissement de nos Etats qui sont souvent passés d'une vision administrative et dirigiste du secteur agricole à l'absence complète de vision, en s'en remettant aux forces du marché pour piloter la transformation de l'agriculture ; désinvestissement des entrepreneurs qui ont généralement préféré se positionner sur des branches plus porteuses, en privilégiant les activités commerciales d'importation, et désinvestissement de la communauté internationale, dont la part de l'aide allouée à l'agriculture a dangereusement chuté. J'ajouterai un quatrième désinvestissement : celui des producteurs, découragés et isolés, et qui ont souvent cherché l'issue en diversifiant leurs sources de revenus hors de l'activité agricole ou d'élevage. (...)

En réponse à cette crise, le Président de la République avait lancé, le 3 juin 2008, l'idée d'un partenariat mondial pour l'agriculture, la sécurité alimentaire et la nutrition, articulé autour de trois piliers (gouvernance, connaissance et finance).

Ce partenariat mondial s'est traduit depuis par la réforme du comité de la sécurité alimentaire (CSA) de la FAO, la création du groupe d'experts de haut niveau (High Level Panel of Experts - HLPE), et l'annonce à l'Aquila d'engagements budgétaires dépassant 20 milliards de dollars.

Dans ce cadre, les engagements français pris à l'Aquila portent in fine sur 1,552 milliard d'euros sur la période 2009-2011.

Ce montant traduit un effort additionnel de 262 millions d'euros, réparti sur trois ans, par rapport aux engagements de 2008.

A l'occasion du Sommet de Rome sur la sécurité alimentaire de juin 2008, la France s'était engagée à consacrer 1 milliard d'euros pour l'agriculture en Afrique subsaharienne sur cinq ans. Le périmètre de cet engagement concerne le développement agricole et rural au sens large : sont inclus les projets forêts, infrastructures rurales (pistes, énergie), conservation des ressources naturelles mais les projets santé/nutrition sont hors du périmètre.

La mise en oeuvre de cet engagement concerne exclusivement l'agence française de développement.

Ces instances ont autorisé : 71 millions d'euros sur 2008, 172 sur 2009, 97 sur 2010 et 411 sur 2011, soit un total de 751 millions d'euros.

Ces autorisations d'engagement se répartissent de la manière suivante :

1/ Par géographie : 35 % pour l'Afrique de l'Ouest, 35 % pour l'Afrique centrale, 16 % pour l'Afrique de l'Est, 7 % en Afrique australe, 2 % pour l'Océan Indien et 5 % pour des programmes multi-pays concernant l'ensemble du sous-continent.

2/ Par nature de concours financier : les projets en subvention représentent 28 % de ces autorisations. Elles ont bénéficié aux pays les moins avancés (PMA) d'Afrique de l'Ouest, du Centre et de l'Océan Indien. Les projets financés dans le cadre de contrat de désendettement développement (C2D) représentent 25 % de ces autorisations en raison de la priorité donnée par le Cameroun à ce secteur (185 millions d'euros). Les prêts souverains représentent 20 % des autorisations (Afrique de l'Est). L'ensemble des concours au secteur privé (prêts non souverain, garanties et prise de participation) représente 27 % des engagements, y compris la contribution de l'AFD à la structuration du Fonds pour l'Agriculture en Afrique et une ligne de crédit à la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD).

3/ Par nature des opérations : 26 % des engagements portent sur l'amélioration des conditions de vie dans le milieu rural (pistes rurales, renforcement des compétences des collectivités rurales à réaliser de petites infrastructures pour les services essentiels  tels que eau potable, énergie) ; 34 % sur les filières agricoles, d'élevage et de pêche destinées aux marchés locaux ou régionaux vivriers dont 11 % affectés à des aménagements hydro-agricoles notamment destinés à la riziculture ; 11 % en faveur du développement des services financiers aux exploitations agricoles et entreprises du secteur, y compris la micro-finance rurale ; 8 % pour la formation professionnelle rurale et agricole ; 8 % en appui à des filières d'exportation ou non alimentaires (coton, hévéa) au travers de relations contractuelles entre exploitations familiales et des agro-industries ; 7 % pour la protection et la valorisation des ressources naturelles renouvelables (aires protégées, forêts) ; 6 % pour le renforcement des institutions publiques et des organisations de producteurs nécessaires à une bonne gouvernance sectorielle, notamment pour ce qui concerne la gestion du foncier agricole.

Il reste ainsi 250 millions d'euros nécessaires à la réalisation de l'engagement d'ici la fin 2013.

Au-delà des montants engagés , il convient de veiller à améliorer la qualité de l'aide à l'agriculture et à la sécurité alimentaire en ligne avec les engagements politiques existants.

De ce point de vue, l'aide à l'agriculture gagnerait à soutenir en priorité la production vivrière, sa conservation, sa valorisation par la commercialisation et la transformation, et non pas par des activités agricoles non alimentaires (cultures d'exportation, agrocarburants, etc.).

Vos rapporteurs sont particulièrement inquiets du développement de l'accaparement des terres en Afrique. On évoque le chiffre de 45 millions de km² qui auraient été vendus ou loués à des multinationales de l'agro-alimentaire notamment pour les agro-carburants.

En 2010, la Banque mondiale avait déjà tiré le signal d'alarme : faute d'une gouvernance foncière adéquate, avait-elle averti, ces transactions, de plus en plus nombreuses avec la hausse des prix agricoles, risquaient de se faire aux dépens des petits agriculteurs. Or c'est sur ceux-là qu'il faut s'appuyer pour faire décoller l'agriculture des pays les plus pauvres.

La France doit soutenir les initiatives à la FAO et aux Nations unies en faveur d'une gouvernance responsable des régimes fonciers. La politique de coopération dans ce domaine doit par ailleurs inclure l'adaptation au changement climatique et une approche de réduction des risques de catastrophe pour permettre d'augmenter la résilience des agricultures locales.

Elle doit accorder une priorité aux zones et pays souffrant chroniquement d'insécurité alimentaire, notamment les Pays à Faible Revenu et Déficit Vivrier et aux femmes, qui représentent la majorité des producteurs de nourriture dans le monde.

3. La lutte contre le réchauffement climatique fait l'objet d'engagements croissants sans que de nouveaux financements soient dégagés

Dans le domaine des biens publics mondiaux , l'accord de Copenhague, auquel près de 130 pays se sont associés par la suite, a permis d'annoncer la mise en place de « ressources financières additionnelles, prévisibles et adéquates » pour soutenir les actions d'atténuation, y compris grâce à la lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts, l'adaptation, le développement et le transfert des technologies et le renforcement de capacités.

Lors du Sommet de Cancún en 2010, l'engagement pris par les pays développés de mobiliser 30 milliards de dollars de ressources nouvelles et additionnelles sur la période 2010-2012 a été inscrit dans le cadre de la Convention-Cadre des Nations unies pour les changements climatiques (CNUCCC). L'Union européenne s'est engagée à participer à cet effort à hauteur de 2,4 milliards d'euros annuels sur la même période.

Dans ce contexte, l'Union européenne a réitéré son engagement de contribuer à hauteur de 7,2 milliards d'euros sur 2010-2012 à cet effort collectif des pays développés.

La France a pour sa part rappelé qu'elle apporterait 1,26 milliard d'euros sur la période au titre du « fast start », soit une moyenne annuelle de 420 millions d'euros, avec une part de 20 % de sa contribution consacrée à la forêt, soit un montant de 250 millions d'euros sur la période.

La seule nouveauté apportée par l'accord de Cancún sur les financements dits « fast start » consiste à inviter les pays développés, afin de renforcer la transparence, à soumettre au secrétariat de la CCNUCC, tous les ans au mois de mai (2011, 2012 et 2013), des informations sur la façon dont les engagements sont tenus, en mettant l'accent sur la manière dont l'accès à ces ressources est assuré.

La France met ainsi en oeuvre son engagement au titre du « fast start » par le biais de sa participation à des fonds multilatéraux (Fonds pour l'environnement mondial -FEM- et Fonds pour les technologies propres-CTF) et à des organismes de coopération bilatérale (AFD et Fonds français pour l'environnement mondial-FFEM).

Plus précisément, d'après les informations fournies à vos rapporteurs, les sommes en question sont les suivantes :

En 2011, la part réalisée au niveau multilatéral avait significativement augmenté pour représenter 26 % de l'engagement français grâce aux contributions au Fonds pour l'Environnement Mondial (43 millions d'euros dont 30 fléchés pour le programme REDD+/gestion durable de la forêt) et au Fonds pour les Technologies Propres (68 millions d'euros).

Près de 75 % du financement français restait réalisé au niveau bilatéral grâce à l'AFD et au FFEM.

La France a fait de l'Afrique une priorité puisque 54,6 % du fast-start 2010/2011 y est consacré.

Concernant les canaux multilatéraux :

- La France a participé à la cinquième reconstitution du FEM en mai 2010, en s'engageant sur la période 2011-2014 à contribuer à hauteur de 215,5 millions d'euros (soit une augmentation de 57 % en dollars par rapport à la période précédente), dont un tiers est consacré à la lutte contre le changement climatique. Sur cette somme, 75 millions d'euros seront dédiés spécifiquement au financement d'actions en faveur d'une gestion durable des forêts. 13 millions d'euros ont été comptabilisés au titre du « fast start » 2010, 43 millions d'euros le seront au titre du « fast start » 2011 (dont 30 millions d'euros pour la forêt) et 43 millions d'euros à nouveau en 2012 (dont 30 millions d'euros pour la forêt).

- La France s'est engagée à contribuer au Fonds pour les technologies propres (CTF, « Clean technology fund ») créé en 2008, via un prêt bonifié de 203 millions d'euros, comptabilisé sur trois ans (2010-2012) et versé au CTF en décembre 2010. Pour 2010, 2011 et 2012, la contribution annuelle au « fast-start » s'élève donc à 67,7 millions d'euros.

Concernant les canaux bilatéraux :

- La France a contribué au « fast start » via le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) et via l'Agence française de développement (AFD).

- Via le FFEM, 16,4 millions d'euros ont été engagés en 2010 en faveur du climat, correspondant à 13 projets et 19 millions d'euros en 2011, correspondant à 11 projets. Pour 2012, d'après les données préliminaires, 20,6 millions d'euros seront engagés via ce fonds.

- Via l'AFD, la France a financé huit projets « fast-start », pour un montant total de 328,8 millions d'euros en 2010 et 13 projets « fast start », pour un montant de 305 millions d'euros en 2011. Pour 2012, le montant prévisionnel des crédits AFD au titre du « fast start » s'établit autour de 290 millions d'euros.

Au total, ce sont donc 425,9 millions d'euros qui ont été engagés par la France au titre du « fast-start » 2010 et 435,1 millions d'euros en 2011.

Pour l'année 2012, les données préliminaires permettent de confirmer un engagement annuel de la France autour de 420 millions d'euros, ce qui permettra à la France de tenir son engagement global de 1,26 milliard d'euros pour la période 2010-2012.

On constate qu'il s'agit d'actions nouvelles, mais pas forcément de financements nouveaux, ni de financements additionnels par rapport aux autres engagements de financements programmés dans le cadre de l'aide au développement classique.

D'autre part, la France a décidé de développer une ressource nouvelle, alimentée par la vente d'une partie de nos crédits carbone attribués au titre du protocole de Kyoto (Unités de quantités attribuées - UQA). En effet, une politique nationale ambitieuse et vertueuse a permis à la France d'aller au-delà de ses obligations vis-à-vis du Protocole et d'accumuler ainsi un excédent d'UQA. Ces ressources devaient permettre d'amplifier les actions de la France portant sur la lutte contre le changement climatique, en conduisant des projets dans les pays en développement.

Il s'agit, en l'occurrence, d'actions en faveur de la protection des forêts, à hauteur de 150 millions d'euros au total sur 2011-2012, afin de compléter les 100 millions d'euros déjà budgétés sur 2010-2012 et respecter ainsi l'engagement de consacrer 20 % des financements précoces pour lutter contre la déforestation.

Budgétairement, ce dispositif s'est traduit par la création en loi de finances 2011 d'un Compte d'affectation spéciale (CAS) intitulé « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique » et rassemblant deux nouveaux programmes budgétaires (781 et 782).

Or, force est de constater que ce CAS n'a jusqu'ici pas pu être abondé, faute de recettes issues de la vente d'UQA, en raison de conditions de marché particulièrement difficiles.

Dans ce contexte, le financement d'une partie des engagements de la France en faveur de la lutte contre la déforestation et de la gestion durable des forêts sera assuré par un abondement spécifique du programme 110.

Enfin, elle observe que lorsqu'on annonce que la France consacre 420 millions d'euros à la lutte contre le réchauffement climatique dans le monde, on pourrait comprendre que l'Etat français donne 420 millions pour que des pays en développement financent des projets de lutte contre le réchauffement climatique.

Ce n'est pas le cas puisque 80 à 90 % de ces sommes sont des prêts à des taux plus ou moins bonifiés.

En 2011, les financements « fast-start », dont le montant total s'élève à 435,1 millions d'euros, sont répartis entre prêts et dons de la manière suivante : 367,5 millions d'euros soit 82,6 % sont financés sous la forme de prêts et 75,6 millions d'euros, soit 17,4%, sont financés par dons.

Pour 2012, d'après les données préliminaires, sur un montant total d'environ 420 millions d'euros, 80 % des projets seront financés sous la forme de prêts et près de 20 % seront financés par dons.

La part de dons en 2011 et 2012 (respectivement de 17,5 % et près de 20 %) est en augmentation sensible par rapport à 2010 (8,5 %). Ceci s'explique largement par la mobilisation, sous forme de dons, de financements additionnels pour la forêt dans le cadre du fast-start, conformément aux engagements pris par la France.

En outre, les projets sont comptabilisés dés qu'ils possèdent une dimension liée à la lutte contre le réchauffement climatique, même si cette dimension n'est pas majoritaire. Dès lors cette comptabilisation revêt une signification différente.

4. Le processus international de redevabilité des engagements auquel la France participe dans le cadre du G8 devrait permettre un plus grand suivi des promesses

Le G8, à l'initiative du Canada, a engagé un travail inédit de suivi de ses engagements en faveur du développement lors du sommet de l'Aquila en 2009, qui s'est concrétisé par un premier rapport lors du sommet de Muskoka en 2010 et un second au sommet de Deauville.

Cette nouvelle dynamique, qui implique la France, se caractérise par une transparence rigoureuse et un suivi méthodique des engagements, notamment en direction des pays en développement partenaires et de leurs populations.

A Aquila, le G8 avait décidé de renforcer la responsabilisation des Etats membres en ce qui concernait leurs engagements individuels et collectifs au regard du développement. Ils avaient confié à un groupe de travail de haut niveau la tâche de concevoir, avec les organisations internationales pertinentes, une méthodologie élargie, exhaustive et uniforme pour la présentation des engagements internationaux dans ce domaine.

Le Sommet du G8 à Camp David en mai 2012 a été l'occasion de la publication d'un rapport de redevabilité sur deux thèmes :

- la sécurité alimentaire (L'Aquila Food Security Initiative) avec en particulier la question des marchés agricoles et du commerce ainsi que la nutrition ;

- la santé (Initiative de Muskoka), notamment maternelle et infantile.

S'agissant de la sécurité alimentaire et dans la mesure où les engagements de L'Aquila arrivent à échéance à la fin de l'année 2012, la poursuite de l'exercice de redevabilité reste à préciser. La déclaration de Camp David (18-19 mai 2012) relève cependant qu'un « rapport complet [...] sera remis en 2013 sous Présidence britannique » dans les domaines de la sécurité alimentaire et de la santé maternelle, néonatale et infantile.

Avec le Canada, la France a obtenu, lors de la réunion ministérielle de New York sur le Partenariat de Deauville en septembre 2012, qu'un exercice de redevabilité et de suivi des engagements soit entrepris par la future Présidence britannique à compter du 1 er janvier 2013) dans ce domaine.

L'ensemble de ces initiatives devrait permettre un plus grand suivi des promesses et renforcer la crédibilité des engagements.

C. L'ENJEU DES ANNÉES À VENIR EST UNE INTÉGRATION DES TROIS PILIERS SOCIAL, ÉCONOMIQUE ET ENVIRONNEMENTAL DU DÉVELOPPEMENT POUR DÉFINIR DES POLITIQUES PUBLIQUES GLOBALES AFIN D'AMÉLIORER LA COHÉRENCE DES POLITIQUES POUR LE DÉVELOPPEMENT

1. L'intégration de la coopération au développement dans l'agenda du G20 offre des pistes prometteuses pour une régulation mondiale malgré le peu de succès immédiats

Le sommet de Cannes du 8 novembre avait suscité, dans le domaine de l'aide au développement, beaucoup d'espoir.

On avait promis une réforme de la gouvernance mondiale. On avait annoncé une réforme du système monétaire international, un « nouveau Bretton Woods ». On avait prévu une avancée majeure dans le financement de l'aide au développement avec la taxe sur les transactions financières.

Les résultats sont en deçà des attentes suscitées. On doit cependant relever que nombre des sujets abordés font aujourd'hui partie intégrante du prochain agenda du G20, ce qui est, en soi, un acquis. Il faut également souligner quelques mesures concrètes qui paraissent intéressantes.

Il a ainsi été décidé la mise en place d'un système de réserves alimentaires humanitaires d'urgence qui vise à permettre une réponse plus rapide et plus efficace aux crises alimentaires. Il s'agit de permettre aux pays les moins avancés de faire face à un déficit vivrier, d'accéder aux quantités de nourriture nécessaires pour couvrir les besoins des plus vulnérables en cas de choc lié à la volatilité des prix ou à d'autres événements.

Le développement de ce projet en Afrique de l'Ouest sera piloté par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). De petite taille, fondé sur une approche régionale, ce système sera constitué d'une réserve physique (67 000 tonnes de riz, maïs, sorgho et mil pour 30 jours de consommation pour les populations les plus vulnérables des 11 pays les moins avancés à déficit vivrier de la CEDEAO) et d'une réserve virtuelle (équivalente à 60 jours de consommation, sur la base de divers instruments financiers). Ces réserves permettront de donner le temps nécessaire à l'aide internationale pour être acheminée. Ce système contribuera donc à une réponse plus rapide et plus efficace aux crises alimentaires.

Le G20 a également soutenu les recommandations faites par le panel de haut niveau d'experts du secteur privé présidé par M. Tidjane Thiam et les Banques de développement pour le financement de 11 projets exemplaires, dont la réalisation, si les pays et organisations régionales concernées le souhaitent, aura un effet décisif pour la croissance, l'intégration régionale et l'accès aux marchés mondiaux.

Cinq projets concernent l'Afrique subsaharienne :

- le site hydroélectrique d'Inga, en République démocratique du Congo, a le potentiel de générer 40 GW à un coût trois fois inférieur à celui des autres sources mobilisables sur le continent, en mobilisant des financements privés significatifs. Il est prévu, selon les études en cours, de développer ce projet majeur en plusieurs étapes, en commençant par la réhabilitation des turbines existantes ;

- le «West African Power Pool » permettra de relier les réseaux électriques sur 1 400 km entre quatre pays fragiles d'Afrique de l'Ouest (la Côte d'Ivoire, la Guinée, le Liberia et le Sierra Leone), au bénéfice de 200 millions d'habitants.

- l'« Ethiopia-Kenya Interconnector » poursuit le même objectif sur 1 000 km entre deux pays d'Afrique de l'Est (Éthiopie et Kenya) et représente la première phase d'un projet plus ambitieux qui connectera à terme l'ensemble des pays de cette sous-région ;

- le corridor Nord-Sud, reliant Dar-Es-Salaam en Tanzanie à Durban en Afrique du Sud, vise à fluidifier le trafic et à renforcer l'intégration commerciale régionale et la compétitivité du continent par des opérations de construction et de maintenance des axes routiers et ferroviaires et des ports. Il est également prévu de séquencer ce projet, selon les zones et les modes de transports envisagés ;

- le chemin de fer Isaka-Kigali permettra de relier, par rail, le Rwanda et la Tanzanie, en prolongeant la ligne existante par une nouvelle ligne de près de 500 km entre Isaka et Kigali, contribuant ainsi de façon décisive au désenclavement du Rwanda et du Burundi.

Deux projets concernent la région Méditerranée :

- le Jordan Railway Project vise à développer un nouveau réseau ferroviaire entre les grands centres, les ports et les points d'entrée de la Jordanie vers ses pays voisins (Syrie, Arabie saoudite et Irak), et à terme, inscrire la région dans un vaste réseau de transports depuis l'Europe et la Turquie ;

- le Plan Solaire Méditerranéen (PSM) permettra de développer de l'énergie solaire dans la région méditerranéenne et son exportation vers les marchés européens. Ce projet concerne cinq pays (Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte et Jordanie).

Trois projets concernent l'Asie : il s'agit du gazoduc entre le Turkménistan, l'Afghanistan, le Pakistan et l'Inde (TAPI), de l'extension de la production d'énergie propre à partir de la biomasse au Cambodge, Laos et Vietnam (Biomass Energy in the Greater Mekong) et de la mise en place d'un fonds innovant de financement des infrastructures, donnant la priorité aux projets régionaux et mobilisant de nouvelles sources de financement, en particulier les fonds souverains (Asean Investment Fund).

Un projet concerne l'Amérique Latine : le Corridor Pacifique est l'un des cinq corridors prioritaires des routes mésoaméricaines reliant, sur plus de 3 000 km, sept pays d'Amérique latine (Mexique, Guatemala, El Salvador, Nicaragua, Costa Rica, Panama, Honduras). Il permettra, à terme, de diminuer le temps de transport de huit jours à 2 jours ½ du Nord au Sud grâce à une amélioration de la qualité des infrastructures.

Le sommet de Cannes a également été l'occasion d'affirmer des positions communes de ses membres en matière de transparence des flux financiers, des marchés des matières premières énergétiques ou agricoles, de lutte contre la corruption et de lutte contre les paradis fiscaux.

Les chefs d'État et de Gouvernement se sont engagés à ce que tous les marchés, acteurs et produits financiers soient soumis à des règles et un contrôle appropriés. Ils ont chargé le Conseil de stabilité financière (CSF) de promouvoir et de vérifier la mise en oeuvre effective de ces mesures, en lien avec les normalisateurs internationaux (Comité de Bâle pour les banques, IAIS pour les assurances et OICV pour les marchés financiers).

Le G20 est, par ailleurs, depuis 2008, la principale enceinte d'impulsion politique dans la lutte contre les paradis fiscaux et les juridictions non coopératives (JNC). La conférence internationale organisée par la France et l'Allemagne en octobre 2008, puis le Sommet du G20 de Londres en 2009 ont affirmé pour la première fois que les JNC faisaient courir un risque au système financier international et à nos finances publiques.

Dans le cadre de la réforme du système monétaire international, le G20 a décidé de renforcer la capacité du FMI de répondre aux crises et de les prévenir et d'améliorer la surveillance de ses membres et de l'économie mondiale.

Afin de lutter contre la volatilité excessive des prix des matières premières, le G20 a pris, à Cannes, des engagements pour renforcer la transparence des marchés non seulement physiques, qu'il soit énergétiques ou agricoles, mais aussi financiers de matières premières.

Les chefs d'État ont également reconnu qu'il était essentiel que la dimension sociale soit durablement à l'agenda du G20. Ils ont décidé qu'une réunion des ministres du travail et de l'emploi se tiendrait à nouveau en 2012, sous présidence mexicaine.

Le G20 a enfin fait des progrès dans la lutte contre la corruption depuis le Sommet de Séoul de novembre 2010. Les pays du G20 ont entamé des travaux sur le recouvrement des avoirs, la lutte contre le blanchiment, la protection des donneurs d'alerte « whistleblowers », le fonctionnement et l'indépendance des agences anti-corruption, la transparence dans le secteur public, la coopération internationale.

Sur les financements innovants et la taxe sur les transactions financières, la France a obtenu, à l'issue de débats difficiles mais avec l'aide des États-Unis, le texte suivant : « Nous reconnaissons qu'au fil du temps, de nouvelles sources de financement doivent être trouvées pour répondre aux besoins du développement. Nous avons discuté d'un menu d'options de financements innovants, mises en avant par M. Bill Gates, telles que les garanties d'achat futur, l'émission d'obligations pour les diasporas, la taxation des combustibles de soute et du tabac, et toute une panoplie de taxes financières. Certains d'entre nous ont mis en oeuvre ou sont prêts à étudier certaines de ces options. Nous prenons acte des initiatives prises dans certains de nos pays pour taxer le secteur financier à des fins diverses, et en particulier d'une taxe sur les transactions financières au profit notamment du développement » . C'est la première fois que le G20 s'exprime ainsi sur ce sujet.

Les débuts de la présidence mexicaine avaient laissé planer un doute sur le traitement des enjeux de développement en G20. Le travail de préparation et les efforts de mobilisation ont toutefois permis de maintenir une place importante au développement, de maintenir les deux priorités françaises (sécurité alimentaire et infrastructures), d'obtenir un premier résultat sur le nouveau sujet de la croissance verte et inclusive (consensus sur la définition du concept, élaboration d'un boîte de bonnes pratiques), enfin de progresser sur une vision partagée de certains enjeux de développement. Un accord a été obtenu sur la mise en oeuvre d'un mécanisme de redevabilité d'ici au sommet de Saint-Pétersbourg en septembre 2013. L'absence de certaines priorités (accent mis sur l'Afrique, financements innovants) constitue toutefois un recul par rapport aux précédentes déclarations.

Le développement pourrait pâtir en 2012 d'un déficit de visibilité et d'engagement politique confirmé par le silence de Moscou au sommet de Los Cabos sur le sujet. La dernière réunion du groupe de travail développement sous présidence mexicaine, le 19 octobre prochain, sera déterminante pour s'accorder sur la gouvernance et l'agenda du groupe en 2013. La position influente de la France, que sa présidence a renforcée, doit être maintenue, dans un contexte où l'agenda du développement enregistre de profondes transformations (suites de Rio+20, échéance des OMD, préparation de l'agenda post-2015).

2. Les acquis de la conférence de Durban sur le climat

Malgré les efforts de la communauté internationale, la menace du changement climatique s'accentue.

Les émissions de CO 2 (principal gaz à effet de serre) ont crû de 40 % entre 1990 et 2008. Cette progression devrait atteindre 50 à 70 % en 2020, selon les mesures mises en oeuvre. La tendance serait à une augmentation des températures globales de 4°C, par rapport à l'époque préindustrielle -au lieu du plafond de 2°C fixé à Copenhague et Cancun-.

L'Union européenne est la seule région du monde où la baisse des émissions s'est engagée (-5,7 % en 2008 par rapport à 1990). Marché carbone, politiques et mesures du paquet énergie-climat y contribuent.

Les émissions des grands pays émergents progressent vite. Le poids de la Chine à l'horizon 2020 devrait être de l'ordre de 28 % des émissions mondiales. De fait, les pays développés sont désormais responsables de moins de la moitié des émissions mondiales.

Cette nouvelle répartition géographique des émissions de gaz à effet de serre n'est pas encore pleinement prise en compte lors de la négociation internationale (cadre de la convention climat de 1992 et du protocole de Kyoto de 1997). La négociation s'est efforcée d'intégrer l'évolution des émissions mondiales, tout en tenant compte du poids des émissions « historiques » des pays développés.

L'accord politique de Copenhague, puis les accords de Cancun, ont permis de lever une partie des blocages. Ils créent de nouvelles institutions pour le financement (fonds vert), l'adaptation au changement climatique (cadre international) et valident un mécanisme international de lutte contre la déforestation (REDD+).

Les enjeux de la 17 e conférence des Parties (COP 17) à la Convention-Cadre des Nations unies sur les Changements climatiques (CCNUCC) à Durban étaient donc d'assurer le progrès de cette négociation par la mise en oeuvre effective des décisions de Cancun. Il s'agissait de répondre aux questions non résolues : le niveau d'ambition des engagements de tous les pays, le contrôle des engagements et celle de la forme juridique du futur régime international de lutte contre le changement climatique.

La question du Protocole de Kyoto (seul accord international fixant des objectifs contraignants de réduction des émissions des pays développés pour 2008-2012 ainsi que des règles et des mécanismes pour les atteindre) était un élément symbolique important.

Les questions de financement, qui constituaient un élément important de la confiance entre les pays, étaient considérées comme la clé pour la réussite du processus avec la mise en oeuvre du fast start et la mise en place du fonds vert.

La conférence de Durban a abouti à l'adoption de décisions ouvrant la voie à un renforcement du régime multilatéral de lutte contre le changement climatique.

Ces décisions, largement inspirées par les propositions européennes, permettent de renforcer le cadre esquissé à Copenhague puis à Cancun (décembre 2010) avec l'établissement des institutions et la mise en oeuvre d'un certain nombre de décisions, tout en relançant la recherche d'un accord ambitieux engageant l'ensemble des pays.

Les pays se sont en effet accordés sur la création d'une plate-forme de négociation d'un accord global (« plate-forme de Durban ») devant aboutir en 2015, pour une entrée en vigueur d'ici 2020. Il s'agit d'une évolution majeure, permettant d'envisager un certain décloisonnement, et donc l'engagement de l'ensemble des pays - pays développés et en développement - dans un instrument potentiellement contraignant.

Cette évolution, esquissée à Cancun sur la base d'engagements volontaires, qui se sont jusqu'à présent révélés insuffisants pour espérer limiter le réchauffement climatique à 2°C, est ici redéfinie dans un cadre plus global, plus à même d'assurer la cohérence des engagements avec les préconisations des scientifiques.

La transition vers le nouveau régime post-2020 sera accompagnée d'une part par un renforcement des institutions et obligations actuelles, et notamment une transparence accrue, et d'autre part par le prolongement du Protocole de Kyoto et de ses mécanismes.

Plusieurs pays développés, et en particulier de l'Union européenne, se sont en effet prononcés en faveur d'une deuxième période d'engagement à partir du 1 er janvier 2013.

En parallèle, face au manque actuel d'ambition des objectifs et actions d'atténuation pour 2020 mis en avant par les Parties, le lancement d'un programme de travail visant à relever le niveau d'ambition à court et à moyen terme a été décidé.

Durban a constitué une étape importante dans les engagements internationaux en faveur du climat et permet de réenclencher une dynamique positive, ouvrant la voie à un possible renforcement du régime multilatéral de lutte contre le changement climatique qui doit maintenant être concrétisé dans les années à venir.

Beaucoup reste à faire d'ici 2015 et il sera essentiel de s'appuyer sur des alliances avec les pays ambitieux comme à Durban, tout en veillant à entretenir un dialogue constructif avec l'ensemble des partenaires de négociation.

La France, au sein de l'Union européenne, participe à la définition d'une position ambitieuse. Elle entend promouvoir un modèle de développement bas carbone du type du paquet « énergie climat », au sein de l'Union. Il s'agit de mobiliser les principaux pays sur des objectifs ambitieux et cohérents avec leur engagement de maintenir le réchauffement climatique au dessous du seuil des 2°C.

La France a notamment contribué, en 2011, dans le cadre de sa présidence du G8 et du G20, à inciter les grandes économies à accroître leurs efforts et à afficher leur volonté de poursuivre les travaux vers un accord global juridiquement contraignant.

La France travaille à la mise en oeuvre des décisions et engagements de Cancun. La contribution au programme « Fast Start » de 30 milliards de dollars pour la période 2010-2012 (à hauteur de 1,26 milliard d'euros pour la France et dont un cinquième sera consacré à la forêt) se poursuit et est valorisée comme une mesure de confiance capitale pour la réussite de la suite des négociations.

Concernant la forêt, la France a assuré la coprésidence du Processus Paris-Oslo au premier semestre 2011. Le partenariat permet d'appuyer les décisions de Cancun qui ont validé le mécanisme de lutte contre la déforestation (REDD+) et dont les modalités de mise en oeuvre vont se poursuivre à Durban.

Concernant l'accès à l'énergie renouvelable en Afrique, le « Processus Paris-Nairobi » a été lancé le 21 avril 2011, à Paris, par une conférence internationale. Il vise à mieux identifier les projets, dans les pays les plus pauvres, qui méritent un soutien financier, y compris via les financements « climat » qui se mettent progressivement en place.

La mobilisation de la France se traduit également à travers les actions de l'AFD en direction de grands pays émergents comme l'Indonésie (coopération avec le Japon sur la mise en place de stratégie bas carbone), le Mexique ou la Russie, avec un partenariat sur l'efficacité énergétique.

III. COMMENT EXPLIQUER LE DÉCALAGE CROISSANT ENTRE LES AMBITIONS AFFICHÉES ET LES MOYENS MIS EN oeUVRE ?

L'examen des sommes dépensées dans le cadre des différents engagements internationaux de la France ces dernières années explique le décalage entre les chiffres officiels et les moyens effectivement disponibles sur le terrain.

Par-delà les majorités politiques, ce décalage s'explique par l'écart croissant entre les ambitions des gouvernants et la réalité de nos moyens financiers.

Cette situation conduit dans les pays que l'on considère traditionnellement comme prioritaires, c'est-à-dire les pays pauvres de l'Afrique subsaharienne, à un hiatus croissant entre les ambitions affichées et les moyens dont disposent les acteurs de terrain pour poursuivre leur action en faveur du développement.

Vos rapporteurs ont souhaité s'attarder sur ce point en considérant la situation des 14 pays prioritaires de la coopération française pour bien comprendre les processus en cours.

A. SUR LE TERRAIN : UN SENTIMENT DE DÉCLIN DE LA COOPÉRATION FRANÇAISE

Un des paradoxes de la situation actuelle est le fait que l'Afrique subsaharienne est la zone dans laquelle les acteurs de terrain ont le sentiment le plus fort d'une diminution de leurs moyens, alors même que jamais auparavant cette zone n'a fait l'objet de tant d'indicateurs de concentration.

En effet, le document-cadre de coopération comme le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD indiquent que « l'Afrique subsaharienne est la première des priorités de la politique de coopération ». Il est ainsi prévu que « dans cette géographie, les interventions les plus concessionnelles se concentreront préférentiellement sur les pays pauvres prioritaires » 27 ( * ) .

Cette priorité se traduit par un objectif de consacrer 60 % de l'effort financier de l'Etat à l'ensemble de l'Afrique subsaharienne, 50 % des dons consacrés aux pays pauvres prioritaires définis par le CICID à cette même région et au sein des dons aux pays pauvres prioritaires, 50 % aux pays sahéliens (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad).

Or en dépit de cette volonté de concentration, que l'on considère l'APD dans son ensemble, ou seulement l'aide programmable, voire les seuls dons programmables destinés à l'Afrique subsaharienne, on constate que les derniers chiffres disponibles sont bien à la baisse ces 5 dernières années.

Dons programmables, en millions $

2006

2007

2008

2009

2010

Bénin

55

36

48

38

38

Burkina Faso

120

104

130

71

58

Centrafricaine, Rép.

20

43

18

18

12

Tchad

28

27

26

33

31

Comores

10

7

11

14

12

Congo, Rép. dém.

11

13

16

19

17

Ghana

30

49

54

61

45

Guinée

16

28

23

17

19

Madagascar

80

115

71

76

71

Mali

65

79

68

62

65

Mauritanie

26

31

24

26

32

Niger

73

45

54

47

37

Sénégal

222

106

136

93

111

Togo

21

19

26

30

18

Total 14 PPP 28 ( * )

776

702

705

605

566

Si l'on poursuit plus loin l'analyse en se concentrant sur l'effort financier de l'État qui comprend à la fois le coût des bonifications des prêts et le coût des subventions ou si l'on considère les seules subventions, le constat est identique : une diminution des moyens en valeur absolue.

Dons, en millions $

2006

2007

2008

2009

2010

Total France

7 926

8 691

9 292

9 677

9 512

Pays pauvres prioritaires (14 PPP)

996

925

824

724

688

Part dons 14 PPP/total dons France

13%

11%

9%

7%

7%

Pays pauvres prioritaires (17 PPP) 29 ( * )

1 089

1 006

897

782

755

Source : CAD de l'OCDE

En effet, malgré des taux de concentration croissant vers l'Afrique avantageux, on ne peut que constater la diminution des moyens en subventions.

Si on considère maintenant plus avant les subventions issues des programmes 209 et 110, consacrées aux 14 pays pauvres prioritaires, celles-ci passent de 219 millions en 2005 à 158 millions en 2009.

Évolution de l'aide bilatérale française consacrée aux 14 pays pauvres prioritaires et octroyée sous formes de subventions sur la période 2005-2009 30 ( * )

2005

2006

2007

2008

2009

Subventions projets

161

176

145

71

112

FSP

29

23

31

25

9

Aide budgétaire globale

29

57

24

10

37

TOTAL 14 pays pauvres prioritaires

219

256

200

106

158

En % du total des subventions

49%

48%

39%

32%

52%

Pour rappel : total subventions

443

538

519

331

306

Source : MAEE

Votre commission estime que les montants actuels de crédits pour les dons-projets ne sont plus cohérents avec les ambitions en matière de périmètre géographique.

L'AFD continue à la demande des pouvoirs publics d'intervenir dans un nombre important de pays avec des moyens de plus en plus limités.

La situation est criante dans les 14 pays dit prioritaires qui ne sont pas en mesure de s'endetter et dans lesquels la faiblesse des montants disponibles en subvention pose un problème de crédibilité.

Ainsi, en Guinée-Conakry, au Bénin, au Burundi, en RCA, les engagements de l'AFD se situent entre 1 et 3 millions d'euros.

Le sentiment de décalage entre nos ambitions et nos moyens vient sans doute de ce chiffre : 150 millions de subventions pour 14 pays prioritaires revient à consacrer en moyenne 10 millions d'euros de subvention par an à chaque pays et ce, alors même que nous affichons une aide au développement d'un montant supérieur à 10 milliards d'euros.

A l'origine d'une expression souvent entendue par vos rapporteurs selon laquelle la France continue d'avoir les ambitions des Etats-Unis avec le budget du Danemark, il y a ce chiffre 150 millions d'euros de subventions aux 14 pays prioritaires sur 10 milliards d'APD déclarés, soit un millième : une priorité toute relative.

Comme le souligne la revue à mi-parcours de l'aide au développement française par le CAD, il y a une contradiction entre les objectifs de la coopération française et l'évolution des dons de plus en plus préoccupante : « Les cinq secteurs sur lesquels la France veut se concentrer, d'après la décision du CICID, sont des secteurs dont la plupart sont susceptibles d'être appuyés par des dons, et ne se prêtent pas facilement aux prêts, puisqu'ils ne sont pas des secteurs productifs. Pourtant, la France a réduit ses dons. Ceci pose un défi pour la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de la France et le ciblage sur les PMA qu'elle a proposé . »

M. Serge Michailof, consultant international, enseignant à l'Institut d'études politiques de Paris, ancien directeur régional à la Banque mondiale, a estimé devant la commission que « nous sommes sans moyens d'action effectifs pour répondre à nos préoccupations propres, qu'il s'agisse d'intervenir dans des pays pauvres où nous avons des enjeux géopolitiques, comme ceux du Sahel, ou sur des thématiques importantes, comme le développement rural pour lequel nous avons une expertise ancienne avérée ».

Il s'agit moins d'interroger le volume global du budget de l'aide au développement qui est relativement stable, que de s'inquiéter de voir que sur une mission de 3,5 milliards d'euros, l'allocation des ressources soit à ce point en contradiction avec les priorités.

Ce constat que votre commission a effectué depuis quelques années a été confirmé par les travaux du bilan évaluatif de la politique de coopération française au développement entre 1998 et 2010 que votre rapporteur a suivis. L'équipe en charge de l'évaluation a souligné en effet qu' « au-delà des objectifs en termes de moyens, le respect de la priorité africaine pose questions en termes d'adéquation entre les instruments mobilisés et la recherche de concentration vers les pays pauvres prioritaires retenus dans le document-cadre (DCCD). »

L'effet conjugué du maintien de la priorité à l'Afrique subsaharienne et de la baisse importante de l'enveloppe de crédits de subvention alloués à l'AFD (dons projets, ABG, conversion de dette sous forme des C2D) oblige à un recours croissant à l'instrument de prêts dans cette zone. Or, à l'exception du Ghana pour lequel la plupart des engagements sont opérés sous forme de prêts, les autres pays pauvres prioritaires de la coopération française sortent d'un processus de désendettement et sont inéligibles aux prêts, conduisant à réorienter l'aide française, accordée sous forme de prêts, vers des pays africains « non prioritaires », tels que l'Afrique du Sud, le Kenya ou la Côte d'Ivoire.

En effet, si l'AFD a réussi à concentrer 60 % de l'effort financier de l'AFD en Afrique subsaharienne en 2010, les pays pauvres prioritaires n'en concentrent que 25 %.

B. UN SENTIMENT DE DÉCLIN RENFORCÉ PAR LA PRÉSENCE CROISSANTE DES PAYS ÉMERGENTS

Votre commission souhaite souligner que les difficultés qu'éprouve la France à financer une coopération à la hauteur de ses ambitions arrivent à un moment où l'Afrique fait l'objet de toutes les convoitises de la part de nouveaux acteurs que sont les pays émergents.

Si la France n'est plus depuis longtemps seule en Afrique Francophone, il est frappant de constater ces dernières années la croissance du partenariat qui est en train de se nouer entre les pays émergents et les pays africains.

La coopération française en Afrique est en effet depuis longtemps habituée à la présence d'une coopération britannique active, à une intervention très massive des États-Unis, à des coopérations très sélectives des pays européens du Nord.

Mais aujourd'hui, la coopération française doit faire face à des acteurs nouveaux qui ont parfois des liens historiques forts avec l'Afrique comme la Chine ou l'Inde ainsi qu'avec des nouveaux acteurs de la coopération internationale que sont le Brésil, les pays du golfe ou la Turquie.

1. La coopération française doit faire face en Afrique à des pays qui ont des liens historiques forts avec l'Afrique, comme la Chine ou l'Inde, ainsi qu'avec des nouveaux acteurs de la coopération internationale que sont le Brésil, les pays du Golfe ou la Turquie.

Les pays émergents sont en passe de devenir des partenaires économiques majeurs de l'Afrique. C'est le cas en matière de commerce. Entre 2000 et 2009, les échanges de l'Afrique (les importations et les exportations) ont plus que doublé, passant de 247 à 629 milliards. Au début de la décennie, les partenaires « traditionnels » de l'Afrique, principalement l'Amérique du Nord et l'Europe, représentaient 77 % de ces échanges ; en 2009, leur part était tombée à 61,5 %. Au cours de la même période, celle des partenaires « émergents » est passée de 23 % à 38,5 %.

L'Afrique est en train ainsi d'accroître son intégration dans l'économie mondiale et de diversifier ses partenariats à une vitesse sans précédent.

En 2009, la Chine a dépassé les États-Unis et est devenue le principal partenaire commercial de l'Afrique ; la part des échanges de l'Afrique avec les pays émergents a sensiblement augmenté au cours des dix dernières années, passant de 23 % à 39 %. Les cinq pays émergents partenaires de l'Afrique les plus importants sont dorénavant la Chine (38 %), l'Inde (14 %), la Corée (7,2 %), le Brésil (7,1 %) et la Turquie (6,5 %).

Les pays émergents sont également en train de devenir des partenaires majeurs de l'Afrique en matière de coopération.

Ainsi, dans ses perspectives économiques en Afrique, « L'Afrique et ses partenaires émergents », l'OCDE considère que l'aide au développement de la Chine en Afrique subsaharienne est aujourd'hui supérieure à celle de la France.

Sur l'ensemble du continent, les engagements financiers de la Chine seraient passés de moins de 1 milliard de dollars en 2004 à plus de 8 milliards de dollars en 2008.

Les partenariats que nouent la Chine ou l'Inde avec les pays africains associent une aide traditionnelle avec un soutien aux exportations sans s'imposer les mêmes règles que celles qui prévalent dans le cadre du CAD.

Cette situation présente un intérêt financier important pour les pays africains mais suscite des difficultés, notamment pour les entreprises françaises qui sont tenues par des engagements en matière de responsabilité environnementale et sociale, et parfois également pour les entreprises locales.

Pour la France, cette évolution doit être appréciée au regard de nos objectifs de solidarité mais aussi d'influence.

Les intérêts stratégiques français aujourd'hui en jeu en Afrique sont nombreux en termes d'indépendance énergétique, de conquête de marchés par nos entreprises, de promotion de la pratique de la langue française, de préservation de notre influence, de lutte contre le crime organisé et le terrorisme ou de protection de nos ressortissants expatriés.

Un relâchement de notre effort de coopération laisserait pleinement la voie à ses nouveaux partenaires pour « sortir la France et l'Europe du continent africain » alors même que nous avons une intimité forte avec ce continent et des atouts remarquables.

2. Des opportunités pour des coopérations triangulaires ?

Dans un contexte financier tendu, il convient de développer des échanges et des collaborations bilatérales sur l'Afrique avec le maximum d'Etats, européens ou non.

Bien qu'elles soient difficiles à mettre en oeuvre, des coopérations triangulaires devraient être favorisées en collaboration avec des partenaires sans passé colonial (Canada, Australie...) et avec les émergents démocratiques (Afrique du Sud, Brésil, Inde).

La présence accrue des pays émergents en Afrique constitue une opportunité pour développer des coopérations triangulaires.

On peut espérer que les pays émergents augmentent progressivement le pourcentage du revenu national qu'ils consacrent à l'aide au développement, à l'image de la Corée du Sud qui s'est distinguée en s'engageant à tripler le pourcentage du RNB réservé à l'aide publique au développement d'ici 2015.

Outre ces aides financières toujours plus importantes, ces pays peuvent apporter une précieuse contribution, grâce à leur expérience et à leurs compétences pour résoudre les problèmes les plus complexes liés à la pauvreté. Ayant suivi le processus de développement avec succès, ces pays ont une connaissance approfondie des besoins des pays pauvres et les capacités techniques d'innovation pour répondre à ces besoins.

L'adhésion de la Corée au Comité d'aide au développement de l'OCDE est, à cet égard, un événement significatif. En quelques décennies, un pays dévasté et appauvri par la guerre est passé du statut de bénéficiaire de l'aide à celui de donneur après avoir reçu 13 milliards de dollars d'aide. Elle est aujourd'hui un des plus fervents soutiens à la coopération Sud-Sud mais aussi à des coopérations triangulaires.

Le rapport de M. Bill Gates aux membres du G20 en 2011 cite à cet égard de nombreux exemples de coopération triangulaire réussis : « le Serum Institute of India a récemment mis au point un vaccin pour la méningite A, le tout premier vaccin créé spécialement pour les pays pauvres. Pour le fabriquer au prix cible de 50 cents la dose, l'institut s'est procuré les matières premières auprès d'une société biotechnologique néerlandaise et a organisé un transfert de technologie à partir de la Food and Drug Administration des États-Unis. Ce processus a commencé lorsque des responsables africains ont demandé un moyen plus efficace pour lutter contre les épidémies de méningite. Les secteurs privé et public dans les pays industrialisés et à croissance rapide ont négocié une solution mutuellement avantageuse pour faire face à ce défi ».

De ce point de vue, il existe des opportunités pour des partenariats triangulaires entre les pays émergents, des donateurs traditionnels comme la France et des pays pauvres.

Jusqu'à présent, ces partenariats triangulaires ont concerné des transferts de ressources relativement modestes, mais à long terme, ils offrent des opportunités pour une coopération coordonnée au bénéfice des plus pauvres et ouvrent la voie vers un meilleur partage du financement de l'aide au développement. Aujourd'hui, en effet, l'Europe représente 60 % de l'APD mondial pour 30 % du PIB mondial.

C. UN SENTIMENT DE DÉCALAGE QUI S'EXPLIQUE EN PARTIE PAR LA FAIBLE VISIBILITÉ DES CONTRIBUTIONS FRANÇAISES AUX INSTITUTIONS MULTILATÉRALES ET UNE FORTE DISPERSION DE L'AIDE BILATÉRALE

Lorsque vos rapporteurs évoquent ce sentiment de décalage entre les ambitions de coopération et la réalité de ses moyens, il leur a souvent été répondu qu'il fallait intégrer dans l'effort français la part des interventions multilatérales imputables à la France au titre de ses contributions dans chaque pays.

Nul doute que le poids croissant des crédits de ce budget qui transite par des opérateurs multilatéraux a limité les moyens sur le terrain laissés à l'aide bilatérale.

1. Le choix du multilatéral suppose de renoncer à une forme de visibilité de l'aide française

Une des évolutions structurant de ces dix dernières années est en effet l'accroissement de la part de l'aide française passant par des canaux multilatéraux que cela soit en pourcentage de l'aide ou en valeur absolue.

Or sur le terrain, les crédits que la France attribue aux organisations multilatérales, que cela soit la Banque mondiale, le Fonds Européen de Développement ou tout autre organisme, ne sont pas perçus par nos partenaires comme participant à l'effort français d'aide au développement.

Vos rapporteurs ont pu constater sur le terrain, au Mali ou à Madagascar, que jamais, lors de l'inauguration de projets financés par la Banque mondiale ou par un opérateur communautaire, il n'est rappelé que ces institutions sont financées par des contributions nationales et que la contribution de la France est parmi les plus importantes.

Le choix du multilatéral qui a été fait pendant de nombreuses années s'est donc mécaniquement traduit par une moindre lisibilité de la France dans les projets de coopération.

Le graphique suivant illustre aisément, dans un pays comme le Mali qui peut être considéré comme un pays emblématique de l'Afrique subsaharienne, la diminution, au cours des dix dernières années, de l'APD bilatérale française et l'augmentation parallèle des crédits multilatéraux que l'on peut imputer à la France au regard de ses contributions aux différents institutions multilatérales.

On constate alors que l'effort global de la France au Mali augmente de 2002 à 2009. Malgré cela, la perception que les acteurs locaux peuvent avoir de cette aide est en diminution, car la seule aide visible, c'est-à-dire l'aide bilatérale, est elle-même en diminution.

Source OCDE chiffre hors allégement de dette en millions de dollars US

Le cas du Mali est à l'image des 14 pays prioritaires. Dans l'ensemble des pays prioritaires, l'aide multilatérale imputable à la France est égale à l'aide bilatérale et trois fois supérieure aux subventions.

Répartition des instruments d'APD par zones d'intervention (DPT 2013)

APD nette, en millions d'euros dans les 14 pays prioritaires.

2006

2007

2008

2009

2010

Aide multilatérale imputée

418

352

425

556

619

APD bilatérale totale nette

814

787

710

592

643

Subventions.

271

246

243

205

199

2. La France pèse-t-elle sur la programmation des institutions multilatérales ?

On peut certes considérer que la visibilité de l'aide française est secondaire par rapport à l'efficacité des actions menées.

La visibilité de la coopération française correspond à un objectif politique de rayonnement et d'influence qui est, après tout, secondaire par rapport aux objectifs qui relèvent à proprement parler du développement.

Dans cette perspective, le choix de l'instrument multilatéral présente les avantages que l'on connaît en matière d'économie d'échelle, d'expertise et de neutralité politique.

Dès lors se pose la question de l'évaluation de l'efficacité des différentes contributions multilatérales françaises. Pourquoi donner telle somme à telle institution et une autre somme à une autre institution. Selon quels critères les pouvoirs publics font-ils leur choix ?

La récente évaluation de la coopération sur les dix années passées souligne que « La France ne dispose pas d'une stratégie générale de coopération multilatérale formalisée et ne précise pas selon quels critères sont définis les niveaux de dotations aux différentes institutions ».

Il est vrai que seules deux stratégies spécifiques sur les relations de la France avec la Banque mondiale et avec l'Union européenne ont été récemment élaborées à la suite des préconisations de la RGPP, du CAD de l'OCDE et du CICID du 5 juin 2009.

L'évaluation estime que « Le positionnement de la France vis-à-vis des différents acteurs multilatéraux semble peu ciblé, et il n'existe pas de liste de critères bien établie permettant d'avoir une grille d'analyse de cohérence des contributions multilatérales de la France . ».

Il est vrai que la définition de ces critères n'a rien d'évident. On peut toutefois distinguer trois types de critères : des critères d'efficacité liés à la capacité de ces organismes à atteindre les objectifs de développement, des critères d'efficience mesurant le niveau des dépenses utilisées pour atteindre ces objectifs et notamment des dépenses d'administration, et enfin des critères relatifs à la cohérence de la programmation de ces organismes avec les objectifs géographiques et sectoriels de la politique française de coopération.

Votre commission constate au regard des documents budgétaires qui lui sont fournis et les réponses au questionnaire budgétaire qui lui ont été envoyées que c'est le critère relatif à la cohérence des programmations avec les priorités géographiques de l'aide française qui semble guider les décisions d'attribution des dotations aux institutions multilatérales.

Les documents budgétaires relatifs à la mission « aide au développement » ne retiennent que ce dernier critère relatif à la cohérence des programmations avec les objectifs français.

Comme le souligne le projet annuel de performance « S'assurer que les crédits affectés aux banques et aux fonds multilatéraux soient utilisés en cohérence avec les priorités géographiques françaises est un sujet central pour la mise en oeuvre du programme ».

L'indicateur retenu pour cet objectif permet d'apprécier la sélectivité géographique de l'aide multilatérale sur les périmètres qui ont une importance particulière pour la France : l'Afrique subsaharienne et les Pays les moins avancés (PMA). Dans certaines instances comme la Banque mondiale, l'Afrique en tant que destinataire de l'aide est, en effet, en concurrence avec d'autres continents, comme l'Amérique du Sud, qui sont moins stratégiques pour la France.

Part des ressources subventionnées des banques multilatérales de développement et des fonds multilatéraux qui sont affectées aux zones géographiques prioritaires

Unité

2009
Réalisation

2010
Réalisation

2011
Prévision PAP 2011

2011
Prévision actualisée

2012
Prévision

2013
Cible

Afrique subsaharienne

%

57,1

56,6

53

53

54

55

PMA

%

52,3

58,4

52

52

54

54

Même si la détermination de cibles pour cet indicateur est rendue délicate par le fait que son évolution est principalement déterminée par les décisions stratégiques des différentes institutions que la France, par définition, ne maîtrise pas totalement, le projet annuel de performance définit un objectif de ciblage géographique de l'aide qui a été fixé, pour 2013, à 55 % sur l'Afrique subsaharienne et 54 % sur les PMA.

Ces chiffres relativement positifs laissent à penser que la stratégie française d'investissement dans les fonds multilatéraux afin d'orienter leur programmation vers l'Afrique porte ses fruits, même si le niveau de développement de nombre de pays africains en fait naturellement des cibles de la solidarité internationale. L'AID a pour objet principal d'aider les PMA. L'Afrique concentre la majorité des PMA. Le fait que la programmation de l'AID soit orientée vers l'Afrique constitue de ce fait moins le produit d'une stratégie française que le résultat mécanique de ces deux facteurs.

Afrique subsaharienne

Pays les moins avancés

Institution

Année

Montant en M€

%

Montant en M€

%

Agence internationale de développement

(Banque mondiale)

2009

4 195,50

57,81%

3 582,50

49,36%

2010

3 803,30

57,69%

3 813,90

57,85%

Fonds africain de développement

(Banque africaine de développement)

2009

1 064,97

100,00%

797,58

74,89%

2010

1 085,66

100,00%

825,85

76,07%

Fonds asiatique de développement

(Banque asiatique de développement)

2009

-

870,48

53,09%

2010

-

897,00

49,39%

Fonds des opérations spéciales et Facilités de financement intermédiaire (Banque interaméricaine de développement)

2009

-

87,61

61,12%

2010

-

189,51

69,41%

Fonds international de développement agricole

2009

161,22

54,35%

207,83

70,06%

2010

231,98

58,57%

247,71

62,54%

Fonds pour l'environnement mondial

2009

38,62

7,99%

61,47

12,71%

2010

17,43

5,36%

24,37

7,49%

Fonds multilatéral du protocole de Montréal

2009

6,76

10,61%

5,51

8,65%

2010

5,23

7,68%

5,79

8,50%

Il reste que la priorité française pour l'Afrique francophone n'est pas partagée par l'ensemble des actionnaires de la Banque mondiale. D'une part, certains actionnaires comme les Etats-Unis n'ont pas cette proximité géographique avec l'Afrique et s'orientent plus volontiers vers l'Amérique du Sud. D'autre part, même des actionnaires européens comme l'Allemagne ou la Grande-Bretagne peuvent avoir des préférences pour d'autres régions comme les Balkans ou l'Afrique anglophone.

Le résultat évoqué est donc positif, mais il contraste cependant avec de nombreux témoignages d'acteurs de la coopération qui soulignent la difficulté pour les Français de faire valoir leur position en faveur de l'Afrique francophone dans les institutions multilatérales qu'elles financent. De ce point de vue, l'indicateur utilisé ne permet pas de savoir vers quelle Afrique s'orientent ces flux.

3. La coopération européenne est-elle encore l'avenir de la coopération française ?

En termes de visibilité et de coordination, un sort particulier semble devoir être fait à l'aide transitant par les canaux européens. En effet, contrairement à l'action menée, par exemple, par la Banque mondiale, l'action menée par l'Union européenne participe d'une politique étrangère de l'Union qui constitue une communauté politique avant d'être une entité administrative.

À ce titre, la politique de coopération européenne aurait vocation à porter une part de l'action de la France. C'est tout du moins la vision qu'on peut avoir de la construction européenne.

De ce point de vue, l'Union européenne a longtemps constitué un horizon souhaitable de mise en commun des moyens des différentes politiques de coopération.

D'un point de vue quantitatif, l'Union Européenne, à travers la commission et le FED constitue 20 % de notre aide au développement et plus 50 % de l'aide multilatérale.

Prévision d'APD part de l'Europe

Principaux types d'activités d'aide au développement

2011

2012

2013

2014

2015

Aide bilatérale

6 130

6 676

6 634

6 484

7 262

Aide multilatérale

3 254

3 029

3 192

4 048

3 654

aide européenne

1 742

1 554

1 662

2 526

2 076

aide multilatérale (hors UE)

1 512

1 475

1 530

1 522

1 578

Total

9 384

9 705

9 826

10 531

10 916

Part de l'aide européenne dans l'APD

19%

16%

17%

24%

19%

L'Union et les Etats membres 31 ( * ) assurent ensemble près de 55 % de l'APD mondiale alors qu'ils ne représentent que 30 % du PIB mondial. C'est un engagement majeur de l'Europe qui représente chaque année 52 milliards d'euros (source : CAD de l'OCDE) sur les 96 milliards totaux de l'APD mondiale ce qui fait de l'Union le premier bailleur de fonds aux pays en développement.

Avec un tel poids, l'Europe pourrait devenir un acteur incontournable du développement et un acteur politique majeur du dialogue Nord Sud.

Parce que les gouvernements successifs, depuis dix ans, ont été convaincus de l'opportunité et de la valeur ajoutée d'une action européenne en matière de développement, la France a fait le choix d'inscrire sa politique d'aide au développement dans un cadre européen et a toujours oeuvré pour l'affirmation de cette compétence de l'Union. Le quart de son aide publique au développement transite par le canal européen et la Commission européenne met aujourd'hui en oeuvre près de la moitié de ses dons programmables.

L'aide française transitant par un canal européen correspond à deux contributions de grandeurs voisines, financées par des mécanismes différents :

- la contribution au Fonds Européen de Développement (FED) ;

- la contribution française au budget communautaire.

Principales contributions nettes de la France aux organisations multilatérales, comptabilisées en APD

en millions d'euros

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

(LFI)

PLF

Union européenne

FED

698

777

837

909

686

576

694

Budget communautaire

877

975

1 245

1 100

1 056

978

968

Total

1 575

1 753

2 083

2 009

1 742

1 554

1 662

Banque mondiale (BM)

395

379

454

658

493

462

468

Banque Africaine de Développement (BAfD)

126

137

129

132

141

141

141

Banque Asiatique de Développement (BAsD)

30

30

24

24

36

24

23

Banque interaméricaine de développement

8

7

7

Fonds Monétaire International (FMI)

-23

28

587

247

-5

196

198

Organisations des Nations unies (ONU)

172

190

188

192

153

163

169

Fond Mondial pour la Lutte contre le Sida, la Tuberculose, et le Paludisme (FMLSTP)

286

300

300

300

360

360

360

Facilité Internationale pour le Financement de la vaccination (IFFIm)

20

41

43

45

48

51

54

Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM)

34

34

35

34

64

64

34

Sources : Versements déclarés au titre de l'APD brute au CAD de l'OCDE pour les années 2006-2011 (versements nets pour le FMI). Montants inscrits en loi de finances pour 2012 et en prévision du PLF 2013.

Vos rapporteurs aspireraient à ce que ces sommes conjuguées à celles des autres membres puissent être gérées de façon conjointe dans des programmations concertées.

Chacun peut rêver d'une Europe qui offre à la France la possibilité d'exercer, dans les pays où du fait de son histoire une valeur ajoutée lui est reconnue, un effet démultiplicateur lié à la capacité financière de l'Union européenne et de ses Etats membres, quitte à déléguer à d'autres le soin de gérer des actions financées conjointement dans d'autres pays.

Or, ce que vos rapporteurs constatent aussi bien à Bruxelles que sur le terrain ne correspond pas pour l'instant à ces attentes.

A Bruxelles, les montants mis en oeuvre par la Commission au titre de l'aide sont répartis entre onze instruments dont le Fonds européen de développement (FED), l'instrument de coopération au développement (ICD), l'instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP). Les actions en matière d'aide au développement étant une compétence partagée entre la Commission et les Etats membres, chacun continue d'intervenir à titre bilatéral parallèlement à leur action commune mise en oeuvre par la Commission européenne, sans que la cohérence de l'ensemble soit assurée.

Certes le traité de l'Union consacre pour la première fois l'objectif de réduire la pauvreté et inscrit cet objectif au coeur de l'action étrangère de l'Union.

Il précise que l'Union et ses Etats membres « coordonnent leurs politiques en matière de coopération au développement et se concertent sur leurs programmes d'aide, y compris dans les organisations internationales et lors des conférences internationales ». Il confie enfin à la Commission le soin de prendre toute initiative utile pour promouvoir cette coordination.

Mais force est de constater que, sur le terrain, les représentations de l'Union agissent encore très largement comme un bailleur de fonds additionnel qui est quelque part étranger aux Etats qui pourtant les financent. De ce point de vue, nos pays partenaires ont bien du mal à comprendre que l'action financée par l'Union européenne est en partie imputable à la France.

Nous attendons toujours l'avènement d'une politique étrangère européenne avec son corollaire, une coopération internationale puissante innovatrice et efficace.

Vos rapporteurs n'ignorent cependant pas les progrès importants qui ont été menés récemment pour accroître la division du travail, mettre en place des programmations conjointes, ainsi qu'instaurer des délégations de gestion. Ils s'en félicitent.

Les cinq dernières années ont permis de progresser dans la constitution d'une politique européenne de développement plus intégrée. Deux textes fondamentaux ont été adoptés : le Consensus européen (2005) et le Code de conduite sur la complémentarité et la division du travail (2007). Le Consensus constitue une avancée majeure dans l'affirmation d'une stratégie européenne en s'adressant pour la première fois aux politiques bilatérales et à la politique de l'Union en matière de coopération au développement. La « programmation conjointe » des interventions de la Commission et des Etats membres, actuellement privilégiée par la Commission, ne fait cependant l'objet que d'un début d'expérimentation depuis 2011 en Haïti et au Sud-Soudan.

