CULTURE, ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE AU SERVICE DE LA POLITIQUE D'INFLUENCE DE LA FRANCE

I. LE RÉSEAU CULTUREL À L'ÉTRANGER : LE TEMPS DE LA RATIONALISATION

A. DIVERSITÉ DES ACTEURS, VARIÉTÉ DES MODES DE FINANCEMENT

1. Un maillage complexe
a) Les services de coopération et d'action culturelle et les établissements à autonomie financière

Le réseau culturel public de la France à l'étranger est constitué d'un ensemble hétérogène de structures . Il comprenait ainsi, en 2012, 161 services de coopération et d'action culturelle (SCAC), dont 98 disposant d'un statut d'établissement à autonomie financière, 27 Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE) disposant également de ce statut, douze postes rattachés expérimentalement à l'Institut français et huit centres culturels binationaux (dont cinq en Afrique).

La rationalisation du réseau s'est concrétisée, de 2009 (premières opérations-pilotes) à 2013 (achèvement du processus par les dernières fusions), par la constitution, dans les postes diplomatiques où préexistaient des établissements à autonomie financière (EAF), d'un dispositif unique intégrant le SCAC et le ou les établissement(s) culturel(s) dans un périmètre commun -culture, francophonie et attractivité- géré dans le cadre de l'autonomie financière.

Ce processus s'est achevé le 1 er janvier 2013 par la fusion des derniers dispositifs aux États-Unis, au Brésil, au Japon, en Colombie et en Argentine. Au total, 84 postes ont été concernés par cette mutation. Toutefois, pour tenir compte de la spécificité de leur situation ou de la singularité de leur mission, quatre EAF ne fusionneront pas avec leur SCAC de rattachement.

Le bilan qu'en tire le ministère des affaires étrangères au regard des retours des postes locaux fait apparaître que, conformément aux objectifs fixés, la fusion s'est concrétisée par :

- un processus de mutualisation aux effets positifs

La fusion a permis de conserver des outils de coopération performants dans un contexte budgétaire contraint, tout en réalisant une meilleure programmation des activités et une mise en synergie des moyens existants. En outre, dans les pays comprenant plusieurs établissements, la fusion en un EAF unique intégrant le SCAC permet la mise en oeuvre d'une stratégie cohérente ;

- de nouveaux modes de gouvernance

La double fonction désormais exercée par le conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC), à la fois responsable du SCAC et de l'EAF fusionné, améliore la circulation de l'information et contribue à harmoniser les pratiques de travail ;

-  une gestion financière plus cohérente

L'élaboration d'un budget unique , l'harmonisation des procédures de suivi, l'apport de crédits complémentaires issus des recettes propres des établissements et de leurs capacités de cofinancements ont eu des effets positifs, notamment au profit des secteurs de la coopération linguistique et universitaire.

Comme il était attendu, les transferts de charges de personnel et de fonctionnement -du programme 105 vers le programme 185- et l'harmonisation des grilles de rémunération ont alourdi les coûts de fonctionnement supportés sur les budgets des établissements unifiés . La définition, l'évaluation et le calcul du coût de ces charges étant particulièrement complexes, il a été décidé que le transfert des charges de fonctionnement ne serait réalisé que lorsqu'il y avait déplacement physique des agents du SCAC dans l'enceinte de l'EAF.

Enfin, le cadre réglementaire budgétaire et comptable qui régit actuellement les EAF a dû être adapté. Ainsi, ils bénéficient, jusqu'à la fin de l'année 2013, d''un régime dérogatoire autorisant la prise en charge de dépenses d'intervention au profit de tiers nécessaires aux actions de coopération et de partenariat ;

- un cadre harmonisé de gestion des ressources humaines

Dans de nombreux cas, cette unicité de gestion des personnels s'est également accompagnée d'une harmonisation des grilles de rémunération des EAF avec la grille correspondante des ambassades. Ainsi, la fusion SCAC-EAF s'est souvent traduite, pour les agents de droit local (ADL) des établissements fusionnés, par une revalorisation salariale.

Mieux organisé, le réseau public continue à évoluer en fonction des évolutions de la stratégie de coopération de la France, les exigences de rationalisation des implantations et les impératifs de viabilité financière des établissements. En 2013, une antenne de l'Institut français d'Indonésie a été ouverte à Dili (Timor-Oriental) et un centre de certification créé à Moroni (Comores) et rattaché à l'Institut français de Madagascar. A contrario , l'antenne de Venise a été fermée.

