B. LES DÉFIS À RELEVER

1. L'Institut français : une réforme inachevée

L'article 11 de la loi du 27 juillet 2010 susmentionnée prévoyait le rattachement, à titre expérimental, de douze postes culturels à l'Institut français . À l'issue des études préalables nécessaires à la réforme, le rattachement a été effectif le 1 er janvier 2012.

Le rapport d'étape transmis aux commissions parlementaires compétentes au mois de mars 2013 ne permettait pas au législateur de trancher catégoriquement sur l'opportunité de généraliser le rattachement de l'ensemble du réseau culturel public à l'Institut français à l'issue de l'expérimentation.

Ainsi, les premières conclusions, qui portent sur l'année 2012, indiquaient que :

- la pleine mobilisation des équipes sur place et l'investissement des agents de l'Institut français ont permis aux postes concernés de fonctionner de manière à peu près satisfaisante, malgré des retards et des difficultés qui ne sont pas uniquement liés aux hésitations de la période de rodage, mais ont, pour beaucoup, un caractère structurel. De manière générale, les complications ont été plus facilement réduites dans les postes rompus à la notion d'autonomie financière et disposant d'équipes administratives nombreuses et expérimentées ;

- cette mobilisation et les nouvelles possibilités offertes par l'autonomie financière pour les postes qui en étaient dépourvus (Émirats, Ghana, Koweït et Singapour) expliquent les résultats obtenus en matière d'autofinancement, résultats cependant légèrement inférieurs à ceux du reste du réseau ;

- les postes passés en 2012 à l'autonomie financière en ont clairement tiré bénéfice. Pour les autres, en dehors de la nouvelle faculté d'accorder directement des subventions, le constat est très largement celui d'une régression par rapport au dispositif précédent ;

- les éléments positifs que représentent la mutualisation renforcée des outils techniques, les progrès enregistrés sur la voie de la professionnalisation du réseau et l'avantage de disposer d'une communication unifiée sont liés à la montée en puissance de l'opérateur de l'Institut français et ne constituent pas un effet de l'expérimentation en cours ;

- la visibilité accrue du réseau public pourrait affecter la relation avec la Fondation Alliance française, qui s'est inquiétée de ce qui lui est apparu, en Inde et aux Émirats notamment, comme une marginalisation du réseau associatif ;

- enfin, l'expérimentation ne permet pas d'apprécier la capacité de l'Institut français d'assurer le changement d'échelle que représenterait, même étalé dans le temps, le transfert des ressources financières et humaines entraîné par l'intégration du réseau.

Ce bilan a été complété au mois d'octobre par un troisième et dernier rapport au Parlement portant sur l'année 2013. Tout en confirmant les conclusions des rapports précédents, il complète l'analyse sur différents points :

-  si la possibilité d'accorder directement des subventions facilite la gestion des actions de coopération, la coopération universitaire et le pilotage des bourses s'en trouvent au contraire freinés , en raison du choix d'un mode de gestion à coût réel et non à coût moyen des bourses rendant délicate toute programmation ;

- l'évolution du volume d'activités (cours, manifestations, etc.) varient d'un centre expérimentateur à un autre, rendant toute comparaison sujette à caution ;

- le rattachement n'apparaît pas compatible avec la double compétence de COCAC et de directeur d'Institut , en raison de l'impossibilité, pour le directeur d'un EPIC culturel local, d'assurer parallèlement une mission de tutelle du réseau scolaire français.

En outre, le surcoût d'un rattachement intégral du réseau public à l'Institut français a été chiffré à 20 millions d'euros la première année et à 16 millions d'euros les années suivantes en raison de charges additionnelles de structure en administration centrale et du transfert de la masse salariale que constituent les expatriés.

Votre rapporteur pour avis estime, somme toute, ne pas disposer de données suffisamment précises sur l'évaluation du coût d'un rattachement généralisé . Le ministère des affaires étrangères fonde vraisemblablement son raisonnement sur l'expérience du rattachement des assistants techniques à l'Agence française de développement (AFD), qui a entrainé des charges supplémentaires en raison notamment du changement de régime d'assurance sociale.

S'agissant du rattachement des EAF à l'Institut français, il conviendrait d'examiner la possibilité d'en financer une partie via les fonds de roulement ou par d'autres dispositifs proches de ceux mis en oeuvre par l'AEFE en faveur des professeurs résidents. Il faudrait, en outre, définir une politique vis-à-vis des agents de droit local qui, en raison des contraintes budgétaires, interviennent de plus en plus fréquemment dans les Instituts, y compris dans des fonctions d'encadrement et non plus seulement d'exécution. À cet effet, ils doivent être accompagnés dans leur montée en compétences.

