B. LE PROGRAMME 104, VARIABLE D'AJUSTEMENT DE LA MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION »

1. Une diminution continue des actions du programme 104

Les crédits de paiement du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » diminueront en 2014 de près de 5,9 %, passant de 66,2 millions d'euros (CP) à 62,3 millions d'euros (CP). Votre rapporteuse remarque que les crédits de cette mission ont déjà diminué de 7,5 % entre 2012 et 2013.

Comme pour le projet de loi de finances pour l'année 2013, c'est l'action principale de ce programme, « Actions d'intégration des étrangers en situation régulière », soit 34,95 millions d'euros (AE-CP) qui supporte l'essentiel de cette baisse, puisque les crédits de paiement diminuent de 4 millions d'euros, soit près de 9,4 % . Ces crédits avaient déjà subi une diminution de près de 8 % en 2013 . En deux ans, c'est donc une action qui fait l'objet de près de 17,4 % de baisse. Cette année encore, cette action sert de variable d'ajustement pour maintenir les dépenses liées à l'asile.

Cette action vise pourtant à faciliter l'intégration des étrangers, hors Union européenne, admis au séjour de longue durée. La formation linguistique, l'accès à l'éducation, l'accès à l'emploi, la protection des femmes et des personnes immigrées âgées sont les éléments principaux soutenus par cette action.

De nombreuses associations sont subventionnées à ce titre, par le biais des services déconcentrés : ce sont en effet les directions régionales de la jeunesse, des sports, et de la cohésion sociale (DRJSCS) qui assurent la gestion de ces crédits, sous l'autorité des préfets de région, dans le cadre des programmes régionaux d'intégration des populations immigrées (PRIPI). Ces instruments, élaborés pour trois ans, par les préfets de région et pilotés par les DRJDCS déclinent au plan local des priorités édictées au plan national, comme l'apprentissage du français par exemple.

Un exemple d'action déconcentrée : le dispositif
« Ouvrir l'école aux parents pour réussir l'intégration »

Le 25 juillet 2008 a été signée une circulaire relative à la création d'un dispositif intitulé « Ouvrir l'école aux parents pour réussir l'intégration ».

Ce dispositif résulte d'une initiative conjointe des ministres chargés de l'intégration et de l'éducation nationale. Elle a pour but de proposer aux parents d'élèves étrangers ou immigrés des formations linguistiques dispensées dans les établissements scolaires de leurs enfants.

Ces formations ont trois objectifs . Outre l'acquisition de la langue française (alphabétisation, apprentissage, perfectionnement), ces cours sont l'occasion de présenter les principes, les valeurs et les usages de la société française et de donner aux parents une meilleure connaissance de l'institution scolaire, afin de donner aux parents les moyens d'aider leurs enfants dans leur scolarité.

Le dispositif a rencontré un certain succès, comme l'illustre le tableau ci-dessous :

La rémunération des enseignants est financée par le programme 104.
En 2012-2013, ce montant a atteint 2,4 millions d'euros .

Le dispositif a renforcé l'implication des parents ; certains établissements ont noté une diminution de l'absentéisme scolaire et un meilleur climat général. Dans certains cas, ce dispositif a même été un préalable à une formation professionnelle.

Pourtant ce dispositif devrait subir une diminution de près de 20 % des crédits pour l'année 2013-2014, gelant toute possibilité d'extension de ce dispositif.

Cette action vise enfin à aider les foyers de travailleurs migrants et leurs résidents, soit en réhabilitant le bâti, soit en soutenant les personnes intervenant dans les foyers de travailleurs migrants, soit encore en apportant une aide transitoire au logement (ATL) aux travailleurs qui ne peuvent percevoir l'aide personnalisée au logement.

La Cité nationale de l'histoire de l'immigration est également soutenue par cette action, pour un montant de 2,45 millions d'euros .

2. L'OFII, acteur essentiel de l'intégration
a) Des ressources en diminution

L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est un établissement public administratif de l'État. Il a été créé par une ordonnance du 2 novembre 1945, sous la dénomination d'Office national d'immigration.

Le montant total des ressources de l'OFII s'élève à 178,7 millions d'euros en 2012 .

