N° 161

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME III

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

TRANSPORTS AÉRIENS

Par M. Vincent CAPO-CANELLAS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Raymond Vall , président ; MM. Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Esnol, Alain Houpert, Hervé Maurey, Rémy Pointereau, Mmes Laurence Rossignol, Esther Sittler, M. Michel Teston , vice-présidents ; MM. Pierre Camani, Jacques Cornano, Louis Nègre , secrétaires ; MM. Joël Billard, Jean Bizet, Vincent Capo-Canellas, Yves Chastan, Philippe Darniche, Marcel Deneux, Michel Doublet, Jean-Luc Fichet, Jean-Jacques Filleul, Alain Fouché, Mme Marie-Françoise Gaouyer, M. Francis Grignon, Mme Odette Herviaux, MM. Benoît Huré, Daniel Laurent, Mme Hélène Masson-Maret, MM. Jean-François Mayet, Stéphane Mazars, Robert Navarro, Charles Revet, Roland Ries, Yves Rome, Henri Tandonnet, André Vairetto, Paul Vergès .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395 , 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 10b ) (2013-2014)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le transport aérien connaît une réalité contrastée : dynamisme de l'industrie et, à un moindre niveau, des aéroports, grande difficulté des compagnies. Le secteur enregistre en outre des réorientations stratégiques majeures. Nos champions nationaux connaissent en effet des fortunes diverses.

Malgré un début de redressement et la réduction du déficit d'exploitation amorcée en 2013, la compagnie Air France n'est pas tirée d'affaire. L'endettement reste à des niveaux record et le retour à l'équilibre n'est toujours pas garanti. La deuxième phase du plan Transform 2015 doit assurer le redressement attendu.

Aéroports de Paris réalise un résultat net appréciable, à hauteur de 341 millions d'euros en 2012, malgré le faible dynamisme du trafic passager (+0,8 %). Cette performance est sans doute à surveiller : le niveau des redevances reste un sujet de crispation avec les compagnies aériennes, dont Air France. La rentabilité d'ADP pourra difficilement se situer à la hauteur des objectifs fixés si une moindre progression des redevances devait s'inscrire dans la perspective du prochain contrat de régulation économique. Pour autant, la situation des compagnies le réclamerait.

Air France comme Aéroports de Paris ont engagé des plans de départs volontaires et de réduction des coûts. Du côté d'ADP, les négociations en vue d'un plan de départs volontaires de 370 postes dès 2014 ont été ouvertes. Quant à Air France, la compagnie a besoin de compléter son plan Transform 2015 par un nouveau plan de départs volontaires de 1 826 postes.

De son côté, l'industrie aéronautique poursuit sa trajectoire à succès. Le chiffre d'affaires d'EADS a bondi de 15 % en 2012, pour atteindre 56,5 milliards d'euros. Airbus détient un carnet de commandes de 13 200 avions représentant 520 milliards d'euros et l'équivalent de 8 années de production. Comme son concurrent Boeing, le constructeur se trouve dans la situation enviée de ne pas produire assez pour des clients qui veulent être livrés rapidement. EADS connaît d'ailleurs un profond changement de stratégie, en se réorientant largement vers l'aéronautique civile et en se tournant vers les marchés asiatiques. L'objectif de rentabilité de 10 % et le redressement de la branche défense devront appeler des mesures drastiques.

La question du rôle de l'État au capital de ces entreprises se pose avec d'autant plus d'acuité. L'Agence des participations de l'État (APE) vient encore de céder récemment 4,7 % de Safran, après une première cession de 3,12  % en mars dernier. L'État a également abaissé sa participation au capital d'EADS de 15 % à 12 % en avril et vendu 9,5 % du capital d'ADP l'été dernier.

Ces opérations rentables permettent de renflouer les caisses de l'État : les cessions Safran rapportent près de 1,3 Md€, celle d'EADS 1,2 Md€ et ADP 740 M€. Mais nous atteignons aujourd'hui des seuils stratégiques où les conséquences ne sont pas seulement financières. Le poids de l'État au conseil d'administration de ces entreprises est en jeu, et par conséquent, notre capacité à conserver des orientations stratégiques à long terme.

Ce questionnement est d'autant plus sensible que le soutien à la recherche paraît désormais borné au seul horizon du programme d'investissements d'avenir (PIA), c'est-à-dire de court terme. L'absence de vision et de mobilisation sur le long terme devient problématique.

