C. EN 2014, DES MOYENS QUI NE CORRESPONDENT PAS À LA NOUVELLE DYNAMIQUE QU'IL FAUT IMPULSER ET FRAGILISENT LA MILDT ET SES OPÉRATEURS

Le budget de la Mildt pour 2014, tel qu'il est fixé par le projet de loi de finances, s'élève à 20,9 millions d'euros , soit un million de moins qu'en 2013 . Cette baisse de 4,6 % en un an intervient après une baisse de 5,4 % entre 2012 et 2013, que votre rapporteure avait alors dénoncée. Ses effectifs restent stables, avec un plafond d'emplois de 22 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Cette diminution budgétaire se répercute sur les deux opérateurs de la Mildt, l'OFDT et le Cifad. Il faut se rappeler que la Mildt disposait encore d'un budget de 29,8 millions d'euros en 2010 .

1. Des opérateurs fragilisés

Créé en 1993 sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP) interministériel, l'OFDT a pour objet, selon sa convention constitutive, « d'éclairer les pouvoirs publics, les professionnels du champ et le grand public sur le phénomène des drogues et des addictions en France et de contribuer au suivi du phénomène au niveau européen ». Il a acquis, par le sérieux et la qualité de ses travaux, un rôle central dans l'examen de l'évolution des conduites addictives en France ainsi qu'en Europe et dans l'évaluation des politiques de lutte contre la toxicomanie. Il est dès lors difficilement compréhensible de constater que sa subvention pour charges de service public va diminuer de 4 % entre 2013 et 2014, pour s'établir à 3,13 millions d'euros , après avoir déjà été réduite de 6,9 % entre 2012 et 2013.

Comme l'a expliqué la directrice de l'OFDT à votre rapporteure lors de son audition, ces restrictions budgétaires ont d'ores et déjà eu un impact fort sur l'exercice de ses missions , avec la suppression de cinq postes, principalement dans les fonctions support jusqu'à présent, sur un effectif de trente personnes. Au-delà de ces conséquences sociales, c'est désormais sa capacité à réaliser les études nécessaires et à suivre un programme de travail complet et cohérent qui est menacée.

La viabilité de cet organisme serait remise en cause si des postes de chargés d'études devaient disparaître. Alors qu'un sentiment d'autocensure à la suite de la baisse récurrente du budget apparaît, la pérennité de réseaux d'observation comme Trend (« Tendances récentes et phénomènes émergents ») n'est plus assurée. Après les efforts déjà fournis, les inquiétudes du personnel sont légitimes, et ce d'autant que toutes les économies qui préservaient l'intégrité des outils de recherche semblent avoir été faites. L'incidence de ces choix budgétaires sur les données statistiques mises à disposition, les nouvelles études menées et même le renouvellement des enquêtes récurrentes ne peut pas être occultée, l'OFDT n'ayant déjà quasiment plus les ressources nécessaires pour faire appel à des professionnels extérieurs pour ses travaux les plus complexes. Désormais lié à la Mildt par un contrat de performance, l'OFDT se trouve confronté à des perspectives financières précaires. Il n'est pas acceptable que cette structure soit l'une des victimes supplémentaires de la rigueur budgétaire .

Il en va de même pour le Cifad, GIP implanté à Fort-de-France (Martinique) qui mène notamment des actions de formation spécialisées dans la lutte contre la drogue, les trafics de stupéfiants et le blanchiment d'argent à destination des forces de l'ordre des pays d'Amérique latine et des Caraïbes. Son budget est en baisse de 4,1 % entre 2013 et 2014, passant de 458 000 à 439 000 euros . Il dispose de quatorze agents, mis à disposition par les ministères concernés (intérieur, justice, budget).

En 2012, il a accueilli plus de 2 000 stagiaires , à 70 % étrangers, principalement originaires de Colombie, de Bolivie, du Venezuela, de la République Dominicaine et du Pérou, au cours de plus de 65 actions de formation. En 2013, il devrait mener 30 actions au profit des pays d'Amérique latine, 18 pour la Caraïbe et une dizaine en faveur des départements français. Elles contribueront tout particulièrement à la lutte contre le trafic de cocaïne à destination de la France et de l'Europe.

L'économie réalisée, 19 000 euros , peut sembler négligeable. Elle n'en affecte pas moins les moyens d'action d'un service qui contribue à renforcer la coopération politique et opérationnelle entre la France et les pays d'origine et de transit de trafics internationaux de stupéfiants. Il participe également au développement de la prévention en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane. Dans ces conditions, l'enjeu financier ne doit-il pas passer au second plan ?