Votre rapporteur pour avis salue la fin du processus de fusion des SCAC et des EAF au profit d'une plus grande efficacité du réseau culturel. Il rappelle toutefois que la mise en conformité nécessaire du statut des EAF n'a toujours pas été réalisée.

Les EAF, aux termes du décret n° 76-832 du 24 août 1976 pris en application de la l'article 66 de la loi de finances pour 1974, dispose de l'autonomie financière sans avoir pour autant de personnalité juridique. Ils peuvent ainsi conserver les recettes qu'ils collectent, même s'ils ne bénéficient pas du droit de fixer librement leurs tarifs pour les cours de langue et les certifications. Ce statut est contraire aux principes d'uniformité et d'universalité budgétaires posés par l'article 6 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) , en application desquels leurs dépenses comme leurs recettes devraient être enregistrées dans le budget général et ne pourraient se compenser les unes avec les autres. Dans son rapport de septembre 2013 sur le réseau culturel de la France à l'étranger, réalisé à la demande du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, la Cour des comptes estime que cette irrégularité « fait courir un risque à l'ensemble du dispositif du réseau public et accentue sa fragilité compte tenu de l'appui croissant sur la collecte de recettes commerciales ».

b) L'Institut français

L'Institut français a été créé par la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État et son décret d'application du 30 décembre 2010. Il a débuté ses activités au 1 er janvier 2011 en se substituant à l'association Culturesfrance. Il a repris, à ce titre, l'ensemble des missions de l'association : la promotion de la culture française, le soutien à la création, au développement et à la diffusion des expressions artistiques du Sud, la diffusion du patrimoine cinématographique et audiovisuel français et le soutien à la circulation des écrits, des oeuvres et des auteurs francophones. Son périmètre d'action est, par ailleurs, élargi à de nouvelles activités, notamment la promotion et l'accompagnement à l'étranger des idées, des savoirs et de la culture scientifique français ; la promotion, la diffusion et l'enseignement à l'étranger de la langue française ; l'information du réseau culturel français à l'étranger, des institutions et des professionnels étrangers sur l'offre culturelle française ; la formation des personnels du réseau culturel français à l'étranger. Parallèlement à la mise en place du nouvel opérateur a été créée la marque « Institut français » pour l'ensemble du réseau public .

Depuis sa création, l'Institut français a notamment développé des outils numériques au profit du réseau ( Culturethèque , IF Cinéma , ou encore IF Verso pour les traductions), mis en place un programme de formation pour les agents et renouvelé la politique de mécénat. Une trentaine de conventions de partenariats ont ainsi été signées ou sont en cours de négociation avec les principaux opérateurs culturels français (Fondation Alliance française, mais aussi Unifrance Film, TV5Monde, CIEP, etc.) et européens ( Goethe Institut , British Council ). Enfin, le pôle Europe, nouvellement créé, a commencé à répondre à des appels à propositions et d'offres européens et informe le réseau sur les financements européens.

L'opérateur s'appuie sur et est au service du réseau culturel français à l'étranger dans sa double composante : le réseau public des 100 Instituts français à l'étranger (et leurs 111 antennes) et le réseau associatif des près de 480 Alliances françaises conventionnées. Il a tenu à Lille, les 18 et 19 juillet 2013, ses troisièmes « Ateliers » de formation et de concertation avec le réseau, en présence de près de 450 agents et des représentants de ses principaux partenaires.

L'opérateur bénéficie d'un plafond d'emplois de 183 emplois équivalent temps plein (ETP), soit 145 ETP pour le siège et 38 ETP pour les douze postes culturels qui lui ont été rattachés au titre de l'expérimentation.

Le contrat d'objectifs et de moyens de l'Institut français pour la période 2011-2013 lui fixe quatre objectifs :

- inscrire l'action culturelle extérieure dans les objectifs de la politique étrangère de la France (promotion des échanges et des coopérations artistiques, diffusion non commerciale du patrimoine cinématographique, promotion du livre et des savoirs, promotion de la langue française) ;

- soutenir et développer l'action du réseau culturel (mise à disposition d'outils numériques, formation des agents) ;

- développer des partenariats au profit d'une action plus cohérente et efficace (conventions avec des opérateurs culturels nationaux, coopérations avec les collectivités territoriales françaises, création du pôle Europe) ;

- enfin, améliorer le pilotage et l'efficience dans la gestion des ressources (maîtrise des dépenses de fonctionnement, passage à la comptabilité publique, développement de l'autofinancement, modernisation de la gestion des ressources humaines).

