B. LA « LOI BESSON » A ÉTÉ MODIFIÉE À DE NOMBREUSES REPRISES DEPUIS 2000

De nombreuses dispositions législatives sont intervenues depuis l'an 2000 pour modifier la « loi Besson » ou les conditions de sa mise en oeuvre . Les principales modifications visent trois objectifs : reporter les délais de mise en oeuvre de l'obligation de réaliser les aires d'accueil ; faciliter la mise en oeuvre de ces obligations ; renforcer les outils de lutte contre les occupations illicites.

? Pour ce qui concerne les délais de mise en oeuvre prévus par la loi du 5 juillet 2000 , le législateur est intervenu à deux reprises.

L'article 201 de la loi du 13 août 2004 relative aux responsabilités et libertés locales 18 ( * ) a prévu la prorogation de deux ans du délai initial de réalisation des aires, ceci sous certaines conditions . La commune ou l'EPCI concerné doit avoir manifesté, dans le délai initial de deux ans, sa volonté de se conformer à ses obligations :

- par la transmission au préfet d'une délibération ou d'une lettre d'intention comportant la localisation de l'opération de réalisation ou de réhabilitation d'une aire d'accueil ;

- par l'acquisition des terrains ou le lancement d'une procédure d'acquisition des terrains sur lesquels les aménagements sont prévus ;

- ou par la réalisation d'une étude préalable.

L'article 138 de la loi de finances initiale pour 2008 19 ( * ) a accordé un délai supplémentaire jusqu'au 31 décembre 2008 pour les communes ou les EPCI qui ont manifesté la volonté de se conformer à leurs obligations . La subvention pour l'aménagement de l'aire d'accueil est cependant octroyée au taux de 50 % (au lieu de 70 %).

? Pour ce qui concerne le soutien à la réalisation des obligations prévues par la « loi Besson » , plusieurs mesures ont été prises par le législateur.

La loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement 20 ( * ) (ENL) a ainsi prévu :

- l'application d'une décote sur la valeur vénale en cas de cession de terrains appartenant au domaine privé de l'État quand ces terrains sont destinés à la réalisation d'aires permanentes d'accueil (article 1 er ) ;

- l'admission en déduction du prélèvement supporté par les communes soumises à l'article 55 de la « loi SRU » des dépenses en faveur de la création d'aires permanentes d'accueil , au même titre que les dépenses en faveur du logement social (article 65) ;

- la possibilité pour l'État de financer à 100 % les aires de grand passage dans la limite d'un plafond fixé par décret (article 89).

Votre rapporteur pour avis note que, dans la même logique, la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social 21 ( * ) fait figurer les aires permanentes d'accueil des gens du voyage parmi les catégories de logement pour lesquels une décote de 100 % peut être appliquée à l'occasion de la cession des terrains de l'État dans le cadre de programmes de construction de logements.

? Enfin, deux modifications législatives importantes sont intervenues pour renforcer les moyens de lutte contre les occupations illicites .

L'article 53 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure 22 ( * ) a créé une nouvelle infraction pénale , codifiée à l'article 322-4-1 du code pénal, réprimant l'installation en réunion, en vue d'y établir une habitation même temporaire , sur :

- un terrain appartenant à une commune qui s'est conformée aux obligations qui lui incombent en vertu de la « loi Besson » ou qui n'est pas inscrite à un schéma départemental ;

- un terrain appartenant à tout autre propriétaire.

Cette infraction est punie de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Quand l'installation s'est faite au moyen de véhicules automobiles, il peut être procédé à leur saisie, à l'exception des véhicules destinés à l'habitation, en vue de leur confiscation par la juridiction pénale.

Surtout, l'article 27 de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance 23 ( * ) a modifié sensiblement l'article 9 de la « loi Besson » en substituant à la procédure civile d'expulsion une procédure d'évacuation forcée relevant de la police administrative .

Le dispositif issu de la « loi Besson » était en effet difficilement applicable , comme votre rapporteur pour avis a pu le constater en tant que maire. Comme l'indiquait M. Christian Estrosi, alors ministre délégué à l'aménagement du territoire, le 19 septembre 2006 lors de la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance devant le Sénat : « la procédure d'évacuation est très lourde : pour obtenir l'évacuation forcée de caravanes occupant indûment un terrain, le maire doit saisir le président du tribunal de grande instance, ce qui est à la fois coûteux et complexe pour les petites communes. Il faut payer un huissier, il faut payer un avocat, et ce pour des résultats souvent très décevants. L'intervention du tribunal de grande instance n'est enserrée dans aucun délai. Si les gens du voyage s'installent le week-end, il ne statuera, même en référé, que plusieurs jours plus tard. Bien sûr, il faut attendre sa décision pour que le concours de la force publique soit accordé. Mais pendant ce temps, les nuisances continuent et, sur le terrain, les élus locaux et la population sont exaspérés. » 24 ( * )

Dans ces conditions, l'article 9 issu de l'article 27 précité introduit à l'initiative de notre collègue Hérisson prévoit désormais que , dans les communes remplissant les obligations qui leur incombent en application de la « loi Besson » :

- le maire peut interdire, par arrêté, le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles des gens du voyage en dehors des aires d'accueil aménagées ;

- en cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux ;

- cette mise en demeure ne peut cependant intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ;

- elle est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures . Si elle n'est pas suivie d'effets, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles ;

- un recours peut être effectué contre la mise en demeure du préfet devant le tribunal administratif, ce qui suspend la décision. Le président du tribunal ou son délégué statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.

Votre rapporteur pour avis estime que, si la « loi Besson » a été modifiée à de nombreuses reprises depuis l'an 2000, l'équilibre général de la loi n'a pas été remis en cause : le législateur a surtout cherché à rendre réaliste le calendrier de réalisation des obligations pesant sur les communes, à prendre des mesures facilitant la réalisation d'aires et à rendre efficients les outils de lutte contre les occupations illicites.


* 18 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux responsabilités et libertés locales.

* 19 Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

* 20 Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement.

* 21 Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

* 22 Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

* 23 Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

* 24 Cité in : « Gens du voyage : le respect des droits et des devoirs comme condition du respect mutuel », Rapport d'information n° 3212 (XIII ème législature) déposé par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur le bilan et l'adaptation de la législation relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage, M. Didier Quentin, p. 29.

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