II. DES EVOLUTIONS CONTRASTÉES CONCERNANT LE VOLET LOGEMENT DE LA MISSION

A. UNE HAUSSE DES CRÉDITS ALLOUÉS AUX AIDES PERSONNELLES AU LOGEMENT MALGRÉ UNE MESURE D'ÉCONOMIE BUDGÉTAIRE

1. Une augmentation des crédits destinés au programme « Aide à l'accès au logement » liée à la dynamique des aides personnelles

En 2014, les crédits alloués au programme « Aide à l'accès au logement » augmentent de 3,5 % pour s'établir 5 066 millions d'euros .

Les crédits du programme « Aide à l'accès au logement » (109)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

(en millions d'euros)

LFI 2013

PLF 2014

%

LFI 2013

PLF 2014

%

Aides personnelles

4 875,7

5 048,7

3,5

4 875,7

5 048,7

3,5

Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté

8,2

8,0

- 3,0

8,2

8,0

- 3,0

Garantie des risques locatifs

9,0

9,0

0,0

9,0

9,0

0,0

Total du programme

4 892,9

5 065,7

3,5

4 892,9

5 065,7

3,5

Source : projet annuel de performance annexé au PLF 2014

La hausse des dotations est entièrement portée par l'action « Aides personnelles » dont l'enveloppe augmente de 173 millions d'euros, et ce, malgré la mesure de gel prévue à l'article 64 du présent projet de loi de finances.

Cette évolution est liée à la fois à la situation économique et sociale dégradée du pays mais également à la diminution de la contribution d'Action logement au financement du Fonds national d'aide au logement (Fnal), actée à l'article 65 du présent projet de loi et compensée par l'Etat, la dotation allouée par celui-ci étant une dotation d'équilibre 13 ( * ) .

Les crédits destinés à la garantie des risques locatifs (GRL) se stabilisent à hauteur de 9 millions d'euros. La GRL permet à des bailleurs de souscrire un contrat d'assurance auprès d'organismes privés les garantissant contre le risque d'impayés de loyers, les dégradations locatives et les éventuels frais de contentieux. Le budget de l'Etat vient financer, conjointement avec Action logement, le risque de sur-sinistralité lié à la couverture des locataires dont le taux d'effort est compris entre 28 % et 50 %, via le fonds de garantie universelle des risques locatifs (GURL). Lorsque le taux d'effort est inférieur à ce seuil, la souscription d'un contrat de GRL n'ouvre droit à aucune compensation pour l'assureur.

Créée en 2006 puis refondue en 2009, la GRL n'a pas connu la montée en puissance espérée au moment de son lancement : si l'association pour l'accès aux garanties locatives estimait à 1,2 million le nombre de contrats pouvant être souscrits à la fin de l'année 2012, seuls 223 000 étaient en cours à cette date. Afin de tenir compte de cet échec relatif, l'article 8 du projet de loi Alur crée une garantie universelle du logement (GUL) qui a vocation à devenir effective à l'issue d'une phase de préfiguration qui devrait s'étendre jusqu'en 2016.

Les sommes destinées à l' information relative au logement et à l'accompagnement des publics en difficulté , en baisse de 3 %, sont portées à 8 millions d'euros. Elles servent essentiellement au financement de l'agence nationale pour l'information sur le logement (Anil) et des agences départementales d'information sur le logement (Adil).

2. La nécessité de revoir le dispositif des aides personnelles au logement
a) Des prestations dont l'efficacité sociale mérite d'être renforcée

En 2012, plus de 6,4 millions de ménages ont bénéficié d'une aide personnelle au logement pour un montant total de 17 milliards d'euros.

Les aides personnelles au logement

Il existe trois types d'aides personnelles au logement :

- l'aide personnalisée au logement (APL), prévue à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation ; elle est versée aux locataires de logements conventionnés ainsi qu'aux personnes devenant propriétaires d'un logement ayant fait l'objet d'une convention, quelles que soient leurs caractéristiques familiales ;

- l'allocation de logement familiale (ALF), qui relève de l'article L. 542-1 du code de la construction et de l'habitation ;

- l'allocation de logement sociale (ALS), prévue à l'article L. 831-1 du code de la sécurité sociale ; elle est attribuée, sous conditions de ressources, aux personnes qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier de l'ALF ou de l'APL.

L'ALF est entièrement financée par la branche famille de la sécurité sociale à travers le fonds national des prestations familiales (FNPF). L'APL et l'ALS sont financées par le fonds national d'aide au logement (Fnal) dont les ressources, définies à l'article L. 351-7 du code de la construction et de l'habitation, comprennent :

- le produit des contributions employeurs prévues à l'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale ;

- pour le financement de l'APL, une contribution des régimes de prestations familiales ;

- une fraction de 0,53 % du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placement créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 ;

- pour les années 2013 à 2015, une contribution exceptionnelle d'Action logement ;

- une dotation d'équilibre allouée par l'Etat à partir du programme 109 « Aide à l'accès au logement » de la mission « Egalité des territoires, logement et ville ».

Les paramètres de calcul des aides personnelles au logement sont indexés sur l'évolution de l'indice de référence des loyers (IRL). Ils sont revalorisés au 1 er janvier de chaque année.

