C. MIEUX FAIRE FACE AUX NOUVELLES ADDICTIONS

De nos jours, le champ des addictions est plus large que celui de la toxicomanie . Jeu pathologique, usage excessif d'Internet ou encore achats compulsifs, ces addictions comportementales appellent une adaptation de la politique de prévention, de soins et de réduction des risques.

Selon des données issues du Baromètre santé 2010 de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes), 47 % des
18-75 ans jouent de l'argent au moins une fois par an. 10,9 % jouent régulièrement (au moins 52 fois) et 4,7 % y consacrent plus de 500 euros . A cette date, le nombre de personnes concernées par le jeu problématique était évalué à 600 000 , la prévalence du jeu excessif étant estimée à 0,4 % de la population (200 000 personnes) et celle du jeu à risque modéré à 0,9 % de la population (400 000 personnes). Ces joueurs excessifs sont à 75 % des hommes et constituent une population particulièrement précaire : 58 % ont un revenu inférieur à 1 100 euros par mois et plus d'un tiers d'entre eux ne possèdent aucun diplôme.

Les addictions aux jeux de hasard et d'argent ont des conséquences financières aussi bien que sociales et relationnelles lourdes, pour les joueurs comme pour leurs proches : elles conduisent au surendettement et fragilisent les couples, menant à leur rupture et à l'isolement social. Les comorbidités psychiatriques sont nombreuses, en particulier les troubles bipolaires , présents chez près de 50 % des sujets dans les études réalisées, ou la dépression. De même, l'addiction à des substances psychoactives est fréquente chez les joueurs. A titre d'exemple, les deux tiers d'entre eux sont des fumeurs quotidiens, contre un tiers de la population générale ; 50,5 % des joueurs excessifs ont une consommation d'alcool à risque et 26,3 % y présentent un risque de dépendance 13 ( * ) , contre respectivement 15,5 % et 3,2 % de l'ensemble de la population.

Il est utile de rappeler que ces données sont antérieures à la loi du 12 mai 2010 14 ( * ) , qui a autorisé le jeu d'argent en ligne . Faciles d'accès et permettant de jouer anonymement, les sites de paris ou de poker agréés par l'Etat ont sans nul doute contribué à l'aggravation de la situation , même si l'article 26 de cette loi prévoit qu'ils doivent prévenir « les comportements de jeu excessif ou pathologique par la mise en place de mécanismes d'auto-exclusion et de modération et de dispositifs d'autolimitation des dépôts et des mises ». Il appartient à l'observatoire des jeux, mis en place par cette même loi, d'en quantifier l'impact.

D'autres formes d'addictions sans produit sont apparues plus récemment. Il en va ainsi de l'usage excessif des jeux vidéo et d'Internet , qui concernent particulièrement les adolescents. Si aucun lien n'a encore été démontré entre les jeux violents et la délinquance, ils ont bien pour effet à court terme d'augmenter l'agressivité des joueurs. Quant aux achats compulsifs , caractérisés par une envie irrépressible et répétée de faire des achats, ils concernent essentiellement des femmes et sont associés à des comorbidités psychiatriques, comme la dépression, et à des addictions complémentaires, notamment à l'alcool, qui sont aujourd'hui clairement identifiées.

Face à ces addictions comportementales, les traitements pharmacologiques sont inefficaces . Les demandes de soins interviennent tardivement et sont le plus souvent le fait de tiers. Pour y répondre, les thérapies comportementales et cognitives (TCC) privilégiées aujourd'hui visent, une fois les comorbidités traitées, à engager un travail avec le patient sur ses croyances et représentations erronées afin de lui permettre d'identifier et de résister aux sollicitations déclenchant son addiction. Un accompagnement social reste par ailleurs indispensable.

Dans ce contexte, il est nécessaire de renforcer la capacité des Csapa à repérer et à orienter les personnes souffrant d'une addiction sans substance, en particulier lorsqu'elles sont en situation de polyaddiction. La recherche scientifique sur ces questions doit être davantage développée tandis que le rôle de l'entourage doit être mis en valeur, aussi bien pour permettre une intervention précoce que pour faciliter le suivi de la personne concernée.


* 13 Selon les critères du test Audit-C (Alcohol use disorders identification test) mis au point sous l'égide de l'OMS pour détecter les consommations d'alcool à risque et dangereuses.

* 14 Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

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