Aussi, pour l'instant, sur le terrain, les actions concertées sont-elles avant tout le fruit d'initiatives individuelles plus que de procédures bien instituées.

Vos rapporteurs ont constaté au Mali que les déjeuners mensuels des chefs d'agence avaient une efficacité bien plus élevée que toutes les déclarations de principe. En revanche, à Madagascar, la France et l'Union européenne ont mené des politiques parfois contradictoires dans un pays qui s'enfonce dans la misère.

L'Afrique est la première région de la coopération européenne . Elle bénéficie de 43% de l'APD totale (4,2 Mds€, dont 86% pour l'Afrique sub-saharienne) et 77% du FED en 2010.

Mais force est de constater que les 17 pays pauvres prioritaires (Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Tchad, Togo) de la coopération française , pour leur part, n'ont bénéficié que de 30% des décaissements du FED en 2010, soit 13% de l'aide au développement totale de l'UE.

A bien des égards, le Consensus européen doit être précisé et élargi dans son contenu, qu'il soit décliné en stratégies sectorielles et régionales partagées pour répondre aux défis qui peuvent dépasser l'échelle des politiques bilatérales et qui nécessitent une action consolidée et coordonnée.

Il est probable qu'à l'avenir la politique européenne de développement devienne un instrument de coordination et de complémentarité entre l'ensemble des politiques de coopération des Etats membres.

En cela, la politique européenne de coopération constitue bien toujours un horizon de la politique française de développement. Il semble en revanche qu'il est inenvisageable qu'elle s'y substitue.

Des stratégies communes et une répartition du travail en fonction des avantages comparatifs de chacun devrait à terme se mettre en place entre la Commission européenne et les agences des différents états membres.

In fine , au fur et à mesure que la politique étrangère de l'Union s'affirmera comme porteuse d'un message commun à ses membres et visible sur la scène internationale, vos rapporteurs souhaitent que cette politique européenne d'aide au développement puisse être également perçue comme un des éléments de la politique française de coopération.

Vos rapporteurs souscrivent à l'idée évoquée par le ministre du développement « il faut assumer le fait que nous sommes aussi représentés par le drapeau européen » 32 ( * ) . Encore faut-il que ce drapeau puisse être l'étendard d'une politique affirmée cohérente et lisible.

4. Le prochain CICID devrait revoir l'articulation entre les différentes zones d'intervention de la coopération française

Une des raisons du décalage entre les chiffres de l'APD annoncés au niveau mondial et la perception qu'en ont les acteurs de terrain est liée à la dispersion de notre action sur un nombre important de pays.

Si l'on considère en effet l'AFD, on observe que l'opérateur pivot de la coopération française intervient dans une soixantaine de pays.

Alors, certes, de nombreux indicateurs de concentration insérés, aussi bien dans le document-cadre de développement que dans le contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence française de développement, ont permis de définir le cadre d'intervention cohérent avec les priorités géographiques de la coopération française.

C'est notamment le sens de la définition des 14 pays prioritaires et des agrégats de concentration sur l'Afrique subsaharienne.

Cibles de répartition de l'aide bilatérale française par partenariats différenciés

Afrique

Pays

Méditerranéens

Pays

Émergents

Pays en crise

(gestion des crises et post-crise, hors prévention)

Afrique subsaharienne

14 PPP 33 ( * ) b

Subventions

Cibles

> 50 %

10 %

Effort financier

Cibles

> 60 %

20 %

<10 %

Contrat d'objectif et de moyens de l'AFD

Indicateurs

Réalisé
2005

Réalisé
2006

Réalisé
2007

Réalisé
2008

Réalisé 2009

Cible 2013

1) Part de l'effort financier de l'Etat (subventions, coût-Etat des prêts, C2D, ABG) consacrée à l'ensemble de l'Afrique subsaharienne

59%

74%

63%

54%

57%

> 60%

2) Part des dons (subventions et ABG) consacrée aux pays pauvres prioritaires définis par le CICID

59%

57%

42%

33%

55%

> 50%

3) Au sein des dons (subventions et ABG) aux pays pauvres prioritaires, part consacrée aux pays sahéliens

57%

63%

57%

62%

61%

> 50%(de l'indicateur 2)

Ces agrégats de concentration n'ont pas la même signification si l'on considère les autorisations d'engagement général qui comportent des prêts sans bonification ou l'effort budgétaire.

La stratégie annoncée par le gouvernement déclinée dans le document cadre de coopération est de concentrer l'effort budgétaire sur les zones prioritaires et de développer l'activité de l'AFD dans des zones périphériques sans coût État.

Dans un contexte de restrictions budgétaires, on peut être tenté de réduire encore la concentration des efforts de la coopération française afin d'éviter l'effet de saupoudrage de plus en plus sensible sur les subventions. La question porte alors sur la nature des dépenses qui devraient faire l'objet de cette concentration.

Faut-il réduire encore la liste des pays prioritaires ? Quand on aboutit à consacrer 10 millions de subventions bilatérales par pays prioritaires, il faut sans doute renforcer la concentration.

C'est bien le contraire qui a été effectué puisque le nombre des pays prioritaires est passé de 14 à 17 sans que la pertinence de cette ouverture ne semble manifeste.

Votre commission regrette cet élargissement à un moment où les budgets de la coopération ne permettent pas d'élargir nos priorités.

Là encore, la mise en place de programmation conjointe avec nos partenaires européens et la commission prendra tout son sens et permettrait de renforcer la concentration sur des pays où la France a une expertise particulière.

Comme l'a souligné le ministre du développement « Dans un pays aussi grand que l'Ethiopie, la France seule ne peut pas faire concurrence à la Chine. Seule l'Europe a la dimension suffisante pour être un acteur comparable à la Chine. ».

Faut-il de nouveau limiter le nombre de pays dans lequel l'AFD peut intervenir ?

La zone d'intervention de l'AFD, à laquelle font directement référence ses statuts (art. 516-5 du code monétaire et financier), est la Zone de solidarité prioritaire (ZSP), dont la composition est déterminée par le CICID et qui comprend 55 pays, dont 40 situés en Afrique subsaharienne. Mais au cours des dernières années, le champ d'intervention de l'AFD s'est progressivement étendu au-delà de la ZSP. Suite aux CICID de 2002, 2006 et 2009 ainsi qu'aux réunions du Conseil d'orientation stratégique de l'AFD de juin 2011 et mars 2012, l'AFD a progressivement été autorisée à intervenir dans l'ensemble des pays africains (y compris la Libye), dans quatre pays de la Méditerranée hors Afrique (Égypte, Jordanie, Syrie, Turquie), quatorze pays d'Asie (Chine, Indonésie, Thaïlande, Inde, Pakistan, Sri Lanka, Philippines, Kazakhstan, Ouzbékistan, Bangladesh, Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan et Birmanie) et trois pays d'Amérique latine (Mexique, Colombie, Brésil).

On peut en effet estimer que la diversification géographique de l'AFD conduit l'agence, d'une part, à disperser ses moyens de fonctionnement et, d'autre part, a inévitablement utiliser des moyens budgétaires pour bonifier certains de ces concours dans les pays qui ne seraient pas autrement considérés comme prioritaires.

On peut, à l'inverse, estimer qu'encadrées comme elles le sont, les interventions de l'AFD ont un coût budgétaire limité par rapport aux avantages qu'elles procurent en termes de rayonnement et que, de surcroît, elles permettent à l'AFD de diversifier ses risques et de dégager une marge bancaire appréciable pour financer les activités non rentables de l'agence.

Il est aujourd'hui très difficile de comprendre dans quelle mesure le développement de ses activités en Asie constitue une charge supplémentaire pour l'agence ou une source de revenus ? Certains éléments d'appréciation seront discutés dans la partie consacrée à l'AFD.

A l'heure où deux évaluations successives soulignent « une capacité de plus en plus limitée à orienter les crédits vers les axes prioritaires de la politique d'aide française » 34 ( * ) , la question des périmètres d'intervention de chaque instrument doit être posée.

Le prochain CICID devrait revenir sur la définition des pays prioritaires, de la ZSP 35 ( * ) des partenariats différenciés et du champ d'intervention de l'AFD, pour d'une part, introduire plus de cohérence et de lisibilité dans l'articulation entre les différents zonages et d'autre part s'interroger sur le degré de concentration optimal en fonction des instruments. Il devrait pour se faire s'appuyer sur un bilan de l'extension du champ géographique d'intervention de l'AFD.

On observe en effet par exemple, que des pays comme le Vietnam, le Laos ou Cuba figurent dans la ZSP, mais ne sont plus pris en compte dans l'une ou l'autre des catégories du partenariat différencié.

Que des pays comme l'Égypte ne font pas partie de la ZSP, mais font partie des pays de la Méditerranée en transition qui sont intégrés au partenariat de Deauville et partie prenante du partenariat différencié en direction de la zone Méditerranée.

Il ne s'agit pas seulement de catégories abstraites sans réelle conséquence et d'un problème de pure logique. Ces délimitations ont des conséquences financières et pratiques puisque par exemple les crédits d'études du programme 209 ne concernent que les pays de la ZSP, autrement dit aucune étude préalable à des projets ne peut être financée en Égypte sur les crédits du 209.

TROISIÈME PARTIE - PLF 2013 : LE NIVEAU D'AIDE MULTILATÉRALE STRUCTURELLEMENT ÉLEVÉ EST MAINTENU

I. DES CONTRIBUTIONS ÉLEVÉES AUX INSTITUTIONS MULTILATÉRALES ET EUROPÉENNES CONSIDÉRÉES COMME LA CONTREPARTIE NÉCESSAIRE DE NOTRE INFLUENCE SUR LA PROGRAMMATION DE CES INSTITUTIONS

La part de l'aide au développement française, qui transite par les instances multilatérales et européennes, est passée de moins de 26 % en 2006 à plus de 40 % en 2010 et plus de 50 % si on ne compte que l'aide programmable 36 ( * ) .

Les crédits qui transitent par des canaux multilatéraux ou communautaires sont inscrits dans les programmes 110 et 209 qui prévoient chacun une action consacrée à l'aide multilatérale.

Dans le projet de loi de finances pour 2013, ces crédits s'élèvent environ à 2 milliards d'euros sur les 3 milliards que compte la mission « aide au développement ». C'est dire le poids de ses contributions dans la programmation budgétaire. Au total, l'ensemble des contributions multilatérales représente, toutes missions confondues, entre 3 et 5 milliards d'euros comme l'illustre le tableau suivant.

Crédits multilatéraux dans la mission APD pour 2013

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Numéro et intitulé du programme
et de l'action

Ouvertes en LFI pour 2012

Demandées
pour 2013

Ouverts en LFI
pour 2012

Demandés
pour 2013

110

Total P110 Aide économique et financière au développement

649 461 363

495 957 313

1 191 903 953

1 161 898 434

01

Dont Aide économique et financière multilatérale

170 204 693

64 000 000

721 656 795

673 847 576

209

Total 209 Solidarité à l'égard des pays en développement (LFI 2012 retraitée)

2 108 508 546

1 938 938 526

2 131 352 293

1 963 706 031

05

Dont Coopération multilatérale

420 352 814

414 719 840

442 319 480

436 786 506

07

Dont Coopération communautaire

789 605 000

694 025 000

789 605 000

694 025 000

La France a ainsi accompagné depuis une décennie la montée en puissance des grandes banques multilatérales et régionales, telle que la Banque mondiale qu'elle finance à hauteur de plus de 460 millions d'euros par an , afin d'orienter leur programmation vers les zones prioritaires de la France et en particulier vers l'Afrique subsaharienne.

Elle a également promu le développement d'une politique de coopération européenne à travers le FED , auquel la France contribue pour près de 800 millions d'euros par an .

Elle a enfin été à l'initiative de la mise en place de nouveaux instruments comme le Fonds mondial de lutte contre Le sida , la tuberculose et le paludisme auquel elle contribue désormais à hauteur de 360 millions d'euros par an , soit, depuis sa création, une contribution de près de 3 milliards d'euros.

La montée en puissance du multilatéralisme correspond sur le long terme à la mise en place de politiques globales à l'échelle mondiale grâce à des institutions qui ont la légitimité sectorielle, une neutralité politique, des compétences techniques et des capacités financières sans commune mesure avec les institutions nationales.

Elle correspond, au niveau européen, à la tentative de faire émerger une politique européenne de développement qui puisse être le cadre d'une complémentarité et d'une synergie des politiques de coopération des Etats membres et de la commission. Aujourd'hui, le quart de l'aide publique française au développement transite par le canal européen et la Commission européenne met en oeuvre près de la moitié de ses dons programmables.

Principales contributions nettes de la France aux organisations multilatérales, comptabilisées en APD

en millions d'euros

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

(LFI)

PLF

Union européenne

FED

698

777

837

909

686

576

694

Budget communautaire

877

975

1 245

1 100

1 056

978

968

Total

1 575

1 753

2 083

2 009

1 742

1 554

1 662

Banque mondiale (BM)

395

379

454

658

493

462

468

Banque Africaine de Développement (BAfD)

126

137

129

132

141

141

141

Banque Asiatique de Développement (BAsD)

30

30

24

24

36

24

23

Banque interaméricaine de développement

8

7

7

Fonds Monétaire International (FMI)

-23

28

587

247

-5

196

198

Organisations des Nations unies (ONU)

172

190

188

192

153

163

169

Fond Mondial pour la Lutte contre le Sida, la Tuberculose, et le Paludisme (FMLSTP)

286

300

300

300

360

360

360

Facilité Internationale pour le Financement de la vaccination (IFFIm)

20

41

43

45

48

51

54

Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM)

34

34

35

34

64

64

34

Sources :

Versements déclarés au titre de l'APD brute au CAD de l'OCDE pour les années 2006-2011 (versements nets pour le FMI).

Montants inscrits en loi de finances pour 2012 et en prévisions du PLF 2013.

Pour 2013 les crédits affectés à l'aide multilatérale sont maintenus et demeurent à un niveau élevé.

On observe toutefois une inflexion par rapport à la tendance observée ces dernières années.

Le document de politique transversale montre en effet que les prévisions d'APD pour les années 2012 à 2013 prévoient une légère diminution de la part de l'APD multilatérale dans l'APD totale, comme l'illustre le tableau suivant.

Répartition de l'APD par principaux instruments

en millions €

2007

2008

2009

2010

2011*

Prévisions

2012

2013

2014

2015

TOTAL APD

7 220

7 562

9 048

9 751

9 384

9 705

9 826

10 531

10 916

AIDE MULTILATERALE NETTE TOTALE

2 648

3 083

4 008

3 872

3 254

3 029

3 192

4 048

3 654

part APD multilatérale dans l'APD totale

37%

41%

44%

40%

35%

31%

32%

38%

33%

Dons

Aide Communautaire

1 575

1 753

2 083

2 009

1 742

1 554

1 662

2 526

2 076

Autres multi (aide hors UE)

1 116

1 307

1 339

1 413

1 512

1 475

1 530

1 522

1 578

Prêts (FMI & BM)

Prêts nets

-43

23

586

450

-5

196

198

144

63

Prêts bruts (pour info)

88

159

666

519

183

237

237

237

237

AIDE BILATERALE NETTE TOTALE

4 572

4 480

5 041

5 879

6 130

6 676

6 634

6 484

7 262

part APD bilatérale dans l'APD totale

63%

59%

56%

60%

65%

69%

68%

62%

67%

Dons
(hors annulations de dette)

Total

3 657

3 382

3 528

3 760

3 319

3 664

3 588

3 443

3 347

dont subventions

596

645

605

633

530

577

562

501

500

Prêts

Prêts nets
(hors rééchelonnement de dette)

-179

422

504

1 004

1 994

1 818

2 150

2 425

2 668

Prêts bruts (pour info)

695

1 246

1 276

1 862

2 675

2 643

3 019

3 343

3 710

Annulations de dette et rééchelonnements nets

1 094

675

1 009

1 115

817

1 194

896

616

1 247

Sources:DPT pour 2013

Déclarations d'APD de la France au CAD de l'OCDE.

A. DES CONTRIBUTIONS À LA BANQUE MONDIALE ET AUX BANQUES RÉGIONALES GLOBALEMENT MAINTENUES MÊME SI LEUR NIVEAU EST INSUFFISANT POUR MAINTENIR LE STATUT DE LA FRANCE DANS CES ENCEINTES

La France met en oeuvre, par le biais de sa participation à des banques multilatérales de développement ainsi qu'à des fonds de développement, une grande partie de son aide économique et financière pour les pays en développement imputée sur le programme 110 géré par le ministère des finances.

La France assure ainsi une part de son effort global pour la réduction de la pauvreté et des inégalités dans les pays en développement via des prises de participation ou des contributions versées aux banques et fonds multilatéraux de développement.

Comme le souligne le projet annuel de performance pour 2013 « La France, dont l'influence est liée à la quote-part de capital détenue, veille à orienter les stratégies des banques et fonds de développement vers les priorités de l'aide française et vers la recherche de la meilleure efficacité. »

La France est ainsi actionnaire de très nombreuses banques de développement. Elle est actionnaire des entités du groupe de la Banque mondiale, de la Banque interaméricaine de développement et de la Société interaméricaine d'investissement, de la Banque africaine de développement, de la Banque asiatique de développement, de la Banque européenne de reconstruction et de développement et de la Banque européenne d'investissement. Elle participe aux fonds de développement qui y sont rattachés et qui fournissent à des conditions très privilégiées des ressources aux pays les plus pauvres (c'est-à-dire des dons ou des prêts à des taux d'intérêts en-dessous de ceux des marchés financiers).

Vos rapporteurs constatent la très forte fragmentation des contributions multilatérales du programme 110, même si l'essentiel des crédits sont consacrés à la Banque mondiale et à la Banque africaine de développement.

Ils soulignent à cet égard que la consolidation des contributions à ces organismes et leur légère diminution, pour ce qui est de la Banque mondiale, suffisent juste à maintenir le statut de la France dans ces institutions.

À la Banque mondiale, la France passe en effet du statut de quatrième contributeur à celui de cinquième contributeur. A la Banque africaine de développement, la France recule également de deux rangs et passe du deuxième au quatrième ex-æquo avec le Canada. Elle passera du 4 e rang au 5 e au FMI, derrière les USA, le Japon, la Chine et l'Allemagne.

La France demeure un actionnaire et un contributeur majeurs des banques multilatérales de développement.

Les marges de manoeuvre sont cependant étroites. En effet la moitié des crédits multilatéraux du programme 110 est déjà concentrée sur la Banque mondiale et son guichet concessionnel : l'AID.

La France s'est engagée, en décembre 2010, à verser à l'AID un montant global de 1,2 milliard d'euros sur la période 2012-2014 au titre de la 16 e reconstitution assortie d'un instrument fiduciaire bilatéral accompagnant les activités de l'AID, maintenant ainsi son rang de cinquième contributeur. La France a obtenu avec d'autres actionnaires que, parmi les objectifs de l'AID, figure l'affectation à l'Afrique de la majorité des ressources de l'AID-16. Ces contributions devraient renforcer l'engagement de l'AID dans les États fragiles, notamment en Afrique, conformément aux priorités bilatérales de la France dont l'effort fait masse avec les autres bailleurs autour d'une des priorités communes qu'est la réduction de la pauvreté.

Les autorisations d'engagement correspondant à la seizième reconstitution de l'AID ont été engagées en 2011 à hauteur de 1,2 milliard.

Les crédits de paiement demandés sur cette ligne pour 2013 correspondent à la deuxième échéance de cet engagement, soit 400 millions d'euros, soit 23 millions de moins qu'en 2011. En effet, la contribution française pour l'AID-15 diminue de 70 millions d'euros sur 3 ans.

En s'engageant en décembre 2010 à apporter 1 695 millions de dollars pour trois ans dans le cadre de la seizième reconstitution du cycle de l'AID, la France est devenue le cinquième contributeur de l'AID-16 avec 5,02 % des contributions totales des donneurs, derrière les Etats-Unis (12,08 %), le Royaume-Uni (12 %), le Japon (10,87 %) et l'Allemagne (6,45 %).

Le poids relatif de la France y baisse, elle est désormais loin derrière le Royaume-Uni dont la contribution est deux fois plus importante que la nôtre.

La Banque africaine de développement constitue la deuxième contribution multilatérale du programme 110 à une banque de développement.

En mai 2010, la France a soutenu le triplement du capital de la Banque africaine de développement (BAfD), en réponse aux engagements du G20 pris à Londres en avril 2009 pour apporter aux banques multilatérales de développement les ressources nécessaires à leur mobilisation contre la crise.

Les actions nouvelles permettent à la France de conserver sa position de quatrième actionnaire non régional (derrière les États-Unis, le Japon et l'Allemagne, et ex aequo avec le Canada), avec 3,75 % du capital.

En septembre 2010, la France s'est engagée à contribuer à hauteur de 400 M€ au FAD-12 couvrant la période 2011-2013 (soit 8,7 % du total), ce qui la fait passer du deuxième au quatrième rang des contributeurs, derrière le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Etats-Unis.

Comme pour l'AID, les priorités françaises ont été bien prises en compte dans la stratégie du FAD sur 2011-2013 : outre les priorités sectorielles à l'agriculture, à l'éducation et au secteur privé, les interventions dans les États fragiles et en faveur de l'intégration régionale ont été renforcées. La France, ayant choisi d'adopter un calendrier accéléré de paiement, a bénéficié d'une réduction portant sa contribution à 380,91 M€. Les AE correspondantes ont été engagées en 2011.

Pour 2013, il est donc demandé 126,98 M€ de CP, au titre de la troisième et dernière échéance.

B. LA DIMINUTION DES CONTRIBUTIONS AU 10E FED NE SERA PAS AFFECTÉE AU BUDGET DU DÉVELOPPEMENT, EN REVANCHE LE 11E FED POURRAIT METTRE À MAL CE QU'IL RESTE D'AIDE BILATÉRALE

Si plus de 1,8 milliard d'euros d'aide au développement transite par le canal européen, n'est recensée au sein de la mission aide au développement que la contribution française au FED de l'ordre de 800 millions d'euros, le restant relevant de la contribution de la France au budget global de l'Union européenne.

1. Les économies liées à la diminution des contributions au 10e FED ne seront pas redéployées au sein du programme 209

L'année dernière, la diminution de la quote-part de la France au Fonds européen de développement a fait passer la part de notre apport de 24,3 % dans le 9 e FED à 19,55 % dans le 10 e , contre 15,9 % retenus pour le budget général.

En conséquence, il est prévu que la contribution française passe de 909 millions d'euros en 2010 à une contribution en 2011 de moins de 805 millions d'euros, soit 20,6 % des contributions.

Cette diminution a permis une réduction d'environ 75 millions d'euros sur trois ans avant de s'aligner à nouveau sur le rythme régulier de progression de l'aide européenne.

L'économie ainsi réalisée, à hauteur de 26 millions d'euros, a permis d'augmenter certaines contributions bilatérales ou multilatérales qui avaient été moins bien servies ces dernières années en raison du manque de moyens.

Il s'agissait essentiellement :

- d'interventions mises en oeuvre par l'UNICEF en faveur de la scolarisation des filles, au Sahel et en Côte d'Ivoire : 3,5 millions d'euros ;

- d'une augmentation de la contribution à l'UNRWA : 1,5 million d'euros ;

- du financement de l'organisation du XIV e sommet de la Francophonie à Kinshasa : 5 millions d'euros ;

- d'une augmentation de la contribution française au Centre de Marseille pour l'Intégration (partenariat de Deauville et printemps arabes) : 2 millions d'euros.

Le reste de l'économie a été utilisé pour prendre en charge des surcoûts liés à des dépenses impératives :

- 6 millions sont transférés sur le T2 ;

- 5,4 millions sont destinés à la rémunération de l'AFD pour correspondre au niveau prévisionnel des besoins ;

- 2,6 millions en crédits de paiement uniquement pour les subventions projets de l'AFD afin de correspondre aux décaissements prévisionnels sur les projets en cours.

Cette année, les prévisions de la Commission, concernant les appels à contribution des États membres en 2013, s'établissent ainsi à 3 550 M€, ce qui représente 694 M€ pour la contribution française (3 550 x 19,55 %).

Il faut toutefois comprendre que les décaissements du FED se sont avérés fluctuants dans des proportions importantes.

A titre d'exemple, en 2011, le montant prévu en LFI s'élevait à 804 M€. La contribution française a été réduite de 118 M€ suite à la diminution du montant des fonds appelés par la Commission en raison d'une consommation des crédits inférieure à ses prévisions initiales.

De même, la contribution française au 10 e FED était estimée à 789,6M€ en LFI 2012.

Selon les dernières estimations, le montant de la contribution appelée en 2012 s'élèverait de 576M€, soit une économie brute de 213 M€ par rapport aux prévisions initiales.

Evolution de la contribution française au FED (en M€)

Année

LFI

Appel à contribution réel

Ecart

2006

726

649

77

2007

692

696

-4

2008

725

778

-53

2009

802

837

-35

2010

872

909

-37

2011

804

686

118

2012

790

576

214

Moyenne

773

733

40

Sur la période 2006-2012, notre contribution moyenne s'élève à 733 M€/an. Le rythme des appels à contribution du FED s'est brusquement ralenti en 2011 et 2012, soit une inversion de tendance après une progression soutenue de 2006 à 2010. La Commission n'a appelé que le quart du budget du 10 e FED (5,7 Mds€) sur les deux premières années (un tiers de la période). Par ailleurs, les actuels appels pour la BEI portent encore sur le 9 e FED.

Les crédits inscrits en LFI, mais finalement non appelés par la Commission européenne, ont été, pour l'essentiel, annulés en fin de gestion 2011 ou sont prévus de l'être en majorité en fin de gestion 2012 (des recyclages partiels sont prévus sur les aides à la Syrie, aux Territoires palestiniens, et au GAVI notamment).

Autrement dit, les crédits budgétés pour le FED qui viennent gonfler le programme 209 en LFI sont, ces dernières années, en partie annulées en cours d'année.

La Commission européenne prévoit d'appeler l'ensemble des crédits du 10 e FED d'ici la fin 2016.

Le ralentissement des décaissements résulte de plusieurs facteurs devenus structurels.

La mise en oeuvre des nouvelles lignes directrices dans le domaine de l'aide budgétaire européenne se traduit par une baisse des décaissements par ce canal (non-respect des critères d'éligibilité par les bénéficiaires ; retards administratifs par les bénéficiaires ; pays sous article 96. Le paiement des projets d'infrastructures a également été fortement ralenti (retard dans la passation des contrats et dans la signature des accords de délégation, retard dans la mise en oeuvre des projets).

Les nouvelles orientations et les secteurs de concentration de l'Agenda pour le changement (agriculture, gouvernance, développement humain) ne sont pas favorables à l'accélération des décaissements.

La seconde orientation activement promue par le Commissaire Piebalgs est la recherche d'effets de levier, compte tenu de l'ampleur des besoins au regard des volumes d'APD, et les mécanismes de mixage prêts-dons qui devraient prendre de plus en plus d'importance dans des domaines comme les énergies renouvelables ou les infrastructures.

Dans le projet de loi de finances pour le triennum, les dotations sont calées sur les appels de fonds de la Commission européenne (694 M€ en 2013, 766 M€ en 2014 et 819 M€ en 2015).

Pour 2013, nous constatons que la diminution de la contribution de la France au Fonds européen de développement (95,6M€) n'est pas redéployée au sein du 209.

Le ministre a indiqué à la commission que cela permettait des « économies de constatation ».

Vos rapporteurs regrettent que les marges de manoeuvre ainsi dégagées n'aient pas permis de redresser le niveau de l'aide projet.

2. Le projet de 11e FED contient une augmentation significative des contributions françaises et un risque important d'éviction des crédits de l'aide bilatérale du programme 209

Ces économies risquent d'être de courte durée puisque le montant du 11 e FED proposé par la commission augmenterait de 11 milliards par rapport au 10 e FED.

La Commission propose un montant global à 34,3 Mds€ sur sept ans (2014-2020), soit une augmentation de 29% par rapport au 10 e FED, après neutralisation de la durée d'une année supplémentaire (l'augmentation est de 13% en prix 2011).

Même avec une clef de contribution à 17.81% pour le 11 e FED (au lieu de 19,55% pour le 10 e FED), notre contribution s'élèverait à 6,1 Mds€, soit une moyenne annuelle de 872 M€. Le ressaut serait de +136 M€/an par rapport au 10 e FED.

Vos rapporteurs considèrent que cette augmentation est excessive au regard, d'une part, du budget du programme 209, d'autre part, au vue des problèmes de décaissement du FED.

Le DPT pour 2013 table sur une contribution de 819 millions en 2015 anticipant une négociation difficile avec nos partenaires.

Même dans l'hypothèse où la dotation du programme 209 serait maintenue au niveau de l'année 2015 (1 764 M€ en CP hors titre 2, dont 819 M€ pour le FED), un tel niveau de contribution au FED se traduirait par un besoin additionnel de financement de 53 M€/an sur le programme 209.

Les appels à contribution du 11 e FED devraient intervenir à partir de 2017, sachant que ceux du 10 e FED ont commencé en 2011 et devraient se poursuivre jusqu'en 2016. À cet horizon-là, et pour autant qu'il soit possible de se projeter aussi loin, il restera encore une partie de l'important C2D de Côte d'Ivoire (2,8 Mds€ dont 630 M€ sur 2012-2015) et celui, plus hypothétique, du Soudan (près de 1 Mds€).

Compte tenu de la proposition de la Commission sur les clés de contribution, qui permet à la France, deuxième contributeur au FED et pays le plus « sur contributeur » par rapport à sa clé budgétaire de revenir à un écart moins important, la voie d'une renégociation de sa clé ne semble pas l'option à privilégier en première option. Elle pourrait en effet inciter tous les autres contributeurs à renégocier leur clé budgétaire.

Compte tenu des volumes en jeu, le véritable enjeu de la négociation porte sur le montant global du 11 e FED.

Vos rapporteurs sont néanmoins étonnés de constater que le FED n'est évoqué ces dernières années qu'à travers la diminution de nos contributions. D'une part, ce n'est pas le cas. On évoque ainsi la budgétisation du FED dans l'espoir d'une diminution de moins de 2 points de la contribution française, qui passerait ainsi de 19,55% à 17,81%. Mais cette diminution qui devra attendre 2020, avec, d'ici là, une augmentation des contributions proportionnelle au projet de budget pour le 11 e FED-. D'autre part, la question essentielle réside dans le fait de savoir si ces sommes produisent des résultats et d'évaluer la qualité du partenariat entre la France et le FED.

3. La France doit réévaluer la qualité de son partenariat avec le FED

Jamais, lors d'une audition d'un ministre ou d'un responsable de programme, ne sont explicités les objectifs et les moyens mis en oeuvre par le FED. Le seul point positif souligné par les responsables politiques ou administratifs rencontrés est invariablement la diminution de la clef de répartition des contributions françaises.

À l'inverse, nombre d'intervenants sur le terrain ont souligné la rigidité de la programmation de ce fonds, les retards de décaissement, le manque de coordination avec nos interventions bilatérales.

Vos rapporteurs observent que si l'Afrique est la première région de coopération de l'Union avec 43% de l'APD totale (4,2 Mds€, dont 86% pour l'Afrique sub-saharienne), les 17 pays pauvres prioritaires (Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Tchad, Togo) de la coopération française, pour leur part, n'ont bénéficié que de 13% de l'aide au développement totale de l'Union. Peut-on se satisfaire de cette situation ? Où vont le reste des financements ? Comment la France influence-t-elle la programmation de l'Union ? Autant de questions auxquelles vos rapporteurs souhaiteraient des réponses.

C'est pourquoi, vos rapporteurs auraient été vivement intéressés de prendre connaissance de l'évaluation de nos contributions à ce fonds, programmé par la direction générale de la Mondialisation qui tarde à paraître.

Ils constatent, cette année encore, que cette évaluation n'a pas été menée à bien. S'agissant d'une contribution de plus de 800 millions d'euros pour un fonds qui gère 22 milliards d'euros sur 5 ans, vos rapporteurs ne peuvent que souligner l'intérêt, voire l'ardente obligation, qu'a la direction générale de la Mondialisation de mener une évaluation approfondie de la qualité du partenariat qui nous lie au FED.

On constate, par exemple, qu'au 31 décembre 2011, 63% des fonds disponibles sur le 10 e FED étaient engagés. Aux 2/3 de la durée du FED, la moitié des fonds a été décaissée.

La difficulté à décaisser ces fonds et donc à faire aboutir les projets est-elle une préoccupation ? Que faut-il penser de l'accélération du rythme d'adoption des projets en comité FED qui va s'ensuivre d'ici 2013 ?

Comment, dans ce contexte, justifier la proposition pour la période 2014-2020, d'une hausse de 8 Md € du FED ?

Autant d'interrogations auxquelles vos rapporteurs souhaiteraient avoir des réponses.

Engagements et paiements effectués pour le 10 è FED

(en millions d'euros )

2008

2009

2010

2011

Engagements

5241

4158

3113

3740

Paiements

3483

3359

3660

3308

Source : Communication (2012) 386 de la Commission, juillet /2012

De même que la direction du Trésor ne procède à la reconstitution de fonds qu'après évaluation de ses contributions à ces fonds, il semblerait de bonne administration que le Quai d'Orsay en fasse de même.

Au-delà de cette évaluation, nos contributions au FED devraient pouvoir faire l'objet d'un débat politique sur les orientations de la politique européenne de développement.

De ce point de vue, on ne peut que regretter que le document-cadre relatif à la participation française à la politique européenne de développement n'ait fait l'objet d'aucune consultation du Parlement. Il s'agit là d'une occasion manquée.

Comme le souligne l'évaluation décennale de coopération française : « Ce document constitue cependant moins une stratégie de la France vis-à-vis de l'Union européenne (avec des objectifs pour les différents acteurs français) qu'un ensemble des propositions françaises pour la politique européenne de coopération au développement.... il semble regrettable que la stratégie ait été construite sans qu'une évaluation des dotations de la France aux différents instruments de l'Union européenne et de l'influence française dans les enceintes européennes soit menée en amont.

Enfin, ni la stratégie de la France, ni le Livre vert, ni la communication de la Commission n'ont fait l'objet d'un échange avec le Parlement, d'une communication ou d'un débat sur l'intérêt de la contribution de la France au FED et aux autres instruments européens . ».

4. Les nouvelles orientations de la politique européenne de développement doivent faire l'objet d'un débat

La récente communication de la Commission sur les nouvelles orientations de la politique européenne dans ce domaine est une nouvelle occasion de débattre et d'éprouver l'intérêt de notre contribution au FED.

La politique européenne de développement est en pleine évolution. Les nouveaux équilibres mondiaux bouleversent le paysage de la coopération en la matière, et les défis globaux prennent une importance grandissante.

Afin d'adapter cette politique européenne aux nouveaux paradigmes et d'améliorer l'impact de l'aide, la Commission a publié, le 13 octobre 2011, un Programme pour le changement.

Approuvés par les Etats membres lors du Conseil européen du 14 mai 2012, les principes structurants de ce programme visent plusieurs objectifs :


• faire que l'aide soit plus adaptée aux besoins et aux capacités propres des pays partenaires ;


• faire que l'aide soit mieux coordonnée par une programmation conjointe entre la Commission et les Etats membres ;


• faire que l'aide soit plus ciblée, c'est-à-dire qu'il y ait seulement trois secteurs d'intervention par pays.

Pour vos rapporteurs, il est en effet essentiel que la politique européenne de développement fasse preuve d'une plus grande différenciation géographique, thématique et financière, donne lieu à davantage de concentration et à une meilleure coordination avec les Etats membres.

Le Programme pour le changement vise à renouveler les priorités de la politique européenne de développement, en adéquation avec le contexte international. L'accent est mis sur l'appui à un développement durable et inclusif, ainsi que sur la promotion de la démocratie, des droits de l'homme et de la bonne gouvernance.

Les outils au service de ces priorités incluent :


• la différenciation des partenariats ;


• la réduction de la fragmentation de l'aide européenne ;


• la diversification des sources de financement et le recours à des mécanismes de financement innovants ;


• la concentration sur les pays les plus pauvres et les secteurs les moins rentables ;


• une programmation de l'aide plus flexible de façon à augmenter sa réactivité ;


• une simplification générale des procédures du FED et du budget européen.

Ces principes rejoignent largement les préoccupations exprimées par vos rapporteurs.

Ces orientations, si elles sont déjà validées, seront essentiellement mises en oeuvre lors du prochain cycle de programmation des instruments de l'aide européenne, en particulier par l'Instrument de coopération au développement et par le Fonds européen de développement.

La négociation des perspectives financières 2014-2020 qui se déroule actuellement représente donc un volet crucial de cette évolution de la politique européenne de développement.

Une mise en perspective des ressources financières allouées à l'aide européenne sur la dernière décennie montre l'accroissement des fonds communautaires dédiés au développement. En 2001, la Commission européenne engageait, au titre de l'APD, 5 568 M€, contre 11 765 M€ en 2009 (montants consolidés provenant du budget général de l'UE et du FED, gérés par la Commission).

Le total de l'aide extérieure engagée par la Commission, APD et non APD, s'élevait en 2009 à 12 298 M€, dont 3 502 M€ financés par le FED, qui a connu une croissance particulièrement importante au cours de la même période, passant de 10 555 M€ pour le 9 e FED à 22 682 M€ pour le 10 e FED.

Cette croissance des budgets de l'aide européenne s'était déjà accompagnée d'une réforme de gestion des instruments de l'aide européenne, destinée à améliorer sa mise en oeuvre. L'architecture de l'aide extérieure avait également été simplifiée, passant de quinze à neuf instruments (instruments géographiques, thématiques, et de réponse aux crises).

Pour la période 2014-2020, la Commission propose, comme il a été indiqué, une hausse de 8 Mds € soit un 11 e FED à 30,3 Mds. Le volet « action extérieure » de la rubrique IV du Budget, serait également augmenté et passe à 70 milliards.

De nouveaux instruments sont créés, en conformité avec la logique de différenciation des partenariats. Ces instruments sont les suivants :


• l'instrument de partenariat destiné à la coopération avec les pays émergents ;


• le recentrage de l'instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme sur l'appui à la société civile et les processus électoraux ;


• l'instrument panafricain pour la mise en oeuvre de la stratégie Afrique-UE.

Votre commission souhaite un débat sur l'avenir de la coopération européenne, s'étonne du silence du Gouvernement sur ce sujet et souhaite que ces questions communautaires tout à fait stratégiques pour l'avenir de notre coopération fassent l'objet d'un dialogue plus fournies avec l'exécutif .

C. L'ARTICULATION ENTRE LES DIFFÉRENTS NIVEAUX DE COOPÉRATION INTERNATIONALE EST UN ENJEU MAJEUR DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT

Votre commission insiste sur la nécessité de se fixer des objectifs de partenariats entre nos actions bilatérales et les actions multilatérales des organismes auxquels la France contribue.

Sur le terrain de nombreux interlocuteurs ont souligné la faible articulation entre les agences bilatérales et les agences multilatérales.

Lorsque la commission des affaires étrangères a organisé une table ronde sur le document-cadre de deux développements, certains intervenants ont souligné combien il était difficile de combiner les efforts des agences bilatérales et des instances internationales. M. Jean-Michel Severino ancien directeur général de l'AFD, vice-président de la Banque mondiale a observé ainsi que cela était « plus difficile encore au niveau européen qu'au niveau international » jugeant « opportun de définir un objectif d'influence en la matière » et de « prévoir une stratégie plus offensive à l'égard de l'aide publique au développement assurée par le canal multilatéral et européen ».

Ces propos rejoignent les évaluations faites par la direction générale du Trésor du ministère des finances sur l'efficacité de l'interaction des organisations multilatérales dans les pays africains 37 ( * ) . Ces dernières soulignent la faible corrélation entre la programmation de la Banque mondiale et les priorités de la France.

Votre commission des affaires étrangères n'ignore pas que des progrès ont été faits, notamment au niveau européen, à travers des expériences de programmation conjointe. La programmation conjointe est, en effet, un sujet clé de l'actualité européenne de l'aide. Elle s'inscrit dans la réflexion générale que mène la Commission sur l'avenir de la politique européenne de développement et participe à l'objectif de renforcement de l'efficacité de l'aide.

Cette programmation conjointe s'est déjà appliquée dans deux cas qui méritent d'être soulignés :

- le premier cas concret en faveur duquel elle a été appliquée est Haïti. La Commission et les Etats membres présents sur place ont élaboré un document de programmation conjointe adopté ensuite par le FED ;

- le second cas de programmation conjointe est le Sud-Soudan, indépendant. Une coordination réelle a lieu sur le terrain entre la Commission et les Etats membres, qui ont ensemble défini six secteurs dans lesquels les deux parties travailleront ensemble, sur la base de fonds européens.

La programmation conjointe a indéniablement une dimension politique qui met en jeu le degré d'intégration européenne souhaitée par les Etats.

Votre commission se félicite que l'agenda pour le changement place la programmation conjointe parmi les priorités de l'Union en matière de coordination de l'aide.

Les Etats membres et la Commission se sont accordés sur le format de l'exercice, qui contiendra une analyse conjointe de la stratégie de développement du pays partenaire, une identification des secteurs prioritaires d'intervention, une répartition sectorielle entre les bailleurs et une allocation financière indicative des moyens.

Son lancement effectif a été confirmé dans six pays pilotes (Éthiopie, Ghana, Guatemala, Laos, Mali et Rwanda) pour l'année 2012. L'initiative a vocation à être progressivement élargie à d'autres géographies.

Le document de programmation conjointe européenne aura vocation à se substituer graduellement aux documents de coopération bilatéraux. Il s'articule à l'heure actuelle avec les documents cadres de partenariats (DCP) français dans les pays pauvres prioritaires.

Vos rapporteurs estiment que c'est une voie prometteuse dans laquelle la France doit s'investir.

II. UN POIDS CROISSANT DES FONDS VERTICAUX DONT LES CONTREPARTIES SONT PEU LISIBLES

Le nombre d'organisations internationales ou de fonds spécialisés éligibles à l'APD auxquels la France a contribué, soit par le versement de contributions obligatoires, de contributions volontaires, ou par la reconstitution de fonds concessionnels s'est accru ces dernières années : il s'établissait à une trentaine jusqu'en 2004, 38 en 2005, 56 en 2006, 60 en 2007, 61 en 2008, 66 en 2009 et 64 en 2010.

Cet accroissement du nombre de contributions doit toutefois être relativisé dans la mesure où six institutions perçoivent l'essentiel de l'aide multilatérale française 38 ( * ) .

Il n'en demeure pas moins un phénomène important qui s'explique en grande partie par le poids croissant des fonds verticaux. Ces fonds ont vocation à récolter des contributions de bailleurs de fonds nationaux et multilatéraux pour un secteur donné à l'image du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

L'avantage de ces dispositifs est d'agréger les efforts de nombreux acteurs dans un domaine spécialisé de façon à mutualiser les actions et à offrir une forte visibilité à la mobilisation internationale ainsi obtenue.

Il présente en revanche l'inconvénient de sanctuariser des sommes pour des secteurs très spécialisés avec le risque de laisser certains besoins de côté et de fragmenter l'effort de la communauté internationale en autant de fonds spécialisés.

A. LE POIDS CROISSANT DES FONDS VERTICAUX

Pour se rendre compte de la multiplication des fonds verticaux et de leur poids croissant dans la programmation budgétaire française, il suffit de consulter le projet annuel de performance annexé à la loi de finances pour 2013 pour le programme 110.

On trouve dans la partie consacrée à la justification au premier euro du programme 110 un inventaire de l'ensemble des fonds auxquels la France contribue.

Cet inventaire à la Prévert illustre le dynamisme avec lequel la communauté internationale suscite la création de fonds verticaux et avec lequel la France y adhère.

On trouve ainsi, dans ce document, notamment, les fonds suivants avec les crédits correspondants demandés pour le projet de loi de finances pour 2013:

- Fonds fiduciaires au profit de pays sortant de crise : la France apporte son soutien au processus de reconstruction des pays sortant de crise (Afghanistan, Palestine, etc.). Cette assistance passe notamment par des fonds fiduciaires gérés par des institutions multilatérales. Il est demandé, à ce titre, pour le PLF 2012, 4 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

- Fonds fiduciaire LAB/LAT : 0,067 million d'euros en crédits de paiement. La France a décidé, en 2008, de participer au financement d'un fonds fiduciaire dédié à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LAB/LAT), créé par le Fonds Monétaire International (FMI). Ce fonds finance :

- Initiative StAR : 0,10 million en autorisations d'engagement et crédits de paiement. L'initiative StAR (« Stolen Assets Recovery Initiative ») a été créée en 2007 par la Banque mondiale et l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) pour aider au recouvrement des avoirs détournés par leurs dirigeants. StAR agit dans trois domaines : 1°) assistance technique pour aider les États dans les procédures engagées à l'étranger pour le recouvrement d'actifs ; 2°) mise en oeuvre d'actions de sensibilisation et de formation (guides pratiques etc.) ; 3°) contribution aux réflexions et aux travaux des différentes enceintes (ONU, G20).

- METAC : Dans le cadre du PLF 2012, il est demandé 0,36 million en crédits de paiement pour ce fonds. Créé à Beyrouth (Liban) en 2004, le METAC dessert dix pays du Moyen-Orient (Afghanistan, Égypte, Irak, Jordanie, Liban, Libye, Soudan, Syrie, Cisjordanie et bande de Gaza, Yémen). Après avoir contribué au financement de ce centre à hauteur de 1 million sur la période 2008-2010 (autorisations d'engagement engagées en 2008), la France s'est engagée à apporter une contribution au titre de la nouvelle phase (2011-2015) du METAC, d'un montant global de 1,8 million d'euros décaissé sur cinq ans.

- AFRITAC : 1,04 million d'euros en crédits de paiement. Cinq centres régionaux d'assistance technique (AFRITAC) ont été créés en Afrique. La France cible son action sur deux d'entre eux, qu'elle finance depuis leur création : l'un en Afrique de l'ouest (couvrant le champ des huit États membres de l'Union économique et monétaire ouest africaine ainsi que la Guinée, la Mauritanie et le Ghana), l'autre en Afrique Centrale. Pour la période 2010-2014, la contribution de la France s'élève à 5,2 millions d'euros en autorisations d'engagement, engagées en 2009 et 2010, dont 3,6 millions pour AFRITAC ouest et 1,6 million pour AFRITAC centre. Les crédits de paiements demandés pour 2012 (1,04 million d'euros) correspondent au paiement respectif des deuxième et troisième annuités.

- Facilité financière internationale pour la vaccination (IFFIm) : 27,65 millions d'euros en crédits de paiement. La Facilité financière internationale pour la vaccination est une initiative lancée conjointement par le Royaume-Uni et la France. Elle doit permettre de lever 4 milliards de dollars sur dix ans, à travers 9 émissions obligataires, afin de financer des programmes de vaccination et de renforcement des capacités des systèmes sanitaires dans 72 pays pauvres.

- Initiative pour l'alimentation en eau et l'assainissement en milieu rural en Afrique : 4,5 millions d'euros en crédits de paiement. Cette initiative de la Banque africaine de développement, mise en place en 2005, a pour objectif premier de mobiliser les gouvernements africains et les bailleurs internationaux pour accélérer l'accès à des structures durables d'alimentation en eau potable et d'assainissement des populations vivant en zones rurales.

- Le Fonds du sarcophage de Tchernobyl (« Chernobyl Shelter Fund » -CSF) et le Compte pour la Sûreté Nucléaire (NSA, « Nuclear Safety Account ») : 10 millions d'euros de crédits de paiement. Le Fonds du sarcophage de Tchernobyl, géré par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), avait été reconstitué en mai 2005 afin de pouvoir conclure le contrat pour la construction du nouveau sarcophage.

- Le Fonds pour l'Environnement Mondial a été créé en 1991 à l'initiative de la France et de l'Allemagne, afin d'apporter des ressources financières aux pays en développement et en transition, dans le but de financer les coûts additionnels induits par la mise en oeuvre de programmes, de projets et d'activités de protection de l'environnement mondial. Le FEM est un fonds multilatéral hébergé à la Banque mondiale alimenté par des contributions volontaires ; il réunit plus de 180 membres. Il est demandé pour ce fonds, par le PLF 2012, 64 millions d'euros en crédits de paiement.

- Participation au FIAS, programme d'appui à l'amélioration du secteur privé en Afrique : 2 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 1 million de crédits de paiement. S'inscrivant dans le cadre de l'initiative pour le secteur privé en Afrique approuvée par le CICID de juin 2006, la contribution française au FIAS (« Foreign Investment Advisory Services ») a pour objectif d'améliorer l'environnement des affaires en Afrique, notamment en Afrique francophone.

- Fonds fiduciaire de la Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (FEMIP ) : 1,5 million de crédits de paiement. Lancée en 2002, la FEMIP est le bras financier de la Banque Européenne d'Investissement (BEI) dans le bassin méditerranéen. Dans le cadre de la politique européenne de voisinage et de l'Union pour la Méditerranée, elle a pour mission de promouvoir le développement économique et financier des pays partenaires méditerranéens.

- La facilité pour le partenariat oriental, créée par décision unanime du Conseil d'administration de la BEI en 2009, propose la création d'un fonds fiduciaire (« Eastern Partnership Technical Assistance Trust Fund », EPTATF) dont l'objectif serait d'encourager le développement du secteur privé en fournissant une assistance technique pour améliorer la qualité et l'impact sur le développement des opérations de la BEI dans les pays suivants : Ukraine, Moldavie, Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie et Biélorussie.

- Fonds Doha - Fonds Cadre intégré renforcé pour les PMA : 6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 2 millions de crédits de paiement. Convaincue du rôle favorable du commerce mondial à la croissance et au développement, la France s'est engagée à soutenir l'intégration des pays en développement dans le système commercial mondial.

Cette liste est loin d'être exhaustive, la France participe à de nombreux autres fonds spécialisés à travers le programme 209.

Au plan multilatéral, elle a par exemple joué un rôle moteur dans la conception et la mise en oeuvre de l'Initiative Fast-Track (FTI) depuis 2002 et la mise en place d'une expertise technique rénovée et reconnue dans le domaine de l'éducation en Afrique. La France fait partie des 18 donateurs du fonds catalytique de FTI, elle y a contribué à hauteur de 20 millions d'euros sur 3 ans (2005-2008) et s'est engagée à verser 47,5 millions d'euros pour 2011/2013 au nouveau fonds unifié (fonds de l'Education pour Tous).

Votre commission s'interroge sur la cohérence d'ensemble de cette politique de financement de fonds verticaux et sur leur évaluation.

Elle reste relativement sceptique devant la multiplication des initiatives très spécialisées. Elle se questionne sur la cohérence qu'il y a à, d'un côté, défendre, lors de la conférence de Busan sur l'efficacité de l'aide, des positions contre la fragmentation de la coopération internationale et, de l'autre côté, participer à autant d'initiatives sectorielles.

B. EN DÉPIT DU SUCCÈS DU FONDS MONDIAL DE LUTTE CONTRE LE SIDA, FORCE EST DE CONSTATER QUE LE NIVEAU DE NOTRE CONTRIBUTION DÉSÉQUILLIBRE LE BUDGET DE LA COOPÉRATION

De par son ampleur, son succès et également le montant de la contribution française, le Fonds Mondial contre le Sida, le Paludisme et la Tuberculose constitue une figure phare des fonds verticaux.

1. Un succès financier et opérationnel

Depuis sa création en 2002, le Fonds mondial a mobilisé 29 milliards de dollars américains. 21,7 milliards ont été engagés à ce jour. Des conventions de subventions ont été signées pour 18 milliards de dollars et 14 milliards ont été effectivement décaissés.

Si l'on considère les accords de subventions, les programmes de lutte contre le VIH/Sida représentent 55 % du portefeuille, alors que le paludisme concerne 28 % des subventions et la tuberculose 17 %.

Grâce la mobilisation du Fonds, ce sont actuellement 3 millions de personnes qui sont sous traitement ARV contre le VIH/Sida ; 2,7 milliards de préservatifs ont été distribués depuis 2002 grâce aux financements du Fonds Mondial ; 150 millions de séances de dépistage/conseil ont été réalisées dans les 150 pays soutenus ; Plus de 5 millions d'enfants orphelins ou vulnérables en raison du VIH/Sida ont pu être suivis depuis la création du Fonds Mondial.

En ce qui concerne le paludisme, 160 millions de moustiquaires imprégnées de longue durée ont été distribuées à ce jour. Et plus de 170 millions de patients ont pu être traités contre le paludisme dans les pays endémiques.

7,7 millions de cas ont été traités et suivis pour la tuberculose, en particulier en Afrique sub-saharienne et en Europe du centre et de l'Est.

Au-delà de ces résultats très encourageants, l'impact des programmes du Fonds Mondial a des répercussions positives sur l'évolution de ces maladies : on constate en effet un déclin des nouveaux cas et de la mortalité liée à ces maladies, en particulier dans les pays qui reçoivent le plus de subventions de la part du Fonds Mondial.

A titre d'exemple, il est constaté une baisse de 25 % de la mortalité liée au VIH/Sida au sein des 20 premiers pays récipiendaires du Fonds.

2. Des cas de fraude qui illustrent une crise d'adaptation

Depuis 2005, le Bureau de l'Inspecteur général a mené des audits et enquêtes dans 33 des 145 pays où le Fonds Mondial intervient. Il ressort de ces travaux que le montant total des crédits détournés, ou pour lesquels il n'existe pas de pièce justificative satisfaisante, s'élève à 43 millions de dollars. Les sommes totales auditées s'élèvent à 3,5 milliards au total. Les fraudes portent donc, à ce stade, sur 1,23 % des montants audités.

Il convient de souligner que les sommes auditées ne concernent que 15 % des sommes approuvées en Conseil d'administration. Le taux de fraude constaté sur ces 15 %, à l'échelle de l'ensemble des sommes engagées, pourrait théoriquement concerner plus de 200 millions d'euros.

Les quatre pays concernés par des fraudes avérées sont : Mali, Mauritanie, Djibouti et Zambie. Dans ces pays, des procédures judiciaires ont été engagées contre les auteurs présumés des fraudes. Des accords de remboursement ont également été trouvés entre le Fonds Mondial et les gouvernements concernés, lorsque les récipiendaires en dépendaient.

Même si des procédures de contrôle interne étaient déjà en place avant l'annonce de ces fraudes, le Fonds Mondial, en accord avec son Conseil d'administration, a pris différentes mesures pour améliorer la prévention, la détection et la gestion du risque fiduciaire.

Tout d'abord, des réorganisations internes au sein du Secrétariat sont en cours afin de réallouer des ressources et compétences sur la gestion des subventions et des risques afférents.

De plus, les contrôles mis en place dans les pays à travers les Local Fund Agents (LFA) -généralement des entreprises de conseil et d'audit - sont en passe d'être renforcés, en particulier dans les pays considérés comme les plus à risque au regard du fiduciaire.

Dans ses conclusions rendues publiques au mois de juillet, l'Inspecteur général révèle que globalement, 3% des crédits ayant fait l'objet d'une enquête n'ont pas été dépensés dans le respect de l'accord de subvention (soit environ 114 millions de dollars US), selon les proportions suivantes :

- 1,1% de dépenses n'étaient pas jugées admissibles (ou finançaient des activités non reprises dans l'accord de subvention) ;

- 1,1% des dépenses n'étaient pas motivées par des pièces justificatives satisfaisantes ;

- 0,5% des dépenses pouvaient être attribuées à des cas de fraude ;

- 0,3% des montants n'entraient pas dans le cadre de la comptabilisation obligatoire des crédits.

Les audits et enquêtes du Bureau de l'Inspecteur général se concentrant, d'une façon générale, sur les régions à risques et sur les subventions pour lesquelles des risques précis ont été identifiés, ces statistiques sont probablement plus élevées que les pourcentages globaux réels en matière de fraudes et de détournements. Les fonds détournés ou dépensés à mauvais escient sont recouvrés, autant qu'il en est possible.

Le Fonds mondial, en accord avec son Conseil d'Administration, a pris différentes mesures pour améliorer la prévention, la détection et la gestion du risque fiduciaire.

Tout d'abord, des réorganisations internes au sein du Secrétariat sont en cours afin de réallouer des ressources et compétences sur la gestion des subventions et des risques afférents.

De plus, les contrôles mis en place dans les pays à travers les Local Fund Agents (LFA) - généralement des entreprises de conseil et d'audit - sont en passe d'être renforcés, en particulier dans les pays considérés comme les plus à risque au regard du fiduciaire.

Enfin, un poste de Directeur de la gestion des risques a été créé cette année afin de mieux gérer ce type de risques et de réduire ces pourcentages. Dans ce contexte, ce dernier oeuvre actuellement au renforcement des mesures de prévention.

Ces cas de fraude sont, en effet, plus généralement, le signe qu'une réflexion doit s'engager sur l'adaptation des structures et des objectifs du fonds.

À l'origine, le fonds mondial devait être uniquement une agence de financement innovant, une agence opérationnelle. L'évolution du montant de ses ressources impose aujourd'hui de réaliser les procédures de surveillance financière et de renforcer ses capacités de suivi de la mise en oeuvre des projets qu'elle finance.

Enfin, il convient de réfléchir au pilotage du fonds pour que l'allocation des crédits alloués corresponde bien aux priorités sanitaires. Le fonds mondial ne doit pas, en effet, allouer ces crédits en fonction des demandes nationales. Il convient donc de mettre en place une régulation en fonction de la stratégie d'éradication des épidémies.

3. Une augmentation de la contribution française qui a été prélevée sur les financements de Unitaid

Le Président de la République a annoncé aux Nations unies, lors du sommet des OMD en septembre 2010, l'augmentation de 20 % de la contribution annuelle de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, pour la porter à un total de 1,4 milliard de dollars sur les trois prochaines années.

L'effort consenti depuis plusieurs années par notre pays au FMSTP est considérable puisque nous en sommes le deuxième contributeur en volume, derrière les Etats-Unis, et le premier en proportion de notre RNB.

La France a contribué au Fonds mondial entre 2008 et 2010 à hauteur de 300 millions d'euros par an. Cette contribution est imputée sur le programme budgétaire 209.

En septembre 2010, une augmentation de 20% de la contribution française a été décidée, soit 60 millions additionnels par an, pour la période 2011-2013.

Depuis 2011, la base de la contribution (300 millions) est payée sur le programme budgétaire 209, comme les années précédentes et l'augmentation de la contribution au Fonds mondial (60 millions) est financée par les recettes de la taxe sur les billets d'avion.

Les produits de la taxe servent à financer le remboursement de l'IFFIm (Facilité Financière Internationale pour l'Immunisation), l'augmentation de la contribution au Fonds mondial et UNITAID.

Cette nouvelle modalité, validée en réunion interministérielle en mai 2011, a été confirmée par décret (modification du décret 2006-1139 du 12 septembre 2006 concernant l'affectation des recettes de la taxe sur les billets d'avion par le décret 2011-1237 du 4 octobre 2011).

Dans sa nouvelle rédaction, le décret étend la liste des institutions ayant vocation à bénéficier du produit de cette taxe au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et supprime la mention explicite de pourcentages réservés à chaque bénéficiaire.

Cette taxe, dite de contribution de solidarité sur les billets d'avion (CSV), destinée à financer l'accès des populations des pays les plus pauvres aux médicaments et aux moyens de diagnostic, est entrée en vigueur sur le territoire français le 1 r juillet 2006. Le montant de cette contribution s'élève en France de 1 à 10 € par billet sur les vols intérieurs et de 4 à 40 € sur les vols internationaux, selon la classe du billet.

Elle a rapporté 823 millions depuis 2006 (chiffre au 16 septembre 2011), dont 163 millions € en 2010, sans aucun impact visible, ni sur le trafic aérien, ni sur le tourisme. L'AFD est en charge de gérer ces contributions qui alimentent le Fonds de Solidarité pour le Développement (FSD).

Depuis 2008, le produit de la CSV est notifié au CAD de l'OCDE comme aide publique au développement (APD) française.

La contribution de solidarité sur les billets d'avion a rapporté entre 162 et 175 millions d'euro par an (soit près de 951 millions d'euros entre août 2006 et juin 2012) : 45M€ en 2006 (sur 4 mois), 164M€ en 2007, 173M€ en 2008, 162M€ en 2009, 163M€ en 2010 et 175M€ en 2011. Les facteurs ayant des conséquences sur le trafic aérien et les revenus de la taxe sont nombreux (contexte économique, grèves, climat, prix du pétrole) et rendent périlleuses toutes tentatives de prévision de revenus à la hausse. La Direction générale de l'Aviation civile a établi en juillet 2012 les estimations suivantes :

- entre 175M€ et 179M€ en 2012

- entre 178M€ et 187 M€ pour 2013.

La crise financière internationale a engendré une baisse des revenus dès la fin 2008. C'est moins la légère diminution du trafic aérien (de l'ordre de 2%) qui explique ces chiffres, que le report des billets de « classe affaires » sur les classes économiques. En 2010, en dépit des incertitudes économiques et de l'interruption du trafic aérien suite à l'éruption du volcan islandais, les revenus ont été conformes à la prévision initiale de revenus de la Direction générale de l'Aviation civile. En 2011, malgré un contexte économique peu favorable, aucun événement additionnel n'a perturbé négativement le trafic aérien et les recettes ont pu atteindre un record annuel (175M€) depuis la création de la taxe.

Le décret n°2006-1139 du 12 septembre 2006 fixait dans son premier article l'affectation du produit de la contribution de solidarité sur les billets d'avion, selon les modalités suivantes : à hauteur d'au moins 90 % à la facilité d'achat de médicaments (UNITAID) et dans la limite de 10 % pour le remboursement de la première émission de la facilité de financement internationale pour la vaccination (IFFIm).

UNITAID a pour mission de contribuer à l'extension de l'accès au traitement pour le VIH/SIDA, le paludisme et la tuberculose, essentiellement pour les populations des pays à faible revenu, en obtenant une baisse des prix de produits diagnostiques et médicaments de qualité.

Sans augmentation de la taxe, il faut comprendre que l'augmentation de la contribution au Fonds sida sera prélevée sur les ressources à destination d'Unitaid. L'effort présenté comme additionnel sera donc prélevé sur des fonds à destination de la lutte contre le Sida.

4. La mise en oeuvre de la procédure par laquelle 5 % de la contribution française devrait transiter par des ONG françaises semble satisfaisante.

Comme annoncé lors de la Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme (FMSTP), en octobre 2010, la contribution de la France au financement du Fonds Mondial pour les années 2011-2013 prendra deux formes :

- une contribution directe versée au Trust Fund « FM » et gérée par la Banque Mondiale ;

- une contribution indirecte, gérée par le ministère des affaires étrangères, pouvant représenter jusqu'à 5 % de la contribution globale française au FM chaque année (soit 18 millions par an).

En 2011, la France a versé 342 M€ de contribution directe au Fonds mondial et 18 M€ via le dispositif de contribution indirecte d'appui à l'expertise technique.

