D. L'ÉVALUATION : UN VOLET INDISPENSABLE DE L'AUTONOMIE

L'Agence pour l'évaluation de la recherche et l'enseignement supérieur (AERES) et l'Agence nationale de la recherche (ANR) ont été créées, par la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche, dans un objectif de renforcement de la contractualisation entre l'État et les établissements d'enseignement supérieur et les organismes de recherche. La montée en puissance de la compétition pour les financements extrabudgétaires sur projets, dans le cadre d'appels d'offre gérés par les fonds européens et l'ANR en tant qu'opérateur du programme des investissements d'avenir, a conduit les établissements à intensifier le recours à des acteurs privés tels que des cabinets d'études pour la mise sur pied de projets en réponse à des appels d'offre .

Dans le même temps, la nécessité d'évaluer le respect, par les établissements, de leurs engagements dans le cadre des contrats de site et des contrats de projets, mais aussi de contrôler la gestion des financements publics obtenus a contraint les universités à faire appel à des commissaires aux comptes et des cabinets extérieurs, générateurs de dépenses supplémentaires.

Au lieu de consacrer la souplesse de gestion des universités dans un contexte de contractualisation renforcée, l'évaluation a été vécue comme une surcharge bureaucratique, que bon nombre au sein de la communauté universitaire exècrent désormais. Les formulaires d'évaluation à remplir à la demande de l'AERES, considérés comme pléthoriques et redondants, sont accusés de replacer la bureaucratisation au coeur du monde universitaire plutôt que la démarche projet. La course effrénée aux financements sur projets et les démarches d'évaluation accaparent désormais une part substantielle du temps des enseignants-chercheurs qui disent devoir amputer d'autant leur investissement dans la préparation de leurs cours et dans leurs projets de recherche. Elles induisent également des coûts importants facturés par des prestataires privés en conseil et études.

Dans ce contexte, un certain nombre de participants aux Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ont appelé à une réduction substantielle du poids et de la subvention de fonctionnement de l'ANR, et sont allés pour certains jusqu'à réclamer une suppression de l'AERES , ce que n'a pas repris le rapporteur général du comité de pilotage des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, M. Vincent Berger.

Votre rapporteure pour avis tient à rappeler que la création de l'AERES répond à une exigence européenne : la création d'un espace européen de l'enseignement supérieur suppose la confiance réciproque des États membres vis-à-vis des systèmes d'enseignement supérieur de leurs voisins. L'AERES a ainsi été conçue selon le principe d'une agence d'assurance-qualité, disposant du statut d'autorité administrative indépendante appelée à veiller au respect des lignes directrices européennes en matière d'évaluation de la qualité de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Dans une logique d'autonomisation de ses opérateurs, universités et organismes de recherche, réservant à l'État stratège, la responsabilité du pilotage de la politique d'enseignement supérieur et de recherche, l'AERES offre une garantie d'évaluation collégiale des activités et des performances du système de l'enseignement supérieur et de la recherche, dans un esprit d'impartialité . La portée nationale de l'AERES permet de mettre en oeuvre une égalité de traitement entre établissements dans les démarches d'évaluation.

Afin de renforcer sa légitimité auprès de la communauté universitaire, l'AERES s'est déclarée favorable, par la voix de son président, M. Didier Houssin, à ce que des membres de son conseil d'administration soient des élus de la communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche. Répondant aux critiques, pour certaines d'entre elles particulièrement datées, l'Agence rappelle qu'elle a abandonné depuis décembre 2011 la note globale, au profit d'une notation multicritères, plus riche, plus souple, et qui sera sans doute plus utile , y compris en termes d'aide à la décision et en vue d'une approche contractuelle renforcée, incluant les aspects relatifs aux ressources humaines. Elle précise qu'elle souhaite un rapprochement avec les instances nationales chargées de l'évaluation individuelle des enseignants-chercheurs (Conseil national des universités - CNU, Comité national de la recherche scientifique - CoCNRS). En effet, l'AERES estime qu'il serait plus raisonnable de lui retirer la mission de validation des procédures d'évaluation des personnels que lui a confiée la loi du 18 avril 2006 précitée, considérant que l'évaluation des stratégies de formation et de recherche des établissements doit constituer son coeur de métier .

Par ailleurs, votre rapporteure pour avis souligne que l'AERES, en tant qu'autorité administrative indépendante, n'entreprend jamais une démarche d'évaluation avec à l'esprit une quelconque volonté d'influer sur ses financements récurrents futurs . L'évaluation des établissements conduite par l'AERES est institutionnellement décorrélée de la répartition des moyens récurrents opérée par l'État, de la même manière que l'évaluation des enseignants-chercheurs est décorrélée des sanctions ou de l'avancement qui leur sont applicables.

Il est logique, en revanche, que les rapports d'évaluation établis par l'AERES soient pris en compte aussi bien par la DGESIP que par les établissements dans le processus de négociation contractuelle. D'une façon générale, les analyses de l'AERES ont vocation à constituer des éléments d'aide à la décision, notamment pour l'attribution des financements, que ce soit au niveau du ministère (notamment les tableaux G et H de l'enquête annuelle de fiabilisation des données du modèle SYMPA), ou au niveau des autres financeurs (régions, partenaires associatifs, industriels...), mais également au niveau des établissements eux-mêmes pour leur allocation interne des moyens. L'évaluation est le support d'une démarche de changement dans le sens du progrès et non pas d'une contemplation naïve de la situation de chaque établissement. Dans son rapport pour l'année 2012, le comité de suivi de la loi LRU rappelait que les « efforts institutionnels réels dans la formation comme dans la recherche » menés par les universités ne sont possibles que « grâce à une allocation financière fondée sur des évaluations indépendantes qui se traduisent lors de la signature des contrats d'établissement ».

Enfin, votre rapporteure pour avis se félicite des mesures de simplification des procédures d'évaluation des établissements annoncées par le président de l'AERES :

- l'autoévaluation par l'établissement a vocation à être renforcée . Un guide de l'évaluation devrait ainsi être publié par l'AERES afin que les rapports d'autoévaluation soient plus adaptés à la variété des situations ;

- le nombre de formulaires d'évaluation devant être remplis par les universités devrait être significativement réduit , afin d'alléger les procédures et d'aménager plus de souplesse. À ce titre, l'AERES propose :

Ø une simplification des dossiers d'évaluation, dès la vague E : le dossier des unités de recherche sera simplifié (réduction de moitié) et concentré sur le bilan des unités ; la formulation d'une vision prospective de la gouvernance sera demandée ;

Ø l'abandon du taux de produisant et de la fiche d'activité individuelle allègera les données demandées. L'abandon de la note globale et la révision du référentiel d'évaluation sont déjà acquis. Il est en effet essentiel de lever toute ambiguïté : l'AERES ne produit pas d'évaluation individuelle .

Votre rapporteure pour avis tient à saluer les efforts mis en oeuvre par M. Didier Houssin, président de l'AERES, dans le sens d'un renforcement de sa légitimité démocratique auprès de la communauté universitaire. Dans sa contribution aux Assises, l'AERES insiste en particulier sur l'organisation de l'évaluation par des pairs travaillant de manière collégiale, dans le respect de règles déontologiques et méthodologiques établies en concertation.

Votre rapporteure pour avis souligne par ailleurs que l'AERES s'est désormais imposée, au niveau européen, comme une institution modèle, dont les mérites ont été vantés par l'organisation européenne chargée d'évaluer les agences nationales dans la mise en place d'un système d'assurance-qualité européen. Des experts du monde entier (Japon, Québec, Chine...) sollicitent des visites pour décliner le modèle de l'AERES chez eux.

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