Ainsi que l'a souligné un rapport publié par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) en mai 2012, les aides personnelles constituent la prestation sociale la plus importante en direction des ménages modestes, définis comme les ménages appartenant aux trois premiers déciles de revenus 14 ( * ) . S'agissant des bénéficiaires qui louent leur logement, soit 80 % de l'ensemble, plus de la moitié d'entre eux disposent de ressources inférieures au seuil de pauvreté. Le pourcentage est de 60 % pour les seuls allocataires sans enfants. Plus du quart des allocataires sont bénéficiaires des minima sociaux.

Les aides personnelles constituent un outil relativement efficace pour limiter le poids des dépenses de logement et ainsi favoriser le maintien dans celui-ci. Pour les locataires, le versement de l'aide permet de faire passer le taux d'effort médian de 35,8 % à 19,5 %. L'Igas souligne cependant que la sous-actualisation du barème au cours des dernières années, destinée à contenir le poids des aides personnelles par rapport au PIB, a progressivement conduit à déconnecter leur niveau de la réalité du marché du logement. Leur pouvoir de solvabilisation s'en est donc trouvé réduit.

En outre, les modalités de gestion et de versement des aides contribuent à rendre leur évolution instable et par conséquent difficilement prévisible pour les locataires. L'Igas souligne également que, les aides étant versées sous condition de décence du logement et du paiement effectif du loyer, elles devraient pouvoir constituer un levier dans la lutte contre l'habitat indigne et contre les expulsions locatives. Or ce potentiel n'a jusqu'à présent pas été suffisamment exploité.

b) Les dispositions de l'article 64 du projet de loi de finances

Au regard de ces éléments, il apparaît nécessaire de s'interroger sur une révision globale du dispositif des aides personnelles au logement.

L'article 11 bis du projet de loi Alur demande au Gouvernement, avant la fin de l'année 2014, un rapport sur les modalités de calcul des aides personnelles au logement.

A l'initiative de l'Assemblée nationale, l'article 64 du présent projet de loi a été complété par une demande de rapport sur « les réformes envisageables pour améliorer l'efficacité sociale des régimes de l'aide personnalisée au logement, de l'allocation de logement familiale et de l'allocation de logement sociale, à enveloppe budgétaire constante » .

Votre rapporteur se félicite qu'une réflexion soit ainsi en voie de s'engager sur le sujet. Il est en revanche plus réservé concernant la mesure centrale de cet article 64 qui consiste à geler les paramètres de révision de l'APL et de l'ALS en 2014 . Ceux-ci sont habituellement indexés au 1 er janvier de chaque année sur l'indice de référence des loyers (IRL) 15 ( * ) .

L'évaluation préalable de l'article justifie ce gel par la nécessité, dans un contexte de faible inflation (elle est évaluée à 1,3 % pour l'année 2014 tandis que l'hypothèse d'évolution de l'IRL est établie à 1,13 %), d'assurer la maîtrise des dépenses de l'Etat et de la branche famille de la sécurité sociale.

Les économies attendues de cette mesure devraient s'élever à 93,1 millions d'euros pour le budget de l'Etat et 36,3 millions d'euros pour celui de la sécurité sociale. Concernant l'ALF, l'économie attendue pour la branche famille est de 46 millions d'euros.

Au regard des difficultés économiques et sociales auxquelles sont confrontés un nombre non négligeables de Français , notamment pour assurer le paiement de leurs dépenses de logement, votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité d'une telle mesure de gel. Les auditions qu'il a menées lui ont en outre montré l'incompréhension qu'elle risquait de soulever, non seulement chez les bénéficiaires ou bénéficiaires potentiels, mais également de la part de l'ensemble des intervenants du secteur, et ce alors même que le Gouvernement a engagé par ailleurs des réformes ambitieuses et courageuses dans le secteur du logement.

Il est malgré tout conscient de l'effort de responsabilité que doivent supporter l'ensemble des missions du budget de l'Etat en 2014 pour assurer le redressement des finances publiques.

En outre, l'Assemblée nationale est parvenue à une solution de compromis en adoptant un amendement qui vise, plutôt qu'un gel de l'APL et de l'ALS en 2014, à retarder leur revalorisation. Celle-ci interviendrait au 1 er octobre et non au 1 er janvier. Les économies engendrées seraient ramenées à 74,1 millions d'euros pour l'Etat et 29,3 millions d'euros pour la sécurité sociale. Une mesure parallèle a été adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale concernant l'ALF.

Votre rapporteur estime cette avancée satisfaisante . Il souligne malgré tout que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale conduit à inscrire de façon pérenne dans la loi le principe d'une revalorisation des aides personnelles au 1 er octobre . Une telle évolution, dans l'hypothèse où elle s'avérerait pertinente, mériterait d'être davantage expertisée.


* 13 La loi de finances pour 2013 fixait initialement à 400 millions d'euros par an la contribution d'Action logement au Fnal pour les années 2013 à 2015. Un accord est cependant intervenu entre le Gouvernement et Action logement pour abaisser le niveau de cette contribution à 300 millions d'euros en 2014 et 150 millions d'euros en 2015. Les sommes non versées au Fnal seront allouées à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru).

* 14 Igas, « Evaluation des aides personnelles au logement », mai 2012.

* 15 Parallèlement, l'article 59 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoit une mesure identique pour l'ALS.

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