Cette deuxième modalité de contribution, intitulée « Initiative 5% », vise à répondre au diagnostic partagé par divers acteurs dans les pays francophones concernant les difficultés récurrentes rencontrées par ces derniers pour assurer la mise en oeuvre des financements reçus. Les procédures et les exigences techniques du Fonds mondial sont en effet complexes et évolutives, et les ressources humaines des pays bénéficiaires sont souvent dépassées (en termes de disponibilité ou de compétences spécifiques). Elle répond également à une volonté de valoriser la contribution française au FM et l'expertise française et francophone dans le secteur (ONG, instituts de recherche, organisations privées et publiques ou experts individuels).

L'Initiative 5% a donc pour objectif central de répondre aux demandes émanant des pays francophones en expertise technique de haut niveau pour les aider à la conception, la mise en oeuvre, le suivi-évaluation et la mesure de l'impact des subventions allouées par le FM, et de consolider ainsi l'impact sanitaire de ces subventions, par la mobilisation de l'expertise française et francophone.

Pour mettre en place ce dispositif, le ministère des affaires étrangères a conduit des consultations élargies, tant en France que dans les pays bénéficiaires avec les acteurs concernés, en concertation étroite avec l'ambassadeur chargé de la lutte contre le sida et les maladies transmissibles. En Afrique et en Asie du sud-est, les conseillers régionaux de coopération en santé dans les postes diplomatiques ont organisé des rencontres avec les autorités nationales et le secteur associatif. A Paris, les opérateurs potentiels (du monde hospitalier et universitaire, du secteur associatif, du secteur de la recherche et des bureaux d'études spécialisés) ont également été consultés, y compris lors d'une rencontre au Cabinet du Ministre d'Etat.

L'Initiative 5% est gérée sur le plan technique et financier par l'établissement public France Expertise Internationale (FEI), sous la supervision d'un Comité de pilotage présidé par le ministère des affaires étrangères et auquel participent l'ambassadeur chargé de la lutte contre le sida et les maladies transmissibles ainsi que des représentants du ministère de la santé, de l'agence française de développement et de la société civile (la Croix rouge française possède un siège, et quatre ONG se partagent deux sièges : Solthis, Sidaction, AIDES et Solidarité Sida).

La cible principale de l'Initiative 5% sont les pays prioritaires pour l'aide française au développement : Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Ghana, Guinée Conakry, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République Démocratique du Congo, République Centrafricaine, Rwanda, Sénégal, Tchad, Togo ainsi que l'Afghanistan, Haïti, les Territoires palestiniens et le Myanmar. Sont également éligibles les pays membres de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), ainsi que les pays observateurs à l'OIF et bénéficiaires de l'aide publique au développement (APD).

L'Initiative a démarré en décembre 2011. Elle a fait l'objet d'une lettre d'intention signée entre le ministère des affaires étrangères et européennes et le Fonds Mondial. France Expertise Internationale, fort de son expérience dans le domaine des objectifs du millénaire pour le développement (OMD), a mis en place une équipe et des procédures spécifiques pour gérer ce projet.

L'Initiative 5% se décline selon deux modalités complémentaires :


• Canal 1 - missions d'expertise : mobilisation d'expertise court terme pour répondre à des besoins ponctuels exprimés par les pays.

L'ensemble des parties prenantes des programmes financés par le Fonds Mondial dans les pays éligibles peut faire appel au Canal 1 de l'Initiative 5% (instances de coordination nationale, récipiendaires principaux, sous-récipiendaires, acteurs nationaux des plans de lutte contre les trois pandémies : gouvernement et institutions publiques, organisations de la société civile ou du secteur privé). Les demandes peuvent concerner un appui en matière de gouvernance des subventions, de gestion d'approvisionnement et de stocks de médicaments, de gestion financière ou programmatique, ou encore de renforcement de capacités techniques.

Les conseillers régionaux de coopération en santé analysent ces demandes et le Comité de pilotage décide de leur approbation. Les missions d'expertise sont ensuite mises en oeuvre par FEI qui s'appuie pour ce faire sur un réseau de partenaires associatifs, privés, publics, de la recherche, et d'experts individuels.

Fondé sur la demande des pays, le Canal 1 a rencontré un fort succès dans les pays cibles, grâce à la mobilisation des postes diplomatiques, des conseillers régionaux de coopération en santé, des ONG et autres acteurs de terrain. Depuis décembre 2011, 42 missions d'expertise court terme ont été approuvées, dans 21 pays différents, pour plus de 4 000 jours d'expertise. Le Canal 1 étant un dispositif axé sur des réponses rapides, plus de la moitié de ces missions ont été réalisées ou sont en cours.


• Canal 2 - financement de projets : financement de projets d'une durée de 2 à 3 ans.

La deuxième modalité de l'Initiative 5% vise à financer des projets de renforcement de capacités de plus longue durée. Un atelier de concertation réunissant les principaux acteurs français et des représentants de plus de 20 pays a été organisé en février 2012 pour définir les priorités de financement du Canal 2. Quatre thématiques ont été définies : la gouvernance, le renforcement des systèmes de santé, la recherche opérationnelle et la gestion des approvisionnements et des stocks de médicaments.

Les financements sont octroyés via un processus d'appel à projets. Les deux premiers appels à projets, portant sur la recherche opérationnelle et le renforcement des systèmes de santé (suivi-évaluation, et capacités des personnels de santé aux niveaux décentralisé, déconcentré et communautaire) sont clôturés. Ils ont fortement mobilisé les pays prioritaires, les ONG et les autres acteurs de lutte contre les 3 pandémies : 88 projets sont en cours d'évaluation. Suite à un processus d'évaluation externe et au sein de FEI, un Comité de sélection devrait attribuer environ 12 M€ de financement en octobre 2012. Les 18M€ annuels de l'Initiative 5% seront engagés d'ici la fin de l'année.

5. Une stratégie en matière de santé doit prendre en compte toutes les maladies

La nécessaire lutte contre le fléau du Sida ne doit pas faire oublier les autres maladies et en particulier les maladies qui sont à l'origine du niveau de mortalité infantile particulièrement élevé de nombreux pays en développement.

Le niveau de la contribution française au FMSTP peut susciter des critiques au regard de la stratégie santé dans son ensemble. Une stratégie d'aide au développement dans le domaine de la santé doit nécessairement être une stratégie globale.

Comme le soulignent les documents des Nations unies relatifs à la mortalité infantile, quatre maladies (la pneumonie, la diarrhée, le paludisme et le sida) expliquent 43 % de tous les décès des enfants de moins de cinq ans dans le monde survenus en 2008.

La majorité de ces vies auraient pu être sauvées avec des mesures de prévention et de traitement peu coûteuses, notamment des antibiotiques pour les infections respiratoires aiguës, la réhydratation orale pour la diarrhée, la vaccination, ainsi que l'utilisation de moustiquaires traitées à l'insecticide et de médicaments appropriés pour le paludisme.

Des progrès substantiels ont été faits pour réduire la mortalité infantile. E n dépit de tels succès, et bien que la plupart des décès infantiles soient évitables ou traitables, beaucoup de pays ont encore un taux scandaleusement élevé de mortalité infantile.

En 2008, un enfant sur sept mourait avant son cinquième anniversaire. L'Afrique centrale et de l'Ouest accusaient les niveaux les plus élevés, un enfant sur six y décédant avant l'âge de cinq ans (169 décès pour 1 000 naissances vivantes). Les 34 pays où le taux de mortalité des moins de cinq ans dépassait 100 pour 1 000 naissances vivantes, en 2008, se trouvent tous en Afrique subsaharienne.

Comme le souligne le document stratégique des Nations unies relatif à l'objectif 4 des OMD (mortalité infantile) 39 ( * ) : « Il est urgent de recentrer l'attention sur la pneumonie et la diarrhée, deux des principaux facteurs de décès chez les enfants. Le recours à de nouveaux outils comme les vaccins contre la pneumonie à pneumocoques ou la diarrhée à rotavirus pourraient donner un nouvel élan à la lutte contre ces maladies très communes et fournir un point d'entrée pour la relance d'une programmation globale. Une nutrition correcte est un des aspects cruciaux de la prévention, car la malnutrition augmente les risques de décès. »

Après dix ans de concentration de l'aide internationale sur les grandes endémies, des problématiques nouvelles retiennent maintenant davantage l'attention comme le poids des maladies chroniques qui oblige à réfléchir à la prise en charge du financement de ces maladies (notamment au sein des pays à revenu intermédiaire), ou le renforcement des systèmes de santé et les mécanismes de protection sociale (l'initiative « socles de protection sociale » qui vise à assurer un minimum de sécurité aux plus pauvres a reçu un appui marqué du G20 de Cannes en 2011).

Par ailleurs, la prise en compte de la santé dans les enceintes internationales et la prise de conscience de l'impact de la non-réalisation des objectifs liés à la santé sur la stratégie globale croissent de manière constante.

Avec la mondialisation, des problématiques de type épidémique, communes à l'ensemble de la planète, se développent. Au-delà des principales maladies tueuses, d'autres maladies, parasitaires et bactériennes (choléra, maladies diarrhéiques endémiques, dengue et dengue hémorragique, etc.) se renforcent et touchent les groupes sociaux les plus marginalisés. Les maladies non transmissibles (maladies cardio-vasculaires, diabète, cancers et maladies respiratoires chroniques) prennent de plus en plus d'importance, avec le vieillissement des populations et la transformation des modes de vie et des régimes alimentaires.

6. Le niveau de la contribution au FMSTP déséquilibre le budget de la coopération

La contribution au FMSTP est ainsi une manifestation de la volonté française de s'engager en faveur des OMD, et la contribution de la France est allée crescendo (150 M€ en 2005, 225 M€ en 2006, 300 M€ par an pour 3 ans annoncés à Berlin en septembre 2007, 360 M€ par an sur 3 ans annoncés au sommet des OMD de New York en 2010). La France est actuellement le deuxième contributeur au Fonds Mondial.

En 2011, la contribution au Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme a atteint 360 millions d'euros, celle à UNITAID 110 M€, celle à GAVI 26 M€ (en plus de la contribution via l'IFFIm).

Les engagements pris à Muskoka en faveur de la santé des mères et des enfants ont été tenus : 51 M€ aux actions multilatérales portées par l'OMS, l'UNICEF, le FNUAP et le GAVI, valorisation de la contribution au FMSTP (27 M€) et l'AFD a engagé pour plus de 72 M€ de projets contribuant à cet objectif.

La lutte contre le SIDA la tuberculose et le paludisme a été l'axe déterminant de l'engagement français, avec un rééquilibrage en direction de la mère et de l'enfant depuis 2010. Ce rééquilibrage est cependant très limité puisqu'on arrive ainsi à 50 millions d'euros par ans de subventions bilatérales de l'AFD pour la santé infantile et maternelle.

Aujourd'hui le FMSTP prend une part prépondérante des crédits consacrée à la santé alors que d'autres objectifs tout aussi important ne bénéficient de 6 fois moins de crédits, il s'agit notamment de : la maîtrise de la fécondité en Afrique subsaharienne, la montée en puissance des maladies non transmissibles et des maladies émergentes, la réduction des risques financiers liés à la maladie et à la vieillesse et la gouvernance des systèmes de santé.

III. UN DÉCLIN DES CONTRIBUTIONS VOLONTAIRES AUX ORGANISATIONS DES NATIONS UNIES PROBLÉMATIQUE

A. LES CONTRIBUTIONS DE LA FRANCE AUX ORGANISMES DE L'ONU EN NET RECUL DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES

Parallèlement à ses contributions obligatoires à l'ONU, la France verse aux différents fonds et programmes des Nations unies des contributions volontaires sur le programme 209 du ministère des affaires étrangères et européennes.

Source : PLF 2012

Ces contributions concernent les activités opérationnelles de développement, humanitaires et d'urgence, conduites par les fonds et programmes des Nations unies (PNUD, HCR, UNICEF, UNRWA...) qui ne bénéficient pas de contributions obligatoires. La France verse également des contributions volontaires, pour des montants moindres, à des institutions spécialisées de l'Organisation des Nations unies, dont le fonctionnement courant est assuré par les contributions obligatoires des Etats membres.

En 2010, les contributions françaises représentent moins de 1 % du total des fonds levés par le système onusien. Rapportée à la part de la France dans le revenu mondial d'environ 4,6 %, notre contribution au fonctionnement de ces organisations est extrêmement limitée.

Compte tenu des engagements internationaux de la France, qui se sont traduits par une augmentation de certaines contributions (FED, Fonds mondial Sida, Initiative Education pour tous à partir de 2011) et du souci de stabiliser la part de l'aide bilatérale, l'évolution des crédits onusiens du programme 209 a été fortement impactée 40 ( * ) .

Aide humanitaire

2011

2012

HCR

13 800 000

15 200 000

UNICEF

1 400 000

4 290 000

UNRWA

4 500 000

5 910 000

BCAH

1 000 000

1 000 000

CERF

500 000

300 000

Aide économique et sociale et gouvernance

PNUD

16 000 000

13 769 535

CNUCED

100 000

50 000

Droits de l'homme / genre

FNUAP

500 000

400 000

HCDH

2 050 000

2 050 000

Tribunal Khmers rouges

500 000

300 000

ONU FEMMES

200 000

200 000

Santé

OMS

2 000 000

2 000 000

ONUSIDA

700 000

600 000

Paix et sécurité

Office NU drogue et crimes

1 600 000

1 600 000

Attractivité / bureaux en France

OMS - bureau de Lyon

300 000

300 000

PNUE - Bureau de Paris

543 800

200 000

Les crédits onusiens sont, depuis 2007, en baisse, tant en volume qu'en pourcentage de l'aide multilatérale. Ce dernier est passé de 8 % à 4 % entre 2007 et 2012, alors même que les contributions transitant par les agences multilatérales étaient en augmentation.

La faiblesse de nos contributions volontaires constitue un handicap à la diffusion de nos idées dans les fonds et programmes de l'ONU, qui dépendent exclusivement de ce type de financement, et à la création de synergies avec les priorités de notre coopération bilatérale.

La France verse une contribution aux Nations unies, inférieure à son poids économique et à celle de ses partenaires. Le volume de nos contributions est 2,3 fois inférieur à celui du Royaume-Uni et 3,4 fois inférieur à celui des Etats-Unis, qui consacrent respectivement 10% et 22% de leur aide multilatérale aux agences des Nations unies. Les pays nordiques y consacrent plus de 40% de leur aide multilatérale.

La très forte diminution des crédits ONU entre 2010 et 2011 de -7,3 millions d'euros, soit une baisse de 13 %, a accentué ce handicap.

Le tableau ci-dessous récapitule l'évolution des contributions volontaires de la France gérées par la direction des Nations unies aux principales organisations internationales de 2010 à 2011.

Vos rapporteurs constatent que les contributions volontaires aux fonds et programmes des Nations unies ont diminué de près de 40 % depuis 2008 et, en particulier, ces dernières années (diminution des crédits de 20 % entre 2009 et 2010 et de 13 % entre 2010 et 2011) .

La France se classe désormais au-delà du 15 e rang des plus grands contributeurs des fonds et programmes des Nations unies et toujours au-delà du 10 e rang.

Si l'on se limite à quelques-unes des principales organisations, en 2010, la France n'était plus que le 15 e contributeur du PNUD, loin derrière le Japon, les Etats-Unis, la Norvège, le Royaume-Uni et la Suède.

PNUD

Rang

Pays

MUSD

1

Japon

451

2

Etats-Unis

383,46

3

Norvège

255,46

4

Royaume-Uni

235,31

5

Suède

181,22

6

Pays-Bas

159,29

7

Canada

134,82

8

Danemark

107,34

9

Allemagne

96,5

10

Australie

77,68

11

Suisse

76,72

12

Belgique

54,52

13

Finlande

45,71

14

Espagne

44,16

15

France

25,19

16

Irlande

17,81

17

Italie

16,41

18

République de Corée

13,32

19

Luxembourg

12,71

20

Nouvelle Zélande

10,49

Cette même année, la France se classait au 17 e rang des contributeurs de l'UNICEF, derrière les Etats-Unis, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède.

La France est également le 17e principal contributeur de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), derrière les Etats-Unis, le Japon, la Suède, les Pays-Bas et la Norvège.

Les contributions aux Nations unies sont aujourd'hui à des niveaux équivalents à la moitié de celles pour le Fonds mondial contre le Sida et au 10e de celles affectées aux canaux européens.

Force est cependant de reconnaître que les contributions volontaires aux Nations unies entrent néanmoins depuis la fin de l'exercice 2010, dans une tendance à l'arrêt de la diminution des crédits observée depuis plusieurs années et amorcent même une dynamique de hausse en 2012.

En effet, en 2010, une partie du dégel sur le Programme 209 a permis de revaloriser notre contribution au HCR (à hauteur de 0.47 million d'euros) afin de nous permettre de conserver notre place au sein du groupe des grands donateurs dont le seuil de participation est fixé à 20 millions de dollars américains.

En 2011, certains fonds et programmes (OMS, UNICEF, FNUAP, ONU Femmes) bénéficieront de contributions supplémentaires afin de soutenir des programmes en faveur de la santé maternelle et infantile pour un montant total de 19 millions d'euros. Ces crédits s'inscrivent dans le cadre de l'engagement du G8 Muskoka.

Le projet de loi de finances pour 2012 prévoyait une légère augmentation des contributions aux Nations unies qui sont passés de 48,9 millions d'euros en 2011 à 51,3 millions d'euros pour2012.

Le projet de loi de finances pour 2013 stabilise la dotation à ce niveau.

B. UNE SITUATION QUI MET LA FRANCE EN POSITION DÉLICATE À UN MOMENT OÙ SON STATUT DE MEMBRE PERMANENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ POURRAIT ÊTRE MIS EN CAUSE

La diminution de nos contributions, depuis quelques années, fait peser un risque sur notre présence au sein des organes de gouvernance des fonds et programmes, dont les critères de participation sont notamment établis à partir de seuils de contributions financières.

La diminution des contributions volontaires est, certes, largement subie par le ministère des affaires étrangères. Ces contributions sont en effet considérées avec l'aide bilatérale comme les seules variables d'ajustement dans un budget dominé par des contributions obligatoires à la Banque mondiale, au FMI, au Fonds européen de développement ou par des engagements internationaux comme ceux pris dans le cadre du Fonds mondial de lutte contre le Sida. Les contributions à ces quatre derniers organismes et fonds dans le PLF 2013 représentent plus de la moitié des dépenses hors personnel de la mission aide au développement.

La diminution de nos contributions à ces organismes doit en outre être relativisée en prenant en compte les contributions versées indirectement par la France par le biais de l'Union européenne. Cette diminution depuis 2008 est ensuite aussi en partie volontaire. Elle s'inscrit également dans un contexte où l'efficacité et la cohérence des 25 agences de développement l'ONU à laquelle la France contribue fait l'objet de critiques récurrentes.

Il est indéniable que l'ONU joue un rôle considérable dans la prise en compte des besoins des pays en développement et que sa neutralité lui permet de conduire des actions dans les situations les plus difficiles, il n'en demeure pas moins que la structure des fonds et organismes rattachés à l'ONU n'est pas toujours satisfaisante. Une réforme de la répartition des rôles entre chaque organisme des Nations unies serait sans doute nécessaire pour éviter les activités redondantes, clarifier les objectifs stratégiques et accroître la transparence en matière de résultats.

La revue des contributions multilatérales britanniques vient conforter le jugement très inégal que l'on peut avoir sur la solidité organisationnelle de certaines entités dépendantes de l'ONU. Cette revue souligne en effet la faiblesse de la gestion de certains de ces organismes en matière de ressources humaines, de contrôle des coûts et de suivi des résultats.

De ce point de vue, l'effort de concentration des subventions françaises va dans la bonne direction. En effet, 75 % du montant total de nos contributions est désormais attribué à quatre agences, c'est-à-dire le PNUD, l'UNICEF, le HCR et l'UNRWA.

À l'inverse, il faut constater que les 25 % restants sont répartis, pour ne pas dire saupoudrés, entre les 21 autres agences, selon des priorités dont plusieurs rapports ont souligné le manque de cohérence et de suivi.

En conclusion, votre commission regrette que le ministère des affaires étrangères et européennes ne procède pas, à l'instar de son homologue britannique, à une évaluation de chacun des partenariats des différents organismes de l'ONU auxquels la France contribue. Un audit de ces partenariats s'inspirant de la méthode britannique, tout en adaptant les critères et en en corrigeant les éventuelles faiblesses, permettrait de justifier des arbitrages plus courageux.

IV. LA FRANCE DOIT CONTRIBUER À UNE RATIONALISATION DE LA JUNGLE INSTITUTIONNELLE DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE

A. LE NOMBRE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES OPÉRANT DANS LE CHAMPS DE LA COOPÉRATION NE CESSE DE CROÎTRE

Actuellement, quelque 263 organisations internationales peuvent recevoir des apports d'aide publique au développement. Au nombre de 15 en 1940, on en dénombrait 47 en 1960. Plus de 80 organismes sont devenus éligibles dans les années 60 et 70, dont 10 orientés vers la recherche sur l'environnement et 10 sur la recherche agricole.

Cette prolifération s'est ralentie dans les années 80 et 30 organismes « seulement » ont été admis à recevoir des apports d'aide publique au développement au cours de cette période. Les années 90 ont vu l'apparition de 45 nouvelles organisations éligibles et, en 2006, une vingtaine d'organismes nouveaux ont été créés, notamment dans le secteur de la santé.

Les agences multilatérales ont été créées dans l'objectif de mettre en oeuvre des principes d'action collective au niveau de la communauté internationale, de bénéficier d'économies d'échelle et d'éviter ainsi de faire perdurer des stratégies nationales non coopératives là où une solution collective semble avoir un avantage comparatif avéré.

Avec 263 organisations internationales et la multiplication d'instruments autonomes, comme les fonds verticaux, le paysage institutionnel de l'aide semble avoir reproduit, au niveau international, la cacophonie à laquelle elle devait mettre fin au niveau bilatéral. Comme le souligne de nombreux observateurs, « Le système international dans le domaine de l'aide au développement ressemble aujourd'hui de plus en plus à un écosystème où il y a toujours plus de naissances et jamais de morts. »

Comme l'ont souligné vos rapporteurs, on assiste, en outre, depuis une décennie, à une inflation de fonds verticaux spécialisés. On a le sentiment que, dès que surgit un problème, la réponse est dans la création d'un fonds vertical. Sans doute, certains de ces fonds ont-ils une réelle valeur ajoutée, mais il faut l'apprécier au cas par cas. La prolifération non maîtrisée de ces fonds désorganise un peu plus l'architecture internationale de l'aide, mine l'appropriation par les pays bénéficiaires de leur stratégie de développement et aboutit finalement à une véritable balkanisation de l'aide publique au développement.

La France a accompagné ce processus de balkanisation, suscitant çà et là la création de nouveaux organismes. Même si plus de 90 % des subventions multilatérales françaises sont concentrées sur 10 institutions, on observe depuis 10 ans une fragmentation croissante de l'aide française.

2010

Institutions

% de l'APD multilatérale française

Commission européenne

33 %

FED (Fonds européen d'investissement)

27 %

Banque mondiale (AID, BIRD, SFI, AMGI)

13 %

FMSTP (Fonds mondial SIDA, tuberculose et paludisme)

9 %

BAfD (Banque africaine de développement) + FAD

4 %

Francophonie (OIF et autres multi -horsTV5

2 %

FEM (Fonds pour l'environnement mondiale)

1 %

Fonds AID-PPTE et AID-IADM (Banque mondiale)

1 %

OMS (Organisation mondiale de la santé)

1 %

BAsD (Banque asiatique de développement) + Fonds spécial

1 %

Total des 10 premiers

92 %

Le nombre d'organisations internationales ou de fonds spécialisés éligibles à l'APD auxquels la France a contribué, soit par le versement de contributions obligatoires, de contributions volontaires, ou par la reconstitution de fonds concessionnels, a ainsi été multiplié par deux depuis 10 ans : il s'établissait à une trentaine jusqu'en 2004, 38 en 2005, 56 en 2006, 60 en 2007, 61 en 2008, 66 en 2009 et 64 en 2010.

Résolument, un des objectifs que doit se fixer la politique française de coopération est de veiller à la cohérence de l'architecture internationale, de contribuer à la réduction du nombre des organismes et de promouvoir les mécanismes de mise en cohérence des institutions multilatérales et bilatérales existantes.

Il importe donc que la France prenne clairement position en faveur d'une meilleure spécialisation des agences multilatérales, spécialisation basée sur leurs avantages comparatifs respectifs, dans la logique du code de bonne conduite de l'Union européenne sur la complémentarité et la division du travail dans les politiques de développement. Les pratiques de cofinancement, de mutualisation, de délégation de gestions et de fonds fiduciaires doivent également être favorisées afin d'assurer une plus grande cohérence de l'action collective.

Il convient sans doute de se résigner à ce que les politiques d'aide au développement mobilisent de nombreux acteurs de diverses origines nationales, multinationales, publiques et privées.

Dans ce domaine comme dans d'autres, une politique du grand soir n'est sans doute ni possible ni souhaitable. Il se peut même que la concurrence entre ces différents acteurs puisse avoir des effets bénéfiques.

Mais votre commission estime qu'il y a une marge de manoeuvre vers un peu plus de cohérence et de coordination, car cette démultiplication des organismes en charge du développement accroît les coûts de gestion et les problèmes de coordination.

Il faut, en particulier, veiller à ce que la mise en place au niveau international d'institutions en charge de politique de lutte contre le réchauffement climatique ne conduise à la création de nouveaux organismes sans que la rationalité du paysage institutionnel ait été au préalable bien pensée.

B. CETTE DÉMULTIPLICATION ACCROÎT LES COÛTS DE GESTION ET LES PROBLÈMES DE COORDINATION

La démultiplication des organismes de développement entraîne naturellement un accroissement du nombre de projets de développement. On est passé d'environ 20 000 projets au milieu des années 90, à 40 000 en 2000 pour atteindre 100 000 aujourd'hui 41 ( * ) .

Parallèlement à cette prolifération, le niveau financier de ces projets s'est considérablement réduit, pour atteindre, au niveau de l'aide d'origine européenne, une moyenne de 0,7-1 million d'euros par opération.

Comme le souligne une étude de la Fondation pour les Etudes et Recherches sur le Développement International 42 ( * ) : « Le seul exemple de l'Ethiopie montre à quel point la réalité est éloignée des décisions relatives à l'efficacité de l'aide : il y a environ 2 200 projets en cours d'exécution ; la moitié de ces projets ont un montant inférieur à 10 0000 dollars, et ils représentent moins de 2 % de l'aide publique reçue par l'Ethiopie . »

Cette fragmentation de l'aide dans une multitude de petits projets financés par une multitude de donateurs, selon leurs propres règles et procédures, constitue une charge insupportable pour les autorités des pays partenaires et mine le concept même d'alignement. Ainsi, l'an dernier, le Vietnam a reçu 752 missions de donateurs (deux par jour) dont seulement 130 étaient coordonnées. Chaque année, la Tanzanie doit produire 2 400 rapports destinés aux différents donateurs qui sont au nombre de 40.

Elle constitue aussi un coût démesuré pour les donateurs.

Une étude financée en 2008 par la Commission européenne chiffre entre 2 et 3 milliards d'euros par an le coût additionnel engendré par cette prolifération pour l'Union européenne. Ce chiffre a été déterminé à partir du nombre de nouveaux projets approuvés par les Etats membres de l'Union chaque année (22 000) et en prenant pour hypothèse que le coût moyen (consultants et fonctionnaires) pour formuler, instruire et approuver chaque projet se situe dans une fourchette de 90 000 à 140 000 euros.

C. PEUT-ON « METTRE DE L'ORDRE DANS LA PAGAILLE » ?

La rationalisation de cette jungle institutionnelle et la mise en place d'instruments de mise en cohérence est un enjeu majeur pour l'avenir et notamment pour la mise en place d'instruments de lutte contre le réchauffement climatique.

Les moyens de lutter contre la fragmentation de l'aide sont nombreux. Parmi eux, il y a l'inscription de la concentration de l'aide et de la division du travail parmi les priorités de l'aide au développement.

Ces priorités ont été rappelées à la conférence de Busan sur l'efficacité de l'aide, et constituent un référentiel pour l'ensemble des bailleurs de fonds. Cette rationalisation passe également par une plus forte concentration des contributions intervenant dans ce domaine. Elle passe enfin par la mise en place d'outils et de procédures de mise en cohérence des différents acteurs, qu'il s'agisse de programmation conjointe ou de cofinancement.

Votre commission approuve pleinement ses objectifs et souhaite ardemment qu'ils se traduisent par des actions concrètes.

Elle estime que les efforts de rationalisation doivent se faire aussi bien au niveau international qu'au niveau national à travers l'évaluation des contributions multilatérales de chaque pays.

Elle observe que le Royaume-Uni a procédé à une revue systématique de ses contributions multilatérales, en évaluant l'ensemble des institutions auxquelles il contribue, à travers deux séries de critères relatifs à :

1) la cohérence des objectifs de l'institution avec les objectifs de la coopération britannique (pertinence pour les objectifs britanniques d'aide, ciblage sur les pays pauvres, ciblage sur les Etats fragiles, égalité hommes/femmes, changement climatique/Environnement, contribution aux résultats) ;

2) la solidité administrative et financière des organismes concernés (attention portée aux coûts et au retour sur investissement, comportement partenarial, stratégie et gestion de la performance, gestion des ressources financières, transparence et redevabilité) ;

L'audit britannique a porté sur 43 entités allant de fonds à structure légère (fonds de consolidation de la paix des Nations unies) et de petites organisations, à des organisations internationales de plein exercice (UNHCR, FAO, OIT), des banques de développement (BERD, BAD) ou des groupements de type GAVI ou UNITAID. Les entités couvertes vont du secteur humanitaire pur à la lutte contre le changement climatique en passant par un large spectre de fonctions de développement. 43 ( * )

On retiendra principalement le classement suivant selon les deux axes de la pertinence et de la solidité organisationnelle :

1) Le peloton de tête : GAVI, PIDG (private infrastructure development group), ASDB (banque asiatique de développement), CICR, FED, AID, ECHO, UNICEF ;

2) Les bons BERD, GFATM (fonds global), UNHCR, CERF, AFDB (banque africaine de développement), Le PAM, GFDRR, UNITAID, BCAH, IFRC, fonds de consolidation de la paix, PNUD, UNFPA... ;

3) Les moyens : Banque interaméricaine de développement, budget UE, OHCHR, UNAIDS, OMS, PNUE, CDB, UNIFEM, FAO...

4) Les mauvais : UNIDO, OIT, UNHABITAT, UNESCO, secrétariat du Commonwealth, ISDR (institut du développement durable et de la recherche).

La méthode utilisée a sans doute ses limites. Elle a fait l'objet de discussions fournies avec les organisations concernées mais aussi avec les autres bailleurs de fonds.

Vos rapporteurs estiment qu'elle n'en présente pas moins un véritable intérêt, notamment par son assistance sur l'amélioration de l'efficacité des organisations.

Votre commission souhaite que la direction générale de la Mondialisation procède à ce type d'évaluation.

QUATRIÈME PARTIE - PLF 2013 : UNE AIDE BILATÉRALE STABILISÉE À UN NIVEAU HISTORIQUEMENT BAS

I. DES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES BILATÉRALES ENTAMÉES PAR LA DIMINUTION DES AIDES SOUS FORME DE DONS

A. LA MONTÉE EN PUISSANCE DE L'AIDE MULTILATÉRALE CES DIX DERNIÈRES ANNÉES CONTINUE DE PESER SUR LE NIVEAU DE L'AIDE BILATÉRALE

1. Alors que les contributions multilatérales ont connu une progression constante sous l'effet des contributions à la Banque mondiale, au Fonds sida et au FED....

La part croissante de l'aide allant aux « grands guichets » multilatéraux et européens s'est traduite, dans un budget contraint, par une diminution symétrique de l'aide bilatérale, réduisant considérablement les moyens des agences locales de l'AFD et des ambassades sur le terrain.

Il s'agit d'une évolution qui, pour une part, est commune à l'ensemble des bailleurs de fonds. Elle s'explique par des raisons déjà évoquées liées à la mise en place d'outils internationaux de gestion de développement.

Sur la période 1998-2010, l'aide publique au développement nette de la France est restée majoritairement bilatérale (60 % en 2010), malgré une montée en charge de l'aide multilatérale et l'aide européenne. Alors qu'elle n'était que de 27 % environ en 1998, l'aide française multilatérale et communautaire représente environ 40 % des crédits d'APD nette en 2010.

Elle transite par le canal européen (21 % en 2010), notamment via les financements apportés au Fonds européen de développement et au budget européen, et par l'aide multilatérale française hors UE (19 %), relativement concentrée et mobilisée par le biais des institutions financières internationales (FMI et Banque mondiale principalement) et des fonds verticaux (Fonds mondial pour la lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme en premier lieu), plus marginalement par le canal des organismes spécialisés des Nations unies.

Evolution de l'APD en volume (en Md USD) et en % de l'APD nette par canal

L'APD nette de la France par canal en 1998

L'APD nette de la France par canal en 2010

Source : Stat .OECD

Ce renforcement de l'aide multilatérale s'explique principalement par des engagements pris par la France dans les enceintes internationales, telles que le G8, dans le cadre européen ou encore à l'occasion des processus des reconstitutions pluriannuelles des institutions financières internationales (augmentation de capital de banque et les reconstitutions des fonds concessionnels).

Dans la majorité des pays membres du CAD, la croissance des contributions multilatérales s'est accompagnée d'une augmentation du budget de l'aide au développement.

En France, si l'on considère, non pas les chiffres de l'APD, mais les crédits budgétaires, la stagnation de ces derniers a conduit à une relative éviction des crédits disponibles pour l'aide bilatérale.

Quoi qu'il en soit, un consensus s'est dégagé ces dernières années pour opérer un rééquilibrage au profit de l'aide bilatérale .

Les prévisions du DPT laissent présager un rééquilibrage très modéré fondé sur une dynamique des prêts et des allégements de dette.

La part du bilatéral passerait de 65 % en 2010 à 67 % en 2015. On constate une forte augmentation de l'aide communautaire, une diminution des subventions de 530 à 500 millions de 2011 à 2015 contre 596 millions en 2007 et une forte augmentation des prêts bilatéraux de 1,9 milliard à 2,6 milliards.

Prévisions d'APD pour 2015

en millions €

2007

2008

2009

2010

2011*

Prévisions

2012

2013

2014

2015

TOTAL APD

7 220

7 562

9 048

9 751

9 384

9 705

9 826

10 531

10 916

AIDE MULTILATERALE NETTE TOTALE

2 648

3 083

4 008

3 872

3 254

3 029

3 192

4 048

3 654

part APD multilatérale dans l'APD totale

37%

41%

44%

40%

35%

31%

32%

38%

33%

Dons

Aide Communautaire

1 575

1 753

2 083

2 009

1 742

1 554

1 662

2 526

2 076

Autres multi (aide hors UE)

1 116

1 307

1 339

1 413

1 512

1 475

1 530

1 522

1 578

Prêts (FMI & BM)

Prêts nets

-43

23

586

450

-5

196

198

144

63

Prêts bruts (pour info)

88

159

666

519

183

237

237

237

237

AIDE BILATERALE NETTE TOTALE

4 572

4 480

5 041

5 879

6 130

6 676

6 634

6 484

7 262

part APD bilatérale dans l'APD totale

63%

59%

56%

60%

65%

69%

68%

62%

67%

Dons
(hors annulations de dette)

Total

3 657

3 382

3 528

3 760

3 319

3 664

3 588

3 443

3 347

dont subventions

596

645

605

633

530

577

562

501

500

Prêts

Prêts nets
(hors rééchelonnement de dette)

-179

422

504

1 004

1 994

1 818

2 150

2 425

2 668

Prêts bruts (pour info)

695

1 246

1 276

1 862

2 675

2 643

3 019

3 343

3 710

Annulations de dette et rééchelonnements nets

1 094

675

1 009

1 115

817

1 194

896

616

1 247

2. L'aide bilatérale connaît des évolutions contrastées avec une évolution dynamique des bonifications du programme 110 et un décrochage des subventions du programme 209

La diminution de la part relative de l'aide bilatérale dans la coopération française correspond, ces dernières années, en valeur absolue, à une stagnation des crédits bilatéraux, voire une légère augmentation de ces derniers, en raison de quelques moyens supplémentaires rendus disponibles par la diminution de la contribution au FED.

Cette stabilisation de moyens dans leur ensemble masque des évolutions contrastées des moyens en subventions et en bonifications.

Au regard du document de politique transversale (DPT), on constate une stagnation des subventions à un niveau historiquement bas.

Au sein du programme 209, les crédits de subventions-projets sont stabilisés aux environs de 170 millions d'euros en crédits de paiement pour toute la période 2010-2013.

Il convient de remarquer que la stagnation des crédits de subventions pendant toute la période conduit à maintenir ces crédits à un niveau historiquement très bas qui, comme il a été souligné, affaiblit considérablement les possibilités d'intervention de l'AFD dans les zones prioritaires de la coopération française.

A l'inverse, on constate une légère progression des bonifications issues du programme 110, qui passent, en crédits de paiement, de 167 millions d'euros à 188 millions d'euros de 2011 à 2013.

De même, en dehors de la mission aide au développement, les prêts à l'AFD en vue de favoriser le développement économique et social dans les pays étrangers issus du programme 853 passent de 232 millions d'euros à 364 millions d'euros.

Cette divergence entre les bonifications et les subventions correspond à l'évolution respective des programmes 110 et 209, au poids respectif du ministère des finances et du ministère des affaires étrangères dans les négociations budgétaires.

Elle correspond également à une logique comptable pour laquelle les bonifications sont payées à moyen terme alors que les subventions sont payées plus vite. Elle correspond enfin à une logique d'affichage.

Les bonifications permettent, en effet, grâce aux prêts, un montant d'APD déclaré beaucoup plus élevé que les subventions. Avec un peu moins de 500 millions de coût Etat, l'AFD peut déclarer 6,7 milliards d'autorisations de financement en APD en 2010, soit un effet de levier de plus de 6.

Allocation par instrument en volume

(versements en millions de dollars):

Source : Ernst and Young

B. LA DIMINUTION DES SUBVENTIONS SE TRADUIT PAR UNE AIDE AU DÉVELOPPEMENT COMPOSÉE ESSENTIELLEMENT DE PRÊTS ET ACCESSOIREMENT DE DONS

1. L'évolution de l'aide française se caractérise par l'augmentation importante des prêts.

Le total des prêts comptabilisés dans la déclaration d'APD de la France à l'OCDE a été multiplié par près de trois, entre 2005 et 2009. Cette augmentation est principalement due à la hausse de 830 millions d'euros des prêts permettant de financer des projets, dont le montant s'établit en 2009 à plus d'1,8 milliard d'euros.

Prêts bilatéraux , en M€

2005

2006

2007

2008

2009

TOTAL Prêts

658

764

733

1329

1873

La multiplication par trois de prêts consentis par la France au titre de l'aide au développement a été rendue possible par un effet de levier croissant entre le volume total de prêts concessionnels octroyés et l'effort budgétaire correspondant (principalement sous forme de bonifications de taux d'intérêt). Autrement dit, on a prêté plus pour un montant de bonification stable ou en légère augmentation.

Comme le souligne le Plan d'Orientation stratégique de l'AFD : « L'effet de levier (autorisations de financement déclarées en APD rapportées au « coût Etat » de la bonification) est passé de 3,1 en 2006 à 6,7 en 2010 ».

L'augmentation de cet effet de levier constitue d'ailleurs un objectif de performance de l'AFD dans la loi de finances.

Le projet annuel de performance pour 2013 indique ainsi que le contrat d'objectifs de l'AFD doit être un effet de levier de 9,4 en 2013 contre 6,7 en 2009 44 ( * ) , comme le retrace le tableau suivant :

INDICATEUR 2.1 : Montant d'aide au développement apportée par l'AFD sous forme de prêt par euro de subvention de l'Etat (du point de vue du contribuable)

Unité

2010
Réalisation

2011
Réalisation

2012
Prévision PAP 2012

2012
Prévision actualisée

2013
Prévision

2015
Cible

Montant d'aide au développement apportée par l'AFD sous forme de prêt par euro de subvention de l'Etat

6,7*

10,1

9,3*

9,1*

9,4*

9,1*

Source PLF 2013

L'augmentation du montant des prêts pour un coût relativement stable constituait ainsi un objectif tel qu'il figure parmi le peu d'indicateurs de performance de la mission aide au développement.

L'accroissement des prêts dans l'APD française déclarée est en effet lié à la possibilité offerte par les règles de l'OCDE de déclarer, au titre de l'aide au développement, des prêts à des taux proches du marché. Cette possibilité permet d'augmenter les décaissements éligibles à l'APD à bonifications constantes.

Votre commission retrouve dans cet indicateur budgétaire le symbole d'une « programmation guidée par l'objectif des 0,7 % du RNB », selon l'expression retenue lors des travaux du bilan évaluatif de la politique française de coopération au développement entre 1998 et 2010.

Elle rejoint l'appréciation selon laquelle le pilotage de la politique de coopération au développement répond en partie à une logique d'affichage qui vise à augmenter le volume de l'aide consacrée par la France comptabilisée par le CAD selon l'agrégat de l'APD. Les discussions menées en Co-CICID concernant la programmation des crédits budgétaires portent ainsi en grande partie sur l'impact des arbitrages budgétaires effectués en termes d'effet de levier sur le montant d'APD (et donc sur le lien entre le coût budgétaire des actions programmées et leur impact sur les montants d'APD déclarés au CAD-OCDE). Ce raisonnement à rebours incite à choisir les instruments en fonction de leur comptabilisation en APD, plutôt qu'en fonction des orientations stratégiques préétablies. Il impacte les décisions relatives au choix entre prêts et dons, et influence par extension les choix d'intervention dans des zones géographiques ne figurant pas nécessairement dans les zones prioritaires de la France.

2. Cette situation contraste avec celle de la moyenne des pays du CAD

La situation de la coopération française au regard de l'équilibre entre les dons et les prêts doit s'apprécier au regard des autres coopérations. La comparaison avec la Grande-Bretagne, qui a choisi un modèle inverse en concentrant son action sur les dons, permet d'éclairer cette singularité française.

La France a, en effet, nettement plus recours aux prêts que le Royaume-Uni. Sur la période 2005-2009, les montants déclarés en prêts ont été plus de 3 fois supérieurs en France qu'outre-Manche.

Prêts bruts, hors prêts de refinancement de la dette

en M$ courants

2006

2007

2008

2009

2010

France

1 149

1 124

2 146

3 536

2 463

Royaume-Uni

468

802

780

554

687

Depuis 2005, la France a multiplié son volume de prêts par 3,3 contre 2 au Royaume-Uni.

La préférence française pour les prêts s'observe également lorsque l'on compare avec la moyenne des pays du CAD. La proportion de prêts bruts dans l'APD nette totale est deux fois supérieure en France à la moyenne des pays du CAD, la proportion de prêts nets y est six fois supérieure en France à la moyenne des pays du CAD.

Part des Dons (hors annulations
de dette) dans l'APD totale brute

Part des prêts bruts
dans l'APD totale brute

Année

France

Donneurs du CAD

France

Donneurs du CAD

2000

70%

70%

9%

15%

2001

69%

72%

11%

13%

2002

60%

72%

11%

11%

2003

53%

72%

7%

10%

2004

63%

73%

8%

9%

2005

59%

65%

7%

7%

2006

62%

69%

7%

8%

2007

76%

77%

9%

9%

2008

74%

75%

16%

9%

2009

69%

81%

19%

11%

2010

66%

79%

22%

12%

*les prêts nets représentent des montants négatifs car les prêts remboursés sont retranchés aux prêts accordés

Le total ne représente pas 100% car les réaménagements de dette et les souscriptions en capital ne sont pas représentés.

Comme le soulignent les travaux du bilan évaluatif de la politique française de coopération au développement entre 1998 et 2010 :  au sein de l'APD française, la part des prêts est passée de 10 % en 2005 à 26 % en 2010 ; cette hausse constitue une spécificité française par rapport à d'autres bailleurs tels que les Etats-Unis, l'Allemagne ou le Royaume-Uni.

Ce décrochage de la France est manifeste depuis 2007.

La comparaison de l'aide française par rapport à celle de ses principaux partenaires du Nord met en effet clairement en évidence le poids relatif particulièrement faible que représentent les dons français par rapport aux autres pays (39 % des versements d'APD net), alors qu'ils dépassent 50 % au Royaume-Uni, en Allemagne, au Canada et au Japon). Elle souligne également la part importante, en 2010, de l'effet des annulations de dette.

La comparaison permet aussi d'opposer le modèle du Royaume-Uni qui se caractérise par la faiblesse de ses prêts (2 % seulement). Dans le cadre de sa politique résolument orientée vers les dons, le Royaume-Uni prône par ailleurs l'utilisation de l'aide budgétaire, au nom de l'appropriation de l'aide par les pays bénéficiaires (mais aussi de la réduction récente de l'effectif du DFID), et privilégie l'amélioration des politiques publiques plutôt que l'aide-projet.

Le Japon est l'un des pays qui, avec la France, recourt le plus aux prêts, conformément à l'approche globale du pays. Centrée sur la croissance économique, celle-ci favorise le recours aux prêts, mais également les activités de coopération technique dans une perspective de meilleure appropriation et de renforcement des capacités des pays partenaires.

Selon l'évaluation « ce recours croissant au prêt n'est que partiellement guidé par des considérations de nature stratégique. Ces dernières portent surtout sur le développement des infrastructures et l'appui au secteur privé, gages de développement au sens du Document cadre, mais en dissonance avec les priorités géographiques.

« En effet, l'équilibre entre prêts et dons ne semble pas être utilisé de manière optimale pour permettre de répondre aux priorités géographiques mises en avant dans le Document cadre qui prévoient, de manière simplifiée : (i) Le recours aux financements les plus concessionnels, soit principalement aux dons et aux prêts très concessionnels en faveur des 17 pays prioritaires (et des PMA), et (ii) le recours à des prêts faiblement concessionnels dans les pays méditerranéens et dans les pays émergents. »

C. LA PRÉFÉRENCE FRANÇAISE POUR LES PRÊTS LIMITE SA CAPACITÉ À INTERVENIR DANS LES PAYS LES PLUS PAUVRES ET LES SECTEURS LES MOINS RENTABLES

1. Si l'opposition entre les dons et les prêts doit être relativisée

Les interventions françaises dans les pays en développement sous forme de prêts sont à des conditions extrêmement variables aussi bien en matière de taux que de bonification, ou même de durée, comme l'illustre le tableau suivant relatif aux conditions de prêts de l'AFD. Cette gradation entre les différentes catégories de prêts permet de relativiser l'opposition entre ces deux instruments.

Par ailleurs, l'analyse des instruments financiers de l'aide au développement française ne saurait se réduire à celle des dons et des prêts. Une des caractéristiques des interventions de l'AFD est en effet d'avoir la possibilité de déployer une palette d'instruments extrêmement variés. Cette variété constitue l'une des forces de la coopération française qui lui permet d'adapter ses différents instruments -fonds de garanties, financements souverains et non souverains, financements structurés, accompagnement des acteurs- au profil des pays partenaires.

Ainsi, les 2,2 milliards d'euros d'intervention de l'AFD en Afrique prennent des formes très variées, comme l'illustre le graphique suivant.

Source : AFD

2. La capacité d'intervenir sous forme de prêts dépend de la capacité d'endettement des pays ou des secteurs concernés, de ce fait, la diminution des dons n'est pas cohérente avec les objectifs géographiques et sectoriels de la France

En l'absence de crédits en montant suffisant pour intervenir de façon significative sous la forme de subventions, la coopération française cherche à soutenir la croissance des pays en voie de développement par le biais de prêts, en prenant soin de ne pas conduire les pays aidés à des situations de surendettement, comme ce fut le cas par le passé. Pour éviter ce risque, la communauté internationale a, lors des différents processus d'annulation de dettes, défini un cadre d'analyse permettant de déterminer les pays susceptibles d'avoir recours de nouveaux à l'emprunt.

Ce cadre dit « de la viabilité de la dette », défini conjointement par le FMI et la Banque mondiale pour les pays bénéficiant ou ayant bénéficié d'allègement de leur dette externe au titre de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), et/ou bénéficiant du guichet concessionnel de la Banque mondiale (AID), classe les pays en risque faible (pays « vert »), modéré (« jaune ») ou élevé (« rouge ») de surendettement.

Jusqu'au début de l'année 2010, les prêts souverains de l'AFD en faveur des pays à faible revenu ayant accès au seul guichet concessionnel de la Banque mondiale étaient réservés à ceux de ces pays dont le risque de surendettement est jugé faible (pays « vert »).

Or, parmi les 39 pays d'Afrique subsaharienne qui disposent d'une telle analyse, 14 pays seulement sont « verts » (Niger, Sénégal, Madagascar, Éthiopie, Ouganda, Tanzanie, Mozambique, Zambie, Libéria, Nigeria, Kenya, Cameroun, Cap Vert, Congo).

De nombreux pays parmi les pays prioritaires de la coopération française sont soit dans la catégorie« jaune » (Bénin, Mali, Mauritanie, Centrafrique, Tchad, Togo, Ghana, Sierra Leone, Lesotho, Rwanda, Malawi), soit dans la catégorie « rouge » (Burkina Faso, RDC, Guinée, Gambie, Sao-Tome, Djibouti, Burundi, Guinée-Bissau,). 5 pays sont par ailleurs en situation de surendettement : Comores, Côte d'Ivoire, Guinée, Zimbabwe, Soudan 45 ( * ) .

Cette situation explique que les prêts de l'AFD soient presque absents des 14 pays prioritaires sur la période.

La conjonction de cette situation et de la faiblesse des subventions conduisent à ce que les 14 pays prioritaires de la coopération française ne représentent que 24 % des engagements de l'AFD en Afrique.

De même la situation des pays francophones est telle que les engagements du groupe AFD en Afrique subsaharienne -qui sont à 80 % des prêts- concernent majoritairement les pays anglophones.

Ainsi, 66 % des engagements ont concerné des pays anglophones, 33 % des pays francophones et 1 % des pays lusophones.

La répartition des engagements de l'AFD en Afrique subsaharienne
par instrument et par type de pays en 2010 (en M€)

Subventions

Prêts

Garanties

Total

En %

14 pays pauvres prioritaires

156

211

66

433

24 %

PMA non prioritaires

33

151

17

201

11 %

Pays à faible revenu

0

419

17

436

25 %

Pays à revenu intermédiaire

14

426

42

482

27 %

Multi-pays

102

100

8

209

12 %

Total

321

1 306

150

1 778

100 %

La tendance ces dernières années a été, en outre, marquée par une diminution des subventions à ces pays comme l'illustre ce tableau issu du DPT pour 2013.

Pays pauvres prioritaires

2006

2007

2008

2009

2010

Subventions

271

246

243

205

199

Reste, l'aide multilatérale et les prêts. Votre commission a bien noté qu'en janvier 2010, le ministre des finances a assoupli la politique de prêt, l'AFD étant désormais autorisée à octroyer des prêts aux pays pauvres prioritaires dont le risque de surendettement est jugé modéré et qui sont sous programme FMI.

Cette mesure devrait permettre la poursuite de la hausse des engagements de l'AFD en Afrique subsaharienne, pour atteindre 3,2 milliards d'euros en 2013, en lien avec les engagements pris par le Président de la République d'y consacrer 10 milliards de financements sur 2008-2012.

Evolution prévisionnelle des engagements de l'AFD
en Afrique subsaharienne

Les objectifs d'accroissement des engagements sous forme de prêts en Afrique conduiront l'AFD à accroître ses engagements là où l'opinion publique, et dans une moindre mesure les pouvoirs publics, l'attendent moins, c'est-à-dire dans l'Afrique non francophone, plutôt plus riche, dans des secteurs souvent intrinsèquement rentables, à travers des prêts de moins en moins concessionnels.

L'assouplissement de la politique de prêts devrait cependant permettre de promouvoir la croissance prioritaire de la coopération française.

Pour des pays qui sortent d'un processus de désendettement ou des secteurs rentables, comme l'électricité ou, à un degré moindre, l'eau, un recours accru aux prêts constitue un moyen de financement des investissements. Compte tenu des besoins de financement de l'Afrique subsaharienne en matière d'infrastructures, ces investissements ne pourront pas se faire sans un recours massif aux prêts.

Mais à l'exception du Ghana pour lequel la plupart des engagements sont opérés sous forme de prêts, les autres pays pauvres prioritaires de la coopération française sortent d'un processus de désendettement et sont inéligibles aux prêts, conduisant à réorienter l'aide française, accordée sous forme de prêts, vers des pays africains « non prioritaires », comme l'Afrique du sud ou le Kenya.

Si l'AFD a réussi à concentrer 60 % de l'effort financier de l'AFD en Afrique subsaharienne en 2010, les pays pauvres prioritaires n'en concentrent que 25 %.

Il faut toutefois veiller à ce que le niveau des objectifs d'octroi ne conduise pas à une nouvelle crise de surendettement. De ce point de vue l'assouplissement de la politique française de prêts constitue un risque supplémentaire et devra faire l'objet d'une évaluation régulière.

3. La montée en puissance des prêts aura, à terme, des conséquences paradoxales sur le montant de l'aide au développement déclarée de la France

Comme il a été indiqué lors de la présentation de l'APD déclarée de la France dans les années passées, la montée en puissance des prêts dans les années 90 et 2000 aura pour conséquence, dans les prochaines années, une croissance importante des remboursements qui viendront en déduction de l'aide déclarée.

C'est déjà le cas, par exemple, pour les prêts de la Réserve pays émergents du programme 851, qui sont déclarés au titre de l'APD. Actuellement, les remboursements en capital au titre du programme 851 sont supérieurs aux déboursements au titre des prêts de la Réserve pays émergents, comme le souligne le document de politique transversale.

Impact APD et budgétaire des prêts de la Réserve pays émergents
(en millions d'euros)

Programme

LFI 2011
solde budgétaire

Estimation APD 2011

PLF 2012
solde budgétaire

Estimation
APD 2012

851 - Prêts à des Etats étrangers, de la réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure

76

-66

21

-103

dont versements

350

dont versements

390

dont remboursements

-416

dont remboursements

-421 (1)

dont remboursements par refinancements

-3

Source : DG Trésor (septembre 2011)

Au moment même où la communauté internationale se donnera rendez-vous pour apprécier la capacité de chaque pays à atteindre l'objectif de 0,7 % en 2015, la France risque de voir le montant de son APD déclarée largement amputé par le montant croissant des remboursements.

En outre, compte tenu du niveau de concessionalité des prêts consentis par l'AFD, une partie d'entre eux, proches des conditions du marché, risque de ne plus être à terme comptabilisés au titre de l'APD.

Remboursements de prêts en M€

2012

2013

2014

2015

2016

AFD

424

489

560

714

808

RPE

404

380

359

329

309

FMI

41

40

93

174

nd

Total

870

909

1 012

1 218

1 117

II. L'AFD : UN OPÉRATEUR BILATÉRAL À LA CROISÉE DES CHEMINS.

L'Agence française de développement (AFD) est l'opérateur-pivot en charge de la mise en oeuvre de la politique française de coopération et de développement, dans le cadre des orientations définies par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID).

À ce titre, elle met en oeuvre, pour son compte propre ou pour le compte de l'État, des projets et des programmes de développement dans les États étrangers. Elle a également pour mission de contribuer au financement du développement dans les départements d'outre-mer, les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie.

Si l'AFD joue un rôle central dans la politique de coopération française, les ressources budgétaires octroyées à l'agence sont éclatées en de très nombreux programmes et lignes budgétaires comme l'illustre le tableau ci-après.

Certaines de ses ressources sont issues de la mission aide au développement. Les bonifications de prêts relèvent ainsi du programme 110 tandis que les subventions destinées à des projets de coopération sont financées par le programme 209. D'autres ressources budgétaires sont issues de programmes extérieurs à la mission « aide au développement », comme les crédits du programme 853 et ceux du programme 123 destinés aux conditions de vie outre-mer.

On notera pour 2013 une légère croissance des ressources de l'AFD qui passent, en crédits de paiement, de 1,1 milliard d'euros, dans la loi de finances initiale pour 2012, à 1,3 milliard d'euros dans le projet de loi de finances pour 2013.

Cette augmentation s'explique en grande partie par une évolution favorable des prêts consentis par l'État à l'AFD à des conditions avantageuses recensées par le programme 853, ainsi que par une stabilisation de la croissance des crédits de bonification de prêts du programme 110.

On note un maintien de l'aide-projet bilatérale sur don, avec une évolution de la structure : l'aide projet sur dons de l'AFD est stable (170 M€), l'aide aux ONG augmente conformément aux engagements du Président de la République (54 M€, +20 %, soit +9 M€), les C2D baissent (103 M€, -21 %).

Le volume des bonifications est stable (242 M€) tandis que le volume de la RCS est en augmentation (447 M€, +8 %).

En revanche, les dons projets mis en oeuvre par l'AFD dans les pays étrangers qui ressortent du programme 209 sont encore en diminution 46 ( * ) par rapport à 2009.

L'évolution depuis 2009 des crédits destinés à l'aide-projet notifiés à l'AFD

2009

2010

2011

2012

PLF 2013

AE

228

178

205

216

217

CP

278

196

314

205

212

(Montants en millions d'Euros)

Source PLF 2013

Le caractère central des interventions de l'AFD conduit vos rapporteurs à y consacrer un développement spécifique dans le prolongement des travaux de la commission sur le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD 47 ( * ) .

A. ETABLISSEMENT BANCAIRE ET AGENCE DE DÉVELOPPEMENT, L'AFD, OPÉRATEUR AUX MULTIPLES FACETTES, MET EN OEUVRE L'ESSENTIEL DES CRÉDITS DE LA COOPÉRATION FRANÇAISE BILATÉRALE

1. L'essentiel des crédits bilatéraux des programmes 110 et 209 qui transite par l'AFD

L'AFD ne représente que 31 % de l'aide au développement déclarée de la France à l'OCDE en 2011 contre 8 % seulement en 2005. Ce chiffre peut paraître surprenant de la part de l'opérateur pivot de la coopération française, mais il s'explique cependant par l'importance, dans l'APD française, des dépenses qui ne relèvent pas de l'AFD, comme les écolages, la prise en charge des réfugiés ou les annulations de dette.

Ce chiffre illustre néanmoins le relatif éclatement du dispositif français de coopération par comparaison avec le dispositif britannique, le DIFID, qui représente 87 % de l'APD britannique.

Il reste que, si l'on considère l'aide publique au développement programmable, c'est-à-dire celle qui fait l'objet de véritables arbitrages géographiques et sectoriels pour financer des projets concrets d'aide au développement, alors force est de constater que l'AFD gère 59 % de l'aide publique programmable française en 2011.

Ce chiffre était de 23 % en 2005, c'est dire combien la réforme de la coopération française entamée en 1998 a renforcé le rôle de l'AFD.

L'AFD représente 70 % de l'effort financier total de l'APD de la France.

L'AFD est donc naturellement considérée aujourd'hui comme l'opérateur pivot de la coopération française.

Evolution de l'aide publique au développement (APD) bilatérale nette
générée par l'Agence française de développement (AFD).

en millions €

APD nette bilatérale de l'AFD (2005-2011)

2007

2008

2009

2010

2011

Prêts souverains

314

506

652

1187

1478

Prêts non souverains

222

274

688

236

598

Subventions

197

248

321

373

264

C2D

28

24

124

121

148

PAS/SAS (y compris ABG)

-19

143

-85

-7

20

Autres (frais administratifs, CEFEB)

158

171

229

242

246

Total bilatéral net AFD

900

1366

1929

2152

2754

Aide publique programmable (APP) France

2 626

2 982

2 995

3 651

XXX

Part APD bilatérale AFD / APP France

34%

46%

64%

59%

XXX

2. La France a choisi de confier la mise en oeuvre de sa coopération à un établissement bancaire

Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) dont le capital est entièrement détenu par l'État français, l'AFD est placée sous la cotutelle du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (MINEFI), du ministère des affaires étrangères (MAE), et du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration (MIOMCTI).

Pour comprendre l'utilisation faite par l'AFD de ces dotations budgétaires, il faut avoir dans l'esprit le caractère très polyvalent de cette institution qui, contrairement à ce que son nom indique, n'est pas une agence de développement, mais avant tout une banque de développement.

a) Une banque de développement

En tant qu'institution financière spécialisée (IFS), l'AFD est soumise aux dispositions du code monétaire et financier applicable aux établissements de crédit. Son double statut apporte des garanties très appréciables en termes d'utilisation de la ressource publique et de gestion des risques, dans la mesure où l'Agence est soumise aux contrôles et procédures propres au statut bancaire.

En dépit de son nom, l'AFD est, tant au regard de son statut que de son résultat comptable, avant tout, une banque spécialisée dans le financement de projets de développement. A ce titre, l'AFD poursuit les objectifs d'une institution financière. Grâce à des ressources empruntées sur les marchés internationaux, notamment sous forme d'emprunts obligataires, elle finance des projets à des taux d'intérêt bonifiés ou non, ou parfois proches du marché, au prix de l'application d'une marge bancaire qui lui assure des ressources régulières. Les prêts représentent en 2011, plus de 90 % de son activité dans les pays étrangers.

Établissement bancaire, l'AFD ne reçoit aucune subvention de fonctionnement de la part de l'Etat.

La marge bancaire produite par l'AFD est la contrepartie des financements octroyés, mais également de l'ingénierie et de l'expertise fournies par l'AFD. Dans cette activité, l'AFD doit évidemment veiller à limiter les risques encourus, en sélectionnant des clients solvables, Etats, collectivités territoriales ou entreprises publiques, et en répartissant les risques sur un périmètre le plus large possible.

Entre 2005 et 2010, l'activité non souveraine de l'AFD a connu une très forte progression. Pendant cette période, sa part relative dans les montants totaux autorisés par l'AFD dans les pays étrangers est passée de 27 % à 38 %. Cette diversification des bénéficiaires des concours de l'Agence a été principalement tirée par le financement de contreparties publiques : entreprises publiques, collectivités et institutions financières publiques.

b) Une agence de coopération

L'agence est, ensuite, une agence de coopération, qui est devenue, ces dernières années, le principal opérateur de la politique française de solidarité avec les pays les plus pauvres. À ce titre, elle octroie avec les crédits en subvention du ministère de la coopération ou avec les bonifications d'intérêt du ministère des finances, soit des subventions, soit des prêts bonifiés à des projets ou programmes de coopération qui correspondent aux objectifs définis par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). Elle accompagne également des projets de coopération pilotés par des ONG ou des collectivités territoriales.

Elle constitue, à ce titre, une forme de démembrement des services de l'Etat. Elle a récupéré parfois des personnels, souvent les compétences et les attributions de l'ancien ministère de la coopération de la rue Monsieur.

Dans cette perspective, l'AFD intervient dans les 17 pays prioritaires de la politique de coopération française, parfois sous forme de prêts fortement concessionnels, mais surtout avec des subventions ou de l'assistance technique, en particulier dans les secteurs non rentables comme l'éducation ou la santé et, plus généralement, dans l'ensemble des secteurs visés par les objectifs millénaires du développement, à l'exception de la gouvernance, de l'enseignement supérieur et de la coopération culturelle qui demeurent des prérogatives de la direction générale de la mondialisation au Quai d'Orsay (DGM).