Dans ce contexte, les crédits relatifs au transport aérien paraissent presque épargnés en apparence. Ils sont en réalité en situation de fragilité structurelle. L'année 2014 est marquée par la volonté de relancer les investissements. Il est en effet apparu qu'un retard dans la mise en service d'opérations essentielles engendrerait des surcoûts qui ne feraient qu'aggraver la situation financière du budget annexe. Certaines opérations sont en effet liées à des engagements européens exposant à des sanctions comme le programme « Data Link ». Toutefois, l'emprunt nécessaire creusera un peu plus l'endettement de la DGAC, loin de la stabilisation annoncée dans le triennal 2013-2015. Le budget annexe est confronté à un cercle vicieux : situation dégradée du trafic, faible élasticité des redevances, besoin d'investissements forts, endettement préoccupant. Le salut viendra d'une croissance du trafic, que l'on ne voit pas encore se dessiner, ou, à court terme, d'un moindre écrêtement de la taxe d'aviation civile (TAC).

L'aménagement du territoire subit également le poids de la contrainte financière. La sélectivité croissante des crédits qui y concourent n'est pas pour autant synonyme d'une réflexion approfondie sur l'avenir du maillage aéroportuaire de notre territoire.

Ces considérations ont conduit votre rapporteur pour avis à proposer un avis de sagesse sur ces crédits, une sagesse bienveillante pour le présent mais avec quelques inquiétudes pour l'avenir. À l'issue d'un large débat, la commission a émis un avis favorable à l'adoption du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et des crédits relatifs aux transports aériens de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour 2014.

I. UN CONTEXTE GÉNÉRAL D'INCERTITUDES ÉCONOMIQUES ET JURIDIQUES

A. LA CROISSANCE DU TRAFIC DEMEURE MODESTE EN 2013

1. Le trafic aérien est tendanciellement en hausse

En 2012, le trafic mondial a atteint 5 400 milliards de passagers kilomètres transportés (PKT) , contre 3 038 milliards en 2000, soit une progression de l'ordre de 78 % et un taux de croissance annuel moyen de l'ordre de 4,9 % . Cette croissance profite surtout aux compagnies des pays émergents , notamment au Moyen-Orient (12,4 % par an). En Europe, le dynamisme du trafic est dû en partie à l'essor des compagnies à bas coûts européennes qui ont transporté 202 millions de passagers en 2012, soit une part de marché de 25 %.

Le trafic aérien en France métropolitaine a connu une croissance annuelle moyenne de 2,6 % entre 2000 et 2012 . Cette croissance est uniquement due au trafic international, puisque le trafic intérieur a connu une forte baisse depuis son apogée de 2000 (26,9 millions de passagers) jusqu'au niveau de 2010 (21,7 millions), en raison de la mise en service du TGV Méditerranée en 2001 et du TGV Est en 2007. Le trafic intérieur s'est redressé en 2011 et 2012 grâce au développement des lignes transversales favorisé par l'action des compagnies à bas coûts et la riposte des bases de province d'Air France. Le niveau atteint en 2012 est de 23,8 millions de passagers.

2. La croissance du trafic est actuellement handicapée par un contexte économique défavorable

L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a publié en juillet dernier une prévision de croissance mondiale de 4,8 % en passagers-kilomètres-transportés (PKT) pour 2013 , c'est-à-dire une croissance légèrement ralentie par rapport à celle de 2012 en raison du maintien de prix élevés du pétrole et d'une progression du PIB mondial à +3,1 % contre +3 % en 2012, lié à la crise de la zone euro qui se répercute sur les performances de la Chine ou du Brésil.

La plus forte croissance est attendue dans la région Moyen-Orient, malgré les bouleversements que connaît cette zone : +10 % en 2013. L'Amérique latine-Caraïbes devrait être la deuxième zone en termes de croissance avec +7,6 %. La zone Asie-Pacifique connaîtrait une croissance de 5,5 %. L'Afrique aurait une bonne croissance de 5,2 %. Pour l'Europe, l'OACI prévoit en 2013 une croissance de 4,4 % (PKT). L'Amérique du Nord demeure en dernière position avec +2,3 %.

Pour la France, la croissance du nombre de passagers au premier semestre 2013 est estimée à 2,0 % par la DGAC . Cette croissance est pratiquement égale en transport intérieur (+2 %) et à l'international (+2,1 %). Le trafic international est marqué par des hausses notables avec le Moyen-Orient (+8,3 %) et l'Asie (+4,8 %), mais par une baisse de 1,7 % vers l'Amérique du Nord, et une faible évolution de 1 % avec l'Union européenne.

Les prévisions de l'OACI suggèrent une reprise avec une croissance globale de 5,9 % en 2014 et 6,3 % en 2015 , toujours tirée par le Moyen-Orient, l'Amérique latine et l'Asie. L'OACI est optimiste pour l'Europe où le trafic devrait croître de 4,4 % en 2013, de 5,5 % en 2014 et de 6,2 % en 2015, année où le trafic de l'Europe rejoindrait la tendance mondiale.

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