Ses ressources ont deux origines essentielles 10 ( * ) : une subvention pour charges de service public de l'État et des recettes propres, constituées de taxes affectées , soumises toutefois à un plafonnement. L'abaissement du plafond des ressources fiscales à 150 millions par la loi de finances pour 2013 se poursuit en 2014 puisqu'il est fixé à 140 millions par le projet de loi de finances pour 2014.

Les taxes affectées représentent en 2012 près de 83,15 % des ressources totales, soit 148,5 milliards d'euros . La part des ressources propres de l'OFII dans son financement poursuit son augmentation tendancielle puisque cette part était de 74 % en 2010 et de 82,5 % en 2011.

Cette ressource est constituée des droits acquittés par les étrangers pour disposer d'un titre de séjour ou pour le faire renouveler.

Votre rapporteuse tient à rappeler que si les mineurs de nationalité française bénéficient d'une carte nationale d'identité gratuite, les mineurs étrangers, même nés en France, doivent payer la somme de 45 euros pour bénéficier du titre d'identité républicain, renouvelable tous les cinq ans 11 ( * ) .

Dans son rapport annuel pour l'année 2013, la Cour des comptes a consacré un rapport thématique relatif à la délivrance des visas et des titres de séjour. Elle y relève que « les droits pratiqués en France en 2012 sont relativement élevés, au regard de ceux d'autres pays européens. » 12 ( * )

Dans son rapport budgétaire pour la loi de finances pour 2013, votre rapporteuse avait également constaté l'augmentation significative des taxes associées à la première délivrance d'un titre de séjour.

Des ajustements à la baisse ont été cependant opérés : la taxe acquitté lors de la primo délivrance de la quasi-totalité des titres de séjour 13 ( * ) a été diminuée de 349 euros à 241 euros. Cette baisse a été toutefois compensée par une augmentation de près de 20 % des droits à acquitter lors d'un renouvellement de titre et par l'assujettissement de certains titres au paiement de droits, alors qu'ils en étaient auparavant dispensés. Tel est le cas par exemple de la « carte bleue européenne », un titre de séjour spécifiquement destiné aux personnes hautement qualifiées, ressortissants de pays tiers de l'Union européenne.

Des mesures plus ponctuelles ont été également prises, pour la taxe de régularisation par exemple : votre rapporteuse observe que si le montant est resté inchangé à 340 euros, la somme payable au moment de la demande a été ramenée de 110 euros à 50 euros.

Aux taxes affectées s'ajoute une subvention pour charges de service public , fixée à 11,2 millions d'euros pour 2014 , soit en très légère diminution par rapport à 2012. Cependant, cette subvention était fixée à 18,6 millions d'euros en 2010 : en trois ans, l'OFII a donc vu sa subvention diminuer de près de 40 %.

b) Des dépenses relativement rigides à la baisse

Les dépenses totales de l'OFII s'élèvent en 2012 à 170 millions d'euros . L'essentiel du budget de l'OFII est constitué de dépenses d'intervention . Leur montant n'a pratiquement pas évolué entre l'année 2011 et l'année 2012 ; elles s'élèvent à 98 millions d'euros .

Nature des dépenses « métiers » de l'OFII

Nature de la dépense

Montant consacré
en millions d'euros

Prestations liées au contrat d'accueil et d'insertion et formation linguistique hors CAI

62

Aides au retour et réinsertion

24,2

Premier accueil des demandeurs d'asile

7

Autres dépenses d'intervention (ex : interprétariat)

4,7

Total

97,9

Source : OFII, rapport annuel 2012, p. 52.

La principale dépense de l'OFII est consacrée au contrat d'accueil et d'insertion (CAI), pour 62 millions d'euros . Ce dispositif, régi par l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), a pour objectif de préparer et d'aider les étrangers arrivés régulièrement en France à s'intégrer.

Il est obligatoire depuis le 1 er janvier 2007 pour les étrangers âgés de plus de 16 ans ; il ne concerne pas les ressortissants de l'Union européenne. En 2012, 101 368 personnes ont signé ce contrat. Le niveau de CAI signés est stable pour la période 2007-2012 14 ( * ) .

Les ressortissants des pays du Maghreb sont majoritairement concernés ( 39 % pour les seuls ressortissants algériens, marocains et tunisiens).