La part relative des subventions dans les engagements du groupe a eu cependant tendance à diminuer pour atteindre un niveau historique de 5 % en 2011.

Que cela soit sous le mandat de banque de développement ou d'agence de coopération, l'AFD a désormais la seule compétence opérationnelle au sein de l'aide bilatérale française dans les secteurs de l'agriculture et du développement durable, de la santé, de l'éducation de base et de la formation professionnelle, de l'environnement, du secteur privé, des infrastructures et du développement urbain.

c) Un outil d'influence

L'agence est également, pour les ministères des affaires étrangères et des finances, l'outil d'une politique d'influence qui permet, d'une part, d'alimenter des relations bilatérales avec des pays qui correspondent aux priorités diplomatiques et géostratégiques de la France et, d'autre part, d'asseoir la crédibilité de la vision française de la mondialisation, du développement et de la lutte contre le réchauffement climatique.

De fait, au-delà de la problématique du développement, l'AFD s'est affirmée comme un véritable outil de présence et d'influence, au service des intérêts français, au-delà de leurs zones traditionnelles. Sa présence en Chine, alors même que les relations diplomatiques étaient perturbées par la question du Tibet, en a fait, dans ce pays, un outil de dialogue et de promotion des intérêts français. Son investissement au Mexique, en amont du sommet de Cancun sur le réchauffement climatique, a contribué à attester la légitimité des positions françaises dans ce domaine.

L'AFD entretient ainsi des liens étroits avec de nombreuses institutions nationales et multilatérales, qui amplifient sa visibilité et ses possibilités d'action en partenariat.

L'agence a, en outre, acquis une place dans les débats internationaux sur le développement grâce à ses travaux d'analyse et sa politique active de communication.

Parallèlement, l'agence offre à l'Etat la possibilité d'effectuer des interventions ponctuelles, dans tel pays ou sur tel dossier, justifiées par des considérations politiques et d'opportunité.

Ainsi l'AFD a-t-elle débloqué en 2011 un prêt de 350 millions d'euros en faveur de la Côté d'Ivoire afin de favoriser le retour à un fonctionnement normal des pouvoirs publics dans un pays marqué par de longs mois de crise.

Enfin, en engageant des coopérations techniques, l'action de l'AFD est également susceptible d'ouvrir des perspectives aux entreprises françaises dans ses géographies d'intervention par la mise en valeur de l'expertise française. Bien que ses concours soient totalement déliés, la présence de l'agence contribue à susciter de l'empathie pour le savoir-faire français.

Dans cette activité, l'AFD est toujours une agence de coopération, mais plus forcément une agence de développement. En effet, selon le niveau de développement des pays d'intervention, il s'agit de soutenir le développement au sens traditionnel du terme ou de promouvoir des projets d'intérêts communs.

d) Une source de dépenses et de recettes pour l'Etat

Bien qu'entreprise de solidarité internationale, l'AFD est également une entreprise rentable, qui a dégagé ces dernières années un résultat net de près de 200 millions d'euros dont 100 % a été prélevé par l'Etat et partiellement redistribué au sein du budget de la coopération 48 ( * ) .

Ces recettes doivent être mises en regard des ressources de l'AFD en provenance de l'Etat.

L'AFD reçoit, pour bonifier ses activités de prêts, en moyenne, 400 millions d'euros de crédits de paiement par an sous forme de crédits de bonification ou de prêts à conditions spéciales. Elle gère, par ailleurs, pour le compte de l'Etat, un peu moins de 400 millions des crédits de subventions pour lesquels elle reçoit, en outre, une rémunération de l'ordre de 25 millions d'euros, qui ne couvrent pas entièrement les frais d'instruction et de suivi des projets correspondants dont la gestion a été progressivement transférée de l'Etat à l'AFD.

A ces financements croisés s'ajoutent les prestations de l'AFD pour l'Etat en matière de conseil, de communication et de partenariat que l'AFD finance sur ses fonds propres.

Ces différentes dimensions de l'AFD coexistent en même temps et parfois dans un même et seul projet.

Dans le cadre d'une politique dite de partenariats différenciés, l'AFD est conduite dans certaines zones géographiques à privilégier une dimension de son activité par rapport aux autres. Ainsi, l'AFD est, dans les pays émergents, avant tout un établissement financier, une agence de coopération et un outil de promotion des intérêts français, la dimension d'agence de développement étant très largement absente.

Les différentes tutelles de l'AFD ont à l'esprit chacune de ces facettes, même si, naturellement, la direction du Trésor du ministère des finances est plus sensible à l'aspect bancaire, la direction du budget à l'aspect budgétaire, la direction générale de la mondialisation du ministère des affaires étrangères à l'aspect solidarité et les autres directions du Quai d'Orsay aux aspects diplomatiques et géostratégiques.

3. Un modèle politique et économique singulier fondé sur une péréquation entre les différentes activités

Comme l'a observé la Cour des comptes : « La France est pratiquement le seul bailleur important qui ait pour principal instrument une institution financière soumise au régime des établissements de crédit ».

Chez nos principaux partenaires, les agences de développement sont, dans la plupart des cas, des administrations centrales ou des établissements publics administratifs placés directement sous l'autorité du ministère des affaires étrangères et/ou de la coopération et dotés de crédits budgétaires.

Ce positionnement singulier associant plusieurs métiers, qui vont de l'activité bancaire à l'agence de dons, en passant par le bureau d'étude et d'assistance technique, la promotion des intérêts économiques ou diplomatiques français, constitue indéniablement un avantage stratégique important de l'AFD.

Cette configuration lui permet, selon les contextes, de « jouer sur plusieurs tableaux » et d'avoir une grande souplesse dans les solutions apportées aux demandes de nos partenaires du Sud auxquels l'AFD peut offrir une palette d'instruments et de solutions très vaste.

Elle induit également un modèle économique original par lequel des activités rentables de crédits et de production financière viennent en partie financer des activités déficitaires de gestions de subventions, de production intellectuelle, de conseils, de partenariats et de communication. Cette péréquation entre métiers correspond de plus en plus à une péréquation entre zones géographiques, dans la mesure où la marge bancaire de l'AFD est produite dans les zones les plus prospères alors que les activités déficitaires de gestions de subventions se situent dans les zones les moins pourvues.

Cette capacité à gérer ensemble ces différentes activités constitue un avantage comparatif de l'AFD par rapport à ses homologues, mais également une source de difficultés pour la définition et la communication d'une stratégie.

Ces différentes « casquettes » qui font de l'AFD non seulement l'opérateur pivot de la coopération mais également son « couteau suisse » sont régulièrement une source d'incompréhension, voire de critiques. L'AFD est ainsi très régulièrement jugée sur les 400 millions de subventions qu'elle octroie, sans que soient pris en compte les 6 ou 7 milliards d'engagements qu'elle effectue essentiellement sous forme de prêts.

Le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD illustre ce biais puisque sur neuf indicateurs de performance portant sur la concentration des activités de l'AFD, six concernent les quelque 400 millions de subventions, projets et aides budgétaires globales et trois seulement portent sur l'effort financier global participant aux 6 ou 7 milliards d'engagements.

Aide publique nette bilatérale de l'Agence

Source : Agence française de développement .

Il est ainsi fréquent que le public, les ONG et les parlementaires s'adressent à l'AFD comme à une agence de coopération pour découvrir ensuite qu'il s'agit aussi, voire d'abord, d'un établissement bancaire.

Ainsi, la difficulté culturelle, pour les agents de l'AFD, à présenter la façon dont cet établissement gagne de l'argent, comme l'atteste son résultat comptable, contribue à des glissements sémantiques dans lesquels des opérations économiquement rentables sont présentées comme des actions plus ou moins désintéressées.

La difficulté à admettre une forme de rentabilité, dont l'AFD est par ailleurs fière, conduit, par exemple, à ce qu'il faille comprendre, sous le vocable « opérations de pure influence », les opérations financièrement les plus rentables et comportant un fort retour pour les entreprises françaises.

B. LE CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE MOYENS COMME LE NOUVEAU PLAN D'ORIENTATION STRATÉGIQUE QUI EN DÉCOULE CONFIRMENT LA STRATÉGIE MONDIALE DE L'AFD

Le 7 juillet 2011, l'AFD a adopté un nouveau contrat d'objectifs et de moyens conclu avec l'État. Ce nouveau contrat définit les relations entre l'Etat et l'AFD, les priorités et les moyens de l'AFD pour le triennum 2010-2013.

Ce contrat a été décliné en un Plan d'Orientation Stratégique (POS 3) adopté le 9 octobre dernier par son conseil d'orientation.

1. Un Plan d'Orientation Stratégique qui vient à un moment d'incertitude entre la poursuite de la croissance et la consolidation des acquis

Soumise, jusqu'en 2008, à deux contrats d'objectifs et de moyens (COM) distincts, signés séparément avec ses deux principaux ministères de tutelle, l'AFD ne bénéficiait pas du contrat unique avec l'Etat dont le principe avait été arrêté par le Premier ministre en 2009.

Ce contrat, adopté le 7 juillet 2011, vient mettre fin à cette situation et a vocation à répondre aux différentes interrogations suscitées par la très forte évolution de l'activité de l'AFD depuis 2005.

Vos rapporteurs ne reviennent pas sur le contenu de ce contrat qui a fait l'objet d'une large analyse par la commission en mai dernier. En effet, conformément aux dispositions de la loi sur l'action extérieure de l'État, ce contrat a fait l'objet d'un avis de la part de la commission dont les préconisations ont, à l'issue d'un débat très constructif, été dans l'ensemble retenues.

Le Contrat d'objectifs et de moyens qui lie l'Etat et l'AFD précise le contenu du cadre stratégique établi par le document-cadre dans les Etats étrangers en définissant les objectifs concrets de l'activité de l'AFD au regard des moyens qui lui sont alloués. Vingt-trois indicateurs, complétés par trois indicateurs spécifiques reprenant des engagements présidentiels ou gouvernementaux de la France, sont ainsi fixés à l'Agence venant dessiner le cadre de priorités chiffrées qui structurera l'activité de l'AFD pour la période 2011-2013.

Dans les Etats étrangers, le document précise les quatre partenariats différenciés définis dans le document-cadre et indique, pour chacune de ces géographies, les cibles de concentration de l'effort financier dont la mise en oeuvre est confiée à l'AFD : au moins 60 % pour l'Afrique subsaharienne, 20 % pour les pays du pourtour méditerranéen et au maximum 10 % pour les pays émergents. Dans la continuité des décisions prises par le CICID de juin 2009, le COM réaffirme la priorité accordée aux pays pauvres prioritaires d'Afrique subsaharienne qui doivent, à l'horizon 2013, représenter plus de 50 % de l'activité en dons et plus de 80 % des subventions allouées par le ministère des affaires étrangères. Le document souligne également la nécessité d'une action ciblée en faveur des pays sahéliens. La cible, pour les pays en crise ou en sortie de crise, est, pour sa part, fixée à 10 % de l'activité en dons.

Sur le plan sectoriel, l'objectif principal est l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) : éducation de base et formation professionnelle, mais aussi -en cohérence avec les différents engagements pris par la France au niveau international- agriculture et sécurité alimentaire ou encore santé maternelle et infantile. Enfin, le COM s'inscrit dans la perspective initiée par l'initiative du Cap sur la croissance et l'emploi en Afrique subsaharienne et fixe des objectifs ambitieux de soutien aux PME-PMI africaines.

Enfin, en cohérence avec le souci d'optimisation de la gestion des organismes publics, le COM fixe un ensemble d'objectifs portant sur la performance de l'AFD. Il s'agit de valoriser l'expertise française via la production de connaissances de l'Agence, renforcer la qualité et l'évaluation des projets, optimiser le cycle du projet, en lien notamment avec les engagements de la France en matière d'efficacité de l'aide, ou encore améliorer la rentabilité de l'AFD.

2. Des évaluations qui confortent le rôle de l'AFD comme opérateur pivot de la coopération française

Tant le rapport de la Cour des comptes que le bilan évaluatif confortent le positionnement central de l'AFD.

La Cour des comptes dans un avis particulier sur la gestion de l'AFD souligne la bonne gestion de l'Agence dans des termes relativement élogieux.

« L'évolution des coûts de l'AFD apparaît avoir été particulièrement bien maîtrisée dans un contexte de forte croissance de l'activité, en lien avec une augmentation importante de la productivité de l'Agence. La structure des coûts de l'AFD se caractérise néanmoins par une proportion très significative (60 %) de coûts liés à ses activités non bancaires (dons-projets, production intellectuelle, prestations pour le compte de l'Etat), qui grèvent sa rentabilité et limitent les capacités de développement de ses activités bancaires.

Le dispositif de gestion des risques de l'Agence apparaît globalement très satisfaisant. Des améliorations paraissent néanmoins pouvoir être apportées dans le domaine de la gestion du risque de taux, ainsi que dans celui du contrôle des risques de marché, dont l'importance s'est sensiblement accrue ces dernières années en lien avec la forte croissance de l'activité.

Au plan prudentiel, la principale problématique réside dans la dégradation rapide du ratio de fonds propres de l'Agence, qui est amenée à se poursuivre dans les prochaines années, et dont la conséquence immédiate pourrait être l'incapacité de l'Agence à respecter le ratio réglementaire des grands risques dès l'année 2011.

De manière plus générale, les relations avec la tutelle apparaissent perfectibles. En effet, très présente dans la gestion opérationnelle de l'Agence, elle semble à l'inverse tarder à prendre position sur les problématiques de long terme susceptibles d'affecter les grands équilibres financiers de l'Agence. Certains sujets déjà soulevés par un précédent audit (RGPP), tels le provisionnement du risque souverain ou les modalités de suivi de l'exécution budgétaire des crédits, auraient ainsi mérité d'être traités plus rapidement. D'autres, comme la problématique relative aux fonds propres, la justification de la concessionnalité, ou encore le modèle financier de l'AFD, auraient pu faire l'objet de travaux plus approfondis et d'une doctrine plus explicite.

Pendant la période sous revue, la gestion des ressources humaines s'est révélée d'un bon niveau. Les diligences nécessaires à la croissance forte qu'a connue l'Agence ont été mises en oeuvre avec détermination permettant de faire évoluer l'effectif en quantité et qualité.

Parallèlement, en dépit d'efforts visant à réduire la partie fixe des frais de fonctionnement, les charges de personnel ont fortement augmenté. L'accroissement semble justifié. ».

Les travaux du bilan évaluatif soulignent quant à eux que « L'AFD est un facteur d'efficacité et de visibilité de l'aide française aligné avec les priorités du DCCD ».

Les deux rapports préconisent la poursuite des transferts en faveur de l'AFD dont la gestion opérationnelle apparaît comme un gage de professionnalisme.

3. Un plan d'orientation stratégique qui a accentué l'importance du développement durable dans la stratégie de l'AFD

Le POS 3 souligne que : « Opérateur principal de la France pour le développement, l'AFD l'est aussi devenue pour la coopération internationale en matière d'environnement et de lutte contre le réchauffement climatique. Ce troisième projet d'orientation stratégique (POS 3) affirme ce positionnement à la croisée de défis déterminants pour nos partenaires en développement. Il fait de l'AFD l'un des principaux vecteurs d'influence de la France dans le monde pour le développement durable. ».

Certes, cela fait plusieurs années que l'Agence inscrit ses projets dans le développement durable ; les mandats dans les pays asiatiques et latino-américains sont notamment strictement limités à des projets de croissance verte et solidaire. Cela fait plusieurs années que l'Agence finance des prêts de lutte contre le réchauffement climatique, évalue les effets environnementaux de ses projets, et notamment l'empreinte carbone, ou accorde des lignes de refinancement à des banques locales pour accompagner la transition énergétique et environnementale des entreprises.

Mais, avec ce POS, le développement durable devient l'axe central de l'action de l'AFD.

Ainsi il est prévu que l' « Objectif n°1 » de l'AFD est de : «  faire de l'objectif de développement durable la référence commune de l'ensemble des activités opérationnelles de l'AFD. »

Dés lors l'AFD « renforcera son engagement en matière de développement durable dans ses activités opérationnelles par une prise en compte renforcée des enjeux économiques, sociaux et environnementaux de ses partenaires, dans le respect des demandes et des capacités de ceux-ci. Cette approche transversale se déclinera en particulier par  :

- l'inclusion systématique des enjeux de développement durable dans tous les cadres stratégiques;

- le renforcement de l'analyse de ces enjeux, notamment par la prise en compte des impacts extra financiers et des perspectives de long terme, lors de l'instruction et du suivi des projets et par le développement d'outils de mesure nécessaires à ces analyses ; au terme de cette démarche, les documents de projet devront explicitement mentionner un « second avis développement durable » relatifs aux effets attendus en termes de développement durable. Aux différents stades de l'instruction des projets, la conformité des projets aux objectifs de l'AFD en matière de développement durable sera vérifiée par une structure distincte de la Direction des opérations ;

- l'appui à l'émergence d'un consortium d'institutions ayant vocation à concevoir et mettre en oeuvre un audit externe de la qualité de la démarche de développement durable des agences de développement ;

- l'apport de son expertise de terrain et de ses réseaux de partenaires pour l'élaboration des positions françaises et européennes sur l'après 2015, notamment la suite des OMD, la définition des objectifs de développement durable et les réflexions internationales sur le financement de la lutte contre le changement climatique et du développement durable. »

En outre, il est indiqué que « L'AFD développera ses capacités d'analyse et de contrôle pour assurer pleinement la prise en compte des enjeux de développement durable dans ses opérations. La structuration des diligences de responsabilité sociale et environnementale (RSE) sera renforcée dans l'instruction des projets et dans les présentations aux instances de gouvernance, pour en faire un critère de décision. La qualité des méthodes et des opérations de l'Agence, en matière de développement durable, fondera sa contribution à la définition d'ODD pragmatiques et ambitieux, adaptés à la diversité des pays en développement ».

Au-delà de la pétition de principe, la mise en place d'un « second avis développement durable », et l'examen de chacun des projets, à chacune de ses étapes, sur chacun de ses impacts environnementaux constitue une évolution significative du fonctionnement de l'AFD dont il faudra prendre la mesure.

C. LA POURSUITE DE LA CROISSANCE DES ACTIVITÉS DE L'AFD DOIT ÊTRE ENCADRÉE

L'AFD a connu ces dernières années une transformation profonde et rapide, tant par la très forte croissance de ses activités que par l'extension de son champ géographique et de ses secteurs d'intervention, la diversification de ses contreparties et de son offre de produits financiers.

L'activité de l'AFD et de sa filiale PROPARCO, caractérisée par les autorisations de financement, a été multipliée par plus de 3,5, de 1,9 milliard d'euros en 2004 à plus de 6,8 milliards d'euros en 2010.

En 2011, le total des autorisations du Groupe atteignait près de 7 milliards d'euros, soit un résultat légèrement supérieur à 2010 avec une croissance de l'activité de 2 %.

L'année 2012 sera une année de consolidation avec un objectif de 7,5 milliards d'euros d'autorisations d'engagement pour le Groupe dont 6,2 milliards d'euros dans les Etats étrangers et 1,3 milliard d'euros dans l'Outre-mer. Cet objectif est cohérent avec les ressources budgétaires allouées à l'AFD dans le cadre du COM et avec les crédits ouverts à cet effet dans la loi de finances 2012.

Au cours des dernières années, le champ d'intervention de l'AFD s'est progressivement étendu. Le CICID du 12 décembre 2002 a autorisé l'AFD à intervenir dans six nouveaux pays de la Méditerranée (Égypte, Jordanie, Syrie, Turquie) et de l'Asie du Sud-Est (Thaïlande, Chine). Le CICID de juin 2006 a ensuite procédé à une nouvelle extension de ce champ à l'ensemble des pays africains (sauf la Libye), uniquement pour les activités de prêts. Ce même CICID a, par ailleurs, autorisé l'AFD « à intervenir en Inde et au Brésil et à poursuivre ses interventions en Indonésie et au Pakistan (mandat dit « pays émergents »), par des crédits non concessionnels ou très faiblement concessionnels, sur des projets contribuant à une meilleure gestion des biens publics mondiaux (lutte contre le changement climatique, préservation de la biodiversité, lutte contre les maladies émergentes et transmissibles) et offrant un haut niveau de visibilité et d'influence à notre pays ».

Enfin, le CICID du 5 juin 2009 a autorisé l'AFD à étudier la possibilité d'intervenir dans une dizaine de nouveaux pays d'Asie et d'Amérique Latine (Mexique, Colombie, Bangladesh, Malaisie, Philippines, Sri Lanka, Kazakhstan, Ouzbékistan et Mongolie), pour des interventions ciblées sur un mandat de « croissance verte et solidaire », c'est-à-dire dans des secteurs contribuant à la lutte contre le réchauffement climatique (énergies renouvelables, efficacité énergétique, etc.) et comportant des enjeux sociaux (amélioration de l'accès aux services publics, renforcement des collectivités locales, etc.).

L'AFD a également été autorisée en mars 2012, à mener une mission de prospection en Birmanie au titre d'un mandat « pays fragile ou en sortie de crise » pour une durée de 4 ans.

Ce développement rapide de l'AFD a mis sous tension les différentes facettes de l'AFD dont les activités sont tiraillées entre celles d'une banque de développement soucieuse de rentabilité et d'autonomie, celles d'une agence de coopération à laquelle il est demandé une plus grande concentration de ses opérations sur les priorités africaines et celles d'un outil d'influence de la diplomatie qui la conduit loin de son métier et de sa géographie d'origine.

Ainsi, si certains interlocuteurs de vos rapporteurs affirment que les objectifs fixés par les tutelles sont largement complémentaires, d'autres considèrent qu'ils n'échappent pas à la contradiction. Ainsi il est demandé à l'AFD de contribuer toujours plus à l'APD déclarée de la France, avec un effort budgétaire qui, au mieux, stagne ou de s'inscrire dans une programmation stratégique de long terme tout en lui demandant toujours plus de réactivité par rapport aux priorités géostratégiques du moment telles que la Tunisie, la Côte d'Ivoire ou l'Afghanistan.

L'adoption du COM, puis du plan d'orientation stratégique, a permis de répondre à un certain nombre de ces interrogations et inquiétudes en définissant une stratégie et en donnant du sens aux évolutions actuelles de l'agence.

Pour vos rapporteurs, trois séries d'interrogations n'ont cependant pas reçu de réponse satisfaisante : la première concerne les moyens budgétaires mis à disposition de l'agence pour intervenir dans les zones prioritaires de la coopération française ; la deuxième concerne le sens et les limites de la diversification géographique de l'agence ; la troisième concerne le modèle économique de l'agence et son caractère non lucratif.

1. L'agence ne doit pas sacrifier son coeur de métier
a) L'agence ne dispose pas des moyens budgétaires nécessaires pour intervenir de façon significative dans les pays prioritaires de la coopération française

La diversification géographique et sectorielle de l'AFD s'est déroulée, en même temps qu'une diminution des moyens d'intervention, sous forme de dons à destination de l'Afrique subsaharienne issus du programme 209 du budget de l'aide au développement.

Ces deux évolutions concomitantes suscitent des interrogations sur le sens de la croissance du volume de l'activité de l'AFD par rapport aux priorités de la coopération française.

L'augmentation rapide de l'activité de l'AFD s'est en effet accompagnée d'un recul relatif dans les pays pauvres d'Afrique.

Certes la part de l'Afrique subsaharienne dans les activités de l'AFD est remontée en 2011. La part de l'effort financier de l'Etat consacré à l'Afrique Subsaharienne dans les engagements de l'AFD était passée de 74 % à 60 % de 2006 à 2010. Elle est de 77 % en 2011.

Proportion de l'effort financier de l'Etat utilisé par l'AFD
en Afrique Subsaharienne

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Afrique subsaharienne

74%

63%

54%

57%

60%

77%

Source : AFD

Mais la répartition des interventions entre pays moins avancés et pays plus développés correspond avant tout à la capacité de l'AFD à trouver des contreparties solvables pour des prêts.

Ainsi, les engagements sont répartis à raison de 1/3 dans les PMA et plus de 2/3 pour les pays à revenu intermédiaire.

Les pays émergents d'Asie et de la Méditerranée mobilisent cependant des ressources importantes, non seulement en termes d'engagement mais aussi d'effort budgétaire de l'Etat, sous forme de subvention et de bonification de prêt.

Les engagements de l'AFD à destination des pays méditerranéens ont triplé et l'effort budgétaire qui leur est alloué a presque doublé. Les engagements à destination de l'Asie et du Pacifique sont multipliés par deux pour un effort budgétaire qui reste constant.

L'ensemble des documents stratégiques de la coopération française définissent l'Afrique subsaharienne et les 14 pays prioritaires comme les priorités absolues de l'AFD.

Or, on constate que les 14 pays pauvres prioritaires d'Afrique subsaharienne ne représentent qu'une partie résiduelle des interventions en Afrique subsaharienne faute de crédits budgétaires sous forme de subventions suffisantes pour intervenir dans ces pays.

Un chiffre illustre la situation paradoxale de l'AFD en 2011 : les 14 pays prioritaires auront représenté 24 % des engagements de l'AFD en Afrique, 25 % de l'effort budgétaire de l'Etat en faveur du développement et 8 % des engagements de l'AFD dans le monde.

Faute d'un niveau suffisant de subvention, la concentration sur l'Afrique subsaharienne se traduit par un renforcement des engagements partout sauf dans l'Afrique francophone.

b) La conjonction des restrictions des frais de fonctionnement et de la diversification géographique risque-t-il de conduire à une diminution des moyens des agences en Afrique subsaharienne ?

Le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD consacré aux moyens prévoit une maîtrise de ses charges de fonctionnement et de personnel qui se trouvent désormais encadrées.

Il prévoit que cette maîtrise repose notamment sur les éléments suivants :

- un plafond d'augmentation annuelle de la rémunération moyenne du personnel en place (RMPP) fixé à 3,33 % en 2011-2013 ;

- une évolution des effectifs (cadres généraux et recrutés locaux) conforme à 1 757 en 2013 ;

- un plafond des frais généraux hors frais de personnel à 82,8 millions d'euros en 2013.

Cet encadrement conduit à réduire sensiblement la progression des frais généraux hors frais de personnel. La cible retenue suppose en effet une croissance d'environ 1 % par an contre des taux de 10 à 20 % les années précédentes. Cette maîtrise des coûts s'est traduite, dès le budget 2011, par des mesures d'économie et une diminution des frais de fonctionnement de 4 %.

Ces mesures d'économie n'empêchent cependant pas l'AFD de poursuivre sa diversification géographique avec le démarrage de ses interventions en Asie centrale (Kazakhstan et Ouzbékistan), au Bangladesh et dans trois pays du Caucase (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan).

Demain, l'AFD pourrait étendre ses activités en Amérique Latine et notamment au Pérou.

La conjonction de cette restriction des coûts de fonctionnement et la poursuite de la diversification géographiques des activités de l'AFD suscitent naturellement des interrogations.

La première concerne le réseau. L'AFD dispose d'un réseau dans une cinquantaine de pays et est dotée d'un personnel qualifié qui lui donne une connaissance du terrain remarquable. Il s'agit d'un atout précieux dont ne disposent pas tous les bailleurs de fonds. Ce réseau contribue en amont à la gestion des risques en assurant la sélection et l'instruction des projets fondées sur une connaissance directe du terrain et des interlocuteurs.

Il convient, en conséquence, de bien mesurer dans le redimensionnement du réseau les coûts et les avantages des implantations de l'AFD.

Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille renoncer à faire évoluer le réseau et à accroître ses effectifs là où le besoin s'en fait sentir, comme en Tunisie et en Égypte, et à les réduire ailleurs.

Les normes de progression des frais de fonctionnement inscrites dans le contrat d'objectifs et de moyens conduisent nécessairement à faire des choix plus sélectifs dans l'évolution des effectifs du réseau. Dans ce contexte, vos rapporteurs s'inquiètent que la possibilité de nouvelles implantations dans de nouveaux pays en Asie centrale ou dans le Caucase ne se traduise par des réductions d'effectifs dans les zones prioritaires de la coopération française.

S'agissant des engagements financiers, il a été souvent répété à vos rapporteurs que les prêts consentis dans les pays émergents n'étaient pas pris sur des sommes qui pourraient bénéficier à des pays d'Afrique subsaharienne. Autrement dit, l'arrêt des interventions de l'AFD dans les pays émergents ne pourrait, de toute façon, pas bénéficier aux 14 pays prioritaires dans la mesure où il s'agissait de prêts non bonifiés.

S'agissant des moyens de fonctionnement de l'AFD, vos rapporteurs sont plus circonspects dans la mesure où les normes d'encadrement des frais de fonctionnement sont définies globalement. Ce qui sera dépensé dans une région du monde ne pourra vraisemblablement pas l'être dans une autre partie du monde.

Les aménagements du réseau ne doivent pas en particulier s'effectuer sur la base de seuls critères de productivité fondés sur le volume des prêts. Cette méthode a tendance à négliger les dons et pousse à l'accroissement du montant unitaire des opérations.

31-déc.-2011

Total cadres opérationnels (SAM + VIE + NSAM opé)

Indice de production 2011

Indice de production par cadre opérationnel

Afrique

154

1742,5

11,3

Amérique Latine

23

726,4

31,6

Méditérannée

45

806,7

17,9

S/total Pays étrangers

283

3724,4

13,2

La répartition des agences en fonction de leur indice de production en millions d'euros par cadres opérationnels est ci-dessus montre qu'elle est trois fois plus élevé en Amérique latine qu'en Afrique. De ce point de vue, Indice de production ne saurait constituer le critère d'allocation unique des moyens du réseau.

L'encadrement des frais de fonctionnement constituera enfin également un sujet de préoccupation si l'Etat poursuit des transferts de compétence vers l'AFD ou étend ses missions sur le terrain.

Vos rapporteurs se doivent de rappeler, à cette occasion, leur opposition, déjà exprimée lors de l'examen du contrat d'objectifs et de moyens, à la fixation d'objectifs de frais de fonctionnement en valeur absolue indépendamment de l'évolution de l'activité. Des ratios d'efficience rapportant les frais généraux aux engagements ou même de marges bancaires auraient été préférables à un encadrement nécessairement arbitraire.

2. L'AFD doit inscrire ses interventions dans les pays émergents et proto-émergents dans un cadre d'interventions stratégiques fondées sur la coopération d'intérêts mutuels

En dehors de la question du réseau des agences de l'AFD, l'extension des activités de l'agence au-delà du périmètre prioritaire de la coopération française continue de susciter des interrogations au sein de la commission des affaires étrangères du Sénat.

Certains considèrent que, pour justifié qu'il soit, le mandat relatif aux biens publics mondiaux conduit à intervenir dans des pays comme la Chine, qui ont des capacités financières qui devraient leur permettre de financer eux-mêmes ce type de projet. À un moment où la Chine vole au secours de l'euro, où sa puissance financière lui permettrait de racheter la dette du Portugal ou de la Grèce, l'idée de la France de poursuivre son aide au développement en Chine suscite la perplexité. Cette perplexité est accrue par le fait que la Chine se trouve être, selon les années, le quatrième ou le sixième bénéficiaire de l'APD française au sens de l'OCDE.

Face à ces interrogations, l'AFD a supprimé toute bonification des prêts consentis à la Chine. Le directeur général de l'AFD a souligné devant la commission que ses interventions ne coûtaient rien aux finances publiques. Il a indiqué que la place de la Chine parmi les bénéficiaires de l'APD française était liée à la comptabilisation des prêts non concessionnels et des écolages.

En définitive, même si son action est comptabilisée au titre de l'aide publique au développement, les engagements financiers de l'AFD en Chine ne correspondent ni à de l'aide, ni à un effort public, ni à du développement au sens traditionnel du terme, mais à une forme de coopération d'intérêt mutuel.

Le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD, adopté le 7 juillet 2011, met en avant un mandat lié à la croissance verte et à la défense des intérêts français : « Conformément aux termes de la lettre de mission de son Directeur général et aux orientations du document-cadre de coopération pour le développement, l'AFD poursuivra le développement de son activité dans les pays émergents, en veillant à limiter ses interventions concessionnelles et en privilégiant les pays représentants des enjeux stratégiques majeurs. Ces instruments viseront à la promotion d'une croissance verte et solidaire en s'efforçant de valoriser l'expertise de la France et les compétences de ses entreprises ».

Le plan d'orientation stratégique de l'AFD poursuit la même idée en indiquant que l'expertise de l'AFD dans les pays émergents « vise une coopération bilatérale avec des experts et des opérateurs techniques français ayant des compétences et des métiers comparables, dans une optique de partage d'expérience. Elle constitue un terrain privilégié pour la mission d'influence française de l'Agence et constitue un élément essentiel de l'attractivité et de la compétitivité de l'offre AFD. ».

Il faut donc comprendre que l'AFD poursuit dans les pays émergents deux objectifs : le premier est la promotion d'une croissance verte et solidaire et le deuxième est la promotion des intérêts français .

S'agissant du premier objectif, dire que l'AFD est en mesure, par ses financements, d'infléchir la trajectoire de croissance d'un pays comme la Chine ou l'Inde vers un développement plus sobre en carbone a semblé, au regard des sommes en jeu, peu vraisemblable.

Il est cependant indéniable que le dialogue avec les pays émergents et les proto-émergents sur les voies et moyens d'un développement plus sobre en carbone, respectueux de normes sociales minimales constitue un enjeu stratégique majeur pour la planète. C'est en outre un investissement diplomatique nécessaire dans la perspective de la définition en commun des objectifs du développement durable qui auront vocation à remplacer les OMD. C'est enfin un enjeu majeur pour nos entreprises à un moment où le déficit commercial de la France s'accroît.

Vos rapporteurs ont souhaité approfondir cette question à travers une mission d'évaluation de l'activité de l'AFD en Inde et en Chine.

Il se dégage de cette mission que l'AFD mène, dans ces pays comme dans d'autres pays émergents, une activité de banque de développement qui devrait être, à terme, rentable et qui, par ailleurs, semble conforme aux intérêts de la France.

Une mission d'étude en Chine conduit à des conclusions identiques. Dans ce pays, le mandat de l'AFD couvre l'ensemble des interventions en faveur d'un développement durable, y compris les secteurs comme l'eau et l'assainissement ou la biodiversité à travers des prêts non-bonifiés.

Une des conclusions des deux missions est que l'accroissement des activités de l'AFD dans les pays émergents poursuit, outre les deux objectifs précités, un objectif financier de diversification des risques et de rentabilité financière.

L'extension du champ d'intervention de l'AFD aux grands pays émergents a un double effet positif en matière de risques : d'une part ces pays sont mieux notés et moins risqués que la plupart des pays africains ; d'autre part, l'Agence diversifie ses risques, qui sont répartis sur un plus grand nombre de contreparties.

Les projets financés permettraient de dégager une marge bancaire bénéficiaire susceptible de financer les frais généraux de l'agence.

S'agissant du premier objectif relatif aux biens publics mondiaux, la capacité de ces financements à influencer la trajectoire de croissance d'un pays comme l'Inde apparaît, en revanche, extrêmement limitée dans la mesure où les interventions de l'AFD représentent au mieux 1/1000 des financements mobilisés par l'Inde pour financer son plan quinquennal relatif aux infrastructures.

En ce qui concerne le deuxième objectif, relatif à la promotion de l'expertise française, vos rapporteurs estiment que la présence de l'AFD dans ces pays présente de nombreux avantages.

Si d'aucuns estiment qu'en allant « faire du chiffre » et promouvoir les intérêts économiques et commerciaux français, l'AFD s'est ainsi dévoyée de sa vocation et participe à une régression vers une aide déliée, vos rapporteurs constatent également que ces interventions nourrissent des relations bilatérales avec des acteurs majeurs de l'économie mondiale et qu'elles contribuent à légitimer le discours des pouvoirs publics dans les négociations internationales sur le climat.

Elles renforcent l'expertise française dans ces pays. Elles peuvent, dans le cadre d'une aide déliée, contribuer aux exportations des entreprises françaises dans la mesure où ces financements concernent des secteurs comme l'eau ou les transports urbains, où des entreprises françaises sont bien implantées.

En Chine cependant, le montant des marchés remportés dans le cadre de projets financés par l'AFD est de l'ordre de 1 % des financements octroyés. Il s'agit d'un résultat très limité. De fait, le marché chinois apparaît très difficile à pénétrer : les entreprises chinoises remportent notamment 99 % des marchés d'aide financés par la Banque mondiale dans ce pays.

Selon l'AFD ceci constitue cependant une première étape de notre présence récente. La concertation renforcée avec les partenaires chinois et au sein du dispositif français pour mettre en valeur l'expertise et l'offre française devrait permettre des résultats plus significatifs en ligne avec les objectifs de la diplomatie économique de la France en Chine.

La part des marchés remportés n'est d'ailleurs qu'un élément partiel de l'impact favorable de nos activités en faveur des intérêts français. Le caractère pilote des opérations mettant en valeur le savoir-faire et les technologies des entreprises françaises et le potentiel de réplication à l'échelle de la Chine, marché très important pour la filière verte française, sont également à prendre en compte. Ceci nécessite d'ailleurs, pour les groupes français, un positionnement sur des secteurs à haute valeur ajoutée et innovants sur lesquels ils seront compétitifs.

Pour vos rapporteurs, la cohérence de ce positionnement repose néanmoins sur la rentabilité de ces interventions et le caractère limité des moyens budgétaires mis en oeuvre .

Cette diversification apparaît légitime si, à terme, le produit de cette activité peut contribuer aux résultats de l'AFD et, ainsi, indirectement au financement de ses activités dans des zones plus prioritaires de la coopération française.

Pour l'instant, votre commission n'a aucune donnée lui permettant de penser que les agences, dans les pays émergents, vont devenir des centres de profits dont les résultats profiteront à l'ensemble de l'établissement et donc aux activités déficitaires dans les pays d'Afrique francophones.

Paradoxalement, la réalité de la rentabilité des opérations dans les pays émergents ainsi que l'intérêt d'une péréquation entre les zones bénéficiaires et les zones déficitaires ne sont pas mis en avant par une institution par ailleurs très réticente à dire qu'elle gagne de l'argent en dépit d'un résultat net positif permanent.

De ce point de vue, la poursuite de la stratégie de l'AFD suscite deux séries d'observations, d'une part, sur le coût État de ses interventions et, d'autre part, sur la rentabilité des projets qu'elle finance dans les pays émergents.

S'agissant du coût État de ces interventions, vos rapporteurs étaient naturellement favorables au plafonnement de la part de l'effort financier de l'Etat consacré au financement concessionnel dans les pays émergents.

Même plafonné à 10 %, cet effort reste conséquent. Il a représenté 77 millions d'euros en 2009, ce qui correspond à la moitié des subventions reçues par 14 pays prioritaires de la coopération française.

C'est pourquoi vos rapporteurs seront particulièrement vigilants sur la progressive disparition des bonifications d'intérêt dans ces zones.

Ils observent, à la suite de leur mission en Inde, que la perspective d'une disparition totale de la concessionalité semble plus éloignée qu'à première vue.

Ils ont constaté, dans l'Inde du moins, que l'AFD exerçait son activité sur un marché où il existait une véritable concurrence entre les banques de développement. Dans le secteur des infrastructures, notamment, les Etats émergents ont la possibilité de choisir, entre les différentes banques de développement, les conditions les meilleures.

Dans ce contexte, la suppression de tout élément de concessionnalité doit être évaluée au regard de la concurrence. En Inde, les interventions de l'AFD offraient des taux d'intérêt moins intéressants que ses concurrents japonais et allemand sur des durées souvent plus longues. Compte tenu de son implantation très récente dans certains pays émergents, il apparaît donc difficile de supprimer à court terme tout élément de bonification.

En outre, le montant de l'effort financier de l'Etat consacré au financement concessionnel dans les pays émergents ne semble pas exorbitant par rapport au montant très élevé des contrats de financement signés par l'AFD.

Le Contrat d'objectifs et de moyens 2011-2013 entre l'AFD et l'Etat, qui a été signé le 23 juin 2011, limite à 10 % l'effort budgétaire de l'Etat qui peut être utilisé dans les pays émergents. Cette limite est respectée. En 2011, ce niveau est même tombé à 2 %.

En 2011, 1,2 milliard d'euros de prêts ont été autorisés dans les pays émergents, dont 485 millions d'euros déclarés en aide publique au développement, pour un effort budgétaire de l'Etat de 19,4 millions d'euros.

Pour 2012, l'objectif d'engagements déclarables en aide publique au développement dans les pays émergents est fixé à 1,1 milliard d'euros pour un effort budgétaire de l'Etat de 3,4 millions d'euros.

Vos rapporteurs sont d'avis que le niveau de bonification et donc la ressource publique utilisée n'est pas le seul critère qui permette de cadrer la diversification géographique de l'AFD, il faut également prendre en compte le poids de ces nouvelles géographies dans l'activité de l'Agence et le coût de ces interventions.

S'agissant du poids de l'activité de l'AFD dans les pays hors ZSP par rapport à ces activités au sein de la ZSP et parmi les pays prioritaires, il est difficile de trouver le bon critère.

S'agissant des marges bancaires susceptibles d'être dégagées des opérations effectuées dans les pays émergents où le mandat de l'AFD n'est plus celui de la solidarité, d e deux choses l'une :

- soit ces opérations sont déficitaires et conduisent l'AFD à prélever sur ses frais de fonctionnement. Dans ce cas, compte tenu de l'étroitesse des marges de manoeuvre de l'agence en Afrique subsaharienne, vos rapporteurs seraient d'avis d'examiner plus avant la pertinence des implantations de l'AFD dans ces pays :

- soit ces opérations sont bénéficiaires ou le seront à terme.

Sur les exercices 2007-2010, aux regards des informations disponibles sur les comptes des agences, vos rapporteurs ont tendance à privilégier la première hypothèse sauf en Afrique du Sud et en Indonésie. C'est particulièrement le cas au Brésil où le solde entre les coûts totaux et le PNB accuse un déficit de plusieurs millions d'euros. A terme, il est cependant probable que le solde deviendra positif comme c'est le cas en Afrique du Sud.

Certes, la situation est complexe : Intervenir en Chine ou en Inde au titre de l'aide au développement, sous le statut juridique et fiscal d'un organisme non lucratif d'agence de coopération au développement, pour y conduire des opérations financières économiquement rentables sur des projets intéressant les entreprises et l'expertise française.

Une éventuelle péréquation entre les activités rentables dans les pays émergents et celles qui sont menées en Afrique permettrait de mettre en valeur la cohérence de la stratégie, et de clarifier aux yeux des contribuables les motivations de l'activité de l'AFD dans ces pays.

Dans ce contexte, il est en tout cas souhaitable de ne pas ouvrir des agences dans des pays éloignés des intérêts français comme le Kazakhstan sans s'assurer d'un courant d'affaires porteur d'un revenu bancaire et qu'il ne représente pas de ce fait un coût trop élevé pour l'ensemble de la structure.

En 2012, l'AFD devait démarrer ses interventions en Asie centrale (Kazakhstan et Ouzbékistan), au Bangladesh et dans trois pays du Caucase (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan) 49 ( * ) .

En conclusion, vos rapporteurs sont d'avis que dans le cadre des partenariats différenciés, il soit clair que dans les pays émergents et proto-émergents où l'AFD poursuit des objectifs autres que la solidarité, les agences puissent à moyen terme s'autofinancer.

Il ne s'agit pas de poursuivre un objectif de rentabilité bancaire, mais de s'assurer de la couverture des frais de fonctionnement afin que la diversification géographique de l'agence ne se fasse pas au détriment des moyens consacrés aux zones prioritaires qui justifient l'existence de l'AFD.

Vos rapporteurs considèrent, en conclusion, qu'il convient de faire un bilan de la diversification géographique de l'activité de l'AFD ces dix dernières années au regard de l'ensemble des objectifs poursuivis aussi bien en matière de développement que d'influence, sur les plans diplomatique, financier ou économique.

Sur la base de cette évaluation, l'AFD gagnerait à se constituer un cadre d'intervention à l'égard des pays émergents qui permettrait de définir une stratégie globale de coopération d'intérêt mutuelle dont la vocation serait de guider les agences mais aussi de rendre intelligible aux citoyens et à leurs représentants le sens des interventions de l'agence dans ces pays.

D. LES RELATIONS ENTRE L'ETAT ET SON PRINCIPAL OPÉRATEUR DOIVENT ÉVOLUER

1. Si à terme l'AFD a vocation à intégrer l'ensemble des activités opérationnelles de coopération au développement, la poursuite des transferts de compétences à l'AFD doit s'accompagner de transferts de moyens adaptés

L'évaluation de la Cour des comptes préconise la poursuite des transferts des compétences opérationnelles du ministère des affaires étrangères à l'AFD sur le fondement de trois arguments, la compétence de l'AFD en matière de gestion et de suivi des projets, le recentrage de la DGM sur les missions de pilotage stratégique de l'aide bilatérale et multilatérale, et enfin la rationalisation du réseau.

La Cour des comptes estime que « Le réseau public de mise en oeuvre de l'aide française est d'un coût relativement élevé. Il demeure hétérogène et insuffisamment articulé. »

La Cour a évalué ce coût de gestion de la politique d'aide, qui n'est pas présenté de manière synthétique dans les documents budgétaires, à 429 millions d'euros en 2010 pour la mission budgétaire aide publique au développement, soit 12 % des dépenses de cette mission, dont plus de 300 millions d'euros pour le réseau des services de coopération des ambassades.

En intégrant les charges générales d'exploitation de l'Agence française de développement (246 millions d'euros), le coût de fonctionnement du dispositif national d'aide atteindrait un montant de plus de 700 millions d'euros en 2010, soit près de 9 % de la somme des dépenses budgétaires de l'Etat et des engagements de l'Agence.

En conséquence, la Cour propose de « réduire le coût du réseau public de mise en oeuvre de l'aide au niveau local qui devrait s'appuyer principalement sur les agences de l'AFD, sous l'autorité des ambassadeurs ».

Or parallèlement, l'intégration prochaine des SCAC dans l'Institut Français posera la question de l'avenir des compétences développement des SCAC et la question pendante du transfert des compétences à l'AFD des secteurs de la Gouvernance et de l'éducation supérieure, la culture ayant vocation à rester à l'Institut Français.

Dans le même temps, la Cour juge que « la gestion des FSP par le ministère chargé des affaires étrangères s'est révélée insuffisamment rigoureuse. », aussi bien au niveau central qu'au niveau des ambassades.

Vos rapporteurs quant à eux ont pu observer sur le terrain combien ces FSP rendaient la répartition des tâches entre l'AFD et les SCAC peu lisible. Ainsi à Madagascar, le développement rural relevait de l'AFD, mais le cadastre rural d'un FSP, la santé de l'AFD, mais le soutien à une maternité ou l'institut Pasteur du SCAC.

Comme le soulignent les travaux du bilan évaluatif de la coopération française qui rejoignent l'analyse de la Cour des comptes, le partage des rôles reste inachevé entre les différents acteurs, malgré l'existence d'un opérateur dominant (l'AFD). Les réformes poursuivies n'ont pas permis de dissocier complètement la fonction stratégique et la fonction opérationnelle et de remédier à sa fragmentation. Les interventions françaises sont ainsi menées principalement par l'AFD, mais les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et les services économiques du MINEFI ont conservé la gestion de certains instruments sous l'autorité des ambassadeurs, qui engendrent encore, ponctuellement, certaines frictions dans des secteurs spécifiques.

De là découle la proposition de poursuivre les transferts de compétence opérationnelle au profit de l'AFD.

Ces transferts devraient concerner également les services économiques du MINEFI qui conservent quant à eux la gestion de quelques instruments spécifiques (FASEP et RPE), parallèlement à leur mission générale d'analyse macro-économique.

2. Un nouvel accord sur les fonds propres est à trouver
a) L'accord sur la répartition du dividende n'est pas satisfaisant

Le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD prévoit pour la première fois que « l'Etat fixera des règles précises et pluriannuelles de distribution du résultat net de l'AFD, calibré afin d'assurer, outre la rémunération de l'actionnaire unique, une incitation interne à la bonne gestion financière et un maintien des fonds propres de l'Agence à un niveau adapté à ses mandats et à sa stratégie ».

Votre commission s'est félicitée du principe d'une distribution du résultat, qui assure une incitation interne à la bonne gestion financière, et le maintien des fonds propres soient clairement édictés dans le contrat.

L'Etat a fixé une nouvelle répartition aux termes de laquelle, il prélèvera dorénavant 75 % jusqu'à 75 millions d'euros de résultats, puis 50 % entre 75 millions et 140 millions, et renvoie à une négociation ultérieure la détermination du prélèvement pour des résultats supérieurs à 140 millions d'euros.

Les prévisions de résultats de l'AFD pour les deux prochaines années se situant entre 80 millions et 100 millions d'euros, le taux moyen de prélèvement de l'Etat devrait se situer plus proche de 75 % que de 50 %. Dans ce contexte, l'AFD pourrait abonder ses fonds propres d'environ 20 à 25 millions d'euros.

Cette mesure semble insuffisante pour contenir les évolutions des ratios prudentiels dans les prochaines années.

Comme le souligne la Cour des comptes, « les besoins de fonds propres additionnels sont estimés par l'AFD entre 200 millions d'euros et 400 millions d'euros d'ici 2012 », « il serait préférable de ne pas poursuivre sur la lancée actuelle sans baliser la trajectoire ». Lorsqu'on compare à d'autres établissements ayant un objet similaire, on constate en effet que la taille de leurs fonds propres est souvent plus importante. Ainsi, la BERD a-t-elle récemment augmenté ses fonds propres de 20 à 30 milliards d'euros pour un niveau d'engagement de 8 milliards par an comparable à celui de l'AFD.

L'augmentation proposée des fonds propres appliquée au ratio « grand risque » permet une augmentation d'environ 5 millions d'engagements sur les pays proches du plafond comme la Tunisie ou le Maroc.

Cette augmentation permettra-elle à l'Agence, dans un contexte prudentiel évolutif, de poursuivre la croissance de ses engagements pour mettre en oeuvre les engagements pris par la France dans le cadre du « Partenariat de Deauville » ?

Votre commission considère que cet arrangement, fruit d'un compromis entre des positions éloignées, ne correspond à aucune logique économique et financière, sinon à celle, louable mais finalement indifférente à l'objet de l'AFD, de ne pas diminuer une source de financement d'un Etat aujourd'hui impécunieux.

Votre commission a estimé qu'une distribution du résultat net pour moitié pour l'Etat et pour moitié pour les fonds propres de l'AFD aurait été une mesure plus judicieuse.

Le POS propose plusieurs pistes pour renforcer les fonds propres de l'AFD et desserrer les contraintes pesant sur ses possibilités d'intervention dans certains pays, ou sur ses engagements futurs.

Trois pistes ont été explorées mais ont dû être abandonnées : filialisation de l'activité Outre-mer ; mise en Bourse d'une partie du capital de PROPARCO ; titrisation des créances des pays, notamment méditerranéens, dont l'exposition a atteint la limite des grands risques.

Une autre piste peut encore être envisagée : facilité d'emprunt annuel de type RCSM, d'une durée de 30 ans, avec 10 ans de différé d'amortissement, au taux du marché.

Une solution doit être trouvée pour permettre à l'AFD de poursuivre et accroître ses activités notamment au Maroc et en Tunisie.

Il est, par ailleurs, essentiel que la règle relative aux dividendes figure dans le prochain COM et non dans une lettre conjointe du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre du budget.

Compte tenu de son activité de crédit, les fonds propres de l'AFD sont un élément de ses ressources. Dès lors, il apparaît singulier de prévoir les objectifs et les moyens de l'AFD dans un contrat et de soustraire cette ressource-là du contrat. En outre, laisser au seul ministère des finances le soin de définir cet élément essentiel de l'équilibre financier de l'AFD est en contradiction avec l'idée d'une cotutelle de l'AFD.

En conclusion, la commission demande à ce que le prélèvement de l'Etat sur le résultat net soit limité à 50 % et que cette clef de répartition soit inscrite dans le contrat et se réserve la possibilité de l'imposer par voie d'amendement.

b) Le COM comme le POS 3 n'a pas permis d'effectuer un choix entre une stabilisation ou une poursuite de la croissance des engagements de l'AFD

Quelques semaines après l'adoption du contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD, le plan d'orientation stratégique de l'agence (POS 3) ne définit pas une trajectoire d'activité mais recense des scénarios possibles. Le COM, présenté comme la feuille de route pour les trois années à venir, n'a donc pas réussi à lever les incertitudes quant aux moyens et aux objectifs de l'opérateur pivot de la coopération française. De ce fait, le POS 3 comme son prédécesseur le POS 2 proposent trois scénarios pour les futures autorisations de financement du groupe AFD :

- scénario 1 de « stabilisation » : le montant des autorisations croît de 500 millions d'euros par an en 2012 et 2013 et est stabilisé à 8 milliards d'euros à partir de 2014 ;

- scénario 2 de « croissance maîtrisée » : mêmes hypothèses pendant la période couverte par le COM, puis croissance annuelle des autorisations pour atteindre 10 milliards d'euros en 2016 ;

- scénario 3 « volontariste » : montant d'autorisation cible de 12 milliards en 2016.

Ces scénarios confirment le doublement, dans tous les cas, de l'encours de crédit, principalement influencé par le niveau des autorisations accordées au cours du POS antérieur en raison de l'inertie importante du portefeuille.

La période couverte par le POS 3 peut être scindée en deux séquences : la période couverte par le premier COM (jusqu'à 2013) devrait faire l'objet d'une croissance des nouvelles autorisations de financement de 7 milliards en 2012 à 8 milliards d'euros en 2013.

Pour la période 2014-2016, les hypothèses retenues varient d'une stabilisation des nouvelles autorisations de financement à 8 milliards à une augmentation progressive à 10 ou 12 milliards d'euros. Ces hypothèses seront affinées lors de la préparation du deuxième COM, en tenant compte notamment de l'évolution de la conjoncture internationale et des perspectives de moyens confiés à l'Agence pour cette période, notamment de ses fonds propres.

3. Des relations financières avec l'Etat à clarifier ?

L'examen du contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD a conduit vos rapporteurs à mieux comprendre le modèle économique complexe de l'AFD. Sans prétendre à une compréhension exhaustive des mécanismes financiers particulièrement raffinés, il leur semble que ce modèle mériterait une clarification.

De par son objet social, l'AFD n'a pas vocation à générer un profit. S'il est demandé à son directeur général une gestion efficiente de l'agence, ni sa lettre de mission ni le contrat d'objectifs et de moyens ne fixent d'objectifs en matière d'excédent d'exploitation. Le caractère non lucratif de cet établissement est d'ailleurs parfois une condition juridique de son établissement dans certains pays comme l'Inde.

Il reste que l'AFD, ces dernières années, a dégagé un résultat net qui oscille entre 100 et 200 millions d'euros.

Evolution du résultat net de l'AFD

Réalisé
2005

Réalisé
2006

Réalisé
2007

Réalisé
2008

Réalisé 2009

Réalisé 2010

Résultat net de l'AFD (en M€)

189,1

247,8

288,5

167,2

246,5

103,7

Résultat distribué

94,5

247,8

288,5

167,2

220,0

70,6

en % du résultat net

50%

100%

100%

100%

89%

68%

Part du résultat prélevée par l'Etat

94,5

247,8

288,5

167,2

220,0

70,6

en % du résultat distribué

100%

100%

100%

100%

100%

100%

Source : AFD

Selon le plan d'orientation stratégique récemment adopté par l'AFD, « le résultat comptable dégagé sur un exercice s'explique notamment par : une sinistralité constatée inférieure, jusqu'à présent, à la marge censée la couvrir et la rémunération des capitaux libres ... Les revenus bruts dégagés par la rémunération des capitaux libres représentent 100 à 120 millions d'euros/an et permettent de couvrir le coût des activités non rémunérées (production de connaissances, CEFEB, appui conseil aux pouvoirs publics français), ou déficitaires (prestations et subventions), laissant un solde de l'ordre de 50 millions d'euros/an. »

Il est, par ailleurs, dit que les activités de prêts ne sont globalement pas conçues pour produire un excédent d'exploitation : « la tarification qui s'applique à l'essentiel des prêts a été établie sans marge bénéficiaire, de manière à obtenir un résultat économique nul ». Il s'avère toutefois que la tarification des prêts est fixée de façon homogène quels que soient la géographie, la nature des projets financés et leur montant.

Autrement dit, la tarification ne varie pas en fonction du cours réel de l'instruction et du suivi des projets, mais intègre une marge de nature à couvrir in fine l'ensemble des coûts de fonctionnement de l'AFD.

C'est dans cette tarification que repose un élément de péréquation. Péréquation, d'une part, entre les activités rentables de crédits et de production financière et des activités déficitaires de gestion de subventions, de production intellectuelle, de conseils, de partenariats et de communication, d'autre part, entre zones géographiques, dans la mesure où la marge bancaire de l'AFD est produite dans les zones les plus prospères alors que les activités de gestion de prêts ou de subventions, dans les zones les moins pourvues, sont globalement déficitaires.

Ce modèle économique présente l'avantage relativement efficient de peser faiblement sur les deniers publics, puisqu'une partie des activités qui pourraient être financées par le budget de l'État sont prises en charge par l'AFD au titre de ses frais de fonctionnement grâce aux marges effectuées sur les projets les plus bénéficiaires.

Est-ce que l'ensemble du modèle économique peut être considéré comme non lucratif ? C'est une question qu'on est en droit de se poser au regard du montant des dividendes redistribués à l'État, qui dépasse très largement les 50 millions d'euros par an précités.

On peut toutefois observer que le résultat redistribué à l'État d'environ 200 millions d'euros est très inférieur aux ressources allouées par le budget à l'AFD qui avoisinent en tout le milliard. En revanche, force est de constater que les activités de l'AFD sont, selon les pays, plus ou moins désintéressées.

Ce modèle présente l'inconvénient d'une véritable opacité. L'ensemble des financements croisés ne permet pas d'évaluer les activités à leur coût réel. En outre, tout semble se passer comme si les services de l'AFD profitent de cette complexité pour conserver des marges de manoeuvre face à des tutelles peu outillées pour suivre les circuits financiers de l'AFD.

Selon le dernier plan d'orientation de l'AFD, ce modèle économique non lucratif aurait, en outre, atteint un certain nombre de limites.

« Du fait de cette tarification non lucrative qui a été ajustée en 2007 pour s'adapter à l'évolution des marchés financiers, les marges des produits à venir seront plus faibles que celles passées et devraient peser sur la formation des résultats futurs. Les possibilités d'accroître les produits de commissions et les marges sont encore faibles, pour au moins trois raisons : la concurrence entre développeurs ; les conventions d'établissement dans les pays partenaires qui prévoient le plus souvent que l'AFD mène une activité non-lucrative ; le risque de brouiller l'image de l'Agence et qu'elle soit perçue comme exerçant une concurrence anormale vis-à-vis d'opérateurs privés. »

« La différence entre lecture économique et lecture comptable ne posait pas de problème en l'absence de dividende. Ceci n'est plus le cas depuis 2004 avec le versement d'un montant cumulé d'1,1 milliard d'euros de dividendes. ».

Vos rapporteurs ont du mal à comprendre ce que signifient concrètement ces observations.

S'agit-il, devant la pression exercée sur les frais de fonctionnement, d'un pas en avant vers une modification des tarifications, qui consisterait à prévoir, pour certains prêts, dans certains pays et secteurs, une véritable marge bénéficiaire, avec le risque souligné de brouiller l'image de l'Agence et qu'elle soit perçue comme exerçant une concurrence anormale vis-à-vis d'opérateurs privés ?

Il s'agit sans doute là d'un débat important qui doit, selon vos rapporteurs, être précédé d'une plus grande visibilité sur la rentabilité réelle des différentes activités de l'AFD, par instrument mais aussi par pays.

Ce débat n'est, en outre, évidemment pas indépendant du débat sur les relations financières entre l'AFD et l'État.

Le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD précise les ressources budgétaires à la disposition de l'agence et définit, dans son principe, les règles de redistribution du résultat net issu de l'utilisation de ses ressources entre l'Etat et l'AFD. Sous réserve des observations sur l'absence de définition des modalités de répartition du résultat dans le corps de contrat, ce dernier offre une visibilité appréciable sur une partie des relations budgétaires AFD/Etat, mais sur une partie seulement.

Ainsi, pour 2011, l'AFD a trouvé sur les marchés financiers plus de 2 milliards d'euros de financement, elle a bénéficié de moins de 800 millions de crédits budgétaires, elle a reversé un peu plus de 70 millions de son résultat net à l'État.

Les relations financières ne s'arrêtent cependant pas là.

L'Etat, par le biais des prestations exécutées pour son compte par l'AFD, a une influence non négligeable sur la formation de ce résultat net. En effet, l'AFD effectue, pour le compte de l'Etat, des prestations qui sont soit intégralement financées sur les fonds propres de l'AFD, comme les activités d'appui et de conseils aux pouvoirs publics, soit partiellement rémunérées par l'Etat, comme la gestion des subventions, du soutien aux ONG ou aux collectivités territoriales.

Ces prestations ont fait l'objet d'un transfert de compétence de l'Etat à l'AFD et font apparaître un déficit structurel à la charge de l'AFD. Or, le périmètre de ces prestations est évolutif, en particulier dans le domaine du conseil aux pouvoirs publics, des partenariats ou de la communication. Si l'on considère la seule gestion des subventions, de l'aide budgétaire globale et des contrats désendettement développement (C2D), progressivement transférée à l'AFD depuis 2004, celle-ci est structurellement déficitaire du fait de la faible rémunération de l'AFD pour la gestion de ces prestations.

Le tableau ci-dessous présente un bilan financier de la gestion des subventions-projets selon la comptabilité analytique de l'AFD (montants en M€) :

L'article 12 de la convention-cadre prévoit une rémunération de l'AFD pour les opérations qu'elle effectue pour le compte de l'Etat, pour chaque type de concours, par le produit d'un taux forfaitaire (10 % pour les dons, 1 % pour les ABG et 2 % pour les C2D) et d'un indicateur d'activité.

Depuis l'exercice 2010, les crédits budgétaires affectés à la rémunération de l'agence sont répartis entre les programmes 110 et 209 au prorata des activités entrant sous ces deux programmes.

Avec une rémunération fixée à 10 %, l'activité de gestion des subventions s'est révélée déficitaire pour l'AFD, de façon récurrente sur les 5 dernières années, pour un cumul de 63,6 millions d'euros.

Pour gérer les subventions confiées sur cette période, le taux de rémunération qui aurait permis la couverture des coûts complets est de 15,29 %, toutes choses égales par ailleurs.

Cette situation n'est pas conforme à la convention-cadre entre l'Etat et l'AFD qui visait un financement équilibré de chaque activité en prévoyant que « les rémunérations de l'AFD visent à couvrir ses coûts réels ».

Votre commission aurait souhaité en conséquence que ce principe soit rappelé dans le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD.

Sur les modalités, il conviendra de trouver, sur la base d'un chiffrage partagé entre l'AFD et les tutelles, le niveau et le mode de rémunération le plus adapté.