Si le bilan de l'activité de l'opérateur au regard des objectifs fixés ne sera rendu public qu'à la fin de l'année 2013 en vue de la préparation du prochain contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2014-2016 , votre rapporteur pour avis estime d'ores et déjà que la création de l'Institut français a apporté une réelle valeur ajoutée au réseau culturel : visibilité avec la création d'une marque unique, professionnalisation avec le développement d'un programme de formation et modernisation avec la mise en place de plusieurs plateformes numériques.

c) Les Alliances françaises

Fondée à Paris en 1883, l'Alliance française constitue, en nombre, le plus important réseau d'implantations de l'action culturelle extérieure de la France. La Fondation Alliance Française, créée en 2007 et issue de l'Alliance française de Paris Ile-de-France (AFPIF), rassemble, sous une forme associative, 812 Alliances locales à but non lucratif, dont 486 bénéficient d'un soutien direct du ministère des affaires étrangères . Ce soutien prend une triple forme : une subvention de fonctionnement, la mise à disposition d'agents expatriés pour une masse salariale d'environ 31 millions d'euros et le bénéfice des formations dispensées par l'Institut français.

Les Alliances et leurs centres associés jouent un rôle majeur dans certains pays -en Asie et en Amérique latine majoritairement-, notamment pour ce qui concerne l'offre de cours de français . Le réseau des Alliances est particulièrement dynamique sur ce créneau d'activité (86 % des Alliances dispensent des cours) : le nombre d'inscrits dans les enseignements de langue française a enregistré une augmentation spectaculaire de 53 % ces dix dernières années.

À titre d'illustration pour l'année 2012, les Alliances ont dispensé plus de trois millions d'heures de cours en Colombie et en Chine, et plus de deux millions d'heures en Inde, au Pérou et au Brésil. Ce dernier pays est ainsi doté de trente-neuf Alliances et de huit centres associés, comptant, au total, près de 35 000 élèves.

Outre les agents locaux, les Alliances fonctionnent grâce aux mises à disposition de personnels représentant, en 2013, 301 emplois dont 87 volontaires internationaux, soit une suppression de 26 postes, essentiellement dans les pays en crise.

Le réseau des Alliances a été relativement protégé de l'effort en matière de restitution d'emplois qui pèse sur le réseau culturel et de coopération depuis 2009. L'évolution des effectifs entre 2009 et 2013 fait apparaître une diminution minime de seulement 15 emplois, alors que le réseau culturel a supprimé, hors transferts, 418 emplois sur la même période.

Votre rapporteur pour avis estime illusoire d'imaginer que les Alliances françaises pourront encore longtemps s'exonérer de participer à l'effort général. Les réductions d'effectifs à venir devront cependant s'inscrire dans le cadre d'une réflexion plus globale sur la complémentarité des acteurs du réseau et la rationalisation des implantations.

Il conviendra également de clarifier la situation juridique des agents mis à la disposition des associations locales, aujourd'hui considérés à tort comme s'ils étaient affectés au sein du réseau public, en concluant des conventions avec les Alliances concernées assorties, le cas échéant, d'un remboursement des rémunérations.

2. Un éparpillement des crédits

Les crédits consacrés à l'action culturelle extérieure regroupent le fonctionnement du réseau culturel à l'étranger, la subvention pour charge de service public allouée à l'Institut Français, les instruments de coopération culturelle et de promotion du français que constituent les bourses et les échanges d'expertise, ainsi que les subventions aux Alliances françaises et les crédits d'intervention SCAC-EAF.

Poursuivant leur lente érosion , les crédits diminuent à nouveau en 2014, après avoir été réduits d'un quart entre 2007 et 2013. Ils s'établiront, selon le projet de loi de finances, à 93 millions d'euros, contre 104 millions d'euros en 2013.

