EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UNE CONTRACTION DES MOYENS D'ACTION QUI MET EN PÉRIL L'EXERCICE DES MISSIONS ET LA RÉALISATION DES OBJECTIFS

Le programme 204 « prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui regroupe l'ensemble des moyens d'action budgétaires de la mission santé, le restant étant estimé à l'aide médicale d'Etat, connaît cette année une baisse de près de 7 millions d'euros, soit de l'ordre de 1 %. Cela peut sembler faible, mais masque en réalité une redistribution particulièrement importante entre les actions, qui s'effectuera principalement au détriment des projets régionaux de santé. Ceux-ci ne pourront se maintenir que si les ARS décident de leur affecter une part supérieure du FIR en usant de la possibilité de fongibilité, c'est-à-dire en utilisant à d'autres fins les crédits dédiés à la prévention versés par l'assurance maladie. Ainsi 18 millions d'euros sont retranchés par rapport à 2013 de l'action « projet régionaux de santé ».

A l'inverse, près de 19 millions d'euros sont affectés au financement des stages des internes en médecine générale par l'intermédiaire de l'action « modernisation de l'offre de soins ».

A. UNE CONTRAINTE BUDGÉTAIRE PARTICULIÈREMENT FORTE SUR LES EMPLOIS DES AGENCES

Le projet de financement présenté par le Gouvernement pour le programme 204 s'inscrit dans le cadre de la réduction des emplois budgétaires définie par la lettre de cadrage adressée aux ministres par le Premier ministre le 28 juin 2012. Cette lettre de cadrage précise que, sur la période 2012-2015, « les effectifs de l'Etat connaîtront une stabilité globale. Les créations d'emplois seront réservées à l'enseignement, la police, la gendarmerie et la justice. Des efforts de - 2,5 % par an sur les autres secteurs seront donc nécessaires afin de respecter cet objectif de stabilité. » Ceci se traduit par une obligation de réduction des emplois de 7,5 % sur trois ans pour les autres opérateurs de l'Etat, y compris les agences sanitaires.

Cependant « les lettres de cadrage invitent [...] chaque ministre à proposer des mesures qui ne soient pas uniformes et aveugles, mais fonction des besoins réels des différentes administrations afin de garantir l'efficacité du service public. »

Le ministère de la santé a donc fait un double choix. D'une part, ne pas imposer aux opérateurs le respect strict de l'obligation de réduction de 7,5 % de leurs effectifs en trois ans. A l'issue de la période 2012-2015, la réduction du nombre d'emploi des agences financées par le programme 204 devrait atteindre 156 ETP sur 2651 ETP en 2012 soit - 5,9 %. D'autre part, pour 2014, il a choisi de préserver les emplois de l'agence de sécurité du médicament et des produits de santé. Ceci implique un effort supplémentaire demandé aux autres opérateurs sur lesquels se répartit la suppression de 52 ETP.

Opérateur

Baisse du nombre d'ETP en 2014

Agence de la biomédecine (ABM)

6

Addictions drogues alcool info service (Adalis)

1

Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM)

0

Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih)

2

Centre national de gestion (CNG)

3

Ecole des hautes études en santé publique (EHESP)

18

Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus)

4

Institut national du cancer (INCa)

3

Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes)

9

Institut national de veille sanitaire (InVS)

6

Il convient tout d'abord de relever que le maintien du nombre de postes de l'ANSM est largement formel. En effet, suite à l'adoption de la loi sur la sécurité du médicament, 80 nouveaux emplois devaient être affectés à l'agence pour faire face à ses nouvelles missions. Seuls 15 l'ont finalement été et les 6 ETP hors plafond dont bénéficiait encore l'agence seront vraisemblablement supprimés en 2014 (7 l'avaient été en 2013), alors même qu'ils correspondent en fait à des activités permanentes de l'agence et non à des projets temporaires. Dans un contexte de réorganisation lourde du fonctionnement de l'agence, facteur d'un climat social tendu, pareille limitation des moyens humains est de nature à mettre en péril sa capacité non seulement à faire face aux urgences sanitaires récurrentes liées aux produits de santé mais surtout à les anticiper et à les prévenir.

L'effort demandé aux opérateurs de la mission est nécessairement de plus en plus difficile à supporter et met en péril l'exercice des missions. En effet, la possibilité de réduire les effectifs par simple non-remplacement des départs en retraite ou non-renouvellement des contrats à durée déterminée s'épuise rapidement, spécialement si les structures sont de taille réduite et de création récente, ce qui implique généralement une pyramide des âges relativement plate. Une fois les départs en retraite et non-renouvellement volontaires effectués, la seule possibilité de réduction des emplois est la rupture conventionnelle avec les personnels contractuels.

Or, l'effort demandé aux opérateurs est croissant sur la période triennale. 20 ETP ont été supprimés en 2013, 52 le seront en 2014 et 84 en 2015. Certains opérateurs, comme l'agence de la biomédecine, seront relativement moins affectés dans l'exercice de leur mission du fait d'une conjoncture démographique favorable mais surtout de la possibilité à faire financer des emplois par des ressources propres, non liée à la dotation de l'Etat au titre de la mission santé.