Les signataires du contrat suivent diverses formations ; ils bénéficient surtout d'un apprentissage du français. 24 365 personnes se sont vu prescrire cette formation, soit 24 % des signataires du contrat, correspondant à 270 heures d'enseignement en moyenne. La seule formation linguistique a représenté pour 2012 près de 30 millions d'euros .

Sans s'inscrire dans le cadre d'un CAI, les étrangers peuvent bénéficier des formations dispensées à ce titre, soit qu'ils n'aient pas eu l'opportunité de signer un CAI, soit qu'ils souhaitent améliorer leur niveau de français. Pôle emploi, les services sociaux, les préfectures ou les associations peuvent également orienter des étrangers vers ce dispositif. Ce mécanisme a représenté un coût de 14,5 millions d'euros en 2012 (soit une augmentation de près de 3,5 % par rapport à 2011).

Enfin, Luc Derepas, directeur général des étrangers en France, entendu par votre rapporteuse, a indiqué qu'à la suite de la forte réduction des aides au retour accordées depuis le 1 er février 2013 15 ( * ) , le nombre de demandeurs roumains et bulgares - qui représentaient près de 80 % des demandeurs - a été sept ou huit fois moins important cette année, selon des chiffres encore provisoires toutefois. Votre rapporteuse observe aussi que depuis cette réforme, cette aide ne peut désormais n'être accordée qu'une seule fois.

L'OFII dispose de très peu de marge de manoeuvre pour réduire les dépenses, hors dépenses d'intervention :

- Les dépenses de fonctionnement de l'OFII restent particulièrement rigides à la baisse ( 13,65 millions d'euros ), au regard notamment des charges immobilières supportées ;

- Les dépenses de de personnels se sont élevées à près de 47 millions d'euros , soit un montant semblable à celui de l'année 2011. L'OFII a entamé une réduction importante de ses effectifs, puisqu'il est prévu qu'ils soient réduits à 790 ETP en 2014, soit une réduction de 10 ETP par rapport à l'année 2013.

c) Une action à la croisée des chemins

Les ressources de l'OFII poursuivent leur tendance à la baisse. Le plafonnement à 140 millions d'euros des ressources fiscales de l'OFII, conjugué à une subvention pour charges de service public en baisse et des ressources supplémentaires assez volatiles en provenance des fonds européens (dont le montant est cependant pratiquement le même que celui de la subvention pour charge de service public versée par l'État, soit près de 10 millions d'euros) risquent de rendre difficile l'action de l'OFII pour les années à venir.

- Repenser le schéma de financement de l'OFII

En premier lieu, la structure des recettes de l'OFII mérite l'attention : l'OFII ne dispose en effet d'aucune possibilité pour peser sur le niveau des taxes affectées ou sur le nombre de titres délivrés ; en outre, le plafonnement des taxes prélevées ne crée que peu de différences avec un financement direct par l'État.

Ainsi, la décision de plafonner en 2014 les recettes à 140 millions d'euros, alors que l'OFII a perçu en 2013 148 millions d'euros au titre des taxes affectées s'apparente à une réduction de son budget, la subvention pour charges de service public ayant été légèrement diminuée en 2014 par rapport à 2013.

Dans son rapport sur la fiscalité affectée, rendu public le 4 juillet 2013, le Conseil des prélèvements obligatoires a fortement critiqué le financement de structures par la voie de taxes affectées 16 ( * ) . Le rapport particulier n° 4, consacré aux effets des taxes affectées sur les finances publiques souligne que l'absence de lien entre le rendement des taxes affectées et les missions assumées peut conduire, soit à un sur-financement des agences qui en bénéficient, soit au versement par l'État d'une subvention d'équilibre.

Il semble donc pertinent à votre rapporteuse de redéfinir le mode de financement de l'OFII.

En second lieu, votre rapporteuse note que la majeure partie des dépenses sont des dépenses d'intervention , sur lesquelles l'OFII dispose de très peu de visibilité. Il lui est donc difficile de prévoir son action en amont, puisque ces dépenses dépendront du nombre de personnes accueillies.

Au regard du niveau de ressources attribuées, de la réduction du personnel, il apparaît donc inévitable que l'OFII se recentre sur quelques missions spécifiques.