2. Le fonds de concours « drogues », une ressource non pérenne

Le Gouvernement justifie la diminution du budget de la Mildt par l'existence d'une seconde ressource, un fonds de concours alimenté par le produit de la vente des biens saisis aux trafiquants de drogues. Créé par un décret du 17 mars 1995 3 ( * ) , il a longtemps connu un abondement faible en raison de la complexité des procédures de saisie et de revente de ces biens et de leur longueur. Le législateur est venu les simplifier en créant l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) 4 ( * ) , qui gère de manière centralisée toutes les sommes saisies lors de procédures pénales, les valorise et verse au fonds de concours de la Mildt celles provenant d'infractions à la législation sur les stupéfiants définitivement jugées.

Grâce à ces mesures, le produit du fonds de concours a été multiplié par dix-sept entre 2007 et 2011, passant de 1,3 à 22,76 millions d'euros . Il a toutefois connu une baisse spectaculaire de 57,3 % entre 2011 et 2012.

Tableau n° 2 : Evolution du fonds de concours de la Mildt entre 2007 et 2013

(en millions d'euros)

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Montant

1,3

7,84

11,14

21,07

22,76

9,72

12 1

1 estimation provisoire

Source : Mildt

Les recettes du fonds de concours sont ensuite réparties entre les ministères et services concernés par la lutte contre la toxicomanie selon une clé de répartition fixée lors d'une réunion interministérielle le 15 février 2007 :

- 35 % pour la police ;

- 25 % pour la gendarmerie ;

- 20 % pour le ministère de la justice ;

- 10 % pour les douanes.

Les 10 % restants sont conservés par la Mildt pour financer des actions de prévention.

Tableau n° 3 : Répartition du produit du fonds de concours de la Mildt entre 2011 et 2013

(en millions d'euros)

Police

Gendarmerie

Justice

Douanes

Prévention

Total

Fonds de concours 2010 -

Projets financés en 2011

7,38

5,26

4,21

2,11

2,11

21,07

Fonds de concours 2011 -

Projets financés en 2012

7,96

5,69

4,5

2,28

0,49

20,9

Fonds de concours 2012 -

Projets financés en 2013 1

3,51

2,51

1,98

1,34

nc

9,34

1 Montants provisoires

Source : Mildt

Dans un contexte de réduction générale des dépenses publiques, ces recettes sont bien souvent le seul moyen qu'ont les services enquêteurs pour pallier l'insuffisance des crédits dont ils disposent et qui permettent à peine de prendre en charge leurs dépenses courantes. Tel n'était pas l'objet initial de ce fonds de concours, qui devait financer des équipements innovants de lutte contre les trafics.

Il est également nécessaire de modifier sa clé de répartition . Il s'agit d'un point sur lequel tous les bénéficiaires du fonds auditionnés par votre rapporteure s'accordent : le déséquilibre au détriment de la prévention est indéniable. Si son produit venait à se stabiliser au niveau moyen constaté ces cinq dernières années, car les pics de 2010 et 2011 seraient dus, selon la Mildt, à l'apurement d'affaires anciennes et à des saisies exceptionnelles, il serait parfaitement légitime d'augmenter la part réservée à la prévention, en contrepartie d'une plus grande souplesse de son affectation, au profit des forces de l'ordre, en cas d'urgence avérée liée à une opération en cours.

La Mildt a pris conscience des difficultés actuelles en réunissant en 2013, pour la première fois depuis 2007, le comité de pilotage du fonds. Selon l'Agrasc, les fluctuations trouvent leur origine dans la déperdition constatée entre le volume des saisies et les condamnations prononcées : moins de 20 % des biens saisis sont confisqués définitivement . Par ailleurs, les biens immobiliers ne le sont que trop rarement.

Il n'en reste pas moins que ce fonds de concours n'est pas une ressource pérenne mais au contraire aléatoire. Son évolution est imprévisible, puisqu'elle repose uniquement sur les affaires de trafic de stupéfiants résolues par la police, la gendarmerie et la douane et l'aboutissement des procédures judiciaires. Après qu'il a atteint des sommets en 2011 puis subi un fort repli dès l'année suivante, le Gouvernement en attend 12 millions d'euros en 2014. Quelle fiabilité accorder à une telle prévision ?

Dans ce contexte, votre rapporteure fait sienne la recommandation de la Cour des comptes, dans son analyse de l'exécution du budget de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » pour l'année 2012, selon laquelle il faut « entamer rapidement une réflexion sur la façon d'améliorer et d'abonder le fonds de concours de la Mildt et prendre, subséquemment, les mesures nécessaires pour éviter que se reproduise la rupture de 2012 par rapport à la croissance constatée depuis 2008 ». Elle suggère même d'aller plus loin encore en accordant dès maintenant une place plus importante à la prévention dans la répartition des sommes ainsi collectées. A l'heure où le budget de la Mildt diminue mais où il faut financer un plan gouvernemental 2013-2017 qui se veut ambitieux en la matière, il convient de transformer ces déclarations d'intention en actes et de ne pas les renier faute de moyens.


* 3 Décret n° 95-322 du 17 mars 1995 autorisant le rattachement par voie de fonds de concours du produit de cession des biens confisqués dans le cadre de la lutte contre les produits stupéfiants.

* 4 Par la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.

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