Sans relever de façon aussi significative le taux de rémunération, il conviendrait de viser une meilleure couverture des coûts fixes d'instruction et de suivi des projets :

- soit en relevant le niveau moyen des financements unitaires par subvention, par exemple en décidant d'un montant minimum ;

- soit en modifiant le modèle de rémunération : à partir d'un montant plancher destiné à couvrir l'essentiel des coûts fixes, quel que soit le montant de la subvention, s'ajouterait un pourcentage dégressif assis sur le montant de la subvention. La grille des pourcentages selon les montants serait établie, à partir de la comptabilité analytique, pour compléter la couverture des coûts de gestion des subventions. Ainsi en 2011, ce dernier modèle a été proposé à l'Union européenne (UE), dans le cadre des délégations de gestion de subvention entre l'AFD et l'UE.

Votre commission estime que la révision de la convention-cadre entre l'AFD et l'État devrait être l'occasion de mettre à plat l'ensemble des flux financiers entre l'agence et les différents ministères de tutelle.

En revanche, il nous semble que les conséquences stratégiques des perspectives financières de l'AFD au regard des contraintes prudentielles n'ont pas été suffisamment développées dans ce document.

Ces contraintes et notamment celles relatives aux ratios de solvabilité et aux ratios « grands risques » auront sans aucun doute, à terme, des conséquences importantes sur la stratégie de l'agence.

Quels que soient les scénarios envisagés dans ce document, l'évolution des engagements et de l'encours devrait conduire à saturer les activités de l'AFD dans certains pays et à opérer des choix aussi bien en matière d'instruments que de géographie.

Il conviendrait d'anticiper les conséquences de cette situation sur la stratégie d'ensemble de la coopération française, de sorte que les contraintes liées à la qualité d'établissement bancaire de l'AFD ne viennent pas dicter les objectifs de cette politique, mais qu'au contraire nous trouvions les solutions pour que les instruments servent une stratégie d'ensemble cohérente.

C'est une préoccupation qui devrait être au coeur de la réflexion sur le prochain contrat d'objectifs et de moyens.

III. UN SOUTIEN ENCORE TROP TIMIDE AUX AUTRES OPÉRATEURS DE LA COOPÉRATION QUE SONT LES ONG ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Le projet de loi de finances pour 2013 amorce un doublement du soutien aux opérateurs associatifs français qui mènent sur le terrain des actions remarquables

Alors que la France a longtemps peiné à concevoir sa politique de coopération autrement qu'au niveau interétatique, la reconnaissance de la contribution des ONG à l'efficacité de l'aide progresse au niveau national parmi les acteurs de la coopération et du développement.

Alors que cette situation se traduisait au niveau budgétaire par le peu de crédits publics transitant par les ONG, la coopération non gouvernementale restant le parent pauvre de la coopération française, l'engagement de 2005 du Président Jacques Chirac, repris par le Président Nicolas Sarkozy, de doubler la part d'APD transitant par les ONG françaises entre 2004 et 2009 (de 1 % à 2,08 % en 2009) a permis progressivement de rattraper le retard français dans ce domaine.

En effet, avec 1,14 % de l'APD transitant par les ONG françaises en 2004, la France était alors très loin de la moyenne des pays de l'OCDE qui se situait déjà à un peu plus de 5 %.

Aujourd'hui la France reste le dernier des Etats membres du CAD en part d'APD transitant par les ONG, avec 1,5 %, alors que la moyenne OCDE est de 13 %.

Le Président de la République François Hollande s'était engagé à doubler le montant de l'aide qui transite par les ONG sur cinq ans.

Dans le projet de loi de finances pour 2013, cet engagement se traduit par une hausse nette de +9 millions d'euros supplémentaires par an des autorisations d'engagement allouées aux ONG.

Les ONG sont en effet des acteurs assurant une véritable complémentarité par rapport aux actions mises en oeuvre dans le cadre de la coopération publique .

Une particularité essentielle des ONG est de s'appuyer sur des démarches, participatives et partenariales dans leurs actions de renforcement des sociétés civiles du Sud. Les ONG agissent, en effet, le plus souvent, avec des partenaires locaux (ONG des pays du Sud, organisations sociales locales).

Les premiers critères de qualité de l'action des ONG sont ainsi la qualité et la pérennité du partenariat et leur capacité à contribuer au renforcement de la responsabilité et de l'efficacité de leurs partenaires. Leurs atouts résident également dans la mise en oeuvre d'une coopération de proximité, dans leur rapidité d'intervention, et dans leur capacité d'innovation qui leur permet de faire évoluer rapidement leurs interventions et de les adapter aux contextes changeants.

Les crédits transitant par les ONG dans le projet de loi de finances se répartissent entre plusieurs actions de deux programmes LOLF : le 209 et le 185.

Les crédits pour le cofinancement des projets et programmes des ONG françaises sur leur droit d'initiative relèvent de l'action 2 du programme 209, au sein des crédits « Aide projet FSP et AFD ».

Le Projet Annuel de Performance agglomère sous l'appellation « aide projet (FSP et AFD) » des crédits fondamentalement différents dans leur objet et leur forme juridique : des crédits dédiés aux projets des ONG françaises mais également et surtout, des crédits pour les projets AFD ;

Les crédits pour le financement des différentes formes de Volontariat International relèvent de l'action 2 du programme 209 et dans une moindre mesure du programme 185 ;

Les crédits pour le financement des interventions d'urgence humanitaires des ONG relèvent du Fonds d'Urgence Humanitaire (FUH), au sein de l'action 2 du programme 209 ;

Depuis 2009, la gestion du dispositif de renforcement des capacités institutionnelles et opérationnelles des ONG françaises a été confiée à l'AFD. Cela concerne l'ensemble des dossiers gérés auparavant par l'ex-MAAIONG, hors l'appui au volontariat et les opérations « jeunesse ».

Depuis janvier 2010, l'appui aux OSI se fait, en outre, sur compte propre de l'AFD. La DPO assure le suivi technique et financier des projets engagés et instruit les demandes de cofinancement des ONG.

Le « comité spécialisé pour l'appui aux initiatives des organisations non gouvernementales », créé par le décret n° 2009-618 du 5 juin 2009, décide de l'octroi des cofinancements. Il est présidé par le Président du Conseil d'administration de l'AFD et comprend quatre représentants de l'Etat, dont deux sont nommés par le ministre des Affaires étrangères, un par le ministre de l'Economie et un par le ministre de l'Intérieur, ainsi que deux personnalités qualifiées.

Pour les projets de terrain, un avis d'opportunité est demandé aux ambassadeurs concernés, soit par l'intermédiaire des agences locales de l'AFD, soit directement, s'agissant des projets multi-pays et des pays où l'AFD n'est pas représentée.

Outre le cofinancement de leurs initiatives sur les crédits spécialement délégués à cet effet à l'AFD, les ONG sont parties prenantes de plusieurs projets prioritaires de l'aide française :

- Trois FSP mobilisateurs dédiés à la santé materno-infantile, autre priorité politique du Département, ont été lancés en 2011-2012 et ouvrent des opportunités de collaboration avec les OSI intervenant sur les questions de santé.

- Depuis 2010, un FSP mobilisateur pour lutter contre les violences faites aux femmes doté de 1,5 million d'euros sur 36 mois cible notamment les ONG de protection et de promotion des femmes.

- L'appui aux sociétés civiles locales, via le FSD élargi, a été également préservé dans le budget 2013. Dans le domaine des droits de l'homme, un FSP mobilisateur spécifiquement consacré à la « mobilisation de la société civile et l'accompagnement des acteurs du changement pour renforcer l'Etat de droit » complète ce dispositif de proximité. La FIDH en est le maître d'oeuvre. Les FSP « respect de la liberté d'orientation sexuelle et d'identité de genre » d'un montant de 110 000 euros (2011) et d'« appui à la lutte contre la corruption » à hauteur de 1 million d'euros (2010-2013) mobilisent également plusieurs ONG.

- Dans le cadre des « printemps arabes », un FSP mobilisateur dédié à la jeunesse et doté de 1 million d'euros a été mis en mis en place : « Solidarité avec la jeunesse des pays du Sud de la Méditerranée (Algérie, Egypte, Libye, Maroc, Tunisie) ».

- Une part importante de l'aide alimentaire programmée gérée par le MAEE est mise en oeuvre chaque année par les OSI françaises : en 2011, plus de 18,6 millions d'euros ont ainsi transité par les OSI françaises. Dans le cadre du triennum budgétaire, les crédits d'aide alimentaire ont été préservés pour 2013.

- Enfin, le centre de crise dispose de crédits d'intervention (Fonds d'Urgence Humanitaire) sensiblement supérieurs à ceux de l'ancienne Délégation à l'action humanitaire.

En 2011, les subventions aux ONG ont représenté près de 18 % du FUH (6,2 millions d'euros) et plus de 21 % si on ajoute les délégations de crédits aux ambassades (subventions aux projets d'associations de droit local). En 2012 et 2013, les crédits du FUH sont préservés.

Les dispositifs de soutien aux volontariats internationaux d'échange et de solidarité constituent une autre modalité de l'appui du Département aux organisations de solidarité internationale. Cette démarche qui vise à appuyer les ONG dans le volet ressources humaines de leur activité s'inscrit dans l'objectif plus large de valoriser toutes les formes d'engagement solidaire et citoyen.

Les crédits consacrés au volontariat international qui s'élèvent à 20 293 840 euros en 2012 (crédits de paiement prévisionnels) sont gérés, au sein de la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, par la Mission des relations avec la société civile.

La majeure partie de ce budget est consacrée au volontariat de solidarité international à travers l'appui aux associations agréées dans le cadre de la loi n°2005-159 et à France Volontaires avec lequel un contrat d'objectifs et de moyens a été signé. Les autres crédits se répartissent principalement entre l'appui aux associations spécialisées dans le volontariat d'échange et de compétence (séniors) et les programmes jeunesses soutenus par le Département (volontariat d'initiation et d'échanges) : programmes Jeunesse Solidarité Internationale (JSI), Ville Vie Vacances Solidarité Internationale (VVV-SI), programme Tandem.

Cependant pour 2013, les crédits du volontariat international diminueront à 20 millions d'euros en AE=CP en 201 puis de 4 % sur les deux exercices suivants.

Vos rapporteurs souhaitent que les engagements pris à l'égard des ONG soient tenus, car il importe, pour l'efficacité même de notre politique, de renforcer les opérateurs associatifs français qui mènent sur le terrain des actions souvent remarquables.

Les printemps arabes ont montré qu'il convenait de renforcer les liens des services de coopération avec les sociétés civiles pour ne pas rester dans un dialogue exclusif avec les autorités gouvernementales. Dans ce cadre, les ONG peuvent être des vecteurs essentiels de ce dialogue avec la société civile de nos partenaires en Méditerranée mais également en Afrique.

La France a en effet tout à gagner à un renforcement de la capacité des ONG à mener des actions en concertation avec les ONG locales. Or les ONG françaises ont, dans l'ensemble, des capacités financières limitées par rapport à leurs homologues anglo-saxonnes, comme l'illustrent les tableaux suivants :

10 premières ONG françaises au regard du Budget

Budget 2009/2010
(en M€)

1

Médecins Sans Frontières

223

2

Secours Catholique - Caritas France

130

3

Action Contre la Faim

90

4

Secours populaire français

73,7

5

Médecins du Monde France

63,5

6

ACTED

62

7

Ordre de Malte France

56

8

Solidarités

44,8

9

AIDES

43

10

CCFD

42

Principales ONG internationales

Budget 2009/2010

1

OXFAM International

642,2 M€

2

CARITAS

5,5 Md$

3

World Vision

2,48 Md$

4

Green Peace

200 M€

5

Amnesty International

21M£

6

CARE International

665 M€

7

Save The Children

291,5 M£

8

Fondation Bill & Melinda GATES

3Md$

9

WWF

509M€

10

Human Rights Watch

48M$

Une des particularités des ONG françaises est en outre d'être, par rapport à leurs homologues étrangers, très dépendants des fonds publics comme l'illustre le tableau suivant :

OSI
(par ordre décroissant des montants octroyés sur le triennum 2009-2011)

Part des ressources publiques dans leur budget (en %) - données 2011

1. CNSL

52 %

2. HANDICAP INTERNATIONAL

45 %

3. CFSI

67 %

4. Coordination SUD

77 %

5. MDM

29 %

6. CIDR

83 %

7. IECD

34 %

8. AVSF

68.5 %

9. INTER AIDE

41 %

10. GRET

94 %

2. Pour un soutien plus franc à la coopération décentralisée

Autre acteur infra-étatique, les collectivités territoriales sont en passe de devenir des acteurs majeurs de la coopération.

La coopération décentralisée est souvent le premier contact des citoyens avec l'international. Elle concerne plus de 4 800 collectivités françaises qui interviennent dans près de 140 pays, pour une contribution financière déclarée de 60,5 millions d'euros en 2010.

Les chiffres déclarés d'aide publique au développement des collectivités territoriales varient beaucoup d'une année sur l'autre. Il était ainsi de 69,7 millions d'euros en 2009, soit une diminution de 9 millions en un an. Toutefois, cette diminution ne signifie pas que la coopération décentralisée marque le pas, mais révèle l'une des difficultés de l'analyse dans ce domaine, à savoir l'absence de données chiffrées précises.

En effet, les montants sont le fruit d'une déclaration volontaire. Or, sur la période 2008-2010, près de 47% des régions, des départements, des villes de plus de  100 000 habitants et des communautés urbaines n'ont pas déclarés leur aide publique au développement en 2011. En outre, certaines dépenses ne sont pas comptabilisées.

Un de vos rapporteurs, M Jean-Claude Peyronnet a essayé dans le cadre des travaux de la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation d'obtenir une évaluation plus juste de l'effort des collectivités dans ce domaine.

Une estimation de l'ordre de 115 millions d'euros, soit près du double du montant déclaré, est souvent donnée pour cette aide publique au développement des collectivités territoriales.

Le contexte actuel de crise économique et de stagnation des ressources des collectivités territoriales n'est pas sans incidence. Certes, de manière générale, la plupart des projets ont été maintenus, l'aide publique au développement allouée par les collectivités territoriales est stable et de nouveaux projets ont même été lancés. Mais, en raison des difficultés sociales et économiques sur les territoires, les collectivités françaises sont sollicitées par leurs administrés qui peuvent avoir du mal à comprendre les justifications d'une action internationale dans ces conditions.

Depuis le projet de loi de finances 2012, suite à un changement d'architecture budgétaire, les crédits consacrés à la coopération décentralisée, précédemment répartis entre le programme 185 et le programme 209 selon des critères géographiques, sont intégralement regroupés sur le programme 209.

Les crédits ouverts en 2012 s'élevaient à 9,836 millions d'euros, ils diminuent légèrement pour 2013 à 9 millions .

Il faut toutefois aller au-delà du budget pour comprendre l'ensemble des leviers susceptibles de favoriser cette coopération. C'était le sens des travaux de la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation qui propose 17 mesures en faveur de la coopération décentralisée.

Le financement, la justification des actions internationales ainsi que l'optimisation de celles-ci par l'évaluation et la coordination sont aujourd'hui les enjeux principaux de la coopération décentralisée.

Le premier enjeu majeur est le financement. Les propositions 1 à 6 y sont consacrées. Au vue du contexte des finances publiques, une augmentation des dépenses de l'Etat en cofinancement de la coopération décentralisée n'est pas envisageable. Il s'agit dès lors de trouver de nouvelles sources de financement, en ayant davantage recours à des bailleurs encore peu sollicités, ou en mettant au point des moyens de financement innovants.

La proposition n°1 vise à permettre aux collectivités de mieux anticiper l'ouverture de fonds européens.

La proposition n°2 suggère de développer un réseau d'experts dédié à la réponse aux appels à proposition et proposant un appui technique aux collectivités qui le souhaitent. Cet appui ponctuel serait fortement utile en particulier aux collectivités de tailles petite et moyenne. En effet, la complexité croissante nécessite une professionnalisation accrue des personnels en charges des affaires internationales ainsi qu'une charge supplémentaire de travail important. Or, les communes les plus modestes ont des difficultés à trouver ces ressources humaines.

Les propositions n° 3 à 6 visent à utiliser davantage l'ensemble des possibilités ouvertes par la loi Oudin-Santini. Aujourd'hui, seul le tiers du potentiel de la loi Oudin-Santini a été exploité. Ainsi, une application totale et généralisée de cette loi permettrait de mobiliser 67 millions d'euros par an, contre près de 20 millions d'euros aujourd'hui. Le potentiel de mobilisation est particulièrement élevé auprès des collectivités et de leurs groupements. En effet, leur mobilisation actuelle est de 7,2 millions d'euros sur 50 millions d'euros, soit une mobilisation des ressources représentant moins de 15% de son potentiel.

La proposition n° 3 souhaite inciter les collectivités territoriales et leurs groupements à utiliser 1% des ressources affectées aux budgets des services de l'eau, de l'assainissement, de l'électricité et du gaz pour financer des actions de coopération décentralisée.

Un fonds national mutualisant un pourcentage des ressources mobilisées par les services publics d'eau et d'assainissement ainsi que par les agences de l'eau pourrait être mis en place (proposition n°4).

Le dispositif de la loi Oudin-Santini pourrait être élargi à d'autres domaines de la coopération décentralisée. En effet, ce mécanisme permet de mobiliser des sommes importantes pour une contribution annuelle moyenne par habitant modique. C'est le but poursuivi par les propositions n°5, qui propose de l'étendre au traitement des ordures ménagères. La proposition n°6 vise à mettre en place une réflexion sur les domaines pouvant faire l'objet d'un mécanisme similaire à celui de la loi Oudin-Santini.

Le deuxième enjeu majeur est l'information des citoyens de la collectivité française.

La proposition n° 7 vise à mettre en place une campagne de communication et d'information sur les impacts positifs pour les territoires français de la coopération décentralisée, financée conjointement par la délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales et les associations d'élus

Le troisième enjeu est l'optimisation des moyens humains, financiers et juridiques.

La proposition n° 8 vise à procéder à une évaluation systématique des actions de coopération décentralisée, en association l'ensemble des acteurs, sur chacun des territoires, et à chaque phase importante du projet.

L'optimisation passe également par la coordination et la mutualisation. De nombreux outils existent déjà dans ce domaine. Aussi le parti a été pris de ne pas en créer de nouveau, mais de s'appuyer sur ceux existant en proposant des améliorations.

La Commission nationale de coopération décentralisée est une instance nationale de concertation. Or, aujourd'hui, elle ne se réunit qu'une fois par an. Dès lors, il s'agit davantage d'une information donnée aux participants que de véritables discussions. Aussi, il est proposé de la réunir plus souvent (proposition n° 9)

En outre, la proposition n° 10 vise à ouvrir davantage cette instance à l'ensemble des acteurs amenés à intervenir dans le domaine de l'aide au développement (universitaires, associations, think tanks, réseau diplomatique par visioconférence).

L'atlas de la décentralisation recense de manière cartographique les actions internationales des collectivités. Toutefois, toutes les collectivités françaises n'ont pas déclaré leurs actions. En outre, les fiches informatives portant sur chaque projet sont diversement complètes. Il est donc nécessaire de rappeler aux collectivités territoriales l'intérêt de mettre à jour de manière exhaustive et régulièrement l'Atlas français de la coopération décentralisée (proposition n° 11). Cette proposition rejoint la problématique de l'absence de déclaration d'aide publique au développement par certaines collectivités territoriales.

Les réseaux régionaux multi-acteurs sont également des instruments précieux. Il en existe actuellement 11 qui poursuivent tous le même objectif : regrouper tous les acteurs actifs à l'échelle régionale en matière de coopération internationale. Ces réseaux conduisent à une structuration des acteurs de la coopération décentralisée sur le territoire régional en permettant une meilleure connaissance réciproque entre ces derniers. En outre, ils permettent un dialogue entre ces derniers conduisant dans certains cas à des actions communes. La proposition n° 12 vise à compléter la carte des réseaux régionaux multi-acteurs en incitant les acteurs de la coopération décentralisée à créer cet outil dans les régions qui n'en disposent pas.

La proposition n° 13 vise à instaurer un volet coopération décentralisée dans les contrats de partenariats Etat-régions 2014-2020. Pour la période 2000-2006, 17 contrats de partenariat Etat-région incluaient un volet coopération décentralisée. Ce système permet de sélectionner et soutenir des projets locaux de coopération décentralisée. Il est ainsi un moyen pour les collectivités de taille modeste d'obtenir un double cofinancement, à la fois de la région et de l'Etat.

La proposition n° 14 vise à rappeler aux collectivités territoriales la nécessité d'informer systématiquement les ambassades françaises dans le pays partenaire de la mise en place ou de l'existence d'une action de coopération décentralisée..

La proposition n° 16 propose d'instaurer un visa de courte durée spécifique aux actions de coopération décentralisée, ou a minima de demander par circulaire à l'ensemble des ambassades et consulats de France de porter une attention particulière aux demandes de visas dans le cadre d'une action de coopération décentralisée.

Vos rapporteurs souhaitent que l'Etat puisse rapidement mettre en oeuvre ces propositions.

IV. UNE RÉFORME DES OPÉRATEURS PUBLICS SERAIT NÉCÉSSAIRE POUR PROMOUVOIR DE FAÇON PLUS EFFICACE L'EXPERTISE FRANÇAISE À L'INTERNATIONAL

Outre le financement de projets de développement, la coopération française intervient également à travers l'assistance technique aux pays en développement.

Bien qu'il s'agisse d'un enjeu majeur, on a du mal à identifier clairement, dans le projet de loi de finances pour 2013, les crédits consacrés spécifiquement à l'assistance technique tant ils sont éclatés dans de nombreuses structures.

Or le développement des économies des pays du sud et la mise en place de politiques publiques appellent le recours croissant à de l'expertise technique dont une partie provient des pays occidentaux dans le cadre des politiques de coopération au développement.

Les transferts de compétence liée à cette expertise technique sont essentiels au renforcement des capacités de nos pays partenaires à mettre en oeuvre des politiques publiques complexes, aussi bien dans le domaine des infrastructures que de l'éducation ou de la santé. Cette coopération en matière d'expertise est également d'influence pour les pays occidentaux qui, à travers ces transferts de compétence, diffusent des modèles d'organisation conformes à leurs valeurs et à leurs intérêts.

La coopération internationale en matière d'expertise est ainsi à la croisée des chemins entre la solidarité et l'influence.

Le dispositif français d'expertise technique se caractérise, d'une part, par une diminution drastique des moyens depuis 10 ans et, d'autre part, par une dispersion importante des structures de gestion de ces experts.

A. L'EXPERTISE PUBLIQUE INTERNATIONALE REPRÉSENTE POUR LA FRANCE UN ENJEU ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE CROISSANT

Comme le souligne Nicolas Tenzer, entendu par votre rapporteur et auteur d'un rapport en mai 2008 : « L'expertise internationale au coeur de la diplomatie et de la coopération du XXI è siècle - Instruments pour une stratégie française de puissance et d'influence », le renforcement de la présence de la France sur le marché de l'expertise internationale constitue un enjeu à plusieurs titres :

- un enjeu économique et d'emploi, qui tient au volume des marchés en jeu, évalué à 400 milliards d'euros sur les cinq prochaines années.

La demande internationale d'expertise constitue un marché fortement concurrentiel qui porte sur des secteurs aussi divers que la santé et la sécurité sociale, la gouvernance, la culture, l'environnement, les infrastructures, l'enseignement supérieur ou l'éducation.

Ce marché s'exprime le plus souvent sous la forme d'appels d'offres lancés par les États, les bailleurs de fonds multilatéraux, les collectivités territoriales, les agences de coopération et les fondations philanthropiques.

Au-delà de l'enjeu financier, le développement de cadres normatifs et de régulation similaires aux nôtres au sein des organisations internationales et administrations partenaires favorise les échanges économiques des entreprises françaises.

Les enjeux pour notre commerce extérieur sont d'autant plus importants que ces expertises ont des effets induits tout à fait importants. Mettre en place les normes ferroviaires en Chine en s'appuyant sur des normes françaises ou allemandes maximise les chances des entreprises françaises ou allemandes, participer à la refonte du droit civil malgache, selon que cette refonte s'inspire du système juridique français ou sur la « Common Law » britannique, favorise les cabinets d'avocats anglo-saxons ou francophones.

Les estimations des effets induits de ces marchés sont évidemment à prendre avec précaution. Les experts rencontrés, notamment M. Nicolas Tenzer, évoquent 25 000 milliards de dollars :

- un enjeu d'influence qui se joue ensuite dans l'élaboration des normes techniques, dont les Français sont largement absents, des normes juridiques et des « bonnes pratiques ». Les cadres politiques, normatifs, économiques et administratifs futurs de nos partenaires dépendent, dans une large mesure, de l'expertise apportée pour les concevoir. Les prestations d'expertise et de conseil auprès des gouvernements étrangers et des organisations internationales constituent ainsi un vecteur essentiel pour la diffusion des normes et standards français, tant sociaux que juridiques, sanitaires ou environnementaux. L'expertise internationale française permet aussi le rayonnement de notre modèle d'organisation de la société et de nos valeurs ;

- un enjeu de présence sur les questions globales et la politique de développement, par l'élaboration de règles et de recommandations. L'expertise technique internationale est au coeur des problématiques du développement, qu'il s'agisse des Objectifs du millénaire pour le développement, de l'appui à la gouvernance et à l'élaboration d'un modèle social, ou du développement humain et durable. Cette politique participe notamment de la promotion d'une vision sociale de la mondialisation et de valeurs portées par notre diplomatie multilatérale (« socle de protection sociale », égalité dans l'accès à la santé, un droit du travail protecteur...). . L'expertise française dans ces domaines constitue potentiellement un puissant relais d'influence pour la France à l'heure où la santé, l'emploi et les inégalités sociales deviennent des facteurs de déséquilibres géopolitiques importants (chômage des jeunes, égalité hommes femmes, lutte contre le sida et les maladies infectieuses, développement des socles de protection sociale). Il s'agit là d'une composante essentielle de la politique de solidarité de la France. Cette solidarité s'exprime également dans le contexte de pays en crise ou en sortie de crise quand il s'agit d'apporter à nos partenaires l'expertise opérationnelle pour le rétablissement des fonctions premières de l'État et des institutions de la société civile.

B. LA TRANSFORMATION DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE EN MATIÈRE D'EXPERTISE S'EST TRADUITE PAR UNE DIMINUTION IMPORTANTE DES ASSISTANTS TECHNIQUES PERMANENTS ET LA MISE EN PLACE D'UNE POLITIQUE DE PROMOTION DE L'EXPERTISE FRANÇAISE À L'INTERNATIONAL

En tant que politique publique composante de la politique de coopération au développement, le recours à l'expertise technique a pris des formes variées avec cependant deux grandes catégories :

- l'assistance technique à moyen-long terme, aussi connue comme « résidentielle » qui peut se définir comme la mise à disposition d'agents d'Etat ou de contractuels par l'Etat français pour de l'appui en situation de l'animation des équipes sur place dans trois cas : l'appui aux administrations et le renforcement des capacités locales, le conseil au sens large, pour la définition des politiques, et l'appui à des projets de développement spécifiques.

- l'expertise technique de courte durée mise en oeuvre par une multiplicité d'opérateurs privés ou publics sur des marchés ouverts à la concurrence.

1. L'assistance technique résidente qui a longtemps été considérée comme une force de la politique de coopération française, tant pour le développement que pour sa visibilité et son influence, a aujourd'hui considérablement diminué.

L'assistance technique, développée par la France dans les années 1960 dans les anciennes colonies qui venaient d'accéder à l'indépendance, consistait dans la mise à disposition d'experts techniques, le temps de la mission de coopération, au service de l'Etat récipiendaire de l'aide.

En pratique, l'assistance technique a permis à la France de conserver une influence importante dans les pays de la zone prioritaire. Si les premiers décrets qui fixent le cadre de la coopération par le biais de l'assistance technique datent de 1961, la nature de la mission de coopération, la durée maximale et la rémunération sont définies par trois décrets de 1992.

Dès le début des années 1990 et, de manière plus marquée encore, après la réforme de 1998, on observe une réduction importante du nombre d'assistants techniques.

Évolution des effectifs des assistants techniques de 1990 à 2000

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

9 074

8 509

7 597

6 863

5 996

5 129

4 611

3 993

3 675

3 282

2 806

Source : MAE

En 1979, les effectifs des assistants techniques s'élevaient à environ 10 976 pour n'atteindre plus que 2 806 en 2000, soit une diminution de 75 % des effectifs.

Évolution des effectifs d'assistance technique de 1990 à 2011

Source : MAE

Entre 2001 et 2011, la diminution s'est poursuivie; on constate une baisse des effectifs de l'assistance technique de près des deux tiers.

Sur l'ensemble de la période de 1990 à nos jours, la diminution des effectifs s'explique principalement par l'abandon progressif de la coopération de substitution mise en place dans les années 60 à travers la mise à disposition permanente d'experts techniques, dont une grande partie d'enseignants, auprès de gouvernements ou d'institutions étrangères dans le monde.

Cette évolution correspond à la fois à la volonté politique de mettre fin, à un système d'assistance permanente trente ans après les indépendances et à la prise en compte de contraintes budgétaires.

Il s'agit de rompre avec un système hérité de la période coloniale et de réduire le coût lié au financement d'un personnel permanent, installé auprès des autorités de pays partenaires qui ont eu le temps de se constituer des élites administratives.

Une fois les gros bataillons d'experts techniques supprimés, les suppressions ont eu pour cause la contribution aux contraintes imposées par la Révision générale des politiques publiques (RGPP) ainsi qu'à l'abandon de projets dont les financements n'étaient plus assurés.

Parallèlement, la responsabilité d'une partie des assistants techniques qui relevaient du ministère des affaires étrangères, dans les secteurs de l'éducation et de la santé notamment, ont été transférés à l'Agence française de développement. Le ministère a, quant à lui, conservé la gestion des assistants liés à la gouvernance.

Le recours à l'expertise technique est cependant désormais majoritairement conçu comme des missions temporaires d'experts à haute valeur ajoutée, placés en position de conseillers auprès de décideurs locaux ou affectés à des fonctions d'animation dans le cadre de projets de développement.

Cette transformation a conduit à une réduction drastique des moyens d'expertise bilatéraux de la France pour aider à la modernisation des Etats africains ou à la transition démocratique dans les pays du Maghreb.

La présence d'assistants techniques sur le terrain demeure un atout précieux pour la coopération au développement aussi bien en matière d'efficacité que d'influence.

La récente évaluation de la Cour des comptes sur l'aide au développement 50 ( * ) cite de nombreux témoignages allant dans ce sens. L'ambassade au Sénégal estime ainsi que « le dispositif d'assistance technique géré par le Département est très apprécié tant par les administrations sénégalaises que par les partenaires techniques et financiers, en particulier multilatéraux ».

Leur présence se révèle même de nature à renforcer les actions multilatérales, comme au Togo, où, selon l'ambassade, « de nombreux projets européens seraient incapables d'atteindre les objectifs fixés s'ils n'étaient pas appuyés, voire directement mis en oeuvre par l'assistance technique française ».

De même, l'Inspection générale des affaires étrangères pouvait-elle constater, en mai 2009, dans un des pays pauvres prioritaires du Sahel : « la baisse continue des crédits de coopération conjuguée à la fermeture des postes d'assistance technique qui sont comptabilisés dans les équivalents temps plein (ETP) sous plafond dont il convient de réduire le nombre, alors même que leur présence dans ce pays est une action de coopération en soi, finira par rendre notre pays inaudible dans ce pays » 51 ( * ) .

Avec moins de 400 assistants techniques en Afrique subsaharienne, la France y dispose aujourd'hui de moins d'assistants que l'Allemagne où l'opérateur technique GIZ déploie 1 350 experts expatriés et 11 240 experts nationaux.

C'est pourquoi votre commission considère, depuis plusieurs années, que la France a été trop loin et a sacrifié un instrument de coopération précieux dont l'influence et l'intérêt économique sont pourtant reconnus 52 ( * ) .

Cette transformation des modalités de la coopération en matière d'expertise est cependant un mouvement général au sein des pays de l'OCDE auquel la France s'est adaptée en créant, à l'image de FEI, des opérateurs de promotion de son expertise publique à l'internationale.

2. ...la politique de promotion de l'expertise technique passe aujourd'hui par la promotion des opérateurs français publics et privés sur les marchés internationaux d'expertise financés par l'aide multilatérale à laquelle la France contribue largement

Car si la mise à disposition d'assistants techniques permanents est devenue plus rare, le marché de l'expertise de courte durée, lui, connaît un développement important.

La présence croissante des bailleurs de fonds multilatéraux sur les « marchés » de l'expertise entraîne une demande fondée sur des appels d'offres internationaux, notamment de la Banque Mondiale et des fonds communautaires.

Dans ce contexte, la politique des pouvoirs publics consiste à promouvoir l'expertise française sur les marchés et enceintes internationales, à recueillir et partager l'information, à renforcer la qualité et les performances de ces opérateurs, à améliorer leur coordination pour assurer la visibilité et la pertinence des réponses françaises aux appels d'offre et à dynamiser la gestion des ressources humaines des ministères et des opérateurs français afin d'assurer l'attractivité des missions à l'international pour accroître le vivier des experts disponibles.

Ces opérateurs sont nombreux. Chaque ministère ou presque a, en effet, mis en place un opérateur « métier », pour promouvoir à l'international ses expertises propres, auquel s'ajoute, selon les secteurs, des opérateurs privés.

La défense de cette expertise française à l'international fait l'objet d'un cadre stratégique sur la promotion de l'expertise française à l'international, publié en avril 2011 par le ministère des affaires étrangères.

Dans ce document le ministère des affaires étrangères se définit comme l'« entité légitime de coordination du dialogue interministériel de l'expertise internationale française » chargé de valoriser, au service des intérêts de la France, le vivier de savoir-faire français (mobilisation des agents publics et privés, avec une certaine attention à « la difficile mobilisation de l'expertise publique »).

Ce document souligne que « la tradition française de l'assistance technique résidentielle (...) a permis à notre pays de développer une expertise dont la qualité est internationalement reconnue, notamment dans les domaines des politiques de renforcement institutionnel et de gouvernance et concernés par les Objectifs du Millénaire pour le Développement ».

Cette stratégie doit être mise en oeuvre au premier chef par l'opérateur France Expertise Internationale du ministère et s'articuler autant que faire se peut avec la stratégie de chacun des opérateurs publics qui relèvent d'autres ministères, dont certains, ADETEF pour le ministère des finances et CIVIPOL pour le ministère de l'intérieur, ont des moyens et une légitimité qui leur permettent de mener un développement très autonome.

Votre commission estime que cette stratégie gagnerait à être portée au niveau interministériel par le CICID afin de fédérer l'ensemble des opérateurs autours d'objectif commun. Une stratégie interministérielle pouvant ensuite être déclinée dans le contrat d'objectifs de chacun des opérateurs.

La France bénéficie sur ces marchés de nombreux atouts : une expertise reconnue dans de nombreux secteurs comme l'agriculture, la santé, le développement durable ou la sécurité, mais aussi la présence dans de nombreux pays d'un large déploiement d'experts (assistants techniques) ainsi que de nombreux chercheurs placés auprès d'institutions locales ou des organismes de recherche français (Institut de recherche pour le développement (IRD), Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), Centre national de la recherche scientifique (CNRS), établissements de l'Institut Pasteur...) qui représente des ressources précieuses pour la connaissance du milieu local et les besoins particuliers de nos partenaires.

L'ensemble de ces moyens doit permettre d'aider les opérateurs français à remporter des marchés et, d'une certaine façon, de bénéficier de l'investissement important que la France consent dans les opérateurs multilatéraux.

L'évolution des modalités de l'expertise technique est concomitante d'un investissement croissant de la coopération française dans l'aide multilatérale.

La promotion des opérateurs français sur les marchés internationaux constitue une manière de chercher un retour sur investissement de la part des organisations multilatérales financées par la France.

C. LA FRANCE NE S'EST PAS DOTÉE D'INSTRUMENTS SUFFISANTS POUR FAIRE FACE À LA CONCURRENCE INTERNATIONALE EN MATIÈRE D'EXPERTISE

Le rapport « Maugüé » sur « le renforcement de la cohérence du dispositif public d'expertise technique internationale » souligne la faiblesse d'une organisation dispersée et l'absence d'opérateur dominant.

Force est de constater que le secteur est investi par une trentaine d'opérateurs publics d'expertise à l'international, des « opérateurs métiers » (proches des viviers d'expertise) et un opérateur généraliste (FEI). Cette dispersion s'accompagne naturellement d'une diversité de situations en matière de statuts et modèles économiques. Cohabitent des associations, des GIP, des EPIC, des EPA, des SA détenues majoritairement par l'Etat avec des ressources qui peuvent provenir de subventions d'exploitations, de cotisations, de crédits pour opérations (budget coopération) ou de contrats remportés.

Le volume d'activité cumulé annuel s'élève à environ 80 millions d'euros dont 60 millions d'euros proviennent des 3 plus grosses structures (FEI, ADETEF et CIVIPOL). Ces 80 millions d'euros se décomposeraient en 50 millions d'euros de financements européens, 22 millions d'euros de financements bilatéraux français et le solde de marchés remportés auprès de pays tiers ou de bailleurs multilatéraux.

Dans la grande majorité des cas, la gestion ne permet pas de distinguer les actions de coopération menées « à titre gracieux » et les activités qui s'inscrivent dans une logique marchande et concurrentielle.

Cette situation résulte, d'une part, d'un choix politique, au moment de la réforme de 1998, de ne pas se doter d'un opérateur public dominant qui aurait pu permettre de développer les synergies entre aide bilatérale et expertise technique internationale et, d'autre part, de l'existence d'« expertises métiers » qui résultent d'une succession de décisions « individuelles » des administrations à s'investir à l'international.

Votre commission estime que cette organisation n'est pas satisfaisante.

Elle entraîne de véritables difficultés à se positionner sur les appels d'offres internationaux en l'absence de taille critique qui permette une maîtrise des procédures et une capacité de veille suffisante. A cela s'ajoutent des difficultés à mobiliser le potentiel humain : malgré la proximité affichée des « viviers d'expertise », les opérateurs publics dans leur majorité sont confrontés à la réticence accrue des administrations à mettre à disposition leurs experts, du fait des restrictions en personnel, à des viviers au périmètre restreint à la fonction publique d'Etat et à l'absence d'une valorisation de l'expérience internationale dans le déroulé de carrière des experts.

Cette situation contraste avec celle rencontrée en Grande-Bretagne ou en Allemagne où cette compétence revient à un opérateur dominant, le Dfid ou le GIZ, bénéficiant d'un budget conséquent et d'effectifs beaucoup plus importants.

Le rapport « Maugüé » conclut que la France n'a pas les moyens de créer un opérateur unique, mais propose de consolider et rationaliser l'existant.

Il comporte un certain nombre de préconisations :

1) un cadrage stratégique : définition de priorités géographiques et sectorielles et validation politique afin que les opérateurs se mobilisent sur des objectifs communs ; déclinaisons par opérateur à travers des contrats d'objectifs ;

2) des espaces de dialogue et de coordination : renforcement des mécanismes de concertation entre la DGM et les opérateurs ; confirmation du rôle du Conseil d'orientation prévu par la loi de juillet 2010 (lieu d'analyse et de débat) ;

3) une recomposition du secteur : à initier à l'issue d'un état des lieux à opérer dans chaque secteur, en s'appuyant notamment sur les audits conduits par le CGEFI en ce qui concerne la viabilité économique des opérateurs (bien qu'incluses dans la lettre de cadrage de la mission, ces analyses n'ont pu être conduites) ; en fonction des cas, différents types de décisions devront être pris : suppression ou regroupement d'opérateurs ;

4) un développement d'outils pour rationaliser l'activité et la gestion des opérateurs.

La principale d'entre elles consistait à établir un audit financier de l'ensemble des opérateurs pour apprécier leur viabilité économique et préconiser, sur la base de cette évaluation, des rapprochements .

Aujourd'hui l'Etat n'a pas, en effet :

- de vision d'ensemble des moyens publics engagés dans la politique de promotion de l'expertise technique tellement le secteur est divisé entre opérateurs ;

- de connaissance précises sur la viabilité des modèles économiques des différents opérateurs.

Une première étape serait d'assurer le maximum de transparence sur les moyens publics mobilisés et de recenser les résultats obtenus par chaque opérateur.

L'évolution du chiffre d'affaires de l'ensemble des opérateurs français donnerait une idée de l'évolution de la part de marché de la France.

Une deuxième étape consisterait à comparer l'efficience de chacune des structures, en rassemblant notamment les données disponibles sur :

- l'évolution du chiffre d'affaires de chacun des opérateurs ;

- la part relative des frais de structure de chacun ;

- la part relative des subventions et financements publics ou assimilés ;

- un ratio de production financière par ETP.

Ces informations sont à la portée des pouvoirs publics sans audit, en collectant les données disponibles. Elles donneraient une vision de la situation de chaque opérateur.

Vos rapporteurs estiment nécessaire de procéder ensuite sans tarder à l'audit évoqué par le rapport Maugué pour avoir un vison plus fine des aspects financiers.

Votre commission, qui s'est penchée sur la situation de FEI en adoptant un avis sur son contrat d'objectif et de moyens, estime, à l'instar du rapporteur de cet avis, M. Jacques Berthou, qu'il est impératif que, dans une troisième étape, l'Etat fasse évoluer le dispositif dans le cadre d'une stratégie interministérielle.

On peut, en effet, que s'étonner que, deux ans après la réforme de 2010, la situation n'ait pas évolué. Les ministères, soucieux de conserver, chacun dans leur coin, leur opérateur, ont refusé de procéder à ces audits et semblent assez loin de l'idée d'une coordination, voire d'un regroupement des opérateurs. On ne saurait se contenter d'une cartellisation de l'expertise technique avec pour résultat un gâchis d'argent public et une moindre présence de la France sur les marchés internationaux.

Les conclusions du rapport Maugué, comme celles de ses prédécesseurs, ne doivent pas rester lettre morte.

La responsabilité de l'Etat ne se limite pas à la nomination de correspondants expertise dans les ambassades.

La seule évolution significative depuis ce rapport va, en apparence, à l'encontre des conclusions du rapport en créant un nouvel opérateur avec le fonds d'expertise technique de l'AFD qui devrait voir le jour en 2013.

Si on peut comprendre le souhait de l'AFD de participer au rayonnement de l'expertise française et de renforcer les capacités de nos pays partenaires, il convient de veiller à ce que ce fonds ne conduise pas à créer une nouvelle concurrence dans un paysage déjà marqué par une fragmentation excessive des intervenants.

Il n'est pas sûr que ce fonds ne devienne pas un nouvel opérateur. On peut envisager qu'il passe pour une partie de ses activités par des opérateurs existants, mais le directeur général de l'AFD, auditionné par la commission, n'a pas exclu qu'il participe à ce qu'il a appelé « une saine émulation » et ce qui peut apparaître, aux termes de ce rapport, comme une division des forces.

La plupart des acteurs rencontrés par votre rapporteur soulignent la nécessité d'agir, les lacunes du pilotage stratégique, l'absence de priorités clairement définies au niveau du ministère pour orienter les ressources d'expertise à l'international, et le faible portage politique de ces sujets.

Si une réforme ambitieuse du dispositif n'est pas engagée à court terme, permettant aux acteurs du champ d'atteindre la masse critique nécessaire pour remporter les appels d'offre multilatéraux et répondre aux demandes exigeantes des grands pays émergents, les restrictions budgétaires à venir provoqueront immanquablement un affaiblissement des différentes structures publiques, qui les éloigneront davantage du seuil de pertinence dans un environnement international de plus en plus concurrentiel.

Cet abandon serait d'autant plus paradoxal que, dans un contexte de fortes contraintes sur la ressource publique, le premier frein n'est pas celui des ressources financières. Comme le souligne le rapport Tenzer, la demande d'expertise est forte et largement « solvable ».

C'est pourquoi le prochain CICID doit ensuite mettre en place, sur la base des informations collectées, une stratégie d'ensemble portant réforme du dispositif de promotion de l'expertise française.

La principale difficulté se situe au niveau de l'interface entre l'offre et la demande ; il manque aujourd'hui la structure ou les modalités de coordination qui permettraient à l'offre française d'expertise publique, foisonnante mais dispersée, de trouver sa place dans le « marché » international de l'expertise.

Comme le ministre du développement, devant votre commission, l'a concédé, il y a là un chantier à ouvrir : « Je crois qu'il nous faut aujourd'hui essayer de trouver des moyens de coordonner l'action des différents opérateurs ainsi que celle de l'AFD qui va bientôt bénéficier d'un fonds dédié à l'expertise. »

Il faut se saisir de l'opportunité de la création du fonds d'expertise de l'AFD du rapport Maugüé et, à vrai dire, des nombreux rapports qui se sont succédé sur ce sujet depuis 10 ans pour inviter les pouvoirs publics à faire en sorte que, dans ce secteur porteur, l'équipe France parte unie à la conquête des marchés internationaux.

Pour cela, il faudra faire preuve d'imagination et de volonté politique.

Il s'agit de dépasser les clivages entre les ministères et une forme de cartellisation de l'expertise pour faire émerger un intérêt collectif.

Vos rapporteurs ont quelques réticences à proposer des solutions sachant qu'elles ne peuvent venir que d'un dialogue entre l'ensemble des opérateurs et des ministères concernés.

Quelques réflexions cependant sur la méthode et les objectifs à poursuivre.

Sans doute, comme le souligne le rapport Maugüé, n'a-t-on pas les moyens de créer ex nihilo un organisme de la taille de ceux des Britanniques ou des Allemands.

Le principal objectif est de mutualiser entre un maximum d'opérateurs un certain nombre de tâches communes :

- le travail de veille sur appels d'offres internationaux, et d'aide à la structuration de consortiums d'acteurs pour y répondre ;

- l'entretien du lien avec le réseau des ambassades, des bureaux de l'AFD et des organisations multilatérales ou européennes ;

- l'intermédiation financière entre les financements en provenance des bailleurs et les structures mettant à disposition l'expertise ;

- le travail de communication sur l'équipe France tout en préservant l'identité des opérateurs existants qui ont acquis une visibilité et une crédibilité au gré de leurs interventions passées.

Cette mutualisation peut s'effectuer selon différents scénarios qu'il convient d'étudier dans les prochains mois avec les acteurs concernés.

Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées.

Ce rôle transversal pourrait être assumé par FEI dont s'était initialement la vocation. Il pourrait également être confié à l'AFD, avec la création d'un EPIC, opérateur transversal, filiale de l'Agence, voire dans le cadre d'un FEI filialisé à l'AFD.

Dans ce scénario, cette filiale pourrait être l'opérateur d'assistance technique des ministères sans pour autant se substituer aux opérateurs spécialisés.

Une telle disposition prolongerait la réforme de l'aide bilatérale françaises menée dans les années 1990 et 2000, en confiant à cet EPIC le travail d'animation du vivier d'experts français et sa mobilisation en accompagnement de projets d'aide au développement. En plus de ses projets en prêts ou en dons, l'AFD serait donc à travers sa filiale gestionnaire d'une plateforme d'assistance technique dans ses domaines de compétence en lien avec les ministères concernés.

L'avantage de cette solution est d'adosser la promotion de l'expertise technique à un opérateur disposant à la fois de la masse critique exigée par l'environnement international et d'un réseau d'agences placées au plus près de des appels d'offres.

Une solution moins ambitieuse consisterait à commencer la rationalisation de ce secteur et la mutualisation de ces tâches par des regroupements par pôle d'activité, notamment dans le secteur social où la dispersion est maximale.

La création d'un opérateur dans le secteur sanitaire et social donnerait à la coopération technique française une cohérence accrue, avec la coexistence de 3 grands opérateurs thématiques : ADETEF en matière de coopération économique et financière, CIVIPOL en matière de sécurité intérieure, de protection civile et de gouvernance territoriale, et un opérateur « social » compétent en matière de travail, de protection sociale et d'emploi. Cette répartition en trois acteurs laisserait cependant entière la question de FEI.

Quel que soit le scenario retenu, le principal enjeu est : de mettre fin aux conflits de compétence, de favoriser les alliances positives et d'atteindre une taille critique par la mutualisation de fonctions communes à l'ensemble des prestataires de coopération, telles que la veille et la prospection, l'appui juridique à la réponse aux appels d'offres, au montage administratif des projets, au développement de partenariats.

Une stratégie commune et une harmonisation des conditions d'exercice des opérateurs seraient, en effet, déjà une amélioration notable.

Le prochain CICID devrait pouvoir avaliser une stratégie commune de promotion de l'expertise à l'internationale qui pourrait être déclinée dans le contrat de chaque opérateur.

CINQUIÈME PARTIE - DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE TENDU, LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2013 N'A PAS PROCÉDÉ AUX RÉALLOCATIONS QUI AURAIENT PERMIS DE DÉGAGER DES MARGES DE MANOEUVRE

I. LE PROJET DE LOI DE FINANCES NE PERMET PAS DE SORTIR DES CONTRADICTIONS ENTRE LES MOYENS DISPONIBLES ET LES PRIORITÉS GÉOGRAPHIQUES ET SECTORIELLES

La véritable difficulté de la coopération française à court terme réside dans la faiblesse de ses moyens en subventions pour intervenir dans les PMA francophones qui n'ont pas la possibilité de recourir aux emprunts.

A. LA COOPÉRATION FRANÇAISE NE BÉNÉFICIE PAS DE MOYENS SUFFISANTS POUR INTERVENIR DANS LES PAYS PRIORITAIRES ET LES PAYS SAHÉLIENS

La démonstration a déjà été faite par vos rapporteurs. Au-delà des chiffres officiels de l'aide au développement, on constate que les services français disposent, dans les 14 pays prioritaires, de 212 millions d'euros de subventions au sens de l'OCDE et, vraisemblablement, un peu plus d'une centaine de millions d'euros si on se réfère à l'aide programmable.

Evolution du montant des dons programmables consacrés aux 14 pays pauvres prioritaires

Dons programmables, en millions €

2006

2007

2008

2009

Bénin

54,54

36,34

48,07

37,59

Burkina Faso

110,8

89,5

96,79

63,61

Centrafricaine, république

19,64

42,83

17,5

17,95

Tchad

28,43

27,22

26,39

32,73

Comores

10,09

7,42

10,46

13,59

RDC

11,14

12,7

15,65

18,05

Ghana

15,21

24,56

17,88

16,19

Guinée

15,73

27,69

23,17

16,91

Madagascar

80,23

115,17

70,88

76,14

Mali

65,12

79,4

64,02

61,78

Mauritanie

25,91

25,95

24,09

19,23

Niger

72,78

44,51

54,08

47,01

Sénégal

221,13

101,65

95,6

71,81

Togo

20,61

18,77

25,68

29,55

Total

751,36

653,71

590,26

522,14

La tendance, ces dernières années, a été une diminution des dons programmables 53 ( * ) consacrés aux 14 pays pauvres prioritaires.

De 2006 à 2009 cette diminution est de l'ordre de 30 %.

Certes la France participe également via l'Europe au Programme Indicatif Régional (PIR) de l'Afrique de l'Ouest pour l'appui à l'intégration régionale, aux négociations APE, à la compétitivité des entreprises et au développement du secteur privé.

Mais les montants des financements dégagés pour cette zone en difficulté sont très limités même lorsque l'on comptabilise l'aide multilatérale imputable à la France.

Evolution des montants d'APD bilatérale nette et multilatérale imputée nette
de la France pour les pays du Sahel entre 2005 et 2009

En millions de dollars US courants - Source : CAD de l'OCDE

Face à cela on constate une aggravation préoccupante de la situation dans certains pays prioritaires et notamment au Sahel.

La situation sécuritaire dégradée qui prévaut dans la sous-région avec notamment une forte dégradation au Mali au cours des douze derniers mois constitue une source de préoccupation majeure.

Comme l'illustrent les cartes publiées sur le site du ministère des affaires étrangères, les zones aujourd'hui où la menace terroriste est présente sont de plus en plus vastes. Il ne s'agit pas seulement du Nord Mali, mais également d'une partie de la Mauritanie et du Niger.

Les trois pays sahéliens que sont le Niger, le Burkina et le Mali sont par ailleurs dans une situation démographique très préoccupante : le Niger, qui avait 3 millions d'habitants à l'indépendance, en aura plus de 55 en 2050. La population de ces 3 pays passera d'ici 2050 de 44 millions d'habitants aujourd'hui à 125 millions. Or, à moins de changements radicaux localement des politiques économiques et des politiques d'aide, les ressources en terres arables et en eau ne permettront pas de les nourrir ni de leur offrir des emplois.

Vos rapporteurs estiment que nous ne pouvons pas laisser cette région s'enfoncer dans le non-développement et devenir une zone de non-droit. C'est leur intérêt, c'est notre intérêt.

Si l'insécurité actuelle ne permet pas de mener des projets à bien, il faut préparer d'ores et déjà l'après-crise en espérant que le Mali ne devienne pas un nouvel Afghanistan.

Dans les pays où nous pouvons encore assurer la sécurité du personnel de la coopération et gérer des projets, notre politique doit apporter un soutien aux populations par le rétablissement des services essentiels et conforter l'Etat dans l'exercice de ses missions régaliennes (police, sécurité civile, justice, administrations déconcentrées), tout en renforçant la participation des populations aux processus de décision.

Notre action après des autorités locales doit contribuer à réduire les causes de tensions et, quand les menaces sur la sécurité y atteignent un point critique, à conduire des programmes de renforcement des forces de sécurité (douanes, police, armée) accompagnés, à chaque fois que cela est possible, d'actions qui contribuent au redéploiement rapide des services de l'Etat en réponse aux besoins des populations locales.

Ce sont des situations où composantes de sécurité et de développement sont étroitement imbriquées, voire menées simultanément. Or, actuellement, l'absence de moyens pour financer des projets de développement conduit à un déséquilibre en faveur de solutions purement sécuritaires.

La situation est préoccupante dans des pays fragiles comme le Tchad, la RCA et le Niger où il faut craindre des phénomènes de désintégration sociale de grande ampleur. Or comme le souligne Serge Michailof dans son dernier ouvrage « Notre maison brûle au sud 54 ( * ) », l'aide au développement est aujourd'hui la moins efficace là où il y en a le plus besoin :  « nous sommes sans moyens d'action effectifs pour répondre à nos préoccupations propres, qu'il s'agisse d'intervenir dans des pays pauvres où nous avons des enjeux géopolitiques, comme ceux du Sahel, ou sur des thématiques importantes, comme le développement rural pour lequel nous avons une expertise ancienne avérée » 55 ( * ) .

B. LES MOYENS RÉELLEMENT DÉGAGÉS POUR ACCOMPAGNER LE PRINTEMPS ARABE NE SONT PAS LA HAUTEUR DE L'ENJEU HISTORIQUE

Il faut ajouter à cette situation les besoins nés de la situation des pays du Maghreb dont la transition est essentielle à la sécurité du Sud de l'Europe.

Les incertitudes politiques liées aux transitions en cours focalisent l'attention, sur l'Egypte ou sur la Tunisie, où les élections ont abouti à la victoire écrasante du parti islamiste Ennahda (« Renaissance ») et plus encore, sur la Libye post-Kadhafi qui s'affirme autour d'une identité islamique ultraconservatrice voire radicale.

Ces révoltes, parties des régions périphériques (Tunisie, Libye, Syrie) ou des principaux centres urbains (Egypte, Yémen), ont revêtu les habits d'une contestation sociale et politique. Tous les foyers de mobilisation dans la région expriment, en effet, un rejet unanime à l'égard d'une corruption systémique et d'un modèle de gouvernance fondé sur le clientélisme et le népotisme qu'incarnaient les classes dirigeantes en place.

Dans l'élan vers la liberté et le renouveau qui s'est propagé dans tous les pays de la rive sud de la Méditerranée, chaque situation est particulière, chaque cas est unique. Mais tous s'inscrivent dans un seul et même mouvement, une même aspiration exprimée par les peuples, et en particulier la jeunesse, à la dignité humaine, à la liberté et à la démocratie.

Certes, le chemin de la démocratie sera long et semé d'embûches, jalonné de risques de dérapage et de violence. Notre propre histoire révolutionnaire est édifiante à cet égard. Mais ces « printemps » ou ces  « éveils » arabes sont, d'abord, pour les peuples, un immense espoir, et pour nous une opportunité stratégique historique: ils ont brisé la malédiction qui semblait enfermer le monde arabe dans une fausse alternative entre dictature et fondamentalisme ; ils ont ouvert une perspective vers la modernité politique ; ils ont imposé une révision de notre regard sur cette partie du monde ; ils nous ont montré que seuls la diversité sociale, les aspirations de la jeunesse et le renouvellement politique peuvent assurer une authentique stabilité de notre environnement stratégique au Maghreb et au Moyen-Orient.

Notre devoir et nos intérêts nous commandent d'accompagner les sociétés arabes dans cette voie, sans arrogance, ni ingérence, mais en les assurant de notre disponibilité et de notre soutien.

L'avenir de cette dynamique de révoltes va désormais dépendre des réponses qui seront apportées à la question des inégalités socio-économiques, ainsi qu'à celle des transitions politiques. Ces dernières s'articulent principalement autour de la place du religieux par rapport au politique et du poids des militaires dans les systèmes politiques de demain.

Mais les questions centrales seront celles du développement et de la gouvernance. La France a un intérêt majeur à ce que ces transitions qui s'annoncent longues aboutissent à des régimes démocratiques stables et prospères.

Les interventions dans les pays du Maghreb prennent la forme de prêts dans les secteurs économiques.

Le Président de la République avait annoncé, lors du sommet du G8 de Deauville le 27 mai 2011, que l'AFD apportera en trois ans près de 1,1 milliard d'euros d'aide à l'Égypte (650 millions d'euros) et à la Tunisie (425 millions d'euros).

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a, par la suite, annoncé, à Marseille, le 10 septembre 2011, qu' un volume total de 2,7 milliards d'euros de financements bilatéraux français (principalement par le canal de l'AFD) serait consacré aux quatre pays de la région membres du « Partenariat de Deauville », soit l'Égypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie, sur la période 2011-2013.

Votre commission se félicite de cet effort et souhaiterait être certaine que les sommes annoncées soient effectivement budgétées.

L'évolution de l'APD française bilatérale et multilatérale, sur les 5 dernières années, des principaux pays méditerranéens, précisée ci-dessous, était très en deçà de ces niveaux.

Or peu de moyens nouveaux ont été dégagés :

En Tunisie, par exemple, les interventions nombreuses de l'AFD peinent à atteindre les niveaux promis.

En 2011, l'AFD a autorisé un prêt d'aide programme sectorielle de 185 millions d'euros destiné au financement partiel du programme d'appui à la relance (PAR) de l'économie tunisienne, un prêt de 15 millions d'euros pour la construction de l'Ecole nationale d'ingénieurs de Bizerte (ENIB).

Ces deux conventions, d'un montant total de 200 millions d'euros, représentent la première étape des 425 millions d'euros annoncés.

En 2012, l'AFD a autorisé un prêt de 20 millions d'euros en faveur de l'adduction en eau potable en zone rurale, de 40 millions d'euros pour l'adduction en eau potable dans les villes.

Mais les engagements 2013 restent dépendants du montant de l'exposition de l'AFD sur ce pays.

En Égypte, 2011 a été marquée par un unique engagement, un fonds d'études et de renforcement de capacités de 1 million d'euros.

En 2012, Le Conseil d'administration de l'AFD a autorisé en janvier un prêt de 300 millions d'euros pour le financement de la phase 3 de la ligne 3 du métro du Caire. Cette décision importante laisse 350 millions d'euros supplémentaires à autoriser d'ici fin 2013 pour remplir l'engagement de Deauville de 650 millions d'euros.

L'ensemble des interventions dans les pays du Maghreb pose la question, d'une part, des fonds propres de l'AFD et, d'autre part, des subventions pour financer des études d'expertise.

Dans le cas de l'Égypte, en attendant une redéfinition de la ZSP ou la mise en place d'un fonds d'expertise, les études sont financées directement sur les frais de fonctionnement de l'AFD. Dans les autres pays, la faiblesse des subventions est également un frein.

Les mesures qui restent à financer devront être accompagnées d'interventions sous forme de dons pour financer des études préalables et, surtout, pour accroître notre aide à la gouvernance qui est un enjeu stratégique à la fois pour ces révolutions et pour l'influence de la France.

C'est pourquoi, il faut dégager de nouvelles marges de manoeuvre en matière de subvention pour intervenir en matière de gouvernance parallèlement à l'intensification des actions de l'AFD dans les domaines économiques.

L'avènement au Maghreb d'un islam politique légitimé par les urnes et d'une classe politique renouvelée nous impose de composer avec cette dernière et, ainsi, de ne pas la laisser dans une absence de proximité ni de partenariat.

En ce sens, vos rapporteurs militent également pour une accélération des offres de coopération en matière parlementaire.

L'ensemble de ces préoccupations conduit vos rapporteurs à estimer entre 300 à 500 millions d'euros le montant nécessaire pour financer des actions significatives dans ces deux géographies que sont l'Afrique subsaharienne sahélienne et le Maghreb en transition.

Dans l'enveloppe actuelle de 300 millions, une fois les subventions des pays en crise affectées, l'aide projet pour les pays prioritaires est extrêmement limité, de l'ordre de 190 millions d'euros pour 14 pays.

En ce qui concerne les 14 pays pauvres prioritaires, ils ont représenté ces dernières années une part très variable des subventions du programme 209 et des aides budgétaires globales, allant de 31 % en 2010 à 33 % en 2008, et jusqu'à 57 % en 2006. L'AFD explique les taux relativement plus faibles observés en 2008 et en 2010 par le pourcentage important des financements consacrés aux pays en crise et en sortie de crise, en particulier les Territoires palestiniens, l'Afghanistan et Haïti.

Dans le contexte budgétaire actuel, vos rapporteurs ont cherché à savoir si les marges de manoeuvre pourraient être dégagées au sein du budget de la coopération afin de ne pas contribuer plus avant au déficit des finances publiques.

C'est donc à budget constant que vos rapporteurs ont souhaité examiner les hypothèses qui permettraient de dégager ses nouveaux financements.

II. À BUDGET CONSTANT, LES MARGES DE MANOEUVRE SUCEPTIBLES DÊTRE DÉGAGÉES PAR REDÉPLOIEMENT SONT TRÈS LIMITÉES MAIS RÉELLES

Partant de l'idée que si la coopération française veut avoir une action significative dans ces zones prioritaires et veut honorer les engagements pris à l'égard des Objectifs du Millénaire pour le Développement de lutte contre le réchauffement climatique, il faut trouver, selon les ambitions que l'on se fixe, 200 à 500 millions d'euros. Vos rapporteurs ont étudié la possibilité de trouver ces financements par redéploiement de crédits afin de ne pas aggraver les déficits publics.

A. COMPTE TENU DU RYTHME DES RECONSTITUTIONS DES FONDS MULTILATÉRAUX, LES MARGES DE MANoeUVRE SUR L'AIDE MULTILATÉRALE SONT À COURT TERME ÉTROITES

La première solution consisterait à réduire nos contributions multilatérales. Dans le droit-fil du rééquilibrage entre les contributions bilatérales et multilatérales, il s'agirait de trouver plusieurs centaines de millions d'euros dans les actions multilatérales des programmes 110 et 209.

Or, l'examen de ces contributions nous a montré que les marges de manoeuvre étaient étroites.

