C. LA QUESTION DU MAINTIEN DES AMBASSADEURS THÉMATIQUES EN OUTRE-MER

Les collectivités situées outre-mer aspirent à détenir les outils permettant leur intégration régionale dans leur environnement géographique immédiat. Cette demande constante et générale de la part des différents acteurs locaux s'est fortement exprimée lors des États généraux des outre-mer en 2009 ainsi que lors des États généraux de la démocratie territoriale organisés à l'initiative du président du Sénat les 4 et 5 octobre 2012.

Dans le cadre de la promotion de l'intégration régionale d'outre-mer, l'État a institué des ambassadeurs chargés d'animer la coopération régionale et répartis par zone géographique : un pour l'océan Pacifique, un pour l'océan Indien et un pour la zone Antilles-Guyane. Aussi, vos rapporteurs ont souhaité entendre ces trois ambassadeurs chargés, quel que soit leur titre exact, de faciliter la coopération régionale dans les trois zones où sont situés des territoires français.

1. Le rôle des ambassadeurs thématiques

L'existence et le rôle de ces ambassadeurs sont assis sur une base légale relativement étroite qui diffère selon les zones géographiques concernées, notamment pour prendre en compte les compétences plus étendues exercées par les collectivités du Pacifique.

En effet, pour les départements d'outre-mer, seules des dispositions règlementaires du code général des collectivités territoriales font directement mention des délégués à la coopération régionale. Elles abordent incidemment la fonction de « délégué à la coopération régionale dans la zone », prévoyant une nomination par décret sans lui conférer expressément la qualité d'ambassadeur.

Depuis 2002, ses missions sont, outre la rédaction d'un rapport annuel, de faciliter « la coordination des actions de l'État et des collectivités territoriales menées au titre de la coopération régionale » et de contribuer « à la diffusion de l'information relative aux actions menées dans la zone ». A ce titre, il préside la conférence régionale de sa zone réunissant, tous les 12 ou 18 mois, les ambassadeurs de France de la zone, les représentants des collectivités territoriales, les conseillers de coopération de l'agence française de développement (AFD), etc. Dans cette configuration, les ambassadeurs thématiques viennent donc en complément de leurs homologues territoriaux accrédités auprès des États voisins.

En revanche, les ambassadeurs ne disposent pas formellement des crédits alloués à l'intégration régionale. En effet, prévus par l'article L. 4433-4-6 du code général des collectivités territoriales, les fonds de coopération régionale « contribuent à l'insertion de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion dans leur environnement géographique » et « concourent aux actions de coopération économique, sociale et culturelle menées avec les pays de leur région ». Pour chaque département, les crédits du fonds sont affectés par un comité de gestion, composé à parité de représentants de l'État et des collectivités territoriales. Ce comité est présidé et son secrétariat est assuré, non par l'ambassadeur délégué à la coopération régionale, mais par le préfet de région qui en est ainsi l'ordonnateur.

Pour la zone du Pacifique, l'ambassadeur cumule les fonctions de représentant permanent de la France auprès de la communauté du Pacifique, organisation régionale qui a son siège officiel à Nouméa, et de secrétaire permanent pour le Pacifique, gérant ainsi le fonds Pacifique. Créé en 1985, ce fonds, selon les termes du décret du 24 mars 2004 8 ( * ) , « concourt aux actions de coopération économique, sociale et culturelle menées avec les États de la région et contribue à l'insertion régionale de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis-et-Futuna ». Un comité directeur réunissant à parité représentants de l'État et de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna choisit les projets éligibles au fonds. La gouvernance est donc quasiment identique à celle en vigueur pour la coopération régionale au sein des deux autres zones.

Leur cadre d'intervention, à la fois en matière de politiques des collectivités situées outre-mer et de politique étrangère de la France dans leur zone respective, explique la double tutelle des ministres des affaires étrangères et de l'outre-mer à laquelle ils sont soumis.

2. Des interrogations sur leur utilité

Tout d'abord, vos rapporteurs notent avec surprise que Saint-Pierre-et-Miquelon n'entre dans le ressort territorial d'aucun ambassadeur alors même qu'elle forme une collectivité pour laquelle la question de l'intégration régionale avec son voisin immédiat, le Canada, est cruciale pour son développement économique, comme l'avaient souligné en 2011 MM. Frimat et Cointat, alors rapporteurs de votre commission 9 ( * ) .