Évolution des crédits culturels hors dépenses de personnels

En M€

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Fonctionnement

38

45

60

77

74

65

58

Intervention

98

90

65

43

40

38

35

Total

136

135

125

120

114

104

93

Source : Ministère des affaires étrangères

Cette nouvelle réduction résulte de l'application de la norme de réduction gouvernementale des dépenses sur le budget triennal 2013-2015, qui a toutefois été modulée afin de tenir compte des spécificités des instruments du programme.

Ainsi, s'agissant des crédits de fonctionnement , la réduction des dotations aux EAF est, comme en 2013, limitée à 4 %. Afin d'accompagner les dernières fusions des SCAC et des EAF, les crédits de restructuration nécessaires sont estimés à 1,4 million d'euros, contre 3 millions d'euros en 2013.

La subvention pour charges de service public de l'Institut français et les crédits de soutien régressent également par rapport à 2013. Pour mémoire, l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) est passé sous comptabilité publique au 1 er janvier 2012. Depuis cette date, son budget intègre également les budgets de douze postes expérimentateurs. En 2013, son budget s'élève à 65,7 millions d'euros, soit 43,1 millions d'euros pour l'opérateur et 22,6 millions d'euros pour les centres rattachés, et affiche un résultat net de 668 000 euros. Sur ce total, les subventions de l'État représentent 44,9 millions d'euros (44,3 millions d'euros au budget initial) et ses ressources propres 20,8 millions d'euros.

En 2014, la subvention du ministère des affaires étrangères, qui s'établit à 39,5 millions d'euros, diminue de 6 % en raison de l'application des mesures d'économies dans le cadre du redressement des comptes publics, dont la norme est de - 4% entre 2013 et 2014 selon la lettre de cadrage budgétaire 2013-2015 du Premier ministre et de - 2% en 2014 au titre des mesures additionnelles appliquées aux opérateurs.

Les mesures d'économie sont également drastiques pour ce qui concerne les dépenses d'investissement , hormis pour les bourses et échanges d'expertise dont les crédits ne diminuent respectivement que de 3,5 % et 3,1 %.

La diminution des autres moyens bilatéraux d'influence (cofinancements et subventions versées par les postes culturels à l'étranger et par l'administration centrale) atteindra 5,6 % en 2014, après une baisse de 5 % en 2013.

Enfin, les dotations pour opérations aux EAF, ainsi que les subventions à la Fondation Alliance Française et aux Alliances françaises locales diminuent de 4,3 % en 2014.

À ces crédits s'ajoutent les dépenses de personnels, qui, stables, s'établiront à 126 millions d'euros en 2014 , dont 86 millions d'euros sur le programme 185.

La diminution permanente des crédits publics oblige les acteurs de l'action culturelle extérieure à développer leurs capacités d'autofinancement, (cours de langues, certifications d'examens destinés à l'accueil d'étudiants étrangers en France, mécénat, etc.), consommatrices d'énergie en termes d'investissement en temps au détriment souvent de l'action culturelle stricto sensu .

En moyenne, le taux d'autofinancement atteint 63,4 % pour les EAF , même si ce ratio varie en fonction du contexte local. Il peut notamment être réduit par l'absence de recettes de cours de langues en application du principe de non-concurrence avec les Alliances françaises (Corée du Sud, Costa Rica, Croatie, Portugal), un contexte économique général dégradé (Tchad, Togo, Rwanda) ou une diminution des activités liées à des contextes politiques particulièrement tendus (Syrie). En revanche, l'autofinancement des centres est élevé dans les pays où la demande d'enseignement en français et de certification d'examen est dynamique, notamment lorsque le réseau des Alliances n'y est que peu développé, comme en Espagne, au Japon, au Maroc ou au Qatar.

Pour ce qui concerne les Alliances, le projet de loi de finances pour 2014 prévoit une subvention de 1,35 million d'euros à la Fondation et aux délégations générales , chargées de la coordination régionale du réseau et de l'appui aux associations locales. Ce poste enregistre une baisse de crédits de près de 300 000 euros, dont votre rapporteur pour avis espère qu'elle ne nuira pas à l'indispensable action de coordination du réseau associatif menée par la Fondation. Par ailleurs, le soutien des SCAC aux Alliances s'élèvera à 5,67 millions d'euros, soit un niveau sensiblement équivalent à celui de 2013 . Les crédits publics ne représentent toutefois qu'une faible part du budget des Alliances, dont le taux d'autofinancement moyen atteint 83 % , en nette progression depuis 5 ans (il était de 75 % en 2008).

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