En effet, sur le programme 110, la majeure partie des fonds multilatéraux ont déjà fait l'objet de reconstitution, de sorte que nos engagements courent jusqu'en 2013, voire au-delà . Ainsi, la France a participé à la 16 e reconstitution de la Banque mondiale qui nous engage jusqu'en 2014. De même la France a participé à la 12 e reconstitution du Fonds africain de développement qui nous engage jusqu'en 2013.

Une réduction homothétique sur les différents fonds sectoriels du programme 110 permettrait, années après années, de dégager des marges de manoeuvre.

Vos rapporteurs sont d'avis qu'un prélèvement de 10 millions, répartis de façon homothétique sur le programme 110, sur les fonds multilatéraux, et notamment les fonds spécialisés tels que le Fonds fiduciaires au profit de pays sortant de crise, le Fonds fiduciaire LAB/LAT, le METAC, l'AFRITAC, l'Initiative pour l'alimentation en eau et l'assainissement en milieu rural en Afrique, le Fonds du sarcophage de Tchernobyl et le Compte pour la Sûreté nucléaire, le FIAS, le Fonds fiduciaire de la Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (FEMIP), la facilité pour le Partenariat oriental, ou le Fonds Doha, en regardant notamment le taux de consommation de ces crédits, permettrait d'amorcer un redressement de la ligne aide projet du programme 209.

C'est pourquoi, ils ont proposé à la commission qui l'a adopté un amendement transférant du programme 110 au programme 209, 10 millions d'euros à destination de l'aide-projet.

S'agissant du Fonds européen de développement, certes, la nouvelle clef de répartition des contributions a permis de dégager de nouveaux crédits pour l'aide bilatérale. En outre, la diminution de la consommation des crédits du FED aurait dû permettre de redéployer vers l'aide projet.

Mais votre commission n'a pas les moyens de restituer par voie d'amendement ces crédits sur le programme 209 sans créer de dépenses nouvelles, ce qui lui est interdit par la LOLF.

Vos rapporteurs regrettent que cela ne soit pas le cas.

En ce qui concerne nos contributions à des fonds multilatéraux, les récentes réductions ont fragilisé la participation de la France aux instances de programmation, voire aux conseils d'administration, comme c'est déjà le cas dans certaines institutions de l'ONU.

Poursuivre dans cette voie pourrait conduire la France à perdre son siège dans des institutions auxquelles elle a toujours participé et dans lesquelles elle pèse de tout son poids pour que la programmation soit conforme à ses priorités géographiques.

Dans ce contexte contraint, la seule marge de manoeuvre serait la contribution au FMSTP. Il serait contradictoire de diminuer notre contribution, quelque temps après l'avoir augmentée, en septembre dernier, de plus de 60 millions d'euros financés par la taxe sur les billets d'avion.

Toutefois, compte tenu des difficultés du fonds à décaisser les financements obtenus, une réduction de notre contribution ne se traduirait pas forcément par une diminution des actions menées et permettrait sans doute de dégager des financements substantiels.

Là encore, la LOLF ne permet pas à votre commission de réallouer les fonds au sein du programme 209.

C'est pourquoi votre commission a procédé autrement.

Elle a adopté un amendement annexé au présent rapport qui tend à réallouer 10 millions d'euros de crédits du programme 110, action n° 01 Aide économique et financière multilatérale au profit de l'action n° 2 Coopération bilatérale du programme 209.

Cet amendement prélève 10 millions sur les 673 millions de crédits de paiements de l'action multilatérale du programme 110 vise à amorcer, à budget constant, un rééquilibrage en faveur de l'aide bilatérale et au sein de l'aide bilatérale au profit des subventions aux projets de coopération destinées aux 17 pays pauvres prioritaires.

B. UN NOUVEL ARBITRAGE ENTRE BONIFICATION ET SUBVENTION AURAIT DES CONSÉQUENCES DISCUTABLES

Une autre voie consisterait à rééquilibrer le montant respectif des autorisations de programme des crédits de bonification du programme 110 et des crédits de subvention du programme 209 au profit de ce dernier.

Les crédits de bonification qui permettent à l'AFD de faire des prêts concessionnels ont augmenté ces dernières années de façon importante pendant que ceux consacrés aux subventions ont diminué, comme l'illustre le graphique suivant :

Source : Sénat sur la base des chiffres du COM et de l'AFD

Si on considère les autorisations de programme prévues dans le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD, en 2013, comparées à celles de 2008, les bonifications ont augmenté de 21 % quand les subventions ont diminué de 22 %.

1. Une façon de réorienter l'aide vers les pays prioritaires ?

Nous avons vu que ces deux instruments ne permettent pas d'atteindre les mêmes pays ni les mêmes secteurs.

Un rééquilibrage, à terme, au profit des zones prioritaires pourrait, en apparence, être obtenu, en loi de finances, par un abondement des crédits de subvention du programme 209 qui, à budget constant, pourrait être pris aux crédits de bonification du programme 110.

Cependant, en matière de bonification, les crédits de paiement correspondent aux engagements de prêts pris. Une diminution de ces crédits entraînerait une baisse des bonifications des nouveaux prêts qui ne se ferait sentir qu'à moyen terme.

2. Des conséquences discutables

Les conséquences d'un transfert de 100 millions d'euros issus du programme 110 consacré aux bonifications vers le programme 209 au profit des dons/projets méritent d'être analysées de façon approfondie.

L'impact sur la capacité d'intervention de l'AFD d'une telle mesure serait important puisque, pour un euro de subvention en plus, il y aura 9 euros de prêts en moins en raison de l'effet de levier des prêts par rapport au « coût Etat ». Autrement dit, pour faire bénéficier l'Afrique subsaharienne de 100 millions de plus de subventions, le redéploiement conduit in fine à une diminution de 900 millions de prêts pour des destinations qui sont, il est vrai, souvent différentes.

L'impact, en termes d'APD déclarée, sera également, à court terme, négatif. En effet, dans le cas du don, le montant d'APD déclaré au CAD est égal au montant de la subvention. Dans le cas du prêt, le montant d'APD est égal au montant du versement de capital déduit des remboursements. Le montant d'APD produit est initialement plus élevé, mais il est ultérieurement intégralement annulé par les remboursements.

III. RÉDUIRE NOS AMBITIONS PAR UNE PLUS GRANDE SÉLECTIVITÉ DES ZONES D'INTERVENTION ?

Considérant que les marges de manoeuvre susceptibles d'être dégagées à partir des financements multilatéraux sont limitées, sachant que les redéploiements au sein de l'aide bilatérale auraient des conséquences incertaines, il ne reste, en réalité, que deux types de solutions : soient dégager de nouvelles sources de financement, c'est la solution des financements innovants dont on sait qu'elle constitue une piste à moyen terme, soit en attendant de réduire les ambitions et, notamment, l'étendue des pays dans lesquels la coopération française intervient. En d'autres termes, soit on augmente les crédits, soit on revoit les ambitions.

Cette conclusion s'impose à partir de l'examen des crédits disponibles pour les zones prioritaires de l'aide au développement.

Vos rapporteurs se sont suffisamment expliqués dans ce rapport sur ce sujet pour ne pas y revenir trop longuement.

Deux exemples illustreront ce propos.

Le premier exemple porte sur l'enveloppe des crédits disponibles au sein des Services de Coopération et d'Action Culturelle (SCAC) qui sont issus du programme 209 qui comprennent les crédits en matière de gouvernance, soit 14,2 millions d'euros déclinés en différents instruments, les projets du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) déléguée aux SCAC, soit en 2011, 36 millions d'euros de crédits de paiement. Les SCAC coordonnent et assurent également le suivi des subventions allouées pour l'aide alimentaire et les urgences humanitaires, soit 8,9 millions d'euros en 2011 et en 2012.

Si on ne considère que les pays de la ZSP 56 ( * ) , ces quelque 60 millions d'euros doivent être répartis entre une soixantaine de pays , soit un million chacun.

Si on ne considère que la gouvernance, dont certains estiment que cela devrait être le coeur de l'aide au développement, les crédits s'établissent à moins de 15 millions pour 60 pays.

Le deuxième exemple porte sur les autres crédits la coopération, c'est-à-dire les crédits gérés par l'AFD dans les secteurs autres que la gouvernance ou l'éducation et l'enseignement supérieur. Si on s'en tient aux 14 pays prioritaires, le montant des subventions pour ces pays s'élève à 199 millions d'euros.

APD nette, en millions d'euros

2006

2007

2008

2009

2010

Pays pauvres prioritaires

Aide bilatérale

Dons a

Total

794

676

572

520

519

dont Subventions b

271

246

243

205

199

Prêts

Nets

-27

5

4

28

2

Bruts

20

36

79

59

59

Réaménagements de dette d

47

106

135

44

121

Aide multilatérale imputée e

418

352

425

556

619

Pour mémoire : APP c

45

63

70

107

422

APD bilatérale totale nette

814

787

710

592

643

Source : DPT 2013

Ce montant signifie que la France dispose de moins de dix millions d'euros par an et par pays pour poursuivre une politique de dons dans les 14 pays qu'elle juge prioritaires.

La politique française se caractérise par une dispersion des interventions sous forme de prêts et une forte concentration de l'effort budgétaire.

Une des solutions pour accroître les moyens susceptibles consacrés aux pays prioritaires consisterait à réduire nos ambitions dans d'autres zones géographiques.

Il est vrai que la coopération française intervient aujourd'hui sur à peu près tous les continents. La définition de zones prioritaires avec la ZSP, puis la définition des 14 pays prioritaires devenu 17, puis le cadrage proposé par le document-cadre de coopération autour des quatre partenariats différenciés ont néanmoins permis de définir des objectifs de concentration de l'effort budgétaire qui commence à produire des effets.

L'Afrique subsaharienne doit bénéficier ainsi de 60 % de l'effort financier bilatéral de la mission APD. Les 14 pays pauvres prioritaires doivent concentrer 50 % des subventions bilatérales. Les pays méditerranéens bénéficient de 20 % de l'effort financier bilatéral de la mission APD. Dans les pays émergents l'enveloppe des crédits budgétaires sera limitée au maximum à 10 % des crédits de la mission APD.

Peut-on aller plus loin ?

Une première piste consisterait à accroître davantage les objectifs de concentration , en augmentant, par exemple, la concentration des subventions à 80 % sur les 17 pays prioritaires ou à croiser le critère géographique avec un critère lié aux PMA.

Une seconde piste déjà évoquée ici consisterait à réduire le nombre des pays dans lesquels les SCAC ou l'AFD interviennent , de façon à économiser aussi bien en subventions qu'en frais de fonctionnement.

La Grande-Bretagne constitue à cet égard un exemple de pays qui continue à accroître son effort bilatéral de développement à fin de 0,7 % en 2015 tout en réduisant le nombre de pays concernés par son aide.

En effet, en 2008/2009, quelque 140 pays recevaient du Royaume-Uni une aide, dont 87 bénéficiaient, à un titre ou à un autre, des services de l'opérateur pivot de la coopération britannique le DFID ; dans 43 pays, des programmes bilatéraux significatifs étaient mis en oeuvre. Au terme de la revue de l'aide bilatérale à laquelle l'agence britannique a procédé en 2010, il a été décidé que le DFID, à l'horizon 2016, ne se concentrerait plus, au mieux, que sur 27 pays et trois programmes régionaux, en Afrique, Asie et dans les Caraïbes. Nombre de programmes bilatéraux seront par conséquent clos et toutes les catégories de pays sont concernées : en tout premier lieu, les grands pays émergents, la Chine ou la Russie, mais aussi les pays à revenus intermédiaires, considérés comme ne dépendant désormais plus de l'aide pour leur développement, tel le Vietnam dont l'économie est jugée performante. Certains PMA, comme le Niger ou le Burundi, verront aussi l'assistance du DFID s'interrompre, dans la mesure où d'autres donateurs sont désormais vus comme étant mieux placés pour continuer à y travailler en bilatéral.

Une étude plus approfondie des réformes en Grande-Bretagne ainsi qu'une comparaison du degré de concentration des politiques d'aide de part et d'autre de la Manche permettraient de se faire une opinion sur l'opportunité de resserrer le dispositif français et les gains financiers d'une telle opération.

Jusqu'à présent les gouvernements successifs ont fait le contraire, augmentant le nombre de pays prioritaires de 14 à 17 et multipliant les exceptions à la délimitation des interventions de l'AFD à la ZSP.

Il faut croire que les raisons qui conduisent à la dispersion sont plus fortes que celles qui conduiraient à une plus grande concentration. Mais loin de résulter d'une stratégie, cette situation est le fruit d'une succession de décisions liées notamment à des déplacements présidentiels.

Votre commission plaide donc pour un réexamen « à froid » des différents périmètres d'intervention.

Quelle que soit la piste retenue, les choix à opérer sont délicats dans la mesure où ils nécessitent, pour avoir un impact budgétaire significatif, d'interrompre des coopérations dans des pays partenaires avec lesquels la France a pu entretenir des relations très anciennes.

C'est la raison pour laquelle il est toujours plus facile d'ouvrir la liste des pays prioritaires que de la réduire.

Renforcer les cibles de concentration de l'effort budgétaire peut également présenter des inconvénients techniques importants. La pratique montre que des cibles de concentration trop contraignantes peuvent se révéler contre-productives en imposant des contraintes trop formelles .

La multiplication des cibles de concentration par géographie et par secteur peut conduire à gérer le budget de la coopération non plus en fonction des projets mais par souci de remplir un tableau de bord aux multiples entrées.

D'autre part, si la grande majorité des interventions dans des pays relativement avancés comme en Méditerranée peut se faire à travers des prêts, l'expérience montre que des crédits de subventions sont également nécessaires dans ces pays en petites quantités pour financer les études préalables.

De ce point de vue, il n'apparaîtrait pas judicieux de réduire trop les possibilités de recours aux subventions dans d'autres pays que les 17 pays prioritaires.

En ce qui concerne un resserrement des zones géographiques d'intervention de l'AFD, vos rapporteurs ont déjà abordé cette question dans la partie consacrée à l'AFD.

Tant que l'on peut intervenir dans les pays à revenus intermédiaires et ce à des conditions peu ou pas bonifiées, cette coopération est peu consommatrice de crédits budgétaires et présente en contrepartie un intérêt politique et économique non négligeable.

Dès lors, les marges de manoeuvre dégagées par des fermetures d'agences risquent d'être relativement limitées.

Reste la question des coûts de fonctionnement de ce réseau qu'il conviendrait d'approfondir. Dans la mesure où l'activité financière de l'AFD lui permet de financer ses agences, leur présence, dans des pays où la France ne dispose pas d'autres moyens de coopération, constitue vraisemblablement, pour l'État, une opportunité peu coûteuse pour les finances publiques.

Dans ces conditions, les choix seraient difficiles à opérer.

Sans doute une analyse fine du coût réel des interventions dans les pays hors ZSP et des résultats obtenus permettrait d'éclairer les options possibles et leurs conséquences.

C'est pourquoi votre commission demande une étude sur les élargissements successifs des zones d'intervention de l'AFD.

IV. SEULS LES FINANCEMENTS INNOVANTS CONSTITUENT UNE SOLUTION DE LONG TERME A LA HAUTEUR DES ENJEUX

Comme l'ont souligné vos rapporteurs tout au long de ce rapport, le besoin de gérer collectivement un nombre grandissant d'enjeux globaux rend inéluctable la mise en place de politiques publiques à l'échelle planétaire.

Les besoins de financements liés à ces politiques globales sont importants et durables, ils requièrent des réponses structurelles.

La crise financière et la récession mondiales, de même que les mesures de consolidation budgétaire qui se sont suivies, sont venues aggraver les problèmes de financement et compromettent gravement la capacité des gouvernements à s'acquitter de leurs engagements antérieurs.

La récente crise de la dette souveraine en Europe n'a fait que renforcer la forte pression qui continue à peser sur les situations budgétaires de nombreux pays.

C'est pourquoi, il faut encourager l'essor des financements innovants du développement, c'est-à-dire de nouveaux flux financiers plus stables, plus prévisibles et moins dépendants des budgets annuels des pays membres du CAD et des nouveaux pays donateurs, que l'aide traditionnelle.

Ces financements complètent cette dernière par une fiscalité assise sur les activités économiques internationales peu ou non taxées à l'échelon mondial, à l'instar de la taxe sur les billets d'avion ou du projet de taxe sur les transactions financières internationales.

Ils peuvent également bénéficier des perspectives ouvertes par les garanties et mécanismes de marché -garanties d'achats futurs, garantie d'emprunt (IFFIM,...), mise aux enchères des quotas de CO 2 ,...

A. DES SOLUTIONS TECHNIQUES ONT FAIT L'OBJET DE TRAVAUX POUSSÉS

Plusieurs rapports d'experts ont étudié la faisabilité technique d'une taxe sur les transactions financières au regard d'un certain nombre de critères : les volumes (si les recettes potentielles sont suffisantes pour apporter une contribution significative), l'impact sur le marché (si les distorsions et les évitements restent dans des limites acceptables), la faisabilité (si les défis juridiques et techniques peuvent être surmontés) et la pérennité, et l'adéquation (si les flux de recettes sont relativement stables dans le temps et la source adaptée au rôle de financement des biens publics mondiaux).

Plusieurs options sont possibles : une taxe sur les activités financières, une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les services financiers, une taxation large sur les transactions financières, une taxe sur les transactions de change mono-devise, collectée au niveau national, une taxe sur les transactions de change multidevises, collectée de manière centralisée au niveau mondial.

Le dernier rapport du « groupe d'experts à la taskforce sur les transactions financières internationales pour le développement » a conclu, après avoir évalué les différentes options, qu' une taxe sur les transactions de change au niveau mondial constitue le mécanisme de financement le plus approprié pour les biens publics mondiaux.

D'autres solutions peuvent être envisagées, parmi les propositions, les taxes sur le tabac sont particulièrement intéressantes parce qu'elles incitent les fumeurs à abandonner la cigarette et dissuadent les gens de commencer à fumer, tout en générant des revenus non négligeables.

L'OMS a formulé l'idée d'une contribution de solidarité mondiale (STC, Solidarity Tobacco Contribution) applicable au tabac. Il s'agirait d'obliger les pays à augmenter les droits d'accise sur le tabac et d'allouer une partie des revenus supplémentaires perçus à la santé mondiale. Elle souligne que les taxes sur le tabac sont déjà omniprésentes. Elles sont appliquées sous une forme ou une autre dans 90 % des pays. Et elles sont efficaces. Bien que dans certains pays, l'ensemble des taxes sur le tabac dépasse 70 %, le droit d'accise moyen dans les pays du G20 et de l'Union européenne est d'environ 55 %.

Dans le schéma de l'OMS, les pays à revenu élevé pourraient affecter 0,10 dollar par paquet de cigarettes vendu à la santé mondiale, les pays à revenu moyen 0,06 dollar et les pays à faible revenu 0,02 dollar.

Comme le souligne le rapport de Bill Gates aux membres du G20, « si cette taxe était mise en place par les pays du G20 et d'autres membres de l'UE, ...il serait possible de générer environ 10,8 milliards de dollars pour la santé mondiale. Cette somme s'ajouterait aux bienfaits pour la santé que constituerait la baisse du nombre de fumeurs consécutive à l'augmentation des taxes sur le tabac. ».

L'idée la plus aboutie semble cependant être celle d'une taxe sur les transactions financières.

Les taxes sur les transactions financières existent déjà dans de nombreux pays où elles génèrent des revenus importants.

D'après le FMI, 15 pays du G20 taxent, sous une forme ou une autre, les transactions sur les titres. Dans les sept pays ou le FMI évalue les recettes, ces taxes rapportent, selon les estimations, 15 milliards de dollars par an. Pour un système d'imposition efficace, il est généralement conseillé d'appliquer un taux faible sur une base large. Cette ligne de conduite est valable également pour les taxes sur les transactions financières. Sur différents instruments, on pourrait envisager des variations de cette taxe pour réduire les éventuelles distorsions économiques. Ainsi, la taxe sur les capitaux propres pourrait être légèrement supérieure à la taxe sur les obligations à long et court terme, les swaps et les contrats à terme.

L'étude de certains modèles révèle que même une faible imposition de dix points de base sur les capitaux propres et de deux points de base sur les obligations pourrait générer environ 48 milliards de dollars sur l'ensemble des pays du G20 ou 9 milliards de dollars si l'on se limite aux principaux pays d'Europe. D'autres propositions de taxes sur les transactions financières offrent des perspectives sensiblement plus avantageuses, allant de 100 à 250 milliards de dollars, notamment en incluant les produits dérivés.

Aujourd'hui, la faisabilité technique de la mise en place d'un financement innovant ne semble plus aujourd'hui contestée, comme l'illustre un récent document de travail du FMI qui en a récemment montré la faisabilité technique 57 ( * ) .

Vos rapporteurs souhaitent souligner la portée politique de ce projet.

Asseoir le financement des politiques d'aide au développement sur une ressource fiscale mondialisée permettrait de jeter les bases de politiques publiques de redistribution à l'échelle mondiale.

Leur mise en place est d'autant plus justifiée qu'elles constituent une forme moderne de redistribution internationale basée pour l'essentiel sur la taxation d'activités qui bénéficient de la mondialisation vers ceux qui n'en profitent pas ou peu.

A terme, la mise en place de financements innovants au niveau mondial permettrait, en outre, de mieux répartir l'effort en faveur de l'APD. En effet, aujourd'hui, l'Europe représente 30 % du PIB mondial et 60 % de l'APD mondiale. Un financement assis sur les transactions permettrait de réduire ce déséquilibre.

B. UN ACCORD POLITIQUE RESTE À TROUVER POUR SA MISE EN oeUVRE AU NIVEAU INTERNATIONAL

La France joue un rôle central en faveur des financements innovants. La France assure le Secrétariat permanent du Groupe pilote sur les financements innovants, enceinte informelle regroupant 63 pays d'horizons divers, 18 organisations internationales et de nombreuses fondations et ONG mobilisées sur le sujet. Elle a « montré l'exemple » dès 2006 à travers la mise en oeuvre de deux initiatives pilotes : la création d'une taxe sur les billets d'avion pour le financement de l'accès des populations les plus pauvres aux médicaments essentiels (sida, tuberculose, paludisme, via UNITAID) et le mécanisme d'emprunt IFFIm sur la vaccination (deuxième contributeur après le Royaume-Uni).

Evalués quatre ans après leur mise en place, notamment par la Cour des comptes, ces mécanismes font aujourd'hui consensus.

Les financements innovants ont constitué l'une des priorités de la présidence française du G20 en 2011, avec un accent particulier porté sur le projet de taxe internationale sur les transactions financières (TTF). L'impulsion donnée par la France a permis d'obtenir la mobilisation de plusieurs partenaires jusqu'alors peu allants sur le sujet comme par exemple l'Ethiopie, l'Afrique du Sud, l'Union africaine, le Brésil et l'Argentine. Le rapport d'expertise commandé par la France à Bill Gates dans le cadre du G20 est venu renforcer le plaidoyer en faveur des financements innovants, notamment la TTF.

Le G20 de Cannes a ainsi constitué une étape majeure dans le débat international sur la TTF, illustrée par l'adoption dans la déclaration finale de Cannes d'un paragraphe spécifique sur les financements innovants (paragraphe 82) comprenant la mention du « menu d'options ». La référence aux financements innovants et à une TTF ne figure pas, en revanche, dans la déclaration du G20 de Los Cabos, le Mexique n'ayant pas souhaité faire de ce thème une priorité de sa présidence.

Plusieurs pays restent toutefois ouverts au dialogue sur la TTF tant au niveau global (Argentine, Bénin, Brésil, Burkina Faso, Cameroun, Congo, Ethiopie, Guinée, Japon, Mali, Maroc, Mauritanie, Mozambique, Norvège, Sénégal, Togo) qu'au niveau européen.

C. LA MISE EN PLACE D'UNE TTF EUROPÉENNE POUR 2013 ?

Les débats européens ont avancé au cours de cette année : une coalition de neuf Etats (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Grèce, Italie, Portugal) s'est constituée, matérialisée par la co-signature d'une lettre adressée à la Présidence danoise du Conseil de l'UE en février 2012.

Celle-ci appelait à accélérer le processus d'analyse et de négociation relatif au projet de mise en place d'une TTF européenne proposée par la Commission européenne en septembre 2011. La ferme opposition de plusieurs Etats membres (Royaume Uni et Suède notamment) a toutefois mené au constat de l'impossibilité de parvenir à un accord à l'échelle des 27, ouvrant la voie à une éventuelle coopération renforcée.

En parallèle, le Parlement européen a approuvé le 23 mai 2012 une résolution en faveur d'une taxe sur les transactions financières, sur la base du rapport de l'euro-députée Anni Podimata.

Cette résolution reprend dans les grandes lignes le projet de directive de la Commission, notamment en termes d'assiette et de taux. En revanche, elle est plus ambitieuse sur la question de l'affectation du produit de la taxe puisqu'elle préconise une allocation des recettes tant au budget général qu'à des politiques de développement et de lutte contre le changement climatique.

Si l'avis de cette résolution n'est que consultatif, il s'agit néanmoins d'une avancée notable vers l'acceptation du projet d'une TTF européenne et de son rôle dans le financement du développement.

C'est pourquoi le ministre du développement devant la commission s'est montré optimiste soulignant que « nous devrions trouver une majorité au Parlement européen pour autoriser une coopération renforcée. En revanche, nous ne sommes pas encore assurés d'avoir une majorité au Conseil européen, notamment en raison de l'hostilité britannique. A ce niveau des négociations, nous n'avons pas d'indications précises sur la destination des fonds issus de la taxe, mais nous espérons bien qu'une partie de ces fonds sera affectée à l'aide au développement. » 58 ( * )

D. UN DÉBUT D'AFFECTATION DE LA TAXE FRANÇAISE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIÈRES QU'IL CONVIENT DE CONFORTER

Le PLF 2013 prévoit une ressource nouvelle pour le développement : l'affectation d'une fraction de 10% des recettes de la taxe sur les transactions financières (TTF) au Fonds de solidarité pour le développement.

Entrée en vigueur le 1 er août 2012, la TTF française est une taxe nationale envisagée comme une première étape permettant de prouver la faisabilité de l'instrument et de montrer l'exemple en vue de sa transposition à plus large échelle. Elle s'appliquera à un taux de 0,2% aux transactions d'actions d'entreprises françaises cotées en bourse et dont la capitalisation boursière dépasse 1 milliard d'euros. La taxe sur les CDS (Credit Default Swaps) est égale à 0,01% du montant notionnel du contrat et la taxe sur les opérations à haute fréquence, à 0,01% du montant des ordres annulés ou modifiés excédant un seuil.

Cette fraction est fixée à 10 %, avec une montée en charge progressive sur la période du budget triennal 2013-2015.

Le produit de la TTF est estimé dans le projet de loi de finances à 1 600M€ en année pleine. En 2013, cela devrait donc représenter 160 M€ d'engagements pour le développement. Un plafond de 60 M€ de décaissements est d'ores et déjà inscrit en loi de finances initiale.

Cette disposition qui répond à l'engagement présidentiel en faveur de la mise en place d'une taxe globale sur les transactions financières au profit du développement a été réitérée, tant lors du G20 de Los Cabos qu'à l'occasion du Sommet des Nations unies sur le développement durable (Rio+20). Elle permettra de financer des actions d'aide au développement ciblées sur deux priorités : d'une part, l'environnement et la lutte contre le changement climatique et, d'autre part, la santé, notamment la lutte contre les grandes pandémies.

Sur le plan géographique, les actions financées par la TTF traduiront en outre la priorité accordée par la France au Sahel, notamment en 2013. Si la montée en charge des déboursements sera progressive sur la période du budget triennal, la France prendra des engagements de financements à hauteur de 480 millions d'euros sur la période 2013-2015 (soit 160 millions d'euros par an, en moyenne, correspondant à 10 % du rendement prévisionnel de la TTF présenté dans le PLF 2013).

Sur le plan de la fiscalité et des finances publiques, l'article 27 du PLF 2013 dispose que « Le I de l'article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 est complété par un alinéa ainsi rédigé : "Une fraction de 10 % du produit de la taxe prévue à l'article 235 ter ZD du code général des impôts est affectée à ce fonds, dans la limite du plafond prévu au I de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012". »

Concrètement, il s'agit de modifier la LFR pour 2005 qui a institué le Fonds de solidarité pour le développement, FSD, géré par l'AFD, qui contribue au financement des pays en développement et à la réalisation des OMD.

Tel qu'il est présenté dans le PLF, le dispositif prévoit une affectation progressive du produit de la taxe en faveur du développement, qui n'atteindra la part de 10 % qu'à échéance de trois ans seulement. Ainsi que le précise le PLF : « Dans le cadre du budget pluriannuel 2013-2015, cette affectation sera progressive, dans la limite d'un plafond fixé dans l'article transversal de loi de finances relatif à l'encadrement des affectations de recettes ».

Ce plafond est établi pour 2013 à 60 M€, au sein de l'article 46 de la loi de finances initiale pour 2012. Il sera accru en 2014 (environ 100 M€) pour atteindre 160 M€ en 2015. » De sorte que, si le produit espéré en année pleine de la taxe est de 1,6 Md€ dès 2013, ce n'est qu'un montant de 60 M€ qui sera affecté au développement en 2013.

Le dispositif est en fait en-deçà des engagements du Président de la République, qui avait indiqué devant l'Assemblée générale des Nations unies qu'au moins 10 % du produit seraient reversés au développement. En effet, le projet loi plafonne ces 10 % à 160 millions en moyenne par an, indépendamment du montant des recettes de la taxe. Autrement dit, si la taxe rapporte plus, les recettes supplémentaires ne seront pas affectées au développement et le pourcentage in fine sera inférieur à 10%.

Comme l'a observé le ministre du développement : « Cette solution est très cohérente par rapport à la nature des projets à financer, elle présente l'inconvénient d'être peu lisible et exige un effort de pédagogie que je m'efforce de déployer ».

Vos rapporteurs estiment que la complexité du dispositif masque un recul par rapport à la pleine affectation de 10 % des revenus de la taxe.

Afin de mettre en cohérence les engagements présidentiels avec les dispositions de la loi de finances pour 2013, vos rapporteurs ont proposé de à la commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées du Sénat un amendement qui déplafonne l'affectation de la taxe.

Cet amendement a été adopté à l'unanimité .

SIXIÈME PARTIE - LA POLITIQUE DE COOPÉRATION DOIT PRENDRE LA MESURE DE LA CONVERGENCE ENTRE LES QUESTIONS DE DÉVELOPPEMENT ET LES QUESTIONS DE PRÉSERVATION DES ÉQUILIBRES SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX DE LA PLANÈTE

I. LES OBJECTIFS DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET LE CADRE POST OMD DÉFINIRONT LE VISAGE DE LA COOPÉRATION DE DEMAIN

Les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ont été adoptés en 2000 avec un horizon de 15 ans. Ils ont représenté un engagement sans précédent : pour la première fois de son histoire, notre planète, de manière unanime, se fixait des buts communs destinés à améliorer la condition de ses habitants et à lutter contre la misère.

Pour la première fois se dégageait ainsi une vision d'un « intérêt général planétaire » et de biens communs dirigeant l'action collective comme les initiatives privées vers des objectifs concrets assortis d'un calendrier et d'indicateurs de suivi.

Le bilan de ces objectifs est fatalement contrasté, et les points de vue obligatoirement divers sur ce qu'ils ont apporté, ainsi que sur leurs limites. Mais il est clair que 2015 ne verra pas un monde où la pauvreté sera abolie, la nature préservée, et la paix garantie.

Il reste d'immenses progrès à faire pour réconcilier le monde réel et la vision d'un monde meilleur portée par la Charte des Nations unies de 1945, et les Objectifs du Millénaire pour le Développement tels qu'ils ont été imaginés en 2000. Le réchauffement climatique et la crise financière, économique et sociale qui depuis 2007 frappe les économies les plus développées nous rappellent l'impérieuse nécessité de réinventer des modèles de développement qui répondent aux besoins sociaux de tous les habitants de notre planète.

Le contexte mondial politique et économique a considérablement changé au cours des dernières années. La croissance des économies émergentes est devenue le moteur essentiel de la croissance mondiale. Les disparités au sein des pays en développement et entre eux ont augmenté et le RNB par habitant de quelques pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure a dépassé celui de certains États membres européens.

De même, de nouveaux acteurs sont apparus dans le domaine du développement, notamment des acteurs privés. Certains d'entre eux ont, par ailleurs, été pris en compte dans le Partenariat mondial pour l'efficacité de la coopération au développement, conclu lors du forum à haut niveau sur l'efficacité de l'aide qui s'est tenu à Busan en 2011.

C'est dans ce contexte que les discussions sur la formulation d'Objectifs de développement durable (ODD) dans le cadre de la conférence Rio+20 prennent toute leur importance. Les résultats des discussions sur les ODD auront en effet une influence déterminante sur l'élaboration d'un éventuel cadre de développement post-2015.

La Déclaration du Millénaire, affirmant que « nous sommes collectivement tenus de défendre, au niveau mondial, les principes de la dignité humaine, de l'égalité et de l'équité » reste pertinente à bien des égards.

Mais les ODD devront prendre en compte les nouvelles réalités et tendances mondiales -entre autres l'économie politique, les évolutions macroéconomiques majeures, le changement climatique et l'épuisement des ressources naturelles, les crises et la volatilité, les dynamiques démographiques, les questions de gouvernance et les défis du développement humain, les migrations, la mobilité.

Le débat sur les ODD et donc sur le cadre post-OMD invite à considérer différents scénarios et options pour l'après 2015. Ces options peuvent être envisagées soit suivant la logique du cadre actuel des OMD avec un nouvel échéancier, avec ou sans nouveaux objectifs, cibles et indicateurs, soit en proposant une approche du développement plus profondément remaniée.

Le cadre post-OMD fait l'objet de nombreux débats. Les gouvernements, les institutions internationales, les laboratoires d'idées et les organisations non gouvernementales commencent à échanger autour du cadre post-2015. Le nombre d'ateliers et de publications récentes confirme un intérêt croissant pour cette question.

L'Union, qui continue de soutenir activement les OMD, s'est engagée dans ce débat. Parallèlement, le Rapport Européen sur le Développement (RED) de 2013 examinera certains des principaux défis pour les 15 années à venir, ainsi que le rôle que la communauté internationale pourrait tenir, y compris à travers un nouveau cadre de développement.

Le Sommet des Nations unies sur les OMD de 2010 a d'ores et déjà souligné, à juste titre, l'importance d'une intégration des enjeux de la croissance et d'une bonne gouvernance aux côtés des OMD dans une approche globale du développement. Au premier rang des défis alors négligés par les OMD figure aussi la durabilité que l'OMD n'a que peu contribué à promouvoir.

La prise de conscience progressive de l'impact du changement climatique, de la diminution de notre biodiversité, de la dégradation des écosystèmes et de la raréfaction des ressources a placé la préservation des Biens Publics Mondiaux (BPM) au coeur de l'agenda international.

La prise en compte de ces défis est essentielle pour permettre de réaliser les OMD. Le débat international tend donc, à juste titre, à appeler à une nouvelle structure intégrant à la fois les OMD et les BPM au sein d'Objectifs de développement durable, dont le principe a été agréé à Rio+20.

Le caractère inclusif du développement, qui suppose une réduction des inégalités et l'octroi d'un accès aux services essentiels et un environnement sain pour tous, fait également défaut aux OMD.

La promotion de la croissance économique et de la bonne gouvernance, des caractères durable et inclusif du développement figure également au coeur de l'agenda pour le changement adopté pour la politique européenne de développement. Cette actualisation des orientations de l'aide européenne doit constituer une base utile pour préparer la position de l'UE sur les futurs objectifs du cadre post 2015.

La réflexion sur l'agenda post 2015 doit s'inscrire dans la continuité de celle initiée au Sommet de Rio en faveur d'un nouveau cadre universel de développement durable et inclusif, reposant sur les trois piliers mis en avant dans la Déclaration de Rio+20, l'économique, le social et l'environnemental, intégrant ainsi OMD et ODD.

Il s'agira d'éviter de créer un agenda parallèle aux OMD mais de souligner les interactions inhérentes aux objectifs de la lutte contre la pauvreté, de la préservation des BPM, d'une croissance durable et partagée.

Le futur cadre post 2015 doit donc conserver l'ambition de définir un cadre de portée universelle à la forte puissance mobilisatrice et le principe d'un agenda centré sur un nombre restreint d'objectifs assortis d'indicateurs et de cibles permettant de répondre au mieux aux différentes situations de développement entre et au sein des pays partenaires.

Ce cadre global est d'autant plus important que le bilan de la Conférence Rio+20 a confirmé un risque de reflux du multilatéralisme et d'une remise en cause de l'universalité de certains droits dans un contexte où les pays émergents et en développement redoutent une limitation de leur souveraineté par des engagements internationaux.

Un cadre universel, assorti d'indicateurs de suivi, justifie également la mise en place de systèmes d'évaluation, au niveau des Nations unies, des organisations régionales comme des Etats.

Ces processus de suivi contribuent à améliorer la redevabilité à l'égard des politiques de réduction de la pauvreté. Il serait opportun de prendre précisément en compte la question de la qualité des services délivrés, au coeur de la problématique de la redevabilité, en introduisant des nouveaux types d'indicateurs visant à mesurer l'impact des politiques de réduction de la pauvreté.

Le cadre de suivi et de redevabilité qui se mettra en place après 2015 devra, enfin, être cohérent avec le processus post Busan, visant à améliorer l'efficacité et la transparence de l'aide internationale.

L'un des écueils du cadre des OMD est probablement d'être uniquement perçu comme un agenda des bailleurs pour intervenir en faveur du développement de pays moins avancés. Alors qu'il appelle à un partenariat global pour le développement, il entretient par là-même le clivage entre bailleurs et récipiendaires, pays dits du « Nord » et ceux du « Sud ».

Or la transition vers de nouveaux modèles de développement durable et partagé concerne tous les pays au monde. La préservation des BPM, la réduction de la pauvreté et des inégalités, l'instauration d'une gouvernance à même de réguler la mondialisation sont des défis globaux dont la négligence a de graves conséquences, directes ou indirectes, pour tous, y compris dans les pays développés.

Dans la lignée des principes reconnus à Rio+20 pour les ODD, le cadre post-2015 doit bel et bien définir des objectifs universels pour un développement durable et partagé pour tous les pays au monde et devraient réaffirmer qu'ils ont devant ces défis globaux des responsabilités communes. Ce sont leurs efforts politiques et financiers qui doivent en revanche être différenciés selon leurs capacités. Les cibles et les indicateurs pourront être déclinés, dans certains cas, de manière distincte selon le niveau de développement des pays, mais les objectifs ultimes doivent être identiques pour tous.

L'universalité du cadre post 2015 devrait permettre d'en faire un outil de renforcement de la gouvernance mondiale et d'élaboration de politiques publiques globales. Le bilan du Sommet de Rio+20 pose certes des jalons en la matière, mais les besoins en instances de régulation globales plus efficaces, dans les domaines sociaux et environnementaux restent on ne peut plus d'actualité.

2015 est d'ailleurs non seulement l'échéance à laquelle devraient être réalisés les OMD mais également celle à laquelle l'objectif de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l'APD devrait être atteint et une date importante pour les négociations climatiques. Dans une telle équation, le G77 pourrait utiliser ces différents enjeux comme leviers pour obtenir de nouveaux engagements financiers des pays développés, exclus à ce stade.

La position européenne sur le financement devra donc être très soigneusement préparée. Elle devrait être centrée sur la nécessité de diversifier les sources de financement du développement durable dans son ensemble.

L'UE devrait appeler à une plus grande mobilisation des ressources domestiques, par un appui notamment aux réformes fiscales, au développement des financements privés, et des financements innovants, ainsi qu'à un plus large recours aux partenariats financiers (trust funds, fonds fiduciaires, garantie des Banques de développement, mixage prêt-dons, facilités d'investissement...). L'UE doit insister sur le rôle central que doit conserver l'APD, mais sur sa nécessaire concentration sur les pays et les groupes les plus pauvres et les plus vulnérables.

II. LA MONTÉE EN PUISSANCE DES PROBLÉMATIQUES LIÉES AU DÉVELOPPEMENT DURABLE PEUT-ELLE ÊTRE FINANCÉE PAR LE SEUL BUDGET DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT ?

Alors même que les responsables administratifs de la coopération française cherchent, à l'instar de vos rapporteurs, comment redéployer les crédits pour accroître son impact sur les pays prioritaires, le Gouvernement français comme l'ensemble des membres du G20 sont engagés dans des négociations sur le financement de la lutte contre le réchauffement climatique sur des sommes considérables.

Vos rapporteurs ont souhaité approfondir cette question pour comprendre dans quelle mesure ce nouveau défi qui s'impose à nous est de nature à modifier l'échelle des besoins de financement de notre politique de coopération.

Le développement durable comporte une double dimension :

- une dimension « verticale », qui correspond à de nouveaux objets de financement tels que des incitations financières pour réduire le rythme de la déforestation -aujourd'hui responsable de 20 % des émissions mondiales de CO 2 .

- une dimension plus transversale qui modifie l'approche de la coopération dans chaque secteur d'intervention. Ainsi, l'aide au développement en matière d'infrastructures peut, par des actions ciblées et peu onéreuses, encourager les pays à faire les choix technologiques adaptés. Choix qui permettront, demain, de réduire la facture écologique mondiale, tout en assurant leur propre développement.

C'est pourquoi il est difficile d'isoler, notamment dans les actions de l'AFD, toutes les dépenses qui contribuent à la lutte contre le réchauffement climatique, cette dimension étant aujourd'hui intégrée dans tous les projets.

Si on s'en tient à celles qui sont officiellement consacrées à la lutte contre le réchauffement climatique, on assiste, dans la programmation de l'AFD comme dans le budget de la mission Aide au développement, à une augmentation très significative.

Ainsi l'agence a-t-elle un objectif d'engagement financier pérenne et ambitieux en faveur du climat représentant 50 % en moyenne des octrois annuels de l'AFD dans les Etats étrangers et 30 % des octrois annuels de PROPARCO.

Cette augmentation répond aux engagements pris par la France lors des négociations internationales sur le climat. Lors de ces négociations, en 2009, à Cancun en 2010 et bientôt à Durban, le besoin de financements évoqué concerne des sommes considérables dont il convient de mesurer si elles sont de nature à modifier la structure du budget de la coopération.

A. LA MONTÉE EN PUISSANCE DES FINANCEMENTS DESTINÉS À LA LUTTE CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE EST DÉJÀ SIGNIFICATIVE

Les administrations interrogées estiment que, de 2001 à 2009, la coopération bilatérale consacrée à l'environnement et à la protection des ressources naturelles est passée de 60 millions de dollars à 1,1 milliard de dollars, soit de 1,9 % à 12,3 % de l'APD bilatérale.

Ceci inclut les financements de l'Agence française de développement, du Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) crée en 1994, mais également des instituts de recherche (l'Institut de recherche pour le développement (IRD), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), etc.) et des financements RPE et FASEP, gérés directement par la direction générale du Trésor.

Pour cette aide bilatérale, le montant des engagements sous forme de dons s'élève à 77 millions de dollars, soit environ 7 % du montant bilatéral total consacré à l'environnement, le reste (93 %) étant financé sous forme de prêts.

A cela s'ajoutent les contributions de la France à la protection de l'environnement, qui transitent par les organisations et fonds multilatéraux.

Cela inclut :

- les contributions aux différentes organisations internationales intervenant dans le domaine de l'environnement : l'ensemble des conventions des Nations unies relatives à l'environnement (dont les trois principales sont : la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la convention sur la diversité biologique et la convention des Nations unies de lutte contre la désertification), le financement du Programme des Nations unies pour l'environnement, ainsi que le financement de plusieurs accords et programmes régionaux en faveur de l'environnement,

- les contributions aux institutions financières internationales et aux fonds multilatéraux. La France participe financièrement aux instruments de coopération de l'Union européenne (FED, ICD, IEVP), ainsi qu'à la Banque mondiale et à l'ensemble des Banques régionales de développement (Banque asiatique de développement, la Banque interaméricaine de développement, la Banque africaine de développement, la Banque européenne de reconstruction et de développement et la Banque européenne d'investissement). Ces fonds consacrent une part de leurs ressources à la protection de l'environnement et des ressources naturelles, mais, à l'heure actuelle, seuls les financements des institutions européennes (incluant les prêts de la BEI) et ceux de l'AID sont comptabilisés. Ces derniers s'élèvent, en 2009, respectivement à 630 millions de dollars et 520 millions de dollars. Il est, par ailleurs, difficile d'estimer la part française dans la mesure où il n'existe pas encore de système d'imputation pour ces données financières sur l'environnement ;

- les contributions aux fonds environnementaux.

La France participe, en effet, au Fonds pour l'environnement mondial (FEM), créé en 1991 grâce à une initiative franco-allemande. Ce Fonds finance des actions de lutte contre le changement climatique, de protection de la biodiversité, de lutte contre la désertification, de protection de la couche d'ozone et de lutte contre les polluants organiques persistants. La contribution de la France est passée de 164 millions d'euros sur la période 2002-2006 à 154 millions d'euros sur la période 2007-2010 puis 215,5 millions d'euros pour 2011-2014, ce qui correspond à une augmentation de 57 % par rapport à la dernière reconstitution.

La France contribue également au Fonds pour les technologies propres de la Banque mondiale, qui a pour but d'aider les pays en développement à catalyser les investissements publics et privés nécessaires pour déployer des technologies économes en carbone à large échelle dans les pays émergents. Créé en 2008, la France y contribue à hauteur de 500 millions de dollars pour la période 2008-2012.

Vos rapporteurs observent que l'introduction de la préservation des biens publics mondiaux parmi les objectifs prioritaires de notre politique d'aide au développement commence à avoir d'importantes conséquences budgétaires.

Ils observent que ce nouvel objectif, par son ambition, est de nature à capter, à terme, une partie très significative des financements aujourd'hui consacrés à l'aide au développement.

Ils constatent que, dans les arbitrages budgétaires, cette extension des objectifs de l'APD, qui correspondent en partie à de nouvelles missions et à de nouvelles dépenses, n'est pas prise en compte.

Or, par ailleurs, les besoins exprimés au niveau international ne font que croître. La France, très en pointe sur ce sujet, va nécessairement participer aux nouveaux engagements qui ne manqueront pas d'être pris sur ce sujet.

B. COMPTE TENU DES ENGAGEMENTS DE LA FRANCE, ILS NE POURRONT QUE CROÎTRE

L'évaluation des besoins mondiaux de financement en matière de lutte contre le changement climatique a fait l'objet de nombreuses études, aux conclusions variées. Bien qu'elles insistent toutes sur la difficulté d'une évaluation juste de tels besoins, elles nous offrent des ordres de grandeur qui reflètent l'ampleur du défi.

Le rapport Stern sur l'économie du changement climatique est une référence : il évaluait en 2006 le coût global net de la lutte contre le changement climatique à environ 1 % du PIB mondial par an, soit un coût minimum de 5 500 milliards d'euros sur 10 ans. Il opposait néanmoins cette somme au coût du manque d'action ou de l'inaction, qui pourrait représenter de 5 % à 20 % du PIB mondial par an si l'augmentation dépasse de 2°C la température pré-industrielle.

La Banque mondiale évalue, quant à elle, le coût de la « révolution » nécessaire pour limiter la hausse de la température moyenne à 2°C par rapport aux niveaux pré-industriels à 400 milliards de dollars par an, en moyenne, d'ici 2030.

L'étude publiée en 2007 par le secrétariat de la Convention climat évaluait l'investissement et les flux financiers additionnels nécessaires à 200-210 milliards de dollars pour réduire les gaz à effet de serre de 25 % en dessous du niveau de 2000, d'ici 2030, dont environ 64 milliards pour les seuls pays en développement. L'investissement pour l'adaptation représente, quant à lui, plusieurs dizaines, voire centaines, de milliards de dollars en 2030. Au sein de la Convention, une étude plus précise dédiée aux besoins des pays en développement, à laquelle 10 pays en développement participent, est en cours (projet NEEDS).

Dans son rapport « Pathways to a Low Carbon Economy », le cabinet McKinsey avance des chiffres de l'ordre de 200 à 350 milliards d'euros par an à l'horizon 2030 pour le coût net de l'action - prenant en compte le coût de la mise en oeuvre des politiques publiques - soit 0,4 % du PIB mondial.

Pour la Commission européenne, les besoins en financement pour l'atténuation et l'adaptation au changement climatique, dans les pays en développement uniquement, s'élèveraient à 100 milliards d'euros par an environ d'ici 2020.

Sur la base de ces estimations et des négociations dans le cadre de la Convention climat, les Etats développés se sont déjà engagés sur des sommes considérables.

Les Accords de Cancun, en décembre 2010, ont permis d'ancrer les avancées de Copenhague dans le processus onusien, notamment en matière d'objectifs financiers de court et long termes. Les pays développés se sont ainsi engagés à mobiliser près de 100 milliards de dollars par an d'ici 2020 pour répondre aux besoins d'atténuation et d'adaptation des pays en développement, grâce à une combinaison de sources multiples, à la fois publiques -dont les financements innovants- et privées (notamment marchés carbone).

Pour répondre aux besoins urgents et permettre la mise en place de stratégies à moyen et long termes, les pays développés se sont également engagés à mobiliser 30 milliards de dollars de ressources nouvelles et additionnelles, sur la période 2010-2012, en faveur des pays en développement, répartis de manière équilibrée entre les actions d'atténuation et d'adaptation.

Afin d'avancer dans la mise en oeuvre de l'engagement de long terme, l'Accord de Copenhague avait préconisé la mise en place d'un panel de haut niveau sur les sources potentielles de revenus. Ce Groupe de conseil de haut niveau sur les financements pour les changements climatiques a conclu que l'objectif de mobiliser 100 milliards par an d'ici 2020 par le biais de sources multiples et variées était ambitieux mais atteignable, avec un prix du carbone compris entre 20 et 25 dollars la tonne.

Quel que soit le mode de calcul, les sommes évoquées sont considérables par rapport à celles envisagées pour l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement.

A Gleneagles, en 2005, les pays du G8 et les autres donateurs se sont engagés à augmenter l'APD de 50 milliards entre 2004 et 2010, dont la moitié à destination de l'Afrique. L'APD totale a progressé de 48,9 milliards de dollars courants entre 2004 et 2010 (augmentation de 79,8 milliards à 128,7 milliards pour l'APD totale, et augmentation de 29,5 milliards à 46 milliards pour l'APD à l'Afrique).

Par rapport aux engagements de Gleneagles, il y a un déficit de financement de l'ordre de 1,27 milliard de dollars courants (19 milliards de dollars constants 2004) sur les 50 milliards, et de 8,5 milliards sur les 25 milliards à destination de l'Afrique (14,5 milliards en dollars constants).

Les Etats, parties prenantes aux accords sur le climat, ont déjà pris, dans le cadre de l'aide au développement, des engagements pour le rendez-vous de 2015 . Or, l'engagement des membres de l'OCDE d'allouer, d'ici 2015, 0,7 % de leur PIB au titre de l'APD concerne des sommes de l'ordre de 80 milliards supplémentaires par an.

En effet, en 2010, ce ratio était de l'ordre de 0,32 %. En partant d'un postulat de PIB constant d'ici 2015 (hypothèse volontairement simplificatrice), cet engagement correspondrait, en 2015, à une aide publique au développement de 293,5 milliards de dollars, soit 1 674,7 milliards supplémentaires par rapport au montant de 2010, soit environ 80 milliards par an.

C'est notamment une des conclusions du rapport de Bill Gates aux membres du G20 : « Si ces pays tiennent leur promesse, l'aide au développement bénéficiera chaque année d'une manne de 80 milliards de dollars supplémentaires à l'horizon 2015. » 59 ( * )

En résumé, alors que les pays développés se sont engagés à dégager plus de 80 milliards d'euros supplémentaires pour atteindre les OMD, ils devraient s'engager sur une centaine de milliards supplémentaires pour la lutte contre le réchauffement climatique.

On ne peut être que frappé par l'énormité des sommes dans un contexte marqué par la lutte contre les déficits publics.

Ramenés à la contribution française, ces efforts sont comparables aux crédits que la France consacre déjà à l'aide au développement.

Si la lutte contre le réchauffement climatique au niveau international doit être financée par le seul budget de la coopération, il faut prendre acte du changement de périmètre de la mission aide au développement et augmenter son montant en proportion.

III. L'ORGANISATION DE LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT N'A PAS ENCORE PRIS LA MESURE DE CE CHANGEMENT

A. SI LA THÉMATIQUE DES BIENS PUBLICS MONDIAUX A ÉTÉ BIEN IDENTIFIÉE COMME UN ENJEU MAJEUR

Comme la souligné le ministre du développement, cette convergence entre les questions de développement et celles liées au réchauffement climatique, à l'environnement et aux biens publics mondiaux est la raison d'être d'un ministère du développement.

C'est également la logique qui avait présidée à la création de la DGM avec en son sein une sous direction des biens publics mondiaux.

Les enjeux qui sont au coeur des débats relatifs à la définition du cadre post OMD font également partie intégrante des documents stratégiques adoptés ces dernières années.

La dernière manifestation en date est sans doute l'adoption par l'AFD d'un plan d'orientation stratégique qui indique vouloir « mettre le développement durable au coeur de l'action de l'AFD » et faire du développement durable la référence commune de l'ensemble des activités opérationnelles de l'AFD avec l'introduction d'un avis de second opinion relatif au développement durable.

De même, le projet annuel de performance de la mission budgétaire « Aide au développement » pour 2013 souligne « la préservation des biens publics mondiaux (le climat, la lutte contre les maladies transmissibles et émergentes et la biodiversité) est désormais clairement inscrite dans le mandat de la coopération française. » .

En conséquence, il a été introduit, depuis 2012, deux indicateurs qui visent à « mesurer la contribution de l'Agence française de développement à la lutte contre le changement climatique et à la préservation de trois biens publics mondiaux (biodiversité, lutte contre les maladies transmissibles et émergentes et climat) » .

Unité

2010
Réalisation

2011
Réalisation

2012
Prévision pap 2012

2012
Prévision actualisée

2012
Prévision

2013 et 2015
Cible

2. Part des engagements de l'AFD concourant directement à la préservation des biens publics mondiaux

%

55

39

> 40

> 40

> 40

> 40

Source : PLF : 2013

La préservation des biens publics concerne ainsi plus de 50 % des engagements financiers de l'AFD : une obligation que confirme le nouveau plan d'orientation stratégique de l'AFD qui prévoit comme objectif de : « Positionner l'AFD comme acteur pivot des engagements financiers bilatéraux en matière de changement climatique, ainsi que comme acteur à part entière de l'architecture financière internationale sur le climat. » 60 ( * )

Pour vos rapporteurs, il s'agit d'une évolution structurante dont on n'a pas encore mesuré l'impact politique, financier et institutionnel.

En termes d'impact financier, le budget de la coopération a intégré l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique et de maintien de la biodiversité sans que ce changement de périmètre n'ait été pris en compte dans le budget d'une mission qui a diminué en 5 ans de 300 à 400 millions d'euros.

Autrement dit, le budget de la coopération a intégré les actions qui résultaient des accords de Copenhague, de Durban et bientôt des suites de Rio et de Doha avec une enveloppe en diminution.

B. L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE DE CETTE POLITIQUE RESTE PARTAGÉE ENTRE UN NOMBRE IMPORTANT D'ACTEURS DONT LA COORDINATION EST INCERTAINE

Cette politique reste cependant très fragmentée entre le service de la DGM qui relève du ministre des affaires étrangères et de son ministre délégué au développement, des services de la direction du Trésor qui ont la responsabilité du programme 110. Ce programme comporte l'essentiel des crédits attribués :

- au Fonds pour l'environnement mondial (FEM), fonds multilatéral hébergé à la Banque mondiale, qui finance des projets bénéficiant à la préservation mondiale de l'environnement ;

- au Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) ;

- à l'AFD pour les bonifications de prêts ;

- au FASEP et à la RPE qui interviennent notamment dans les domaines de l'énergie et de l'urbanisme vert.

Intervient également le ministère de l'environnement qui dispose d'une compétence légitime dans ce domaine et représente la France dans certaines négociations internationales comme celles concernant la biodiversité à Nagoya en liaison avec le ministère des affaires étrangères qui s'est vu doter de la compétence pour les négociations climatiques.

L'AFD est quant à lui l'opérateur pivot de la coopération internationale dans ce domaine et dispose d'une compétence propre et reconnue dans ce domaine. L'AFD est sous la tutelle des deux premiers ministères, mais n'est pas liée au ministère de l'environnement qui n'est représenté ni dans son conseil d'administration, ni dans le conseil d'orientation stratégique.

Sans doute la complémentarité des approches peut être une source de richesse. Toutefois la démarche collective gagnerait sans doute à s'appuyer sur une stratégie nationale qui permette de fédérer les points de vue.

En termes politiques, la lutte contre le réchauffement climatique à l'international a longtemps fait l'objet d'une concurrence parfois stimulante souvent stérile entre plusieurs ministères.

Ce dossier relève en effet d'au moins trois ministères, le ministère de l'environnement, le ministère des affaires étrangères avec une Direction des biens publics mondiaux, le ministère des finances qui a la responsabilité des deux fonds publics dédiés à la coopération internationale dans ce domaine.

La nomination d'un ministre délégué au développement aurait pu clarifier la situation en lui attribuant les pleines compétences dans ce domaine. Son décret d'attribution montre que cela n'est pas le cas.

Ce décret prévoit en effet seulement qu' à « la demande du ministre des affaires étrangères, il conduit les négociations internationales relevant de son domaine de compétence ou y participe. Il représente le Gouvernement ou participe à sa représentation dans les instances internationales traitant de questions de coopération internationale et de développement. Il veille à favoriser la cohérence des actions d'aide au développement, notamment en matière de biens publics mondiaux. A cette fin, il est consulté sur les interventions publiques et sur toute décision pouvant avoir une incidence sur le développement des pays concernés. Il est associé aux négociations relatives aux questions de développement avec les institutions financières internationales et participe aux réunions entre bailleurs de fonds qu'elles organisent. » 61 ( * ) .

La lutte contre le réchauffement climatique relève toujours de plusieurs ministres. M. Pascal Canfin a cependant assuré, lors de la table ronde organisée par votre commission, que « dans le domaine du climat, une cellule a été mise en place entre les ministères de l'écologie et des affaires étrangères, composée de représentants des cabinets et des directions concernées pour élaborer un discours et une stratégie commune » 62 ( * ) .

L'annonce d'une stratégie gouvernementale dans ce domaine est une bonne nouvelle.

Cette stratégie devra être accompagnée d'une feuille de route budgétaire qui permette à la France de respecter les engagements internationaux auxquels elle s'engage.

SEPTIÈME PARTIE - S'IL VEUT MAINTENIR LA CRÉDIBILTÉ DE CETTE POLITIQUE, LE GOUVERNEMENT DOIT S'EFFORCER D'AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DE SON PILOTAGE, D'OPTIMISER L'ALLOCATION DES RESSOURCES BUDGÉTAIRES ET DE RENFORCER SON ÉVALUATION

I. LES ÉVALUATIONS RÉCENTES DE LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT SOULIGNENT DES INCOHÉRENCES ET DES INSUFFISANCES QUI PORTENT ATTEINTE À LA CRÉDIBILITÉ DE CETTE POLITIQUE.

Comme l'a souligné Jean Louis Carrère, président de votre commission, à l'ouverture de la Table ronde sur les perspectives de la politique de coopération au développement : « les moyens de notre politique ont fait l'objet d'évaluations sévères de la part de la Cour des comptes comme du cabinet Ernst and Young. Elles nous décrivent une politique marquée par des effets d'annonce et des promesses sans lendemain, un éclatement administratif et un système d'évaluation incertain. Cette situation empêche le déploiement d'une stratégie cohérente de long terme, réalisant la synergie de nos ambitions et des moyens grâce à une structure de pilotage adaptée. Tout n'est pas noir et nous pouvons être fiers de ce que nous faisons. Mais, avec les moyens financiers qui sont les nôtres, nous pouvons sans doute faire mieux ! Puissions-nous donc, au-delà des bilans, tracer les perspectives d'une politique de coopération rénovée et adaptée à l'agenda international du développement. ».

Ces évaluations demandées par le Parlement, pour l'une, et conduite par la Cour de comptes, pour l'autre, devraient constituer, pour le Gouvernement, une puissante incitation à tracer les perspectives d'une politique de coopération rénovée et adaptée à l'agenda international du développement.

A. CES ÉVALUATIONS SOULIGNENT AVANT TOUT LA DIFFICULTÉ DE MESURER LES RÉSULTATS DE LA POLITIQUE FRANÇAISE DE COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT

1. Des évaluations « stratégiques » qui ont tardé à venir

Comme vos rapporteurs l'ont déjà souligné à maintes reprises, la politique de coopération fait l'objet de peu d'évaluation aussi bien au niveau de la stratégie globale qu'au niveau des projets.

Lors de la rédaction du document-cadre de coopération au développement, votre commission avait regretté que les auteurs du document définissent la stratégie française de coopération pour les années à venir en faisant l'économie d'un retour sur les objectifs que se sont fixés les pouvoirs publics dans ce domaine depuis des années.

Les différents CICID ont adopté de nombreux objectifs que le document-cadre reprend assez largement et dont il aurait été utile de faire le bilan.

Votre commission avait jugé qu'il aurait été de bonne méthode de faire un bilan des stratégies passées, pour vérifier si les objectifs ont été atteints. Un bilan aurait également permis de comprendre les raisons pour lesquelles, le cas échéant, ils ne l'ont pas été et enfin pour réévaluer leur pertinence.

Elle a réitéré les mêmes propos lors de l'adoption du nouveau contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD en mai 2011.

Vos rapporteurs avaient constaté, à leur surprise, que le nouveau contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD avait été élaboré sans qu'aucun bilan des objectifs fixés par les derniers COM n'ait été établi.

Il existe, certes, sur le bilan statistique, quelques documents techniques, comptables et financiers de l'AFD pour la période 2005-2009 issus du système d'information stratégique de l'agence. Mais ces chiffres n'auraient pris de sens que confrontés aux objectifs fixés par les deux contrats précédents. Quels sont les objectifs atteints ? Lesquels ne le sont pas ? Pour quelles raisons ? Quels sont les objectifs repris dans le nouveau contrat, ceux qui ne le sont pas ? Pour quelles raisons ? Les réponses à ces questions auraient utilement nourri un bilan des précédents contrats et surtout éclairé la rédaction du nouveau contrat.

Aurait-il été de mauvaise méthode que le Conseil d'orientation stratégique, le Parlement, le Conseil d'administration se prononcent à la vue de ce bilan ?

Nous ne trouvons pas non plus de bilan des transferts de compétence à l'Agence française de développement (AFD). Le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD a été adopté sans qu'une évaluation n'ait été effectuée sur ce point comme sur d'autres.

De même, nous attendons toujours une évaluation du partenariat avec le FED ou avec FMLSPT auquel la France contribue chaque année à hauteur de plusieurs centaines de millions d'euros . Ces questions auraient mérité des réponses préalables et un débat de nature à éclairer les choix futurs.

