IV. UNE RÉFORME DES OPÉRATEURS PUBLICS SERAIT NÉCÉSSAIRE POUR PROMOUVOIR DE FAÇON PLUS EFFICACE L'EXPERTISE FRANÇAISE À L'INTERNATIONAL

Outre le financement de projets de développement, la coopération française intervient également à travers l'assistance technique aux pays en développement.

Bien qu'il s'agisse d'un enjeu majeur, on a du mal à identifier clairement, dans le projet de loi de finances pour 2013, les crédits consacrés spécifiquement à l'assistance technique tant ils sont éclatés dans de nombreuses structures.

Or le développement des économies des pays du sud et la mise en place de politiques publiques appellent le recours croissant à de l'expertise technique dont une partie provient des pays occidentaux dans le cadre des politiques de coopération au développement.

Les transferts de compétence liée à cette expertise technique sont essentiels au renforcement des capacités de nos pays partenaires à mettre en oeuvre des politiques publiques complexes, aussi bien dans le domaine des infrastructures que de l'éducation ou de la santé. Cette coopération en matière d'expertise est également d'influence pour les pays occidentaux qui, à travers ces transferts de compétence, diffusent des modèles d'organisation conformes à leurs valeurs et à leurs intérêts.

La coopération internationale en matière d'expertise est ainsi à la croisée des chemins entre la solidarité et l'influence.

Le dispositif français d'expertise technique se caractérise, d'une part, par une diminution drastique des moyens depuis 10 ans et, d'autre part, par une dispersion importante des structures de gestion de ces experts.

A. L'EXPERTISE PUBLIQUE INTERNATIONALE REPRÉSENTE POUR LA FRANCE UN ENJEU ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE CROISSANT

Comme le souligne Nicolas Tenzer, entendu par votre rapporteur et auteur d'un rapport en mai 2008 : « L'expertise internationale au coeur de la diplomatie et de la coopération du XXI è siècle - Instruments pour une stratégie française de puissance et d'influence », le renforcement de la présence de la France sur le marché de l'expertise internationale constitue un enjeu à plusieurs titres :

- un enjeu économique et d'emploi, qui tient au volume des marchés en jeu, évalué à 400 milliards d'euros sur les cinq prochaines années.

La demande internationale d'expertise constitue un marché fortement concurrentiel qui porte sur des secteurs aussi divers que la santé et la sécurité sociale, la gouvernance, la culture, l'environnement, les infrastructures, l'enseignement supérieur ou l'éducation.

Ce marché s'exprime le plus souvent sous la forme d'appels d'offres lancés par les États, les bailleurs de fonds multilatéraux, les collectivités territoriales, les agences de coopération et les fondations philanthropiques.

Au-delà de l'enjeu financier, le développement de cadres normatifs et de régulation similaires aux nôtres au sein des organisations internationales et administrations partenaires favorise les échanges économiques des entreprises françaises.

Les enjeux pour notre commerce extérieur sont d'autant plus importants que ces expertises ont des effets induits tout à fait importants. Mettre en place les normes ferroviaires en Chine en s'appuyant sur des normes françaises ou allemandes maximise les chances des entreprises françaises ou allemandes, participer à la refonte du droit civil malgache, selon que cette refonte s'inspire du système juridique français ou sur la « Common Law » britannique, favorise les cabinets d'avocats anglo-saxons ou francophones.

Les estimations des effets induits de ces marchés sont évidemment à prendre avec précaution. Les experts rencontrés, notamment M. Nicolas Tenzer, évoquent 25 000 milliards de dollars :

- un enjeu d'influence qui se joue ensuite dans l'élaboration des normes techniques, dont les Français sont largement absents, des normes juridiques et des « bonnes pratiques ». Les cadres politiques, normatifs, économiques et administratifs futurs de nos partenaires dépendent, dans une large mesure, de l'expertise apportée pour les concevoir. Les prestations d'expertise et de conseil auprès des gouvernements étrangers et des organisations internationales constituent ainsi un vecteur essentiel pour la diffusion des normes et standards français, tant sociaux que juridiques, sanitaires ou environnementaux. L'expertise internationale française permet aussi le rayonnement de notre modèle d'organisation de la société et de nos valeurs ;

- un enjeu de présence sur les questions globales et la politique de développement, par l'élaboration de règles et de recommandations. L'expertise technique internationale est au coeur des problématiques du développement, qu'il s'agisse des Objectifs du millénaire pour le développement, de l'appui à la gouvernance et à l'élaboration d'un modèle social, ou du développement humain et durable. Cette politique participe notamment de la promotion d'une vision sociale de la mondialisation et de valeurs portées par notre diplomatie multilatérale (« socle de protection sociale », égalité dans l'accès à la santé, un droit du travail protecteur...). . L'expertise française dans ces domaines constitue potentiellement un puissant relais d'influence pour la France à l'heure où la santé, l'emploi et les inégalités sociales deviennent des facteurs de déséquilibres géopolitiques importants (chômage des jeunes, égalité hommes femmes, lutte contre le sida et les maladies infectieuses, développement des socles de protection sociale). Il s'agit là d'une composante essentielle de la politique de solidarité de la France. Cette solidarité s'exprime également dans le contexte de pays en crise ou en sortie de crise quand il s'agit d'apporter à nos partenaires l'expertise opérationnelle pour le rétablissement des fonctions premières de l'État et des institutions de la société civile.

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