Par ailleurs, le rattachement des EAF à l'EPIC aurait permis de régler le problème précédemment soulevé de la non-conformité de leur statut juridique avec la LOLF : l'abandon du projet, que l'on peut souhaiter temporaire, nécessitera donc de trouver une autre solution pour résoudre cette difficulté.

2. Les Alliances françaises : la complémentarité en question

Les Alliances françaises et les Instituts français ont pour objectif commun la promotion et la diffusion de la culture et de la langue françaises dans leur pays d'implantation. Afin de préciser les modalités de relation et les champs de coopération entre les deux opérateurs, a été signée, le 12 juin 2012, une convention de partenariat tripartite entre la Fondation Alliance française, l'Institut français et le ministère des affaires étrangères.

Dans ce cadre, les parties se sont engagées à se rencontrer régulièrement pour identifier les besoins du réseau et à échanger leurs informations sur les projets innovants développés par chacun, afin de renforcer la complémentarité et l'efficacité des outils et des dispositifs . Par ailleurs, un groupe de concertation et d'échanges périodiques a été mis en place sur les programmes et calendriers respectifs de formation, dans le but de mener des actions de formation croisées ou communes pour l'ensemble des personnels.

Il convient également de rappeler que l'ensemble des programmes et des dispositifs de programmation de l'Institut français est ouvert aux Alliances, notamment les appels à projets artistiques, le Fonds d'Alembert, le plan d'appui aux médiathèques ou encore le Fonds TICE d'appui à l'enseignement du français. Les Alliances peuvent aussi bénéficier des plateformes numériques développées par l'Institut ( Culturethèque , IF Cinéma , etc.).

Toutefois, les inquiétudes de la Fondation Alliance française, dont votre rapporteur pour avis se faisait déjà l'écho l'an passé dans le cadre de son analyse du projet de loi de finances pour 2013, sont loin d'avoir disparues.

L'opérateur dénonçait alors pêle-mêle l'affichage ambigu de la marque « Institut français » , à la fois opérateur national et antennes locales aux statuts variés ; le risque d'une « guerre des marques » de l'action culturelle extérieure au niveau local ; les difficultés résultant du nouveau rôle dévolu au COCAC , à la fois conseiller culturel de l'ambassade et directeur de l'Institut français et dont les arbitrages sont souvent jugés défavorables aux Alliances ; mais également le développement de rivalités entre structures dans la recherche de mécènes .

La Fondation est ainsi opposée à la généralisation de l'expérimentation en cours, notamment s'agissant du transfert à l'Institut français de la gestion des personnels mis à disposition des Alliances.

Au-delà des craintes manifestées par les Alliances, votre rapporteur pour avis souligne que la réforme n'a pas toujours permis de mettre en oeuvre une politique d'implantation cohérente des différentes structures dans un même pays. Ainsi, a été créé un Institut français en Argentine, où l'alliance était installée depuis plus d'un siècle et témoignait d'une vitalité remarquable, mais également, dans un contexte identique, aux Émirats, en Inde et bientôt sans doute au Brésil. On observe, en outre, un redéploiement progressif des moyens attribués aux Alliances vers les Instituts comme en Pologne, au Portugal, au Mexique, en Chine, en Inde ou encore en Mauritanie. Aujourd'hui, les Alliances, qui représentent environ les deux tiers des implantations du réseau, reçoivent un tiers seulement des crédits accordés par le ministère des affaires étrangères.

Votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux la mise en oeuvre d'une cartographie raisonnée et cohérente des implantations du réseau culturel français, en procédant à une analyse des formules les mieux adaptées localement au contexte économique, politique, juridique et social. Cette analyse pourrait utilement précéder la signature de la prochaine convention pour la période 2014-2016.

La Cour des comptes, dans son rapport précité sur le réseau culturel de la France à l'étranger, recommande également d'accroître les synergies en termes d'implantations, en application d'une sorte de principe de subsidiarité entre entités publiques et associatives. Elle fait état, à ce titre, de redondances, qui constituent une source de tensions dans certaines villes, comme à Lisbonne ou à Madrid, mais peuvent également s'avérer utiles dans les zones où la demande de cours de français est élevée à condition que les offres de formation soient complémentaires. La Cour des comptes conclut toutefois sur une mise en garde que partage votre rapporteur pour avis : « Si une optimisation des deux réseaux est envisageable, elle ne doit pas conduire à figer les situations dans une sorte de Yalta culturel » .

Une première étape d'optimisation des implantations sera franchie dans le cadre du plan de redéploiement des moyens du réseau pour les années 2014 et 2015, annoncé en mai 2013, avec la fermeture d'une vingtaine d'EAF implantés hors capitales et en difficulté financière.

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