De ce point de vue, on ne peut que se féliciter d'avoir, avec ces deux évaluations dont le calendrier est sans doute un peu trop resserré, une vision globale de la cohérence de l'action de l'Etat dans ce secteur.

2. L'incapacité de cette politique à prouver ses résultats est problématique pour sa crédibilité

Bien que la coopération au développement fasse partie des politiques les plus questionnées et les plus analysées, l'équipe qui a effectué le bilan évaluatif issu du cabinet Ernst and Young a indiqué lors de ses travaux que « la France n'est que très peu en mesure de rendre compte des impacts de sa politique d'aide au développement, et ceci malgré une demande forte de la part des autorités politiques, du Parlement et des citoyens. ».

L'évaluation des impacts de l'aide se heurte à un certain nombre de difficultés spécifiques qui dépassent le seul cadre de la politique de coopération au développement de la France. Elles ont trait à la contribution réelle de l'APD au développement des pays pauvres et aux obstacles méthodologiques pour le démontrer. Les grandes évolutions de la pensée économétrique pour appréhender le rôle de l'APD au développement des pays renvoient à un sujet de débat qui n'est pas conclusif à ce jour, et auquel l'AFD contribue de manière croissante.

Mais, au-delà des difficultés propres à l'évaluation d'impacts de l'aide, partagées par la plupart des bailleurs, la France ne s'est pas dotée d'un cadre d'objectifs et d'indicateurs nécessaires pour pouvoir envisager la mesure des impacts. La coopération française consacre des moyens financiers limités au suivi et à l'évaluation par rapport aux autres bailleurs du CAD de l'OCDE. A cet égard, la question de la complexité de l'aide, souvent mise en avant pour justifier la difficulté à répondre aux demandes des parlementaires et des citoyens, ne suffit pas à expliquer les retards pris par la France dans ce domaine, et de nombreuses avancées pourraient être permises par une meilleure architecture logique et une définition plus précises des impacts recherchés.

Les travaux d'Ernst and Young aboutissent à la conclusion paradoxale qu'il y a « des résultats et des impacts réels, mais dont la France n'est pas en mesure de rendre compte ».

Autrement dit, « on suppose que cela a des effets positifs mais on ne sait pas le prouver ». Pour une politique qui affiche 10 milliards d'APD, la question de l'impact de cette politique dans le contexte actuel de crise des finances publiques reste stratégique. A l'inverse, constater qu'on en sait peu sur l'effet produit par ces deniers publics est problématique.

Comme le souligne la Cour des comptes, « pour préserver la légitimité de l'effort d'aide, il est essentiel de conforter les pratiques d'évaluation et les exercices de mesure de son efficacité et de renforcer le lien entre ces deux dimensions ».

La dernière, revue par les pairs de la France en 2008 observait déjà que la politique de coopération française gagnerait à investir plus avant dans une gestion par les résultats.

Dans une période de restriction budgétaire, les Français ne comprendront pas longtemps que l'on continue à investir dans une politique dont on ignore les résultats.

Certes, asseoir notre stratégie sur une évaluation suppose un travail important et de nombreux défis :

- un défi de capacité tout d'abord. Pour dépasser le simple recensement des politiques et s'engager dans l'analyse des « réalisations » et de leurs « impacts » réels, la production d'une information systématisée sur les résultats implique la mobilisation de moyens importants autour de la collecte de données et de leur analyse, mais aussi le renforcement d'une articulation étroite avec les pays partenaires dans le suivi des projets, des aides programmes et des aides budgétaires ;

- des défis méthodologiques ensuite : les acteurs nationaux peuvent-ils s'attribuer des résultats de développements qui, de fait, sont collectifs, issus de projets et de programmes par nature pluri-acteurs ?

- le défi de l'agrégation des résultats enfin : la présentation de résultats agrégés permet-elle de rendre compte de la diversité des contextes et de donner à voir les facteurs de succès ou d'échec des opérations menées ?

Ces défis sont réels. Ils ne sont pas nouveaux. Ils sont, pour une part, communs à beaucoup de politiques publiques.

Il est difficile d'admettre que la politique d'aide au développement soit la seule politique publique qui, par nature, ne soit pas évaluable. Elle ne semble pas avoir le monopole de la complexité.

Les moyens d'évaluation existent. Ils ont été perfectionnés et doivent être amplifiés et utilisés pour éclairer la conduite du changement et l'amélioration de notre outil de coopération.

Dans le domaine international, le système de Revue par les pairs, initié par le Comité d'aide au développement au sein de l'OCDE, fait un travail important qui doit pour la France débuter cet automne.

Les trois entités administratives, l'AFD, le ministère des finances et le ministère des affaires étrangères effectuent des évaluations de qualité selon des méthodologies qui ont été affinées et formalisées avec le temps.

Sans doute ces organismes d'évaluation devraient être renforcés, plus coordonnés, plus sollicités sur des sujets plus larges et plus stratégiques qui permettent d'avoir des vues plus globales.

Mais il importe qu'ils fassent ensemble un saut quantitatif et qualitatif vers la production d'évaluation d'impacts et de résultats de façon à ce que la prochaine évaluation de la politique de coopération puisse être en mesure d'apporter des éléments de réponses sur l'utilité de cette politique.

Comme l'a souligné l'économiste Esther Duflo dans sa leçon inaugurale au Collège de France sur l'aide au développement : « Les erreurs de diagnostic des économistes, des organisations internationales et des gouvernements sont fréquentes. Elles ne sauraient justifier l'inactivité, mais rendent au contraire les évaluations rigoureuses nécessaires. Celles-ci permettent de tirer des leçons des expériences passées ».

La situation actuelle ressemble en effet beaucoup à celle que décrit cette économiste quand elle constate que « aujourd'hui encore la grande majorité des interventions ne sont pas évaluées, soit que leurs promoteurs craignent la révélation d'effets nuls ou moins importants que ce qu'ils escomptaient, soit que la mise en oeuvre d'évaluations rigoureuses soit perçue comme trop difficile. » 63 ( * ) .

3. Des préconisations qui doivent aujourd'hui s'inscrire dans un plan d'action du Gouvernement des assises au prochain CICID

Malgré ces limites, ces évaluations sont riches d'enseignements sur la cohérence de la stratégie française dans ce domaine et l'adaptation des moyens budgétaires et administratifs aux objectifs poursuivis.

La rareté de ces évaluations constitue une motivation de plus pour se saisir des propositions qui découlent du bilan dressé cette année par ces deux organismes, qui, par bien des aspects, convergent sur le bilan comme dans les préconisations.

Ces deux exercices sont le fruit d'un travail approfondi de plusieurs mois. La Cour des comptes a procédé à des investigations pendant plus d'une année en mobilisant une dizaine de rapporteurs. Le cabinet Ernst and Young a mobilisé une demi-douzaine de collaborateurs pendant plusieurs mois et a rendu un rapport détaillé de plusieurs centaines de pages.

Votre commission se félicite de ce travail très éclairant. Ces travaux de qualité doivent maintenant pouvoir trouver une application concrète. En effet, les préconisations de ces rapports ne doivent pas rester lettre morte.

Les propositions formulées découlent d'une analyse serrée des dysfonctionnements constatés ces dix dernières années.

Ces faiblesses de notre politique de coopération sont importantes et portent atteinte à la crédibilité de cette politique.

Y remédier doit être la priorité du ministre et du prochain CICID.

Ce dernier a choisi conformément aux engagements du Président de la République de convoquer des Assises du développement et de la solidarité internationale qui se tiendront d'octobre à mars et constitueront un moment important d'échanges avec la société civile et avec tous les partenaires : ONG, élus locaux, entreprises, partenaires du Sud, etc.

Cette séquence devra aboutir à des recommandations fortes qui répondent notamment aux questions soulevées par ces travaux.

La méthode des assises présente l'intérêt d'associer toutes les parties prenantes à un exercice de réflexion et d'introspection de sorte que les conclusions des assises puissent obtenir un soutien consensuel de l'ensemble de ces acteurs.

Les assises ne doivent pas se priver de la réflexion issue de ces travaux.

Il ne s'agit pas de repartir à zéro, mais d'intégrer ces travaux dans le cadre des assises.

Le temps et l'argent public investis dans ces exercices d'évaluation doivent être mis à profit pour améliorer l'efficacité de cette politique et, partant, sa crédibilité aux yeux des Français.

B. CES ÉVALUATIONS SOULIGNENT LES FAIBLESSES DE LA POLITIQUE DE COOPÉRATION DANS TROIS DOMAINES : LE PILOTAGE, L'ALLOCATION DES MOYENS ET L'ÉVALUATION

Vos rapporteurs ne souhaitent pas ici reprendre les deux évaluations dans leur ensemble, mais résumer quelques-unes des conclusions pour en souligner certaines et surtout formuler des propositions qui puissent remédier aux dysfonctionnements constatés.

1. Un pilotage politique incertain et un partage des rôles inachevé entre les différents acteurs

Les deux évaluations soulignent que l'action publique dans le domaine de la coopération reste confrontée, malgré la succession des réformes, à un pilotage politique incertain et à un partage des rôles inachevé entre les différents acteurs.

Cette faiblesse du pilotage se traduit de trois façons : une fragmentation des centres de décision, notamment entre les ministères des affaires étrangères et des finances, qui paralyse l'action, un cadre stratégique dont le statut et le périmètre n'ont pas été suffisamment définis, des modalités de concertation insuffisantes.

• un manque de portage politique et une atomisation des centres de décision, dont la coordination reste défaillante

Les travaux lors du bilan évaluatif indiquent que, sur la période 1998-2010 et de manière plus marquée encore en 2012, le dispositif de coopération au développement souffre d'un manque de portage politique et d'une atomisation des centres de décision, dont la coordination reste défaillante. En dépit de progrès récents, le ministère peine encore à s'affirmer dans sa fonction de « stratège ». Le partage des rôles reste inachevé entre les différents acteurs, malgré l'existence d'un opérateur dominant. Enfin, le dispositif actuel présente un déficit de concertation particulièrement prégnant en 2012 .

Le rapport de la Cour des comptes souligne, quant à lui, que « datant de la fin des années 1990 , le modèle français d'organisation de l'aide est confronté depuis des années à une évolution qui lui fait atteindre aujourd'hui ses limites : il est fragmenté et déséquilibré. Contrastant avec la plupart des modèles étrangers, ce modèle est privé d'un centre de gravité . »

Globalement, il est jugé que la fragmentation du dispositif et de son action atténue la lisibilité de la stratégie de coopération de la France et alourdit les processus de décision.

• une stratégie de coopération au développement pas suffisamment bien définie

Les travaux du bilan évaluatif ont souligné, en outre, que la stratégie française n'est pas suffisamment bien définie. Ils estiment que les objectifs français restent encore mal définis et rendent la coopération tributaire des effets d'annonces et des divergences entre acteurs. Le document-cadre (DCCD) de 2010 constitue un progrès salué dans la définition d'une « vision » française partagée de l'aide au développement.

Pourtant, pour le cabinet de consultant chargé du bilan évaluatif, le DCCD représente davantage un cadre de référence général qu'un cadrage opérationnel des priorités. Par ailleurs, son contenu ne s'articule pas avec les autres supports de nature stratégique ou opérationnelle, que ce soient les objectifs proposés dans les Documents de politique transversale (DPT) annuels, ou les priorités mentionnées dans des relevés de décision du CICID antérieurs, dont on ne sait pas si le document-cadre (DCCD) vient les remplacer ou les compléter. C'est le cas par exemple de la liste des pays prioritaires, avec une ZSP qui semble perdurer mais dont le statut n'est pas rappelé dans le document de référence.

Ces travaux soulignent enfin que les objectifs réels de la politique de coopération française ne sont suffisamment clarifiés, notamment pour ce qui est des objectifs d'influence . Ils jugent que si les grandes lignes en matière de solidarité et d'enjeux globaux sont bien identifiées au travers de la lutte contre la pauvreté, le soutien à la croissance et la préservation des BPM, les objectifs « pour la France » (influence, défense des intérêts français, rayonnement culturel, etc.) restent diffus. Le positionnement protéiforme de la politique de développement, entre solidarité et influence, est ainsi insuffisamment partagé, et le document-cadre (DCCD) ne vient pas clarifier les différences de sensibilité, voire de convictions qui influencent la compréhension des objectifs réellement poursuivis par la politique française de coopération.

• la prise en compte du développement dans les autres politiques est promue dans les textes, mais n'est pas garantie par des mécanismes institutionnels solides

La cohérence des politiques pour le développement est largement promue dans le document-cadre (DCCD) de 2010 et dans les Document de politique transversale (DPT) successifs de la politique en faveur du développement. Les deux évaluations soulignent cependant qu'aucun mécanisme institutionnel ne permet d'assurer une prise en compte suffisante et systématique des objectifs de développement dans toutes les politiques.

• cette politique manque d'instances et d'outils de dialogue et de concertation opérant avec les autres parties prenantes

Les deux évaluations soulignent que si des efforts ont été réalisés pour mieux rendre compte au Parlement, à la société civile et aux citoyens des résultats et des impacts de la politique de coopération au développement, les marges de progrès sont encore importantes.

Elles regrettent l'absence ou le non-fonctionnement des organes de consultation de la société civile et la faible association du Parlement dans la définition de la stratégie.

2. Le dispositif de programmation, de suivi et de pilotage ne permet pas d'assurer pleinement l'efficacité d'une politique de coopération au développement large et complexe

Les deux rapports d'évaluation critiquent, d'une part, le décalage croissant entre les moyens disponibles et les priorités affichées et, d'autre part, les instruments et les indicateurs utilisés pour la programmation et le suivi de la politique de coopération.

Le bilan évaluatif, comme nombre d'observateurs, constate que l'effort en matière d'aide publique au développement est généralement mesuré et comparé à l'aune d'un indicateur critiqué et critiquable tant dans sa définition, son périmètre, et son mode de calcul que dans la manière dont la France l'utilise pour piloter son aide et pour valoriser son effort en faveur du développement.

De même, la Cour des comptes souligne, quant à elle, une programmation et un suivi budgétaire opaques et fragmentés, malgré certains progrès de présentation permis par la LOLF.

Ni le suivi de l'APD déclaré, ni la maquette budgétaire sur laquelle vos rapporteurs reviendront ne semblent permettre une vision stratégique des moyens publics utilisés pour mettre en oeuvre la stratégie française de coopération au développement.

Les deux évaluations décrivent une politique de coopération au développement qui pâtît d'un dispositif de pilotage et de suivi fragmenté entre les différentes institutions, qui ne permet pas une vision globale des moyens consacrés à la politique de coopération à un instant donné.

De fait, aucun des acteurs ne dispose actuellement de vision d'ensemble du dispositif, de ses moyens et de ses actions.

Seule la base de remontée de données au CAD permet de fournir une vision globale, mais reconstituée, des moyens consacrés à la politique de coopération, alors même que l'indicateur d'APD est considéré comme peu satisfaisant et ne permet que très partiellement de suivre la réalité de l'effort financier de l'Etat en faveur du développement.

Les travaux du bilan évaluatif soulignent en particulier que les équilibres fixés par le document-cadre (DCCD) en termes d'allocation de l'effort budgétaire de l'Etat ne sont pas en mesure d'être suivis ni vérifiés faute d'une définition claire et partagée, entre les différents ministères, des paramètres à prendre en compte dans la notion d'effort financier.

Au-delà des instruments de suivi, sur le plan budgétaire, il faut souligner une capacité de plus en plus limitée à orienter les crédits vers les axes prioritaires de la politique d'aide française.

L'APD française se caractérise en effet par une part décroissante de l'aide programmable. Cette évolution de la structure de l'aide française est de nature à restreindre la capacité de la France à mettre en oeuvre les objectifs des partenariats différenciés.

En outre, en matière de programmation, les arbitrages budgétaires des deux programmes 110 et 209 semblent largement déconnectés, ils sont négociés séparément par des équipes et des ministres différents, d'un côté le ministre des finances, de l'autre le ministre des affaires étrangères qui ont en commun de ne pas avoir comme première priorité la coopération.

C'est en partie ce qui explique que les deux évaluations considèrent que « le choix des instruments et l'allocation des moyens ont évolué, sans nécessairement refléter les orientations politiques affichées ».

Au-delà de l'effet d'affichage sur l'APD et de l'incidence des prêts accordés sur l'APD future, l'évolution de la part respective des dons et des prêts, par exemple, pose la question de leur adaptation avec les objectifs de la politique de coopération au développement de la France, le prêt ne permettant pas d'interventions dans certains secteurs : santé, éducation, environnement (biodiversité, notamment), ni dans les pays les plus pauvres sortant d'un processus de désendettement ou encore dans les pays en crise ou en sortie de crise - tous affichés comme des priorités de l'aide française.

Une analyse qui conduit les deux évaluations, comme vos rapporteurs, à souligner le « décalage croissant entre les moyens disponibles et les priorités affichées dans le document-cadre (DCCD) ».

3. Un système d'évaluation et d'indicateurs de suivi à renforcer

Les deux évaluations considèrent les instruments actuels de suivi et d'évaluation de la politique d'aide publique au développement insuffisants.

En 2008, les revues par les pairs de l'OCDE soulignaient le retard de la France dans la mise en place d'indicateurs cohérents pour le suivi de l'APD dont la mise en place a débuté uniquement à partir de 2006 dans le cadre de la LOLF.

Le processus de collecte systématique d'information est encore en construction, et il se confronte à des facteurs exogènes de complexification croissante des instruments de l'aide (recours à des instruments financiers de plus en plus sophistiqués...) et de leurs modalités de mise en oeuvre (montée des cofinancements...) qui accentuent la difficulté à rendre compte de manière lisible des moyens et des résultats obtenus par la politique française de coopération au développement.

Outre l'atomisation des acteurs chargés de leur collecte, le système de suivi actuel présente une prépondérance d'indicateurs de moyens, qui ne couvrent que de manière très incomplète les objectifs de la politique de coopération au développement.

Les deux rapports soulignent deux types de difficultés : d'une part, la difficulté à produire des indicateurs de résultats, d'autre part, les insuffisances de la politique d'évaluation. Les deux étant liés, l'un n'allant pas sans l'autre, mais ne se recouvrant pas.

En 2008, la revue par les pairs indiquait déjà, en reprenant des conclusions de 2004, que le « le CAD encourage la France à poursuivre son effort de mise en place d'un système de gestion axé sur les résultats et à améliorer l'apprentissage par l'action en intégrant systématiquement l'analyse des résultats des évaluations dans le processus de programmation ».

Ce constat semble pouvoir être réitéré en 2012.

En 2006, la France s'était dotée d'un plan d'action pour l'efficacité de l'aide, conformément aux engagements de la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide de 2005. Ce plan était organisé autour de douze propositions et 41 actions à l'intention des services de l'Etat chargés de la stratégie et des moyens opérationnels de l'aide au développement (MAEE, MINEFI, AFD).

Au cours du premier semestre de 2011, ces derniers ont procédé à un état des lieux conjoint, en vue de contribuer à préparer le 4 ème Forum de Haut Niveau sur l'efficacité de l'aide qui se tiendra à Busan (Corée) à la fin de l'année.

Ce bilan, fondé notamment sur une évaluation externe, montre que la gestion axée sur les résultats est le domaine où les progrès ont été plus modestes. Les raisons de ce retard sont nombreuses et ne se résument pas à la faiblesse de capacités statistiques des pays partenaires.

Il s'agit aussi bien d'une question d'ordre culturel que d'une question de moyens. Lorsque l'on compare avec d'autres pays donateurs, la France est un des pays qui évalue le moins.

Au niveau des organismes chargés de l'évaluation des projets de coopération, de nombreuses initiatives ont été prises pour améliorer la coordination de leurs travaux et renforcer leur production.

Pour la première fois, en 2010, l'ensemble des acteurs de la coopération française (ministère des affaires étrangères et européennes, ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, Agence française de développement) ont transmis de manière conjointe les résultats des évaluations des trois structures au Parlement.

Parallèlement, dans le cadre de sa réorganisation, la direction générale de la mondialisation du ministère des Affaires étrangères et européennes a défini un pôle de l'évaluation qui doit notamment renforcer les capacités en évaluation de nos pays partenaires.

De son côté, l'AFD a créé fin 2009 un comité des évaluations chargé d'examiner chaque année le programme d'évaluation de l'AFD, de rapporter sur les travaux d'évaluation de l'AFD, de formuler des avis, le cas échéant, sur le dispositif d'évaluation à l'AFD, la pertinence et la qualité des travaux réalisés et de rendre compte régulièrement des travaux d'évaluation auprès du Conseil d'administration.

La Direction générale du Trésor du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie a, quant à elle, renforcé les ressources, le champ d'intervention et le rôle de son unité d'évaluation.

L'ensemble de ces initiatives ne semble toutefois pas avoir pour l'instant radicalement modifié la situation.

Comme le soulignent les deux bilans conduits cette année, les évaluations menées sont encore très procédurales et pas assez centrées sur l'impact des projets évalués et l'utilisation des évaluations à des fins d'amélioration opérationnelle ou stratégique semble encore très limitée .

Enfin, les ressources humaines et budgétaires consacrées par la France à l'évaluation semblent faibles comparées aux autres bailleurs bilatéraux.

Selon les estimations du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE, qui a élaboré un indicateur permettant de mesurer le ratio du budget consacré à l'évaluation rapporté à la masse des crédits d'APD exécutés, la France (0,06%) se situe bien en deçà de la moyenne des bailleurs bilatéraux (0,16%) ou de nos principaux partenaires comme l'Allemagne (0,12%) ou le Royaume-Uni (0,09%).

II. CES CRITIQUES RÉCURRENTES APPELLENT AUJOURD'HUI DES MESURES FORTES QUI DOIVENT FIGURER AU PROGRAMME DU PROCHAIN CICID

Si ces critiques ne sont pas nouvelles, leur persistance à travers le temps suggère qu'il est temps de les prendre au sérieux et de prendre les mesures nécessaires pour atténuer des dysfonctionnements connus et reconnus.

Ces critiques font apparaître notamment que les réformes de 1998 et 2004 n'ont pas encore atteint leurs objectifs, que le point d'équilibre de ces dernières années n'est pas encore satisfaisant.

Les deux évaluations présentent dans cette perspective une série de propositions que vos rapporteurs ont souhaité annexer au présent rapport.

Ces propositions sont assez proches de celles que préconise votre commission depuis plusieurs années.

A. LA RÉPONSE LA PLUS COHÉRENTE AUX PROBLÈMES DE PILOTAGE DEMEURE LA CRÉATION D'UN MINISTÈRE DE PLEIN EXERCICE.

1. La solution la plus ambitieuse et la plus cohérente aux difficultés de pilotage est de réduire la fragmentation des centres de décision

Tous les acteurs de la coopération constatent que l'éclatement du dispositif favorise une concurrence entre services et ministères qui entraîne d'inévitables différences d'appréciation entre administrations (MAE et DG Trésor) et, par conséquent, des demandes récurrentes d'arbitrage à Matignon, voire à l'Élysée. Cette situation conduit à des délais et des incohérences incompatibles avec le rythme et la nature des enjeux à traiter.

Au-delà de la personnalité du titulaire du portefeuille, l'absence de pilotage politique s'explique par le fait que le ministre du développement ne dispose pas des moyens de porter une politique d'ensemble qui reste marquée par la concurrence entre le ministère des affaires étrangères et le ministère des finances.

L'organisation actuelle ne lui permet pas non plus d'arbitrer les priorités budgétaires de la mission aide publique au développement, notamment entre instruments bi- et multilatéraux. De fait, la mission APD constitue une variable d'ajustement des budgets respectifs des ministères concernés.

Si l'origine des difficultés rencontrées provient du partage des responsabilités entre les deux ministères, alors des réunions plus fréquentes du CICID ne constituent pas en elles-mêmes une réponse suffisante.

Le CICID présidé par le Premier ministre, comme l'a souligné le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, « n'a pas vocation à être réuni tous les quatre matins ». De fait la coordination quotidienne des administrations continuera à alourdir le processus de décision.

Dans ce cadre, la création d'un ministère de plein exercice permettrait éventuellement de réduire la redondance de certaines responsabilités entre administrations centrales, et entre administrations et opérateurs, et de limiter un micro-management de l'Élysée sur des dossiers relevant de l'action gouvernementale.

La réforme initiée par Lionel Jospin pourrait ainsi être menée à terme, dans une logique de rationalisation, de cohérence et d'efficacité. Un ministre du développement de plein exercice, doté d'une administration propre, comme c'est le cas en Grande-Bretagne ou en Allemagne, permettrait une unité de décision.

C'est notamment une des préconisations du bilan évaluatif.

Politiquement, un tel ministère aurait l'avantage de se présenter comme un outil au service d'une autre mondialisation : un outil de solidarité, d'une part, permettant de lutter contre la « fracture sociale » planétaire, un outil de régulation, d'autre part, permettant d'asseoir des politiques publiques globales associant Nord et Sud face aux défis globaux (alimentaires, climatiques, sociaux, financiers...). Il ne s'agirait donc pas de restaurer un ministère de la coopération consacré au « champ », mais de porter une politique des enjeux globaux du développement.

D'un point de vue administratif, ce scénario a cependant des implications nombreuses : le plein exercice sur la mission budgétaire « aide au développement » et une administration dédiée.

Cela suppose de renforcer les pouvoirs budgétaires du ministre du développement en lui confiant la responsabilité des programmes 110 et 209 et son rôle dans l'animation interministérielle de la politique d'aide au développement à budget constant :

- en lui rattachant, outre une partie des services de la DGM en charge du développement et des biens publics mondiaux hors le culturel (dont le personnel titulaire resterait rattaché au corps du Quai d'Orsay), et des services du Trésor actuellement en charge du programme 110 (dont le personnel resterait rattaché pour leur carrière au Trésor), éventuellement du personnel issu de la direction de la stratégie de l'AFD (dont idem le personnel resterait rattaché à l'AFD), ainsi que certains agents chargés de la coopération internationale des ministères techniques concernés (environnement, agriculture, éducation nationale, etc.).

Ce scénario présente des avantages :

- l'autorité du ministre du développement sur les programmes 110 et 209 permettrait de les restructurer en deux programmes budgétaires (un bilatéral et un multilatéral avec des lignes thématiques et/ou par instruments), et autoriserait ainsi des arbitrages cohérents sur l'ensemble des instruments de la politique de coopération bi et multi, des agences de Bretton Woods, du système onusien, et européen,

- ce ministère donnerait une visibilité politique aux tentatives de régulations de la mondialisation et de mises en place de politiques publiques globales à l'échelle planétaire. Il s'agirait d'un ministère du développement, de la coopération et de la gouvernance mondiale,

- l'intégration de certains services de la DGM et du Trésor mettrait fin aux redondances administratives et aux conflits liés à leur appartenance à des ministères concurrents, tout en conservant leurs cultures professionnelles complémentaires dans un ministère qui ne serait ni celui des finances, ni celui des affaires étrangères.

Il présente également des inconvénients :

- c'est un choix éminemment politique et un chamboulement important de la structure ministérielle. Une absence d'administration d'origine pour ce nouveau ministère constitue un handicap. Son succès dépendra de sa capacité à coordonner et valoriser différents savoir-faire et cultures professionnels,

- cela suppose que le ministère des finances accepte de s'amputer d'une partie des services du trésor, des crédits du programme 110, et partage la responsabilité des contributions et de la représentation française au sein des institutions financières internationales et que le ministère des affaires étrangères accepte de s'amputer d'une grande partie des services de la DGM, des crédits du programme 209 et partage la responsabilité des contributions et de la représentation française au sein des institutions dépendant de l'ONU,

- la rationalisation administrative consécutive à cette réforme, autrement dit, la diminution des redondances, serait sans doute limitée par la nécessité de créer un service en charge de l'administration générale de ce ministère dont une partie viendra des deux ministères concernés et de leur volonté naturelle de conserver certaines prérogatives. Le ministère des finances souhaitera conserver au sein de la supervision des établissements de crédits celle de l'AFD, qui relève du code monétaire, et garder la main sur le FMI, qui est un outil de la gouvernance économique et financière mondiale. Le ministère des affaires étrangères souhaitera conserver la cotutelle des organismes de développement de l'ONU, le SGAE, les aspects communautaires, etc. Les chevauchements continueront donc d'exister de façon plus limitée.

Cette solution, qui suppose un portage politique fort, ne pourra vraisemblablement s'imposer que lors de la constitution d'une nouvelle organisation gouvernementale. En attendant, une rationalisation des instances de coordinations reste nécessaire.

2. La rationalisation et la réactivation des instances de coordination bien qu'insuffisantes peuvent entraîner des améliorations

Les deux évaluations insistent sur la nécessité de mettre en place un dispositif de décision et d'arbitrage pérenne. Les travaux du bilan évaluatif plaident pour « activer un cadre interministériel stable et durable ». Le besoin d'approfondissement de la coordination interministérielle devra passer par la « remise en scène du CICID « de plein exercice » .

La Cour des comptes plaide pour « revenir à une fréquence annuelle de réunion du comité interministériel de la coopération internationale et du développement » et «  rationaliser les instances de pilotage de l'aide en redessinant un schéma d'ensemble ».

S'il convient en effet de remettre en route les organes de concertation, il faut sans doute s'interroger sur les raisons qui ont conduit le CICID à ne pas se réunir pendant trois ans. Outre la difficulté à trouver des accords entre les deux principaux ministères concernés, sans doute la présence du Premier ministre, pour lequel cette politique n'est pas une priorité, constitue un handicap.

Créé par le décret n° 98-66 du 4 février 1998, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) prévoit, en effet, que le CICID soit présidé par le Premier ministre, et comprenne « le ministre des affaires étrangères, le ministre chargé de l'économie et des finances, le ministre chargé de la population et des migrations, le ministre chargé de l'éducation, le ministre chargé de la recherche, le ministre de l'intérieur, le ministre de la défense, le ministre chargé de l'environnement, le ministre chargé de la coopération, le ministre chargé du budget, le ministre chargé du commerce extérieur et le ministre chargé de l'outre-mer. Les autres ministres intéressés par les questions inscrites à l'ordre du jour sont invités à siéger au comité interministériel. Un représentant du Président de la République prend part à ses travaux ».

Il conviendrait sans doute de revoir la composition du CICID en vue d'améliorer la fréquence de ces réunions avec une formation restreinte sur le modèle du Co-CICID ou du COS.

Le co-secrétariat du CICID, formalisé lors du CICID de juillet 2004, réunit les représentants des ministères dont relève la mission aide publique au développement : ministère des affaires étrangères et européennes (direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats), ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (direction générale du trésor) et, depuis 2007, le ministère de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration (secrétariat général à l'immigration et à l'intégration), ainsi qu'un représentant de l'Agence française de développement (AFD).

On peut imaginer que ce Co-CICID puisse se réunir aussi au niveau ministériel avec le remplacement du ministère de l'intérieur par le ministère en charge du développement durable.

De même, l'absence de représentant de ce ministère au sein du Conseil d'orientation stratégique de l'AFD, qui est l'opérateur pivot du développement durable à l'international, apparaît aujourd'hui surprenante tant les problématiques de développement et de protection de l'environnement sont liées.

La fréquence des réunions et leur efficacité dépendront de la composition de ces organes, de leur présidence, et des modalités de fixation de l'ordre du jour.

Votre commission demande également à ce que les décisions du CICID et du Co-CICID soient rendues publiques et transmises aux commissions compétentes.

Vos rapporteurs s'étonnent par exemple de découvrir de façon indirecte, six mois après que la décision a été prise, que la liste des pays prioritaires a été modifiée par un co-CICID.

B. L'ADOPTION D'UNE LOI DE PROGRAMMATION PERMETTRAIT DE DÉFINIR UN CADRE STRATÉGIQUE ET BUDGÉTAIRE COMPLET ET COHÉRENT

1. Une loi de programmation permettrait d'associer le Parlement à la définition de la stratégie de coopération au développement française et de lui conférer une légitimité politique

Les deux rapports préconisent de mieux définir, décliner et hiérarchiser les objectifs et les priorités de la France en matière de coopération au développement.

Si le document-cadre a constitué une première étape positive, il n'est cependant qu'une réponse partielle au manque de lisibilité et de clarté des objectifs réellement poursuivis par la France.

C'est pourquoi les deux évaluations préconisent l'adoption d'une loi de programmation rejoignant un engagement du Président de la République lors de la campagne électorale.

Une loi de programmation préparée éventuellement par un livre blanc ou par les assises du développement permettrait d'impliquer le Parlement dans la définition des orientations de la politique de coopération au développement.

La loi définirait l'ensemble des objectifs généraux et opérationnels de l'aide française, en les hiérarchisant et en y associant des priorités claires.

Elle permettrait de clarifier les objectifs de la coopération au développement en matière d'effet de retour pour la France, la stratégie suivie en termes d'équilibre entre les interventions bilatérales et multilatérales et définir une stratégie spécifique vis-à-vis du canal multilatéral.

Aujourd'hui, le Parlement n'est saisi que pour avis de certains documents stratégiques.

En application de la loi sur l'action extérieure de l'Etat 64 ( * ) , il a été saisi pour avis du projet de contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD 65 ( * ) . Il en va de même pour FEI.

Votre commission avait par ailleurs insisté, il y a deux ans, pour contribuer aux travaux d'élaboration du document-cadre de coopération au développement. Elle avait organisé à cette occasion d'une table ronde sur la stratégie française de coopération ainsi qu'un débat en séance publique sur ce thème.

Ces consultations s'inscrivent dans une évolution de long terme vers une association plus étroite du Parlement à la définition d'une politique de coopération.

Il faut y voir les conséquences de l'évolution constitutionnelle du rôle du Parlement en matière de politique étrangère, mais aussi l'effet de l'interaction croissante entre les enjeux internationaux liés au sous-développement et les préoccupations quotidiennes de nos concitoyens au fur et à mesure que les effets de la mondialisation se font sentir.

Cet effort d'explication, de transparence et d'accessibilité de l'information sur les stratégies et les moyens de la coopération doit être poursuivi.

La société civile s'avère très favorable à cet effort de solidarité, comme en témoigne le soutien important qu'elle apporte aux organisations non gouvernementales. En revanche, elle se montre sceptique à l'égard de la mise en oeuvre de politiques publiques d'aide au développement.

Pour conserver à cette politique sa crédibilité, un travail d'explication est donc à fournir en direction du citoyen et du contribuable.

Ce travail ne passe pas seulement par le Parlement. Mais le Parlement peut et doit contribuer à un effort d'explication des enjeux à long terme du sous-développement et donner à la problématique du développement la place qui lui revient dans l'agenda politique.

Les Français doivent pouvoir comprendre qu'en favorisant le développement d'une Afrique qui atteindra 1,8 milliard d'habitants en 2050 ou en incitant les pays émergents à adopter un régime de croissance moins polluant, les pouvoirs publics contribuent aujourd'hui à dessiner le monde de demain.

Dans ce paysage institutionnel éclaté qui est celui de la coopération française, le Parlement peut être le lieu où s'établissent une cohérence et une synthèse entre l'action les différents ministères en charge de cette politique.

2. L'adoption de cette loi de programmation peut être l'occasion de définir un cadre stratégique plus complet et plus cohérent qui doit être ensuite décliné par l'exécutif en fonction du type de partenariat et des secteurs concernés

La loi de programmation pourrait servir de socle commun à des stratégies gouvernementales déclinées par zones de partenariat différenciées (Afrique, Méditerrané et Émergents, par exemple) et par secteur (Santé, éducation, croissance, développement durable etc.).

Ces cadres stratégiques seraient adoptés en CICID après concertation d'une instance de consultation rénovée sur le modèle du Haut Conseil à la Coopération Internationale et, éventuellement, avis des commissions compétentes du Parlement et en liaison avec les stratégies européennes.

Il importe notamment que le Gouvernement se dote d'un cadre stratégique à l'égard de :

- l'Afrique où la France concentre 60 % de son aide et possède des intérêts stratégiques nombreux,

- des pays émergents afin de clarifier le type d'objectifs que nous poursuivons et les moyens mis en oeuvre,

- de la Méditerranée où se joue la sécurité du flanc sud de l'Europe qui est en jeu et, sans doute aussi, notre prospérité future. Un document stratégique permettrait de définir les contours d'une politique méditerranéenne renouvelée, ambitieuse et proche des réalités.

Ces cadres stratégiques nationaux seraient ensuite déclinés au niveau des opérateurs tel que l'AFD, FEI ou le CIRAD etc.

Au niveau des pays partenaires, ces documents stratégiques seraient appliqués dans le cadre des programmations européennes conjointes.

3. L'adoption d'une loi de programmation permettrait de définir un cadrage budgétaire cohérent avec les orientations politiques.

Les deux évaluations, comme la revue RGPP en son temps, soulignent que le pilotage des masses budgétaires s'est avéré incapable de produire une allocation des moyens en phases avec les objectifs, notamment parce qu'il est resté prisonnier de la logique de chaque opérateur et de chaque instrument.

De ce point de vue, une loi de programmation peut définir un cap, une référence sur ce à quoi la représentation nationale veut aboutir.

Les projets de loi de finances priment sur les lois de programmation, mais sont évalués au regard de la programmation adoptée qui constitue ainsi une référence et une force de rappel.

La revue par les pairs ayant souligné à plusieurs reprises que la France devrait adopter une feuille de route rendant crédible ses engagements internationaux, une loi de programmation pourrait ainsi asseoir la crédibilité de la démarche française.

C. IL FAUT INSTITUTIONNALISER LE DIALOGUE AVEC LES ACTEURS DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT.

La politique de coopération au développement est longtemps restée l'apanage de l'exécutif. En dépit de l'expérience du document-cadre qui s'est appuyé sur un processus de consultation des ONG et de la société civile, la mise en débat reste encore ponctuelle et limitée, et manque de structures de concertation organisées et pérennes entre l'Etat et les autres acteurs intéressés par la coopération au développement.

C'est pourquoi les évaluations proposent de rétablir des cadres de concertation structurés dans la durée, avec la remise sur pied d'une instance similaire au HCCI , en en corrigeant les lacunes et les dysfonctionnements relevés dans son format précédent.

Là encore, il convient de s'interroger sur les causes des échecs successifs du HCCI et du Conseil stratégique.

Plusieurs points de vigilance doivent être regardés :

- le mandat du conseil doit être précisé : par exemple, un espace de dialogue où la société civile exprime des positions et recommandations aux ministres concernés sur les grands sujets de la coopération, de la solidarité internationale et du développement,

- la composition doit être équilibrée, en représentant, par exemple, les ONG, les collectivités engagées dans de la coopération décentralisée, des personnalités qualifiées, les parlementaires rapporteurs du budget. Chaque « famille » d'acteurs conviée au Conseil présente la candidature de ses représentants. Le Conseil peut être un espace ouvert, où des personnes-ressources non-membres sont invitées à intervenir, en fonction de l'ordre du jour,

- la présidence doit être confiée au ministre du développement,

- l'ordre du jour doit être partagé entre la présidence et les membres, anticipant l'agenda international, permettant de traiter des questions d'actualité et les grands sujets qui impactent les stratégies de coopération au développement,

- la périodicité des réunions du Conseil doit être définie et respectée, la possibilité de convoquer le Conseil,,

- la programmation et la répartition de travaux préparatoires doivent être élaborées en liaison avec chaque « famille »,

- le rôle du secrétariat doit être défini.

Sous réserve de ces observations, votre commission est favorable à la création d'une instance permanente de dialogue et de concertation.

D. LE RENFORCEMENT DES MOYENS CONSACRÉS À L'ÉVALUATION EST INCONTOURNABLE SI L'ON VEUT AVOIR UNE VISION PLUS CLAIRE DE L'IMPACT DE NOTRE AIDE

Les deux évaluations soulignent la nécessité d'améliorer l'effort d'évaluation.

La Cour des comptes propose notamment :

1) de renforcer les capacités publiques nationales d'évaluation par leur rapprochement et l'allocation de moyens appropriés ;

2) d'étendre le champ de l'évaluation aux aides représentant des volumes significatifs (annulations de dette, contributions multilatérales) ;

3) redéfinir les indicateurs de performance budgétaire en favorisant la convergence entre programmes et la mesure de leur efficacité ;

Les travaux du bilan évaluatif auxquels un des rapporteurs a participé proposent de :

1) mettre en place un programme concerté et pluriannuel d'évaluation de la politique de coopération au développement entre la DGM, la DG Trésor et l'AFD ;

2) renforcer notablement la capitalisation en s'assurant de la diffusion des évaluations et de l'utilisation de leurs conclusions ;

3) améliorer la communication sur l'action française en matière de coopération au développement afin d'en valoriser les résultats et les impacts.

La politique de coopération au développement est handicapée par un déficit de reconnaissance et par une suspicion fréquente quant à sa pertinence et à son utilité. Faute d'objectifs clairs et faute de données cohérentes sur l'effort consenti et sur les résultats et les impacts obtenus par la politique, elle est mal comprise et fait l'objet de nombreuses remises en question.

Ces mesures passent par un renforcement des effectifs et des moyens des instances d'évaluation.

Votre commission ne peut qu'approuver ces recommandations. Elle n'a eu de cesse de dire combien elle souhaitait que l'évaluation soit mise au coeur de la politique d'aide au développement .

Elle souhaite que le recours à l'évaluation soit plus systématique et en particulier que la reconstitution des fonds multilatéraux soit systématiquement précédée d'une évaluation.

Vos rapporteurs demandent en outre que les commissions compétentes du Parlement en matière d'aide au développement puissent, dans le cadre de leur activité de contrôle, recourir au concours des organismes chargés des évaluations de la politique d'aide au développement dans les ministères et les organismes compétents pour procéder à des évaluations. Ce concours pourrait prendre la forme d'une inscription dans le programme de travail de ces organismes de sujets d'étude à la demande du Parlement.

Le Parlement ne dispose pas, en effet, des moyens propres pour assurer le contrôle des contributions internationales de la France aux grandes organisations internationales. Or, dans la mesure où celles-ci représentent plus 50 % de notre aide, il importe de lui donner les moyens d'exercer ce contrôle. Le recours aux organismes chargés des évaluations permettrait de s'appuyer sur un travail de qualité.

L'inscription dans le programme de travail de ces organismes de sujets d'étude à la demande du Parlement ne conduirait aucunement à mettre ces organismes « sous la tutelle » des commissions parlementaires puisqu'ils continueraient à exercer leurs activités de la même façon qu'aujourd'hui.

E. LE DÉVELOPPEMENT D'INDICATEURS DE RÉSULTATS CONSTITUE UN ÉLÉMENT INCONTOURNABLE D'UNE POLITIQUE DE COMMUNICATION ACTIVE SUR LES SUCCÉS DE NOTRE COOPÉRATION

En ce qui concerne les indicateurs de résultats demandés par les deux évaluations, votre commission constate qu'en 2009, le Comité interministériel sur la coopération internationale et le développement (CICID) a demandé (point 2.8 « Pilotage de l'aide » du relevé de décisions) que soit élaborée une matrice d'indicateurs des résultats et de l'impact de l'aide française, assortie d'un tableau interministériel de suivi, en complément des indicateurs de moyens existants.

En 2010, le document-cadre de coopération au développement adopté, quant à lui, soulignait : « Mesurer la qualité des interventions menées et apprécier leurs résultats est indispensable. Il s'agit d'une exigence démocratique à l'égard du Parlement et des citoyens français comme des populations et des autorités des pays bénéficiaires. Cette analyse des résultats est également nécessaire pour améliorer la pertinence et l'efficacité des opérations conduites, responsabiliser les acteurs chargés de leur mise en oeuvre et permettre de capitaliser sur les expériences passées ».

Il prévoyait également que des indicateurs synthétiques sur les résultats prévus et obtenus seront mis au point : « Un tableau d'indicateurs rendant compte des effets attendus des programmes financés au niveau bilatéral, communautaire et multilatéral et fournissant une appréciation sur les résultats obtenus à l'issue de leur mise en oeuvre, sera mis en place et permettra de communiquer de façon simple et explicite sur l'action du gouvernement ».

En 2012, le Parlement attend toujours ces indicateurs de résultats qui ne figurent dans aucun document budgétaire officiel.

L'administration française a néanmoins commencé à avancer sur ce dossier.

En effet, l'AFD a mis en place des indicateurs de suivi « agrégeables » utilisés dans ses rapports. Le rapport biannuel communiqué à votre commission lors de l'audition du ministre contient une matrice de 19 indicateurs.

En 2011, le co-secrétariat du CICID aurait adopté cette matrice de 19 indicateurs de suivi de l'aide bilatérale française.

On retrouve, parmi les indicateurs de moyens et de conformité, les indicateurs de concentration des subventions et de l'effort financier. Les indicateurs de résultats portent sur les activités de l'AFD avec les limites précitées.

Intitulé de l'indicateur

Référence

Valeur
cible

Valeur
2010

Valeur
2011

Indicateurs de moyens et de conformité

1

Part du PNB affecté à l'APD

Versements

0,7% (2015)

0,50%

0,46%*

2

Part de l'effort financier de l'Etat en :
- ASS
- Méditerranée
- pays émergents

Engagements


> 60%
20 %
< 10%

N.D

N.D

3

Répartition en volume des engagements par OMD (année considérée)

Engagements

Indicateur

de suivi

Total AFD : 2836M€
- OMD 1 = 106M€
- OMD 2 = 66M€
- OMD 3 = 0 M€
- OMD 4 = 49M€
- OMD 5 = 56M€
- OMD 6 = 7 M€
- OMD 7 = 2383M€
- OMD 8 = 169 M€

Total AFD: 3280M€

- OMD 1 = 69 M€

- OMD 2 = 32 M€

- OMD 3 = 0 M€

- OMD 4 = 18 M€

- OMD 5 = 38 M€

- OMD 6 = 10 M€

- OMD 7 = 2971M€

- OMD 8 = 142 M€

4

Part des subventions dans les :
- 14 PPP
- Pays en crise

Versements


> 50%
10%


31%
17%

47%
10%

5

Engagements contribuant à un développement durable (cible 9 de l'OMD 7)

Engagements

AFD : 1353M€

AFD : 1385 M€

6

Part de l'APD bilatérale versée dans les pays ayant signé un accord de gestion concertée des flux migratoires

Versements

N.D

N.D

7

Part de l'APD transitant par des ONG

Versements

2% APD

1,74%

N.D

8

Part de l'aide budgétaire française qui s'inscrit dans un processus harmonisé entre bailleurs de fonds et/ou dans un cadre régional

Versements

80 % (2013)

83,7%

85%

9

Effet de levier sur prêts concessionnels AFD en APD
- global
- par région
- par secteur CICID

Engagements

AFD global = 9,1
- ASS = 5,2
- Méd. = 10,8
- Asie = 11,5
- Amé. Lat. = NS
- Agriculture = 5,5
- Eau et ass. = 6,2
- Education = 7,7
- Env. = 17
- Infrastructure = 7,7
- Santé = 8,2
- Secteur prod. = 11,8

AFD global = 10,1

- ASS = 7,5

- Méd. = 11,7

- Asie = 14,8

- Amé. Lat. = NS

- Agriculture = 7,2

- Eau et ass. = 6,4

- Education = 4,7

- Env. = 20,9

- Infrastructure = 8,9

- Santé = NC

- Secteur prod. = 7,1

Indicateurs de résultats par secteurs

10

Part des projets AFD jugés au moins satisfaisants dans la réalisation de leurs objectifs (rapports d'achèvement de projets)

Engagements

-

76%

77%

11

Nombre de nouvelles personnes desservies par les structures et services de santé concernés

Engagements

-

873 270

Personnes

743 000

personnes

12

Nombre d'enfants achevant chaque année le cycle primaire d'éducation

Engagements

-

N.D

61 700

13

Part des filles dans le total des enfants scolarisés au niveau du collège

Engagements

-

42%

44%

14

Nombre de personnes bénéficiant d'une formation professionnelle

Engagements

-

28 000

Personnes

430 000

personnes

15

Population bénéficiant directement d'un projet agricole ou d'irrigation

Engagements

-

1 450 735 personnes

2 274 000 personnes

16

Tonnes d'équivalent carbone évitées par an grâce aux projets financés

Engagements

-

2,9 millions

Teq CO2/an

2,1 millions

Teq CO2/an

17

Nombre de personnes gagnant un accès pérenne à une source d'eau potable améliorée

Engagements

800 000 pers. / an

905 000

Personnes

1 317 200 personnes

18

Nombre d'habitants des quartiers défavorisés dont l'habitat est amélioré ou sécurisé

Engagements

-

319 750

Personnes

1 894 633 personnes

19

Investissements accompagnés

Engagements

-

1 304 670 533 €

1 136 000 000 €

Les limites de ces indicateurs sont nombreuses.

Les indicateurs agrégeables de résultats de ce tableau permettent de rendre compte, de façon consolidée, des effets attendus des actions auxquelles concourent les financements autorisés par le Groupe AFD au cours d'une année donnée. Il s'agit cependant d'indicateurs évalués ex ante renseignés au cours de l'instruction de chaque projet sur la base des résultats qu'il devrait générer une fois celui-ci terminé.

Contrairement à leur finalité initiale, ces indicateurs ne sont donc pas des indicateurs pertinents pour le pilotage opérationnel :

- les indicateurs sont seulement renseignés et collectés ex ante,

- ils n'ont généralement pas de valeur initiale mesurée et ne peuvent donc pas servir de point de référence à un système de suivi. Ils ne sont pas utilisés, sauf rares exceptions, pour le pilotage des projets ;

- ils servent exclusivement à des fins de communication, sur la base d'une douzaine d'indicateurs, globalement toujours les mêmes d'une année sur l'autre ;

- ils ne couvrent pas tous les types d'opérations (aide budgétaire globale, renforcement de capacité et fonds d'études, etc.).

La collecte des données se fait sur la base du reporting des chefs de projets dans le système d'information, et est donc, de ce fait, peu fiable.

Les résultats attendus peuvent varier fortement d'une année sur l'autre, ce qui ne permet pas une approche comparative et peut présenter un risque en matière de communication.

Conscients de ces limites, l'AFD, le trésor et la DGM ont mis en place des groupes de travail pour les surmonter.

Votre commission plaide pour la mise en place, tout au long de la gestion des projets de coopération, d'un dispositif de récolte des données. Seule une comparaison entre la situation avant l'intervention de la France et après permettra d'évaluer l'impact des projets financés.

Il faut sans doute bien être conscient que cette collecte des données sera étalée dans le temps avec un décalage entre le moment des décaissements et celui de l'évaluation des résultats. Cette méthode suppose, en outre, un fort investissement dans l'analyse de chaque projet financé puis une agrégation des résultats. C'est là sans doute la méthode la plus fiable.

Le recours à des analyses macro-économiques -procédés très utilisées- qui consiste à mettre en regard les résultats ex-post d'un secteur et les financements auquel un pays a contribué présente, en effet, beaucoup de faiblesse. Il s'agit en effet de s'appuyer sur les résultats des pays partenaires et de calculer les résultats qui sont attribuables à un donateur en fonction de contributions au financement du secteur. Or cette méthode dépend de la fiabilité des données statistiques des pays partenaires que l'on sait toute relative et conduit à s'approprier des résultats d'un secteur donné sans qu'on puisse véritablement imputer ces derniers à l'action de la coopération française.

Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients qui sont, par ailleurs, variables selon les secteurs et le type d'instrument utilisé. L'aide projet permet un suivi fin des résultats, l'aide budgétaire globale impose une analyse macro-économique. Le DIFID connu pour son avance dans ce domaine panache les deux types de méthode avec des résultats probants en termes de communication et parfois contestables en termes de méthode.

Source : rapport annuel DFID 2011 - 2012

La volonté de produire rapidement des résultats ne doit pas conduire à sacrifier la réflexion sur les meilleurs moyens de produire des indicateurs fiables, robustes et susceptibles d'être suivis sur le long terme.

Enfin, vos rapporteurs souhaitent ici souligner que si les indicateurs sont nécessaires à la légitimation de cette politique, ils ne pourraient pas constituer des indicateurs de nature à orienter l'aide. En effet, les résultats produits dépendent de la nature des pays dans lesquels la coopération intervient. Orienter l'aide là où nous obtenons des résultats, ce qui peut paraître de bon sens, conduirait à la recherche de la facilité et à intervenir là où c'est le plus facile et pas forcément là où c'est le plus utile.

HUITIÈME PARTIE - LA PRÉSENTATION DU BUDGET DOIT ÊTRE AMELIORÉE

La présentation du budget pour 2013 ainsi que les travaux d'évaluation précédemment cités sont l'occasion de redire la nécessité de revoir la présentation du budget pour en accroître la lisibilité.

I. 65 % DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT DE LA FRANCE NE FIGURE PAS DANS LA MISSION « AIDE AU DÉVELOPPEMENT » PRÉSENTÉE AU PARLEMENT

Comme il a été indiqué, le Parlement vote à travers la mission « Aide publique au développement », les crédits des deux principaux programmes concourant à la politique française d'aide publique au développement : le programme 110 « Aide économique et financière au développement » et le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement »,

Les crédits de la politique de coopération au développement sont en effet partagés entre 8 ministères, 16 missions et 29 programmes.

La quasi-totalité des crédits budgétaires affectés à la politique de coopération au développement sont détaillés dans le Document de politique transversale en faveur du développement, qui reprend 14 missions et 26 programmes.

Le budget de la mission APD examiné par votre commission, la seule à être en totalité dédiée à l'aide au développement, ne représente qu'environ 45 % des crédits budgétaires de la politique de coopération au développement (équivalent au tiers du montant valorisé ensuite en APD en tenant compte d'un effet de levier sur l'indicateur d'APD), ce qui obère la capacité d'arbitrage du Parlement.

L'architecture budgétaire ne permet pas une cohérence d'ensemble des crédits affectés à la politique de coopération au développement de la France, répartis entre des programmes et des ministères qui poursuivent chacun des objectifs et des logiques propres.

De nombreux exemples peuvent attester de l'insuffisance de l'architecture budgétaire actuelle. Ainsi le programme 853 « Prêts à l'AFD » n'est pas dans la mission APD. Il ne comporte ni objectifs, ni indicateurs de performance propres : ceux du programme 110 sont utilisés, car leurs interventions respectives sont similaires. Le choix de retenir des objectifs et des indicateurs communs au programme 110 est cohérent, mais il illustre bien l'intrication qui existe entre les deux modes de financement par l'Etat des prêts de l'Agence française de développement (bonifications du programme 110 et prêts à conditions privilégiées du programme 853). Pourtant le 853 n'est pas dans la mission APD.

Comme l'a souligné M. Serge Michailof, consultant international, enseignant à l'Institut d'études politiques de Paris, ancien directeur régional à la Banque mondiale, lors de la table ronde organisée par votre commission en 2010, « la présentation des budgets de la coopération est d'une opacité exceptionnelle, à tel point que les experts eux-mêmes ne s'y retrouvent pas ».

A titre de comparaison, le DFID britannique est pour sa part responsable de la très grande partie de l'APD britannique - 86 % en 2008. Le reste de l'APD britannique, soit 20 %, provient de 14 autres ministères et entités gouvernementales et les composantes les plus importantes en sont les allégements de dette consentis par le Service des garanties de crédits à l'exportation (Export Credits Guarantee Department - ECGD), les investissements transitant par la CDC7, organisme dépendant du DFID pour les questions relatives au Commonwealth, et les contributions gérées par le Foreign Office.

Comme le soulignait l'ancien rapporteur de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, notre excellente collègue Mme Henriette Martinez : « Quand bien même ne disposeraient-ils pas de l'intégralité des documents budgétaires, ce dont on peut douter, nos collègues de la Chambre des communes n'en auraient pas moins une connaissance des moyens de la politique du DFID incomparablement supérieure à celle qu'il nous est permis d'avoir depuis deux ans » 66 ( * ) .

II. LA RÉPARTITION DE LA MISSION EN DEUX PROGRAMMES NE RÉPOND PAS À UNE LOGIQUE OPÉRATIONNELLE ET NE PERMET PAS AU PARLEMENT D'ARBITRER ENTRE LES CRÉDITS BILATÉRAUX ET MULTILATÉRAUX.

La mission est aujourd'hui répartie en deux programmes dont la répartition répond à des critères peu lisibles qui reflètent le caractère bicéphale d'une politique gérée par deux ministères :

- le programme 110 « Aide économique et financière au développement », mis en oeuvre par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi (MINEIE),

- le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE).

1. La répartition ne correspond à aucune logique sectorielle, géographique ou instrumentale significative par rapport à la stratégie de coopération au développement

Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » du ministère de l'économie présente la spécificité de concentrer une part prépondérante des crédits destinés à des institutions financières multilatérales de développement ainsi qu'au financement des annulations de dettes bilatérales et multilatérales et de la bonification des prêts.

Le responsable du programme est le directeur général du trésor et de la politique économique, qui est à la fois gouverneur ou gouverneur suppléant des banques multilatérales de développement, responsable de la cotutelle de l'Agence française de développement (AFD) et -dans le cadre des accords de coopération monétaire- administrateur des banques centrales de la zone franc. Par ailleurs, la direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) assure la présidence et le secrétariat du Club de Paris, en charge, au plan international, des annulations de dettes à caractère public.

Le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » du ministère des affaires étrangères et européennes comprend :

- la coopération bilatérale, qui inclut l'ensemble des actions bilatérales dans les secteurs prioritaires définis par le CICID du 5 juin 2009 (santé, éducation, agriculture, développement durable et croissance), est mise en oeuvre, en partie, par des opérateurs (en premier lieu l'AFD). La coopération bilatérale inclut aussi la gouvernance, seul domaine qui est géré directement par le ministère des affaires étrangères ;

- la coopération multilatérale, en particulier la lutte contre le sida à travers le Fonds mondial SIDA ;

- la coopération communautaire mise en oeuvre à travers un unique instrument : le Fonds européen de développement.

La direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) met en oeuvre ce programme, auquel contribuent aussi la direction des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l'Homme et de la francophonie, le Centre de crise et la direction de la communication et du porte-parolat.

Les objectifs et les pays d'intervention des programmes 110 et 209 sont les mêmes. Les instruments utilisés diffèrent en ce sens que les crédits de la Banque mondiale relèvent du 110 et ceux du FED du 209, mais l'AFD, principal opérateur français de notre aide bilatérale, voit venir ses subventions du 209 tandis que le 110 fournit les aides budgétaires et les bonifications de prêts.

Ces programmes relèvent de deux ministères différents. C'est ce qui explique leur existence.

Toutefois, cette division du travail ne repose pas, comme en Allemagne, sur une distinction entre coopération technique et coopération financière, mais plutôt sur des usages historiques (reprise de l'héritage de la « coopération » par le ministère chargé des affaires étrangères, proximité entre le ministère des finances et les prédécesseurs de l'Agence française de développement).

Ainsi, l'articulation des responsabilités budgétaires entre le ministère chargé des affaires étrangères, responsable du programme 209 « Solidarité avec les pays en développement », et le ministère de l'économie, responsable du programme 110 « Aide économique et financière au développement » apparaît plus comme un compromis que comme une répartition logique fondée sur la nature de l'aide : aide au développement ou politique de rayonnement ou d'influence, prêts ou dons, aides bilatérale ou multilatérale, aide directe ou aide transitant par les opérateurs.

La conduite de l'aide multilatérale est, par exemple, éclatée entre le ministère de l'économie qui assure la représentation de l'Etat auprès des institutions financières multilatérales (Banque mondiale, banques régionales de développement) et assure le secrétariat du « Club de Paris » des Etats prêteurs et le ministère chargé des affaires étrangères qui assume les mêmes fonctions auprès des institutions relevant du système des Nations unies - ONU, programme des Nations unies pour le développement (PNUD), programme alimentaire mondial(PAM), etc.

L'architecture budgétaire retenue pour le financement de l'aide ne reflète en réalité que la dualité du pilotage de cette politique.

Alors que le budget de l'Etat représente les trois-quarts de l'aide nationale déclarée à l'OCDE, sa présentation demeure relativement complexe, aussi bien pour des raisons techniques recevables que parce qu'elle reflète encore, malgré des améliorations récentes, les influences de plusieurs logiques entre lesquelles le choix n'a pas été fait.

Malgré un effort de convergence dans la présentation des programmes, la mission privilégie ainsi une répartition par instrument et non par finalité de l'aide.

Le financement de la Facilité internationale de financement pour la vaccination figure dans le programme 110 alors que le programme 209 dispose d'une finalité « santé », ou celui de l'aide bilatérale en matière de gouvernance financière par le programme 209 alors que le programme 110 comprend une action « stabilisation macroéconomique et financière ».

La lutte contre le réchauffement climatique se trouve partiellement dans le programme du ministère de l'économie et dans celui des affaires étrangères.

Cette complexité, qui est à l'image d'un politique qui recouvre aujourd'hui un éventail très large d'interventions publiques, se traduit par une faible lisibilité du budget.

2. La répartition entre les deux programmes limite les marges de manoeuvre du Parlement

Compte tenu des règles de la LOLF, le Parlement ne peut pas, en outre, amender au sein de chaque programme entre les lignes budgétaires, et donc procéder au sein du programme 209 à un arbitrage entre l'aide multilatérale et l'aide bilatérale.

Avec la LOLF, l'irrecevabilité financière résultant de l'article 40 de la Constitution demeure, mais elle s'apprécie désormais au niveau de la mission (article 47 de la LOLF).

Ainsi, un parlementaire peut désormais prendre l'initiative de majorer les crédits d'un programme, à la condition de ne pas augmenter ceux de la mission dont relève ce programme. Il ne peut donc pour majorer un programme qu'enlever à l'autre programme les crédits à due concurrence. Autrement dit, les parlementaires sont tenus de prendre au 110 pour alimenter le 209 ou inversement.

III. LE DOCUMENT DE POLITIQUE TRANVERSALE N'EST PAS STRUCTURÉ AUTOUR DES PRIORITÉS DE LA COOPÉRATION ET N'EST JAMAIS TRANSMIS DANS LES DÉLAIS QUI PERMETTRAIENT DE L'EXPLOITER

Si le Document de politique transversale (DPT) tend à proposer une vision globale, l'aide est morcelée et la présentation stratégique proposée n'est pas convaincante, semblant davantage chercher à justifier des interventions préexistantes plutôt qu'à orienter des priorités définies à l'avance.

Ainsi dans le DPT pour 2013 le Tableau 21 « Répartition des instruments d'APD par zones d'intervention » ne concerne que des données de 2010.

Afin d'en améliorer la transparence, votre commission a fait adopter, il y a deux ans, un amendement réformant le document de politique transversale afin que celui-ci contienne :

- une présentation détaillée de l'évolution, à titre rétrospectif, sur les cinq dernières années et, de façon prévisionnelle, pour la durée de la programmation triennale des finances publiques :

§ de l'effort français d'aide publique au développement en proportion du revenu national brut avec celui des autres Etats membres du Comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économique ;

§ de la répartition entre les principaux instruments de coopération des crédits consacrés à l'aide au développement tels qu'ils sont présentés dans les documents budgétaires et de l'aide publique au développement qui en résulte, permettant d'identifier les moyens financiers respectivement affectés à l'aide multilatérale, communautaire et bilatérale, à l'aide bilatérale qui fait l'objet d'une programmation, ainsi qu'aux subventions, dons, annulations de dettes et prêts ;

§ de la répartition de ces instruments par secteurs, par zones d'intervention de la coopération française et par catégories de pays selon leurs revenus ;

§ du montant net et brut des prêts.