Plusieurs opérateurs bénéficient d'emplois hors plafond qui constituent des proportions variées de leur nombre total d'ETP. Si les deux emplois sous plafond de l'Atih représentent environ 1,75 % de ses emplois, les 71 emplois sous plafond de l'EHESP représenteront en 2014 17,4 % des ETP disponibles. S'agissant de l'EHESP, le nombre d'emplois sous plafond double entre 2013 (35 emplois) et 2014. Ils correspondent à de nouveaux projets de recherche et à des contrats aidés. Si votre rapporteur trouve légitime que des postes de chercheurs puissent être financés par des fonds publics hors budget de l'Etat, c'est-à-dire européens ou internationaux, il s'inquiète du développement des financements provenant d'entreprises privées qui seront rendus d'autant plus attractifs que les dotations de l'Etat diminuent. Ainsi que l'a souligné l'Institut de veille sanitaire, l'indépendance de l'analyse et des résultats s'oppose à la mise en place de partenariats publics-privés pour les agences sanitaires. L'InVS s'est d'ailleurs doté d'un comité de déontologie chargé notamment d'examiner ses relations avec le secteur privé.

La direction générale de la santé espère parvenir à remplir l'objectif de diminution des emplois par la mutualisation des fonctions support. Sont définies comme fonctions support toutes les fonctions qui permettent aux opérateurs d'accomplir leurs missions mais qui ne sont pas l'exercice direct de ces missions, ainsi la mise en place d'un réseau informatique ou la passation de marchés publics. Cette distinction bien qu'intellectuellement séduisante paraît à votre rapporteur atteindre rapidement ses limites sur le terrain. Elle permet surtout de minimiser les conséquences des réductions d'effectifs sur le fonctionnement des agences.

En effet, la distinction entre fonctions support et fonctions métier est très variable selon les agences. Ainsi, pour une part importante des agences, la communication envers les professionnels de santé et le grand public est une part essentielle de leur activité. Les possibilités de mutualisation seront donc limitées. La passation de marchés publics est une fonction qui tend selon des mouvements de balancier à être tantôt centralisée au nom d'une plus grande efficacité et de la perspective de réduction des coûts liée à des contrats de taille plus importante, tantôt confiée aux opérateurs au nom de la meilleure adaptation des marchés à leurs besoins spécifiques. On peut donc envisager, afin de réduire les effectifs, de confier la passation des marchés publics à un service unique. Mais cette mesure ne peut procurer de gains importants en matière d'emploi. D'une part, la part des personnels consacrée à ces fonctions au sein des agences est limitée. D'autre part, la direction générale de la santé paraît envisager la passation de « marchés-cadres » qui impliquent une implication de chaque agence dans la détermination de ses besoins propres.

Surtout, la question de la mutualisation des fonctions support suppose un regroupement de personnels dédiés au sein d'une entité unique. La DGS semble envisager que les fonctions mutualisées ne lui soient pas rattachées. Elles pourraient l'être à l'une des agences dont la compétence en la matière ou la taille serait particulièrement adaptée. L'ANSM, agence la plus importante en terme de nombre de personnes employées, plus de 1 000, aurait dans cette optique naturellement vocation à accueillir l'un ou plusieurs de ces services. L'Inpes pourrait pour sa part servir de support à la mutualisation des compétences en matière de marchés publics. De tels changements peuvent être pour partie conduits par le pouvoir réglementaire. Ils supposent néanmoins qu'à terme le périmètre des agences soit redéfini par le législateur, et l'absence d'un calendrier précis pour la loi de santé publique obère la mise en oeuvre de réformes structurelles majeures susceptibles de rendre crédible la baisse des effectifs prévue pour 2015.

L'idée que la réduction des effectifs pourrait porter sur des postes non essentiels est donc illusoire. L'ampleur des coupes demandées implique nécessairement la réduction du nombre de personnes chargées de mener à bien les missions confiées aux opérateurs. Or, à effectifs constants ou décroissants pour exercer leurs missions, les agences perdent la capacité de suivre de manière approfondie tous les domaines de leur champ de compétences. Surtout, l'activité de veille et de prospective et même la capacité de traiter les thématiques émergentes se trouve considérablement réduite. Que ce soit pour l'Institut de veille sanitaire (InVS), l'Institut du cancer (INCa) ou l'Agence de la biomédecine (ABM), la perte de moyens s'effectue au détriment de notre capacité à faire face aux nouveaux enjeux sanitaires et à l'évolution des connaissances et des pratiques médicales.

Le ministère entend remédier à cette situation en incitant les agences à définir des priorités dans leurs actions afin de se recentrer sur leur coeur de métier. Indiscutablement, la mise en place de priorités est un outil de bonne gestion, qui en tant que tel doit déjà faire partie du mode de fonctionnement de l'ensemble des opérateurs. Mais dans ce contexte de restriction budgétaire, la définition de priorité devient un moyen de justifier l'abandon de certaines activités faute de moyens. Or le système français d'agences sanitaires ne peut être efficace que si l'on prend garde à éviter « l'effet lampadaire » où, chaque organisme ne s'intéressant qu'à un domaine très précis, d'importantes questions sanitaires restent sans surveillance.

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