B. LES 10 MILLIARDS DU CRÉDIT D'IMPÔT POUR LA COMPÉTITIVITÉ ET L'EMPLOI (CICE) : UNE « BOUFFÉE D'OXYGÈNE » POUR LES PME

D'emblée, il faut souligner que le principal message délivré par les représentants des PME est que la première priorité est de stabiliser le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) . Son démarrage a été difficile . De nombreux parlementaires ont recueilli des témoignages de dirigeants de PME pour qui la crédibilité du CICE n'était pas suffisante pour qu'ils l'intègrent dès l'origine dans leurs déclarations et leurs comptes. Budgétairement, alors que l'on s'attendait à ce que le coût du CICE avoisine 12 milliards d'euros en 2014, son montant s'est élevé à un peu plus de 8,5 milliards d'euros. À présent que la mécanique est enclenchée votre rapporteure pour avis souligne que le mieux est de ne pas gripper celle-ci immédiatement en changeant la règle du jeu ou en introduisant un dispositif complexe et irréaliste de conditionnalité.

L'enjeu est avant tout de sauvegarder les emplois existants, d'en créer un certain nombre et de reconstituer les marges des entreprises pour leur redonner une capacité de survie et d'investissement. Il convient également de ne pas surévaluer l'importance du CICE : comme l'a bien résumé Louis Gallois, il s'agit d'une « bouffée d'oxygène », en particulier pour les PME. De plus, les représentants des entreprises, entendus par votre rapporteure, ont estimé que les effets positifs du CICE pourraient être intégralement annihilés par la complexité du compte de pénibilité, tout en rappelant qu'il ne s'applique pas aux travailleurs détachés.

Pour l'avenir, il apparait néanmoins utile de tracer des perspectives en analysant le lien entre le CICE et la principale préoccupation de la commission des affaires économiques qui est la réindustrialisation et la montée en gamme de nos produits.

Par sa nature juridique, le CICE est un crédit d'impôt, mais la Commission européenne estime à juste titre que cet outil fiscal s'apparente aux autres mécanismes d'allègement du coût du travail. Or historiquement, dans les années 1990, les premiers allègements de charges sociales ont été conçus de manière offensive , pour favoriser la baisse des prix des produits français à l'exportation. Par la suite, les augmentations de salaire minimum, conformes à l'impératif de justice sociale, ont cependant contrarié cette logique d'abaissement des coûts. Dès lors, les allègements de cotisations postérieurs à 1998 ont pu être qualifiés de « défensifs » puisque leur but était de compenser les hausses de SMIC, les 35 heures et, en même temps, d'« enrichir la croissance en emplois ».

Concentrés sur les bas salaires, les allègements de charges sociales ont ainsi contribué à amplifier deux tendances structurelles . D'une part, ils créent un phénomène dit de « trappe à bas salaire » : le résultat est que la France se singularise dans l'OCDE par une proportion très élevée de salariés rémunérés au voisinage du SMIC. D'autre part, les allègements de charge ou le CICE incitent à l'embauche de personnes dont la rémunération est inférieure à celle des salariés à hautes compétences pourtant nécessaires à la montée en gamme de la production . Ces allègements ont donc accompagné la tertiarisation de notre économie et la montée du nombre de salariés au Smic dans la société française. En contrepartie, il faut reconnaitre que la concentration des réductions de charges sur les bas salaires a un effet plus puissant sur le nombre d'emplois sauvegardés ou créés et elle permet de limiter le chômage des non qualifiés .

L'urgence dicte donc de ne pas complexifier le CICE, mais, à brève ou moyenne échéance, pour accompagner la montée en gamme de l'industrie et favoriser les entreprises exportatrices, votre rapporteure pour avis estime qu'il faudrait :

- soit différencier les aides par filières, pour favoriser le secteur exposé, ce qu'interdit a priori le droit européen, mais qui est pratiqué, par exemple aux États-Unis ;

- soit relever le seuil du CICE, par exemple à 3,6 Smic comme l'avait proposé Louis Gallois, mais alors le dispositif aurait un coût budgétaire bien plus élevé.

Rappel : la place prépondérante du CICE dans l'ensemble des dépenses fiscales.

Le CICE, avec 10 milliards d'euros prévus en 2015, est, de très loin, la plus importante des 79 dépenses fiscales rattachée à la mission Économie et qui représentent un cout total de 16,9 milliards d'euros.

S'agissant de la notion de dépense fiscale, il convient de rappeler que les régimes fiscaux dérogatoires représentent des charges pour le budget de l'État, au même titre que les dépenses budgétaires.

Pour 2015, 453 dépenses fiscales sont recensées dont 420 dépenses ayant un impact budgétaire en 2015. Le coût total des dépenses fiscales est estimé à 81,9 milliards d'euros en 2015 et à 71 934 millions d'euros hors crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi. Quatorze dépenses représentent à elles seules plus de 50 % du coût total de celles-ci.

(Source : fascicule Évaluation des voies et moyens - Tome II - Dépenses fiscales annexé au projet de loi de finances pour 2015)

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