- un récapitulatif des engagements internationaux de la France en matière d'aide publique au développement et un état des lieux de leur mise en oeuvre. »

Cette modification constitue indéniablement un progrès dans la présentation du budget.

Ces données ne sont cependant communiquées que de façon partielle et en annexe sans explication ni commentaires.

On ne retrouve pas le récapitulatif des engagements internationaux de la France en matière d'aide publique au développement et un état des lieux de leur mise en oeuvre.

On ne retrouve pas le suivi de l'effort financier de l'Etat au sens du document-cadre.

Votre commission demande donc au Gouvernement de respecter la lettre et l'esprit de la loi.

Votre commission regrette également que ce document soit encore transmis trop tardivement.

L'année dernière, le Document de politique transversale (DPT) est arrivé à l'Assemblée nationale après l'examen du budget par la commission.

Cette situation avait conduit les rapporteurs des commissions des finances et des affaires étrangères des deux assemblées, M Colin, M. Emmanuelli, nos collègues André Vantomme et Christian Cambon à écrire au ministre des finances pour que cette situation cesse.

Si le Document de politique transversale (DPT) est transmis au Parlement le 5 novembre, il ne reste à votre commission que deux semaines pour exploiter un budget particulièrement complexe.

Votre commission n'a pas de raison de penser que les délais de publication du Document de politique transversale (DPT) sont calculés pour l'empêcher d'exercer ce contrôle, mais elle constate que c'est le résultat obtenu.

Elle rappelle solennellement que les documents budgétaires doivent être communiqués dans des délais compatibles avec l'exercice de ses missions constitutionnelles.

IV. LA PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE EST DÉCONNECTÉE DES PRIORITÉS POLITIQUES FIXÉES

A. LA PROGRAMMATION NE S'APPUIE PAS SUR LES ORIENTATIONS DU DCCD, CE QUI LIMITE D'AUTANT SA CAPACITÉ À LES METTRE EN oeUVRE

Comme l'ont souligné les travaux du bilan évaluatif : la présentation stratégique de la politique transversale en faveur du développement à l'appui de la programmation annuelle des crédits affectés à la coopération au développement (DPT) n'est pas liée aux orientations du Document-cadre.

Le DPT 2013 évoque le Document-cadre et en souligne les grandes lignes, mais il en propose une architecture stratégique différente qui ne couvre qu'une partie des programmes et des actions de la politique de coopération au développement (représentant environ un tiers des crédits que la France déclare à l'OCDE au titre de l'APD, la politique transversale incluant néanmoins également des programmes rattachés à d'autres missions).

La présentation stratégique ainsi proposée dans le Document de politique transversale (DPT), qui répond aux enjeux de la LOLF visant à engager les politiques sur des objectifs pour en renforcer le pilotage stratégique, inscrit les programmes de la politique française en faveur du développement dans une stratégie déclinant deux grands objectifs généraux (hormis un objectif transversal et peu spécifique de renforcement de la culture du résultat) : « mettre en oeuvre les OMD » et « promouvoir le développement à travers les idées et le savoir-faire français ».

Ceux-ci sont complétés par six objectifs intermédiaires et une série d'objectifs de niveau inférieur. A chaque objectif est attribué un ou deux programmes parmi ceux concourant à la politique transversale en faveur du développement.

Cette situation a conduit les travaux du bilan évaluatif à estimer que le décalage entre les orientations générales affichées, formulées dans le document-cadre et autres documents de référence du CICID, et le contenu des programmations annuelles est le symptôme d'un pilotage par les instruments qui n'est que peu guidé par de vraies décisions stratégiques ou par des choix politiques raisonnés.

Alors que seuls six programmes sont associés à l'un ou l'autre des objectifs du Document de politique transversale (DPT) (mission APD uniquement), la formulation des objectifs associés à ces programmes semble davantage chercher à en justifier le contenu plutôt que contribuer à l'atteinte d'orientations plus générales .

A l'inverse, les activités contenues dans les programmes démontrent qu'au-delà des objectifs affichés, la France poursuit un certain nombre de priorités implicites, non reprises dans les documents de stratégie, qui accordent notamment une place plus large aux enjeux de rayonnement, d'influence et de défense des intérêts français (diplomatie culturelle, coordination diplomatique, coopération de sécurité et de défense...).

La figure ci-après tirée des travaux du bilan évaluatif tente de reconstituer l'architecture de la politique de coopération au développement en formalisant la chaîne logique pouvant exister entre 1) les orientations stratégiques du DCCD, 2) la présentation stratégique du Document de politique transversale (DPT) et 3) les différents programmes et actions participant à la politique.

Elle permet d'illustrer :

- l'absence de lien clair entre document-cadre (DCCD) et document de politique transversale (DPT) et le décalage entre certains enjeux stratégiques et la réalité des moyens programmés ensuite (comme la promotion de la stabilité et de l'Etat de droit) ;

- l'existence de programmes intégrés à la politique transversale pour des volumes de crédits significatifs, mais qui échappent à tout cadrage stratégique cohérent.

Architecture de l'aide française : objectifs,
déclinaison par programmes et montants financiers

Source : Document cadre et DPT 2012

(1) APD 2011 (estimation - part budgétaire présentée dans le DPT uniquement)

(2) Effort budgétaire disponible uniquement pour les 3 programmes de la mission APD. Pour les autres programmes, on estime que l'effort budgétaire correspond au montant valorisé en APD (dons essentiellement).

B. LE CADRAGE BUDGÉTAIRE EN TERMES D'EFFORT FINANCIER DE L'ETAT PAR PARTENARIAT DIFFÉRENCIÉ EST À CE STADE DIFFICILEMENT MESURABLE FAUTE D'UNE DÉFINITION PRÉCISE DU PÉRIMÈTRE RETENU

Les objectifs d'allocation de l'APD française issus du document-cadre (DCCD) sont exprimés en termes de concentration de l'effort budgétaire de l'Etat (Afrique subsaharienne, pays de la Méditerranée, pays émergents) et de concentration des subventions (Pays Pauvres Prioritaires, pays en crise).

Or, le document de politique transversale ne comporte pas de répartition géographique de l'effort financier de l'Etat.

Cibles de répartition de l'effort public Aide bilatérale française
par partenariats différenciés

Afrique

Pays

Méditerranéens

Pays

Émergents

Pays en crise

(gestion des crises et post-crise, hors prévention)

Afrique sub-saharienne

14 PPP 67 ( * ) b

Subventions

Cibles

> 50%

10%

Effort financier

Cibles

> 60%

20%

<10%

Votre commission estime que la crédibilité de la stratégie française passe par un suivi annuel des objectifs de concentration fixés par le document-cadre.

S'agissant de la priorité accordée à l'Afrique, par exemple, que trouve-t-on dans le projet de loi de finances pour 2013 comme indicateurs de suivi qui permettent d'affirmer que cette priorité est respectée ?

On trouve des indicateurs sur l'allocation des institutions multilatérales.

Ainsi, pour le programme 110, nous pouvons suivre la part des ressources subventionnées des banques multilatérales de développement et des fonds multilatéraux qui est affectée à l'Afrique subsaharienne. Le calcul de l'indicateur intègre les dons et comptabilise les prêts accordés à hauteur de leur élément de concessionnalité de manière à pouvoir obtenir un indicateur global de répartition géographique (incluant les dons comme les prêts), pondéré en fonction de la contribution française à chacun de ces fonds.

Pour le programme 209, nous pouvons suivre la part de l'APD européenne allouée à l'Afrique subsaharienne.

Unité

2010
Réalisation

2011
Réalisation

2012
Prévision PAP 2012

2012
Prévision actualisée

2013
Prévision

2015
Cible

1. Part de l'APD européenne allouée à l'Afrique sub-saharienne.

%

32,8

37*

50

50

50

50

S'assurer que les crédits affectés aux banques et aux fonds multilatéraux soient utilisés en cohérence avec les priorités géographiques françaises est un sujet central. La détermination de cibles pour ces indicateurs est cependant rendue délicate par le fait que son évolution est principalement déterminée par les décisions stratégiques des différentes institutions que la France, par définition, ne maîtrise pas totalement.

Le critère le plus pertinent est sans doute, pour l'Afrique subsaharienne, l'effort financier de l'Etat. C'est d'ailleurs le critère retenu par le CICID puis par le document-cadre de coopération qui prévoit que l'Etat consacre 60% des ressources budgétaires de l'aide à l'Afrique subsaharienne.

C'est également un critère que le groupe de travail interministériel chargé d'élaborer la mise en place d'indicateurs de résultats pour l'aide bilatérale et pour l'aide multilatérale avait proposé.

Or la seule mention qui figure dans le projet annuel de performances est celle qui indique, s'agissant du programme 209 : « les activités se concentrent en Afrique subsaharienne, qui bénéficie d'au moins 60 % de l'effort financier de l'État ».

Comme le souligne le projet annuel de performances : « Deux indicateurs spécifiques sont définis pour suivre la mise en oeuvre de cette politique : un indicateur de subvention mesurant le ciblage de nos outils les plus concessionnels ; un indicateur d'effort financier, prenant en compte notamment le coût-État des prêts consentis par la France aux pays en développement. »

Sur ces deux critères, les documents budgétaires n'en fournissent qu'un seul, celui relatif aux subventions qui est plus restreint que le deuxième.

Deux raisons pourraient expliquer cette situation. La première est que les services du Trésor et de la DGM ne partagent pas la même analyse de cet indicateur. La deuxième est que les résultats obtenus ne sont pas satisfaisants et, à vrai dire, en contradiction avec l'affirmation selon laquelle l'Afrique subsaharienne bénéficie d'au moins 60 % de l'effort financier de l'État.

En effet, contrairement à ce qui est écrit dans le projet annuel de performances, les informations fournies par les services à vos rapporteurs laissent penser que nous sommes plutôt à 49 % qu'à 60 %.

Décomposition par zone géographique de l'effort financier
de l'aide au développement 68 ( * )

Effort financier, en millions €

2006

2007

2008

2009

2010

Afrique subsaharienne

500

543

537,60

581

578

Pays émergents

55,67

74,63

119,78

119,91

93,94

Pays méditerranéens

182

295,50

414,68

273,10

186,50

Autre

306,14

241,47

360,87

349,43

317

Total

1043,81

1154,60

1432,93

1323,44

1175,44

Part de l'Afrique dans le total

47,9%

47,0%

37,5%

43,9%

49,2%

Source : Questionnaire budgétaire

Il est vrai que le périmètre exact de l'effort financier de l'Etat et de l'AFD, à la base des objectifs français en matière de coopération au développement, ne semble pas encore stabilisé.

De ce fait, les documents budgétaires ne suivent pas cette donnée centrale tout en affirmant que les cibles du document-cadre sont respectées.

L'effort financier de l'Etat est le plus souvent défini par la somme des dépenses budgétaires bilatérales des programmes de la seule « mission « Aide publique au développement » (programmes 110 et 209) concourant à l'aide au développement.

D'après les données transmises à vos rapporteurs, cette définition limite le périmètre analysé à environ 1,2 Md€ par an.

Ainsi seraient inclus dans le calcul 69 ( * ) :

- les subventions financées sur le budget du ministère des affaires étrangères : fonds de solidarité prioritaire (FSP), fonds social de développement (FSD), subventions-projets de l'AFD, assistance technique, bourses, invitations et missions ;

- les subventions financées sur le budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (MINEFI) : aides budgétaires globales, aides-projets (fonds d'études et d'aide au secteur privé, FASEP, programme de renforcement des capacités commerciales), le fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) ;

- les aides-projets du ministère de l'intérieur, de l'outremer, des collectivités territoriales et de l'immigration (MIOMCTI) ;

- l'aide alimentaire et l'aide humanitaire.

Quant aux subventions, des dépenses budgétaires bilatérales suivantes y sont incluses :

- Subventions-projets de l'AFD (programme 209),

- Fonds de solidarité prioritaire (FSP) du MAE (programme 209),

- Assistance technique, bourses, invitations, missions (programme 209),

- Fonds solidaire de développement (FSD, programme 209),

- Aides alimentaires et aides d'urgence (programme 209),

- Aides budgétaires globales (ABG) et sectorielles (programmes 110 et 209),

- Aide-projet du MIOMCTI (programme 301),

- FASEP (programme 110),

- Programme de renforcement des capacités commerciales (programme 110),

- Fonds français pour l'environnement mondial (programme 110).

Il a été également décidé de ne pas inclure dans le périmètre des subventions le montant des contrats de désendettement et de développement (C2D) 70 ( * ) .

Effort financier total de l'APD de la France 71 ( * )

En millions €

2006

2007

2008

2009

2010

Effort financier de l'Etat

1043,81

1154,60

1432,93

1323,44

1175,44

En ce qui concerne l'AFD, l'effort de l'Etat géré par l'Agence correspond à l'ensemble des subventions, les aides budgétaires globales, les opérations de conversion de dette et le coût-Etat des prêts.

Le montant des ressources budgétaires allouées à l'AFD par l'Etat s'est stabilisé depuis 2008 à environ de 800 millions d'euros.

Effort financier de l'APD de la France alloué à l'AFD 72 ( * )

En millions €

2006

2007

2008

2009

2010

Effort financiers l'Etat alloué à l'AFD

1 126

913

830

825

833

Par conséquent, on a du mal à comprendre comment, en 2006, l'effort financier de l'APD de la France alloué à l'AFD est supérieur à celui de la France.

La définition de l'effort financier de l'Etat fait, semble-t-il, l'objet des discussions entre la DGM et la DG Trésor, des points de divergences demeurant notamment sur l'inclusion ou non du coût « financier » (intérêts non perçus) des annulations de dette et des C2D, ainsi que du coût Etat des prêts de la RPE (programme 851 hors la « mission APD ») dans le calcul de l'effort financier de l'Etat.

D'autres éléments des documents budgétaires ne favorisent pas la lecture de ce budget et notamment le recours à des notions proches sans définition stable.

S'agissant des subventions, plusieurs notions se chevauchent : les subventions, les dons, les dons-projets. Ces trois termes peuvent être employés dans des sens différents selon les tableaux. Ils n'ont pas la même signification selon qu'il s'agisse d'un contexte lié à l'APD au sens de l'OCDE, au PLF ou à l'activité de l'AFD. Ils sont parfois calculés en décaissement, parfois en engagement. La définition d'un même terme peut varier dans un même document, selon le contexte ou d'une année sur l'autre.

Dans le DPT pour 2013, l'effort budgétaire comme l'illustre le tableau page suivante n'est pas agrégé. On ne retrouve pas la série statistique des années précédentes. La notion de dépenses budgétaires comptabilisables en APD est introduite sans qu'on sache si elle recouvre celle d'effort financier de l'Etat en faveur de l'APD.

Si la politique de coopération veut rompre avec une réputation souvent infondée, parfois avérée, de bricolage des données, il faut que les documents budgétaires se tiennent à des définitions explicites, c'est-à-dire publiques et stables des agrégats.

Il faudrait notamment que la notion de subvention et d'effort financier de l'Etat fasse l'objet d'un consensus et d'une définition claire avec un historique qui permette de comprendre les évolutions de long terme.

Dépenses du budget général

2012

2013

Missions et programmes

CP LFI

APD (1)

%

CP PLF

APD (2)

%

Aide publique au développement

110 - Aide économique et financière au développement (3)

1 191,90

3 000,69

251,8%

1 161,90

3 147,24

270,9%

209 - Solidarité à l'égard des pays en développement

2 106,35

1 891,32

89,8%

1 963,71

1 962,20

99,9%

301 - Développement solidaire et migrations

25,00

25,00

100,0%

Action extérieure de l'Etat

105 - Action de la France en Europe et dans le monde

1 783,35

146,61

8,2%

1 865,75

152,49

8,2%

185 - Rayonnement culturel et scientifique (2)

751,69

243,96

32,5%

747,61

242,04

32,4%

Immigration, asile et intégration

303 - Immigration et asile

560,15

408,14

72,9%

604,71

385,70

63,8%

Défense & sécurité

152 - Gendarmerie nationale

7 852,95

51,77

0,7%

7 940,99

52,25

0,7%

144 - Environnement et prospective de la politique de défense

1 788,99

18,81

1,1%

1 909,19

24,55

1,3%

178 - Préparation des forces armées

22 204,40

4,74

0,0%

22 432,97

3,95

0,0%

Outre-mer

Divers

88, 53

88, 53

Recherche et enseignement supérieur

150 - Formations supérieures et recherche universitaire (4)

12 511,25

757,05

6,1%

12 760,35

770,90

6,0%

231 - Vie étudiante

2 168,62

9,54

0,4%

2 324,94

9,54

0,4%

172 - Recherche scientifique et technologiques pluridisciplinaires

5 121,88

20,06

0,4%

5 166,76

20,06

0,4%

187 - Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

1 250,15

344,59

27,6%

1 281,77

344,59

26,9%

192- Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

0,21

0,21

Autres dépenses du budget général dont

117 - Charge de la dette et trésorerie de l'Etat

0,00

67,95

0,00

67,95

Divers-autres Agriculture, santé, travail, sport, vie associative

/

21,76

/

21,09

TOTAL

/

7 100,73

/

7 293,49

Autres dépenses du budget

2012

2013

Missions et programmes

CP PLF

APD

%

CP PLF

APD

%

Participation financière de l'Etat

731-Opérations en capital intéressant les participations de l'Etat

1 000,00

56,18

5,6%

9 140,49

56,67

0,6%

TOTAL des dépenses budgétaires comptabilisables en APD

/

7 156,91

/

7 349,17

V. LES INDICATEURS DE PERFORMANCES DES DOCUMENTS BUDGÉTAIRES SONT D'UNE PERTINENCE INCERTAINE

Le Document de politique transversale (DPT) fait la synthèse des indicateurs de suivi pour une plus grande visibilité de la politique française.

La lecture des indicateurs illustre la prépondérance des indicateurs de moyens par rapport aux indicateurs de résultats.

Tableau 1 : Indicateurs de suivi de la politique transversale en faveur du développement

DPT 2013

Comme le souligne la Cour des comptes : « la convergence entre les indicateurs de ces programmes est insuffisante et sa recherche par les ministères concernés a été trop longtemps différée. Parfois peu cohérents avec leurs objectifs, ces indicateurs ne donnent qu'une vision partielle de leur atteinte ; ils sont d'une pertinence incertaine ou sont assortis d'une cible qui n'est pas explicitée. ».

Le programme 209 comprend ainsi, dans le projet annuel de performances, deux objectifs, cinq indicateurs et 17 sous-indicateurs. Près de la moitié d'entre eux portent sur les moyens. Exprimés pour la plupart en pourcentage de la dépense consacrée à un secteur, une zone géographique ou une catégorie de pays, ils permettent de s'assurer du respect des orientations définies par le Gouvernement en 2009.

Deux indicateurs seulement reflètent les résultats de l'aide, dans des domaines spécifiques (accès à l'eau potable et réduction des émissions de CO 2 ). Ainsi la plupart des objectifs (réduction de la pauvreté, scolarisation, alimentation, etc.) ne sont-ils pas couverts directement.

L'exemple de l'objectif n°1 du Document de politique transversale (DPT) illustre les faiblesses des indicateurs mis en place. Alors même que le DPT précise que l'atteinte des OMD est une priorité internationale, il ne fixe que 6 indicateurs pour suivre l'action de la France dans la lutte contre la pauvreté, qui sont pour la plupart des objectifs de moyen.

Alors même qu'il s'agit d'évaluer la contribution de la France aux OMD, certains OMD ne sont absolument pas couverts par les indicateurs et sous-indicateurs proposés. Par exemple, le thème de l'éducation (OMD n°2) ou de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes (OMD n°3) ne sont pas du tout couverts.

Ne serait-ce que pour les OMD, les engagements internationaux prévoient des indicateurs de suivi, comme le montre le tableau suivant issu de l'annexe au présent rapport relative à la liste officielle des indicateurs associés aux OMD.

Liste officielle des indicateurs de suivi des progrès accomplis associés aux OMD

Objectif 1: Éliminer l'extrême pauvreté et la faim

1.1 Proportion de la population disposant de moins d'un dollar par jour en parité du pouvoir d'achat (PPA)

1.2 Indice d'écart de la pauvreté

1.3 Part du quintile le plus pauvre de la population dans la consommation nationale

1.4 Taux de croissance du PIB par personne occupée

1.5 Ratio emploi/population

1.6 Proportion de la population occupée disposant de moins de 1 dollar PPA par jour

1.7 Proportion de travailleurs indépendants et de travailleurs familiaux dans la population occupée

1.8 Prévalence de l'insuffisance pondérale chez les enfants de moins de 5 ans

1.9 Proportion de la population n'atteignant pas le niveau minimal d'apport calorique

Objectif 2: Assurer l'éducation primaire pour tous

2.1 Taux net de scolarisation dans le primaire

2.2 Proportion d'écoliers ayant commencé la première année d'études primaires qui terminent l'école primaire

2.3 Taux d'alphabétisation des 15-24 ans, femmes et hommes

Objectif 3: Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes

3.1 Rapport filles/garçons dans l'enseignement primaire, secondaire et supérieur

3.2 Proportion des femmes salariées dans le secteur non agricole

3.3 Proportion des sièges occupés par les femmes au parlement national

Objectif 4: Réduire la mortalité des enfants de moins de 5 ans

4.1 Taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans

4.2 Taux de mortalité infantile

4.3 Proportion d'enfants d'1 an vaccinés contre la rougeole

Objectif 5: Améliorer la santé maternelle

5.1 Taux de mortalité maternelle

5.2 Proportion d'accouchements assistés par du personnel de santé qualifié

5.3 Taux de contraception

5.4 Taux de natalité parmi les adolescentes

5.5 Couverture des soins prénatals (au moins une visite et au moins quatre visites)

5.6 Besoins non satisfaits en matière de planification familiale

Objectif 6: Combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies

6.1 Taux de prévalence du VIH dans la population âgée de 15 à 24 ans

6.2 Utilisation d'un préservatif lors du dernier rapport sexuel à haut risque

6.3 Proportion de la population âgée de 15 à 24 ans ayant des connaissances exactes et complètes au sujet du VIH/sida

6.4 Taux de scolarisation des orphelins par rapport aux non-orphelins âgés de 10 à 14 ans

.5 Proportion de la population au stade avancé de l'infection par le VIH ayant accès à des médicaments antirétroviraux

6.6 Incidence du paludisme et taux de mortalité due à cette maladie

6.7 Proportion d'enfants de moins de 5 ans dormant sous des moustiquaires imprégnées d'insecticide

6.8 Proportion d'enfants de moins de 5 ans atteints de fièvre traités aux moyens de médicaments antipaludéens appropriés

6.9 Incidence, prévalence de la tuberculose et taux de mortalité due à cette maladie

6.10 Proportion de cas de tuberculose détectés et soignés dans le cadre d'un traitement direct à court terme et sous observation

Objectif 7: Assurer un environnement durable

7.1 Proportion de zones forestières

7.2 Emissions de CO 2 (total, par habitant et pour un dollar du PIB, en parité du pouvoir d'achat)

7.3 Consommation de substances appauvrissant la couche d'ozone

7.4 Proportion de stocks de poissons vivant dans des milieux biologiques sains

7.5 Proportion de ressources d'eau totales utilisées

7.6 Proportion de zones terrestres et marines protégées

7.7 Proportion d'espèces menacées d'extinction

7.8 Proportion de la population utilisant une source d'eau potable améliorée

7.9 Proportion de la population utilisant des infrastructures d'assainissement améliorées

7.10 Proportion de citadins vivant dans des taudis

Objectif 8: Mettre en place un partenariat mondial pour le développement

Certains des indicateurs ci-après sont évalués séparément dans les cas des pays les moins avancés (PMA) de l'Afrique, des pays sans littoral et des petites Etats insulaires en développement

Aide publique au développement (APD)

8.1 Montant net de l'ADP totale et en faveur des pays les moins avancés, en pourcentage du revenu national brut des pays donateurs du Comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (CAD/OCDE)

8.2 Proportion de l'ADP bilatérale totale des pays du CAD/OCDE, par secteur, consacrée aux services sociaux de base (éducation de base, soins de santé primaires, nutrition, eau salubre et assainissement)

8.3 Proportion de l'ADP bilatérale des pays du CAD/OCDE qui n'est pas liée

8.4 ADP reçue par les pays en développement sans littoral en pourcentage de leur revenu national brut

8.5 ADP reçue par les petits Etats insulaires en développement en pourcentage de leur revenu national brut

Accès aux marchés

8.6 Proportion du total des importations des pays développés (en valeur et à l'exclusion des armes) en provenance des pays en développement et des pays les moins avancés qui sont admises en franchise de droits

8.7 Droits de douane moyens appliqués par les pays développés aux produits agricoles et textiles en provenance des pays en développement

8.8 Estimation des subventions aux produits agricoles dans les pays de l'OCDE en pourcentage de leur produit intérieur brut

8.9 Proportion de l'ADP allouée au renforcement des capacités commerciales

Viabilité de la dette

8.10 Nombre total de pays ayant atteint leurs points de décision et nombre total de pays ayant atteint leurs points d'achèvement (cumulatif) dans le cadre de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE)

8.11 Allègement de la dette annoncé au titre de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés et de l'Initiative d'allègement de la dette multilatérale (IADM)

8.12 Service de la dette, en pourcentage des exportations de biens et services

8.13 Proportion de la population pouvant se procurer les médicaments essentiels à un coût abordable et dans des conditions pouvant être maintenues durablement

8.14 Nombre de lignes fixes, pour 100 habitants

8.15 Abonnés à un service de téléphonie mobile, pour 100 habitants

8.16 Nombre d'utilisateurs d'Internet, pour 100 habitants

Les deux premiers sous-indicateurs du DPT mesurent la part des engagements du FED, alors même que les engagements du FED ne dépendent pas uniquement de la France. Ils ne correspondent pas nécessairement à des réalités faciles à appréhender. La formulation du sous-indicateur « Part des engagements de l'AFD concourant directement à l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement en matière de lutte contre la pauvreté » n'est pas explicite : c'est un calcul de matrice de correspondance entre les codes sectoriels du CAD et des cibles OMD.

Enfin les quelques indicateurs de résultat, comme « le nombre de personnes gagnant un accès pérenne à une source d'eau potable améliorée chaque année » sont calculés ex-ante, c'est-à-dire sur la base de résultats escomptés et non pas de résultats obtenus.

Le programme 110 poursuit, pour sa part, trois objectifs, assortis de quatre indicateurs, déclinés en sept sous-indicateurs. Comme pour le programme 209, ces indicateurs sont de portée et de nature très diverses. Certains reflètent la conformité des actions mises en oeuvre avec les priorités stratégiques de l'aide française, d'autres fournissent des indications sur les modalités de l'aide, d'autres enfin visent à mesurer son efficacité. A la différence du programme 209, ce programme n'est assorti d'aucun indicateur de résultat ou d'impact.

Même en termes d'indicateurs de moyen, on ne retrouve pas dans les PAP les indicateurs utilisés dans les documents stratégiques tels que le document-cadre ou le Com de l'AFD figurant dans le tableau suivant :

Indicateurs de moyen de la politique de coopération française couramment utilisés dans les documents stratégiques.

1

Part de l'effort financier de l'Etat (subventions, coût-Etat des prêts, C2D, ABG) consacrée à l'ensemble de l'Afrique sub-saharienne

2

Part des dons (subventions et ABG) consacrée aux pays pauvres prioritaires définis par le CICID

3

Au sein des dons (subventions et ABG) aux pays pauvres prioritaires, part consacrée aux pays sahéliens

4

Autorisations de financements du Groupe AFD en faveur du secteur privé en Afrique (Initiative du Cap)

5

Part des dons consacrés aux OMD affectée aux pays pauvres prioritaires (hors interventions dans les pays en sortie de crise et subventions non ventilables par pays) (indicateur LOLF)

6

Part des dons affectés au secteur de l'éducation et de la formation professionnelle en Afrique sub-saharienne (OMD 2)

6

Part des dons affectés au secteur de l'éducation de base en Afrique sub-saharienne

7

Subventions (prog. 209) ayant trait à la santé maternelle et infantile dans les pays prioritaires (OMD 4 et 5 - engagement du G8 de Muskoka)

8

Autorisations d'engagement (prêts et subventions) du Groupe AFD en soutien à l'agriculture en Afrique sub-saharienne (engagement du sommet de la FAO)

9

Part de l'effort financier de l'Etat consacrée aux pays méditerranéens

10

Part de l'effort financier de l'Etat consacrée aux financements concessionnels dans les pays émergents

L'indicateur visant à mesurer l'effet de levier des financements de l'Agence française de développement est peu pertinent pour mesurer la performance de la politique d'aide.

L'effet de levier correspond au rapport entre le montant total des engagements en prêts concessionnels (souverains et non souverains) de l'AFD et le coût budgétaire correspondant. Un prêt d'un montant de 100 M€ avec un coût budgétaire de 20 M€ correspond ainsi à un effet de levier de 5. L'objectif fixé pour l'effet de levier correspond à un équilibre entre la maximisation de l'efficacité de la dépense publique -qui se traduit en particulier par le développement des activités de prêt souverain faiblement ou non bonifié à des pays émergents (Chine, Indonésie et Brésil notamment)- et la priorité réaffirmée aux pays d'Afrique auxquels un niveau élevé de bonification doit être consenti.

Vos rapporteurs s'interrogent néanmoins sur la pertinence de cet indicateur par rapport à la mission première de la coopération au développement. On comprend bien la logique d'optimisation de la dépense publique qui est de maximiser le montant des financements obtenus par euro de subvention. La question est cependant de savoir à quel taux sont ces prêts. S'il s'agit de maximiser l'effet de levier, force est de constater que moins les prêts sont bonifiés, plus l'effet de levier est élevé.

A la limite, l'effet de levier est maximal quand les crédits de bonification sont presque nuls. Autrement dit, moins le prêt est « généreux », plus il est proche des conditions du marché, plus l'effet de levier est élevé. Moins c'est de l'aide, plus l'effet de levier est fort. De ce point de vue, il est paradoxal de considérer cet objectif comme un indicateur de performance de l'aide au développement.

Si l'on compare avec les indicateurs mis en place par le DFID (agence britannique de développement), la différence est importante. Au lieu de mesurer la part de l'engagement de l'agence, les indicateurs mesurent le nombre de bénéficiaires des différents programmes et actions menées par l'agence sur les différents thèmes prioritaires dans la politique de développement anglaise.

Vos rapporteurs ne peuvent ici que répéter leur impatience à pouvoir disposer d'indicateurs de résultats fiables.

VI. POUR UNE RÉVISION DU DOCUMENT DE POLITIQUE TRANSVERSALE

Votre commission demande à ce que le DPT soit revu en se fixant pour objectif de produire un document qui recense les crédits budgétaires au regard de leur contribution aux objectifs du document-cadre, avec une présentation par instrument, par géographie et par secteur.

Cette présentation devrait également permettre de comprendre le lien entre les crédits budgétaires et l'APD déclarée et de suivre l'effort financier de l'Etat dans le temps.

Elle devrait également intégrer des indicateurs de résultats plus nombreux et plus significatifs.

Le rapport biannuel au Parlement communiqué très récemment par le Gouvernement comporte des développements très pédagogiques qui pourraient largement inspirer, notamment dans leur structuration, le nouveau DPT.

EXAMEN EN COMMISSION

.

Réunie sous la présidence de M. Jean-Louis Carrère, président, la commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du jeudi 22 novembre 2012.

A l'issue de la présentation du rapport, un débat s'est engagé.

Mme Nathalie Goulet . - J'aurais aimé avoir des précisions sur la façon dont les projets de la coopération française s'articulent avec ceux des grandes fondations comme celle de Bill Gates.

M. Robert Hue . - J'approuve l'avis sincère et équilibré des rapporteurs. Je note la continuité de ce budget avec les précédents pour la regretter. J'aurais souhaité que ce budget donnât des signes d'augmentation de sa contribution à l'aide au développement. Un récent sondage de l'AFD montre que les Français y sont favorables. Je partage la persistance des rapporteurs à demander un effort plus soutenu en matière d'évaluation.

M. Jean-Claude Peyronnet, co-rapporteur pour avis .- Le renforcement d'évaluation est un élément de la crédibilité de cette politique. Nous l'avons dit hier aux Assises du développement, il est vrai que nous avons une marge de progression importante dans ce domaine. Il reste que la façon dont les universitaires présentent leurs évaluations laisse parfois perplexe.

M. Christian Cambon, co-rapporteur pour avis .- Il faut obtenir un effort d'évaluation et de quantification des résultats et des impacts. Cet effort doit concerner à la fois la quantité et la qualité des évaluations. Nous devons également obtenir des documents budgétaires lisibles par tous et notamment par le ministre et les rapporteurs.

M. Christian Poncelet . - Malgré les observations sévères des rapporteurs, je voterai ce rapport.

M. Jean-Louis Carrère, président - La discussion générale est close, je vous propose de présenter vos deux amendements.

M. Christian Cambon, co-rapporteur pour avis .- Les deux amendements visent à renforcer les subventions du programme 209 en faveur des projets de coopération gérés par l'AFD. Comme il vous a été indiqué, le niveau des subventions gérées par AFD a diminué de 16 % depuis 2006. Ce sont ces crédits qui permettent d'intervenir dans les pays prioritaires tels que le Mali, le Niger, les autres pays de l'Afrique subsaharienne francophone.

Le premier amendement vise à mettre la loi de finances en conformité avec la promesse présidentielle d'affectation de 10 % du produit de la taxe sur les transactions financières à l'aide au développement.

La France milite depuis cinq ans pour instaurer au niveau international une taxe de solidarité internationale sur les transactions financières. Elle a créé un groupe de travail de haut niveau pour faire avancer ce dossier à l'ONU, au FMI, et au G20. Au plan européen, il y a bon espoir qu'une procédure de coopération renforcée puisse permettre d'aboutir en 2013 à une taxe européenne sur les transactions financières.

Dans ce contexte la France doit montrer l'exemple. Lors du Sommet de Rio en juin dernier, le président François Hollande a indiqué qu'il s'engageait à ce que les recettes de cette taxe soient, « pour une grande partie », reversées aux objectifs de développement.

Le PLF 2013 constitue une occasion de traduire ces promesses et d'asseoir la crédibilité de la démarche française sur une taxe dont la vocation est d'être internationale. Compte tenues de la nécessité de redresser les finances publiques, il a été décidé de n'affecter que 10 % du produit de cette taxe au Fonds de solidarité pour le développement (FSD).

Toutefois à l'issue des négociations budgétaires, le projet d'article 26 du PLF 2013 a intégré, outre un échelonnement complexe des crédits de paiement et des autorisations de programme, un plafonnement du dispositif à 60 millions d'euros.

Aussi, en 2013, la part du produit de la taxe effectivement affectée au FSD ne sera que de 3,75 % du produit attendu (1,6 milliard d'euros). Sur les trois années 2013, 2014, 2015, quels que soient les revenus de la TTF française, le cadre proposé est conçu pour que l'affectation au développement ne dépasse pas 160 millions d'euros.

Le présent amendement vise à supprimer ce plafond pour 2013, afin que la part affectée au FSD soit bien de 10 % du produit de la taxe.

Enfin dernier argument, nos collègues des finances, M. Collin et Mme Keller, sont sur la même position que nous et défendront un amendement similaire. Nous pensons ainsi à quatre arriver à convaincre le rapporteur général et le Sénat. Au-delà, cela dépendra de la suite.

M. Jean-Claude Peyronnet, co-rapporteur pour avis.- Ce deuxième amendement tend à réallouer 10 millions d'euros de crédits du programme 110, action n° 01 Aide économique et financière multilatérale au profit de l'action n° 2 Coopération bilatérale du programme 209.

La part de l'aide au développement française, qui transite par les instances multilatérales et européennes, est passée de moins de 26 % en 2006 à plus de 40 % en 2010.

Dans le même temps, au sein de l'aide bilatérale, les crédits de dons du programme 209 qui financent des projets de coopération gérés par l'AFD ont diminué de 16 % depuis 2006. Les subventions consacrées à des projets de coopération dans les 17 pays pauvres prioritaires sont en deçà de 10 millions par pays, c'est-à-dire un millième de l'APD déclarée de la France.

Cette diminution des moyens d'intervention de la coopération française a longtemps été masquée par la progression des prêts. Cependant les pays pauvres prioritaires qui sortent d'un processus de désendettement ont de faibles capacités d'emprunt.

Comme l'ont souligné la Cour des comptes et le cabinet Ernst & Young, il y a un problème d'allocation des moyens budgétaires par rapport aux priorités de la coopération française et notamment par rapport à l'Afrique subsaharienne francophone.

Cet amendement, qui prélève 10 millions sur les 673 millions de crédits de paiements de l'action multilatérale du programme 110, vise à amorcer, à budget constant, un rééquilibrage en faveur de l'aide bilatérale et au sein de l'aide bilatérale au profit des subventions aux projets de coopération destinées aux 17 pays pauvres prioritaires.

La commission a adopté à l'unanimité les deux amendements et l'avis des rapporteurs.

ANNEXE I - AMENDEMENTS DE LA COMMISSION

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2013

PREMIÈRE PARTIE

ETRD.1

DIRECTION

DE LA SÉANCE

(n° 999, 148, 152, avis 150, 154, 151, 149, 153)

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  PEYRONNET et CAMBON

au nom de la commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées

_________________

ARTICLE 26

I. - Alinéas 17 et 18

Supprimer ces alinéas.

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

OBJET

En 2006, la France a adopté une taxe sur les billets d'avion. Depuis cette date, cette taxe, de quelques euros par billet, finance chaque année plus de 150 millions de vaccins dans le monde. Aucun impact n'a été observé, ni sur le trafic aérien français, ni sur le tourisme. C'est une des plus belles réussites de l'aide au développement de ces dix dernières années. Depuis, la communauté internationale a pris de nouveaux engagements. Le bilan à l'ONU, en septembre 2011, des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), a montré des progrès considérables, mais également mis en lumière le fait que ces objectifs ne seront pas atteints faute de financements. Compte tenu de l'état des finances publiques des Etats donateurs, les budgets nationaux ne suffiront pas. D'autant plus que la lutte contre le réchauffement climatique exigera des montants presque aussi importants que ceux prévus pour atteindre les objectifs fixés pour 2015.

Pour cette raison, la France milite depuis cinq ans pour instaurer au niveau international une taxe de solidarité internationale sur les transactions financières. Elle a créé un groupe de travail de haut niveau pour faire avancer ce dossier à l'ONU, au FMI, et au G20. Au plan européen, il y a bon espoir qu'une procédure de coopération renforcée puisse permettre d'aboutir en 2013 à une taxe européenne sur les transactions financières.

Dans ce contexte la France doit montrer l'exemple. Lors du Sommet de Rio en juin dernier, le Président François Hollande a indiqué qu'il s'engageait à ce que les recettes de cette taxe soient, pour une grande partie, reversées aux objectifs de développement.

Le PLF 2013 constitue une occasion de traduire ces promesses et d'asseoir la crédibilité de la démarche française sur une taxe dont la vocation est d'être internationale. Compte tenu de la nécessité de redresser les finances publiques, il a été décidé de n'affecter que 10 % du produit de cette taxe au Fonds de solidarité pour le développement (FSD).

Toutefois, à l'issue des négociations budgétaires, le projet d'article 26 du PLF 2013 a intégré, outre un échelonnement complexe des crédits de paiement et des autorisations de programme, un plafonnement du dispositif à 60 millions d'euros. Aussi, en 2013, la part du produit de la taxe effectivement affectée au FSD ne sera que de 3,75 % du produit attendu (1,6 milliard d'euros).

Le présent amendement, vise à supprimer ce plafond pour 2013, afin que la part affectée au FSD soit bien de 10 % du produit de la taxe.

PROJET DE LOI DE FINANCES

ARTICLES SECONDE PARTIE

MISSION AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

A M E N D E M E N T

présenté par

MM.  PEYRONNET et CAMBON

au nom de la commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées

_________________

ARTICLE 46

état B

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Aide économique et financière au développement

10.000.000

10.000.000

Solidarité à l'égard des pays en développement

10.000.000

10.000.000

TOTAL

10.000.000

10.000.000

10.000.000

10.000.000

SOLDE

0

0

OBJET

Cet amendement tend à réallouer 10 millions d'euros de crédits du programme 110, action n° 01 Aide économique et financière multilatérale au profit de l'action n° 2 Coopération bilatérale du programme 209.

La part de l'aide au développement française, qui transite par les instances multilatérales et européennes, est passée de moins de 26 % en 2006 à plus de 40 % en 2010.

Dans le même temps, au sein de l'aide bilatérale, les crédits de dons du programme 209 qui financent des projets de coopération gérés par l'AFD ont diminué de 16 % depuis 2006. Les subventions consacrées à des projets de coopération dans les 17 pays pauvres prioritaires sont en deçà de 10 millions par pays, c'est-à-dire un millième de l'APD déclarée de la France.

Cette diminution des moyens d'intervention de la coopération française a longtemps été masquée par la progression des prêts. Cependant les pays pauvres prioritaires qui sortent d'un processus de désendettement ont de faibles capacités d'emprunt.

Comme l'ont souligné la Cour des comptes et le cabinet Ernst & Young, il y a un problème d'allocation des moyens budgétaires par rapport aux priorités de la coopération française et notamment par rapport à l'Afrique subsaharienne francophone.

Cet amendement qui prélève 10 millions sur les 673 millions de crédits de paiements de l'action multilatérale du programme 110 vise à amorcer, à budget constant, un rééquilibrage en faveur de l'aide bilatérale et au sein de l'aide bilatérale au profit des subventions aux projets de coopération destinées aux 17 pays pauvres prioritaires.

ANNEXE II - LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

AFD

Agence française de développement

AID

Association internationale de développement

AIRD

Agence inter-établissement de recherche pour le développement

APD

Aide publique au développement

BAsD

Banque asiatique de développement

BEI

Banque asiatique de développement

BMD

Banque européenne d'investissement

BMD

Banque multilatérale de développement

BPM

Biens publics mondiaux

CAD

Biens publics mondiaux

CAD

Comité d'aide au développement

CICID

Comité interministériel de la coopération internationale et du développement

CIRAD

Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement

CRVOI

Centre de recherche et de veille sur les maladies émergentes dans l'Océan Indien

CSA

Commissariat à la sécurité alimentaire

FCI

France Coopération Internationale

FED

Fonds européen de développement

FFEM

Fonds français pour l'environnement mondial

FISONG

Facilité d'innovation sectorielle - ONG

FMI

Fonds monétaire international

FMLSTP

Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme

GAVI

Global Alliance for Vaccines and Immunisation : Alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation

GIEC

Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat

GIP ESTHER

Groupement d'intérêt public Ensemble pour une Solidarité Thérapeutique Hospitalière En Réseau

IFFIm

International finance facility for immunisation : Facilité internationale de financement pour la vaccination

IFI

Institutions financières internationales

IRD

Institut de recherche pour le développement

JICA

Japan International Cooperation Agency : Agence japonaise de coopération internationale

KfW

Kreditanstalt für Wiederaufbau : Groupe bancaire allemand

LOLF

Loi organique relative aux lois de finances

MAEE

Ministère des affaires étrangères et européennes

MEIE

Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

MIIINDS

Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

OCDE

Organisation de coopération et de développement économique

ODD

Objectifs de développement durable

Ohada

Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires

OMC

Organisation mondiale du commerce

OMD

Objectifs du Millénaire pour le développement

ONG

Organisation non gouvernementale

PCST

Promotion de la Culture Scientifique et Technique

PED

Pays en développement

PFVT

Partenariat français pour la ville et les territoires

PIB

Produit intérieur brut

PMA

Pays les moins avancés

PPTE

Pays pauvres très endettés

PRCC

Programme de renforcement des capacités commerciales

PSM

Plan Solaire Méditerranée

RAE

Réserve pays émergents

RED

Rapport européen sur le développement

RNB

Revenu national brut

SPG

Système de préférences généralisées

TTF

Taxe sur les transactions financières

UE

Union européenne

UNESCO

Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture

UNICEF

Fonds des Nations Unies pour l'enfance

US

United States : Etats-Unis d'Amérique

USD

United States Dollar : Dollar des Etats-Unis


* 1 Table ronde sur l'avenir de la politique de coopération française au développement avec : Jean-Pierre BAYLE, Président de la 4 ème chambre de la Cour des comptes qui a adopté le rapport sur la politique française d'aide au développement de juin 2012, Arnauld BERTRAND, responsable de la rédaction du Bilan évaluatif de la politique française de coopération au développement entre 1998 et 2010 en cours de rédaction chez Ernst & Young, Jean Michel SÉVÉRINO, ancien Vice-Président de la Banque Mondiale, ancien DG de l'AFD, Jean-Louis VIELAJUS de Coordination Sud, Dominique de CROMBRUGGHE Évaluateur spécial de la Coopération au développement Belge et Pascal CANFIN, Ministre délégué chargé du développement. http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20121001/etr.html#toc9

* 2 Beyond the MDGs, Agreeing to a post-2015 Development Framework.

* 3 Au nombre de 48 et abritant une population totale de 880 millions d'habitants, les pays les moins avancés constituent le groupe de pays le plus pauvre et le plus faible au sein de la communauté internationale. Ils se caractérisent par des difficultés telles qu'un faible revenu par habitant, un faible niveau de développement humain et des obstacles économiques et structurels à la croissance qui limitent leur capacité à résister aux facteurs de vulnérabilité

* 4 Serge Michailof, Alexis Bonnel, « Notre maison brûle au sud, que peut faire l'aide au développement ? », Paris, Fayard, collection Commentaires, 2010.

* 5 Audition de M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères chargé du développement, du 24 juillet 2012 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20120723/etr.html

* 6 Cf  Voir JM. Severino, O. Ray, Le Temps de l'Afrique, éditions Odile Jacob, mars 2010.

* 7 « La France face aux évolutions du contexte international et stratégique », SGDSN, 2012, page 46 : http://www.sgdsn.gouv.fr/IMG/pdf/Doc_preparatoire_LBDSN-2012_.pdf

* 8 Révision du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale : quelles évolutions du contexte stratégique depuis 2008 ? Rapport d'information n° 207 (2011-2012) du 16 décembre 2011 - par M. Jean-Louis CARRÈRE, Mme Leila AÏCHI, MM. Jean-Marie BOCKEL, Didier BOULAUD, Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, Raymond COUDERC, Mme Michelle DEMESSINE, M. André DULAIT, Mme Josette DURRIEU, M. Jacques GAUTIER, Mme Nathalie GOULET, MM. Jeanny LORGEOUX, Rachel MAZUIR, Philippe PAUL, Yves POZZO di BORGO et Daniel REINER

* 9 Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, 2008, http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/084000341/index.shtml

* 10 Révolution verte et équilibres géopolitiques au Sahel, Revue internationale et stratégique, n° 80 (4/2010) Le monde dans 20 ans (numéro spécial anniversaire) Décembre 2010

* 11 "Pour une mondialisation maîtrisée - Contribution au projet de document-cadre de coopération au développement" Rapport d'information n° 566 (2009-2010) du 17 juin 2010 de MM. Christian CAMBON et André VANTOMME

* 12 L'AFD, fer de lance de la coopération française Rapport d'information n° 497 (2010-2011) de MM. Christian CAMBON et André VANTOMME

* 13 Cf la partie consacrée à l'AFD plus loin.

* 14 ARIZ est l'un des dispositifs français majeurs pour encourager la croissance économique et la création d'entreprise génératrice d'emplois en Afrique. ARIZ facilite l'accès au financement des petites et moyennes entreprises privées et des institutions de micro finance permettant ainsi de faire levier sur la croissance économique. Grâce aux partenariats noués avec les banques, les institutions financières et les organismes de capital investissement, ARIZ soutient les projets de création et de développement des petites et moyennes entreprises du sud. En 2009, la mise en place du mécanisme Ariz II pour l'Afrique sub-saharienne s'est poursuivie et un mécanisme Ariz Med pour les pays du pourtour méditerranéen s'est créé. Un nouveau produit mis en place en 2009 (sous-participation en risque) permet d'accorder une garantie qui couvre 50 % des prêts individuels consentis par une banque tout en laissant à celle-ci la délégation de décision et de gestion de chaque garantie.

* 15 Bénin, Burkina Faso, Comores, Tchad, République démocratique du Congo, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, Sénégal, Togo. Ces 14 se sont vus adjoindre trois autres pays : Djibouti, le Rwanda et le Burundi. De fait les 14 PPP sont aujourd'hui 17.

* 16 la contribution de solidarité sur les billets d'avion (CSV), destinée à financer l'accès des populations des pays les plus pauvres aux médicaments et aux moyens de diagnostic est entrée en vigueur sur le territoire français le 1 er juillet 2006..Le montant de cette contribution s'élève en France de 1 à 10 € par billet sur les vols intérieurs et de 4 à 40 € sur les vols internationaux, selon la classe du billet. Elle a rapporté 788 millions depuis 2006 (chiffre au 21 juillet 2011)

* 17 L'IFFIm est un mécanisme de financement innovant, basé sur des emprunts d'Etat, permettant de lever rapidement des fonds qui sont remboursés par les Etats sur une période plus longue.

* 18 L'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination, plus connue sous le nom de GAVI Alliance (Global Alliance for Vaccines and Immunization) est un partenariat public et privé lancé le 31 janvier 2000, à l'intention des 49 pays les plus pauvres (revenu national brut inférieur à 1000 $US par habitant), lors du Forum économique mondial à Davos (Suisse). Les gouvernements, l'UNICEF, l'OMS, la Banque Mondiale, la Fondation Bill et Melinda Gates, les producteurs de vaccins du Nord et du Sud, des institutions de santé publique et des organisations non gouvernementales se sont engagés à travailler en partenariat en vue de protéger tous les enfants des pays pauvres contre les principales maladies que l'on peut prévenir par la vaccination.

* 19 La politique française d'aide au développement, rapport rendu public mardi 26 juin 2012 : http://www.ccomptes.fr/content/download/44455/770878/version/1/file/rapport_public_politique_francaise_aide_publique_au_developpement.pdf

* 20 c'est-à-dire l'APD bilatérale brute de laquelle on déduit un certain nombre de postes qui correspondent à des dépenses non programmables, soit parce qu'elles sont imprévisibles (aide humanitaire, annulation de dettes), soit parce qu'elles n'entraînent pas de flux transfrontaliers (écolage, réfugiés), soit parce qu'elles n'entrent pas dans des accords entre gouvernements (aide aux ONG, aide allouée par les collectivités locales), soit parce qu'elles ne peuvent pas être ventilées (PED non ventilés).

* 21 La détermination des dépenses comptabilisables en APD se fait à partir du programme 303 « immigration et asile », selon une clé de répartition, déterminée à partir des statistiques de l'OFPRA. Seules sont retenues les dépenses concernant les plates-formes d'accueil, centres d'accueil pour demandeurs d'asile (hébergement), hébergements d'urgence et d'accompagnement social, dont la comptabilisation est clairement prévue par les directives du CAD. En 2010, 82,5 % des demandes émanaient de ressortissants d'Etats entrant dans le champ de l'APD. C'est donc ce pourcentage qui a été appliqué au montant des dépenses budgétaires « limitées » effectuées en 2010 au titre de la prise en charge sociale des demandeurs d'asile, pour déterminer le montant à retenir au titre de l'APD.

* 22 Est donc comptabilisée en APD bilatérale la part de rémunération supérieure au taux du marché accordée par la France à la BCEAO et la BEAC sur une partie de leurs réserves de change déposées au Trésor. Cette contribution constitue une aide à la stabilité des réserves de change. De même, la part de rémunération supérieure aux taux de marché versée à la Banque centrale des Comores (ECCB) est comptabilisée en aide publique au développement bilatérale.

* 23 Coordination SUD - L'aide publique au développement dans le projet de loi de finances 2012 -

* 24 3 % si on compte les donneurs hors CAD, 5 à 8 % si on compte que les donneurs CAD et agences multilatérales,

* 25 CAD - Revue à mi-parcours de l'aide de la France, Paris, 16 Septembre 2010

* 26 Le groupe des PMA est composé de 48 pays (dont le Mali) parmi lesquels 33 sont situés en Afrique, 14 dans la région Asie-Pacifique et un en Amérique latine et aux Caraïbes. Pour figurer parmi les PMA, un pays doit afficher moins de 905 dollars (environ 450 000 Fcfa) de revenu annuel per capita, un faible accès à l'éducation et une grande vulnérabilité à l'insécurité alimentaire et économique. Constituant 13 % de la population mondiale, soit près de 900 millions d'individus, 75 % des habitants des PMA vivent dans la pauvreté.

* 27 Liste arrêtée par le CICID du 5 juin 2009 : Bénin, Burkina Faso, Comores, Ghana, Guinée Conakry, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République Démocratique du Congo, République Centrafricaine, Sénégal, Tchad, Togo. Cette liste nominative est révisable par décision conjointe des ministres de tutelle, sur proposition du co-secrétariat du CICID.

* 28 La RIM du 20 janvier 2012 a décidé de faire passer le nombre de pays pauvres prioritaires de 14 à 17, incluant désormais le Burundi, Djibouti et le Rwanda.

* 29 En 2012, le gouvernement a décidé de faire passer le nombre de pays pauvres prioritaires de 14 à 17, incluant désormais le Burundi, Djibouti et le Rwanda.

* 30 Subventions projets de l'AFD, fonds de solidarité prioritaires (instrument d'aide-projet du ministère des affaires étrangères) et aides budgétaires globales. Les montants sont exprimés en engagements, en millions d'euros et couvrent les programmes 209 et 110. Les montants octroyés sous forme de C2D (contrats de désendettement et développement) ne sont pas pris en compte dans les subventions. Les montants FSP n'incluent pas les engagements de FSP mobilisateurs dont bénéficient en partie certains des 14 pays pauvres prioritaires ; ces montants sont respectivement de 40 ; 62 ; 48 ; 33 et 9 millions d'euros en 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009.

* 31 Pour mémoire, les premiers bailleurs européens, hors Commission européenne, sont les suivants : Allemagne (10,452 milliards d'euros en 2011 - selon les chiffres préliminaires du CAD de l'OCDE), Royaume-Uni (9,881 milliards d'euros), France (9,345 milliards d'euros), Pays-Bas (4,547 milliards d'euros), Suède (4,032 milliards d'euros).

* 32 Audition du 24 juillet de M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères chargé du développement, cf :http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/

20120723/etr.html#toc6

* 33 Bénin, Burkina Faso, Comores, Tchad, République démocratique du Congo, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, Sénégal, Togo. Cette liste est révisable par décision conjointe des ministres de tutelle, sur proposition du co-secrétariat du CICID.

* 34 Bilan évaluatif de la politique française de coopération au développement entre 1998 et 2010

* 35 Le concept de ZSP, regroupant 54 pays ayant vocation à recevoir l'aide bilatérale française (à l'exception de la coopération culturelle, scientifique et technique

* 36 Flux d'aide sur laquelle les 3 ministères co-secrétaires du CICID disposent d'une capacité d'orientation significative à court ou moyen termes

* 37 Mars 2010 - Efficacité de l'interaction des organisations multilatérales dans les pays africains DGTPE

* 38 L'Union Européenne, le FMI, la Banque mondiale, le Fonds Mondial pour la lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme, la Banque africaine de développement et UNITAID.

* I. 39 OBJECTIF 4 : Réduire la mortalité infantile et post-infantile : http://www.un.org/fr/millenniumgoals/pdf/report2010_goal4.pdf

* 40 : Les données se réfèrent à l'année 2011, année pour laquelle les dernières données sont disponibles (publiées par les organisations). Les montants comprennent la totalité des contributions volontaires pour chaque Etat, (toutes contributions ministérielles pour la France) exprimées en millions de dollars américains.

* 41 Source : Aid Data datant de mars 2010.

* 42 Petit B. "La banalisation technocratique de l'aide", mars 2011

* 43 http://www.dfid.gov.uk/Documents/publications1/mar/multilateral_aid_review.pdf : Multilateral Aid Review Ensuring maximum value for money for UK aid through multilateral organisations March 2011

* 44 L'effet de levier correspond au rapport entre le montant total des engagements en prêts concessionnels (souverains et non souverains) de l'AFD et le coût budgétaire correspondant. Un prêt d'un montant de 100 M€ avec un coût budgétaire de 20 M€ correspond ainsi à un effet de levier de 5. L'objectif fixé pour l'effet de levier correspond à un équilibre entre la maximisation de l'efficacité de la dépense publique - qui se traduit en particulier par le développement des activités de prêt souverain faiblement ou non bonifié à des pays émergents (Chine, Indonésie et Brésil notamment) - et la priorité réaffirmée aux pays d'Afrique - auxquels un niveau élevé de bonification doit être consenti.

* 45 Par ailleurs, 9 pays d'Afrique subsaharienne ne sont pas soumis à ce cadre d'analyse (Gabon, Afrique du Sud, Botswana, Namibie, Swaziland, Maurice, Seychelles, Guinée Équatoriale et Angola).

* 46 On entend par dons projets les subventions relevant des activités courantes : subventions classiques, opérations de microfinance, projets de renforcement des capacités commerciales, projets ONG, fonds de renforcement des capacités de gouvernance, fonds d'étude, fonds fiduciaire, évaluations, concours locaux de faible montant, assistance technique, fonds d'expertise et de renforcement de capacité. Sont exclues du périmètre les activités sur mandat spécifique : les opérations de co-développement, les crédits délégués du MAE, les crédits délégués par d'autres bailleurs, la mésofinance, les projets FFEM et les projets ONG.

* 47 L'AFD, fer de lance de la coopération française. Rapport d'information n° 497 (2010-2011) de MM. Christian CAMBON et André VANTOMME, fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense le 6 mai 2011

* 48 En 2011, les dividendes prélevés par l'Etat sont tombés à 70 millions d'euros

* 49 Conformément à ses statuts (art. R516-5 du code monétaire et financier), l'AFD est autorisée à intervenir hors de la zone de solidarité prioritaire sur instruction conjointe des ministres compétents, généralement réunis en CICID. Depuis la réunion du CICID de 2009, et sur décision des réunions du Conseil d'orientation stratégique de l'AFD, l'Agence a progressivement été autorisée à intervenir dans 11 nouveaux pays : Arménie, Azerbaïdjan, Bangladesh, Colombie, Géorgie, Libye, Mexique, Kazakhstan, Ouzbékistan, Philippines et Sri Lanka. L'AFD a également été autorisée en mars 2012, à mener une mission de prospection en Birmanie au titre d'un mandat « pays fragile ou en sortie de crise » pour une durée de 4 ans.

* 50 La politique française d'aide au développement, rapport rendu public mardi 26 juin 2012 : http://www.ccomptes.fr/content/download/44455/770878/version/1/file/rapport_public_politique_francaise_aide_publique_au_developpement.pdf

* 51 idem

* 52 Voir l'avis n° 108 (2011-2012) - tome 4 (Aide publique au développement) sur le projet de loi de finances de MM. Jean-Claude PEYRONNET et Christian CAMBON, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

* 53 Le montant des dons programmables est obtenu en retranchant de l'aide publique programmable totale le montant des prêts (déduction faite des rééchelonnements de dette).

* 54 Notre maison brûle au Sud, Serge Michailof, Fayard, 2010

* 55 Intervention de M. Serge MICHAILOF, le 12 mai 2010 au Sénat : http://videos.senat.fr/video/videos/2010/video4908.html

* 56 La Zone de solidarité prioritaire (ZSP) a été définie par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 14 février 2002. Proche et Moyen-Orient : Liban, Territoires palestiniens, Yémen. Afrique du Nord : Algérie, Maroc, Tunisie, Afrique sub-saharienne et Océan Indien : Afrique du Sud, Angola, Bénin, Burkina, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Gabon, Ghana, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Kenya, Liberia, Madagascar, Mali, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Ouganda, R.D.du Congo, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal, Sierra Leone, Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo , Zimbabwe. Asie : Cambodge, Laos, Vietnam À titre provisoire : Afghanistan Caraïbes : Cuba, Haïti, République dominicaine. Amérique latine : Suriname Pacifique : Vanuatu

* 57 IMF Working Paper, « Taxing Financial Transactions: An Assessment of Administrative Feasibility », John D. Brondolo, August 2011.

* 58 Mardi 6 novembre 2012, audition de M. Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement, sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Aide publique au développement »). http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20121105/etr.html#toc2

* 59 Source « Mettre à profit l'impact de l'innovation pour financer le développement du 21em Siècle »: A report by Bill Gates to G20 leaders, Cannes Summit, November 2011

* 60 POS III conseil d'administration de l'agence française de développement du 9 octobre 2012

* 61 Décret n° 2012-803 du 9 juin 2012 relatif aux attributions du ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025990860

* 62 CR de la table ronde sur l'Avenir de la politique de coopération française au développement - http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20121001/etr.html#toc9

* 63 Expérience, science et lutte contre la pauvreté- Esther Duflo. Leçons inaugurales du Collège de France Paris, Collège de France/Fayard, 2009

* 64 Loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat, article 1 er

* 65 Aux termes de l'article 1 er de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat, ce contrat d'objectifs et de moyens prend la forme d'une convention dont le projet est soumis aux commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat : « Une convention pluriannuelle conclue entre l'Etat, représenté par les ministres concernés, et chaque établissement public contribuant à l'action extérieure de la France, représenté par le président de son conseil d'administration, définit, au regard des stratégies fixées, les objectifs et les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de ses missions. Le projet de convention est transmis par le Gouvernement, avant sa signature, aux commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ces commissions peuvent formuler un avis sur ce projet de convention dans un délai de six semaines. »

* 66 Avis présenté au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi de finances pour 2012 (n° 3775), tome III aide publique au développement par Mme Henriette Martinez, http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2012/a3808-tiii.asp#P798_127027

* 67 Bénin, Burkina Faso, Comores, Tchad, République démocratique du Congo, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, Sénégal, Togo. Cette liste est révisable par décision conjointe des ministres de tutelle, sur proposition du co-secrétariat du CICID.

* 68 L'effort financier total de l'aide publique au développement de la France comprend les subventions et l'effort financier de l'APD mise en oeuvre sous forme de prêts par l'Agence française de développement (AFD) et la Réserve pays émergents (RPE).

Sont ainsi inclus dans le calcul de l'effort financier :

- les subventions financées sur le budget du ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE) : fonds de solidarité prioritaire (FSP), fonds social de développement (FSD), subventions-projets de l'AFD, assistance technique, bourses, invitations et missions ;

- les subventions financées sur le budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (MINEFI) : aides budgétaires globales, aides-projets (fonds d'études et d'aide au secteur privé, FASEP, programme de renforcement des capacités commerciales), le fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) ;

- les aides-projets du ministère de l'intérieur, de l'outremer, des collectivités territoriales et de l'immigration (MIOMCTI) ;

- le « coût-État » des prêts de l'AFD et de la RPE.

* 69 Compte rendu du co-secrétariat du CICID du 10 novembre 2011.

* 70 Compte rendu du co-secrétariat du CICID du 10 novembre 2011.

* 71 Source : Questionnaire sur le projet de loi de finances pour 2012, question n° 35, Sénat, Commission des finances - Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

* 72 Source : AFD, base statistique SIS 2010

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