- La nécessaire redéfinition de l'action de l'OFII

Cette redéfinition de son action est d'autant plus d'actualité que le Gouvernement a décidé de rénover la politique d'intégration en valorisant la phase d'accueil des étrangers. Cette refondation devrait intervenir en 2014, en s'appuyant sur les conclusions d'un rapport conjoint établi par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et par l'Inspection générale de l'administration (IGA) relatif à l'évaluation des dispositifs d'accueil dont les conclusions ont été remises en octobre 2013.

Deux aspects essentiels de l'action de l'OFII pourraient faire l'objet d'une rénovation : le contrat d'accueil et d'insertion (CAI) et les projets d'aide à l'insertion dans les pays d'accueil .

La redéfinition du contrat d'accueil et d'intégration (CAI) semble être la principale piste pour réformer l'action de l'OFII. Sans remettre en cause le principe de ce contrat, votre rapporteuse estime que ce dispositif est d'une efficacité variable : en effet, la masse d'information délivrée en très peu de temps, à destination de publics ne maîtrisant pas, ou mal, la langue française ne semble pas très pertinente.

Dans le cadre de la création d'un titre pluriannuel de séjour , le contrat d'accueil et d'intégration pourrait donc se dérouler pendant toute la durée de validité du titre, permettant une évaluation plus fine du degré d'intégration de l'étranger, lorsque se posera la question d'une délivrance d'un titre de longue durée de dix ans.

En second lieu, la nécessité de mieux définir les projets d'aide à l'insertion dans les pays d'accueil est une nécessité : lors de son audition par votre rapporteuse, M. Yannick Imbert, directeur général de l'OFII a fait part d'un certain nombre d'interrogations relatives aux projets conduits ces dernières années. Si beaucoup de projets répondent à de véritables besoins et apparaissent particulièrement construits, générant par exemple des emplois locaux et ayant des retombées très positives sur un quartier, d'autres sont moins adaptés aux besoins du pays et ont parfois davantage le caractère de secours ponctuels.

Votre rapporteuse rappelle que dans ce cadre, l'OFII ne joue qu'un rôle de catalyseur, par le biais de subventions pouvant atteindre 7000 euros.

L'appui du réseau des ambassades et des consulats serait essentiel pour disposer d'une vision plus fine des besoins des pays ou des villes concernés. Cette analyse a été partagée par M. Luc Derepas, directeur général des étrangers en France et par M. Yannick Imbert, directeur général de l'OFII lors de leurs auditions par votre rapporteuse. Pour M. Luc Derepas, l'efficacité de ces projets est en outre souvent obérée par le faible soutien des autorités étatiques locales et la difficulté à trouver des relais locaux, notamment associatifs.

L'actuel contrat d'objectifs et de performances (COP), signé entre l'État et l'OFII s'est achevé au milieu de l'année 2013 ; une réflexion a été initiée pour définir les nouvelles fonctions de l'OFII, dans le cadre du nouveau COP devant être signé début 2014.

La définition de ce nouveau contrat d'objectifs et de performances pourrait donc être l'occasion de mieux redéfinir ces instruments d'intégration, en prenant en compte un cadre budgétaire très contraint.


* 10 L'OFII peut aussi bénéficier de subventions des fonds européens, mais ces ressources sont assez volatiles.

* 11 Votre rapporteuse s'interroge sur la compatibilité de cette pratique avec le droit communautaire : la Cour de Justice de l'Union européenne a ainsi condamné en manquement le Royaume-Uni et les Pays-Bas qui avaient imposé des droits trop élevés à certains étrangers originaires de pays tiers ayant le statut de résident dans un autre État-membre (CJUE, 26 avril 2012).

* 12 Cour des comptes, rapport public annuel 2013, Tome I, vol. 2, p. 41.

* 13 Circulaire du 31 décembre 2012 prise en application du décret du 29 décembre 2012 concernant les taxes sur les titres de séjour et les taxes acquittées par les employeurs pris en application de l'article 42 de la loi 2012-1509 du 29 décembre 2012 portant loi de finances pour 2013.

* 14 101 217 en 2007, 103 952 en 2008, 97 736 en 2009, 101 355 en 2010, 102 254 en 2011.

* 15 L'aide a été diminuée de 300 euros à 50 euros par adulte et de 100 euros à 30 euros par enfant.

* 16 http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/La-fiscalite-affectee-constats-enjeux-et-reformes .

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