Ensuite, vos rapporteurs ont pu noter que les missions réellement exercées par ces ambassadeurs excédaient le cadre réduit des missions qui leur étaient légalement assignés. Aussi, assurent-ils des missions d'appui des collectivités territoriales lorsqu'elles exercent de compétence en lien avec la coopération régionale (direction de délégation française au sein d'organisations internationales ou signature d'accords par des élus) mais aussi des missions économiques en favorisant la projection régionale des entreprises française dans leur environnement régional. Lors de son audition, M. Fred Constant, ambassadeur délégué à la coopération régionale de la zone Antilles-Guyane, a indiqué à vos rapporteurs s'atteler à l'exportation du savoir-faire local en matière d'assainissement d'eau, de gestion des réseaux, de formation administrative, les PME locales s'adossant sur des grands groupes nationaux. M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale pour l'océan Indien, a confirmé ce double volet des missions qu'il exerçait : un volet diplomatique et un volet de coopération régionale avec parfois un accent sur l'aide au développement.

De manière générale, une véritable réflexion s'impose sur la définition du rôle que l'État entend faire jouer à ces ambassadeurs . Les dispositions actuelles apparaissent à cet égard laconiques et ne justifient pas totalement les fonctions d'un ambassadeur thématique. Actuellement, ces fonctions semblent davantage accaparées par une mission de coordination interministérielle, nécessaire mais qui devrait relever des administrations centrales et des cabinets ministériels.

Pour vos rapporteurs, la plus-value de ces ambassadeurs réside plutôt dans l'animation, au sein de leur zone respective, des acteurs locaux de la coopération régionale. Les moyens réduits - deux collaborateurs et deux secrétaires à Paris pour l'ensemble des ambassadeurs - témoignent ainsi d'un manque d'ambition qui ne manque pas d'interroger vos rapporteurs.

Or, quel rôle veut-on donner à ces ambassadeurs ? Si, à cette question, la réponse est résolument de faciliter la coopération régionale dans ses dimensions économiques, culturelles voire politiques, il semble indispensable à vos rapporteurs de renforcer les attributions et les moyens de ces ambassadeurs. La promotion des atouts économiques de l'outre-mer devrait alors être explicitement ajoutée aux missions qui leur sont confiées. Dans le cas contraire, sans doute faudrait-il envisager la suppression ou l'évolution de ces fonctions .

Enfin, vos rapporteurs s'interrogent fortement sur la fixation à Paris de la résidence administrative de ces ambassadeurs thématiques qui disposent, comme relais local, d'un adjoint dans leur zone de compétence. Dans un avis de mai 2012 consacré à la coopération régionale outre-mer, le conseil économique, social et environnemental (CESE) était frappé d'un même étonnement : « on peut s'interroger par exemple sur les raisons pour lesquelles les ambassadeurs à la coopération régionale ne sont pas résidents dans leur zone respective » 10 ( * ) .

Certes, les trois ambassadeurs ont-ils plaidé, lors de leur audition, avec plus ou moins de nuances, qu'une résidence administrative fixée à Paris leur permettait d'être proche des centres de décision nationaux ou européens. Comme le résumait, M. Hadelin de la Tour du Pin, secrétaire permanent pour le Pacifique, « l'influence est à Paris ». Vos rapporteurs n'en demeurent pas moins convaincus qu'une implantation ayant toujours des inconvénients par rapport à l'autre solution, celle consistant à fixer leur résidence dans les zones concernées reste néanmoins préférable. Cette solution s'impose d'autant plus que, comme le relevait le CESE dans le même avis, il est primordial de « mieux coordonner l'action des différents acteurs de la coopération intervenant dans la zone géographique des territoires ultramarins » pour éviter contradiction ou redondance.


* 8 Décret n° 2004-268 du 24 mars 2004 relatif au comité directeur institué pour la répartition des crédits inscrits au titre du Fonds de coopération économique, sociale et culturelle pour le Pacifique.

* 9 Rapport d'information n° 308 (2010-2011) de MM. Christian Cointat et Bernard Frimat , Saint-Pierre-et-Miquelon : Trois préfets plus tard, penser l'avenir pour éviter le naufrage - 15 février 2011, consultable à l'adresse suivante : http://senat.fr/notice-rapport/2010/r10-308-notice.html

* 10 Avis de M. Rémy-Louis Budoc, Pour un renforcement de la coopération régionale des Outre-mer - Délégation à l'outre-mer - 9 mai 2012 - p. 18

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