III. LA MISSION DOIT FAIRE FACE À DES PROBLÉMATIQUES QUI DÉPASSENT L'HÉBERGEMENT DES SANS-ABRI

A. LA MISSION FINANCE DIFFÉRENTES MESURES À DESTINATION DES GENS DU VOYAGE

1. Le financement de l'hébergement des gens du voyage

L'action 01 Construction locative et amélioration du parc du programme 135 comporte un volet consacré à l'accueil des gens du voyage. L'action de l'Etat passe par des subventions versées aux collectivités locales (communes ou EPCI) pour la réalisation ou la réhabilitation d'aires d'accueil dans le cadre des schémas départementaux d'accueil des gens du voyage. En 2015, ce dispositif représente 5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 11,4 millions d'euros en crédits de paiement.

Par ailleurs, l'Etat cofinance (à parts égales) avec la Cnaf le fonctionnement de ces aires, et assure des prestations d'action sociale spécifiquement destinées aux gens du voyage. Les crédits correspondants s'élèvent à 19,2 millions d'euros en 2015 et sont retracés dans l'action n° 11 du programme 177. On comptait en 2013 plus de 1 300 aires conventionnées, soit près de 24 000 places.

Une rationalisation des politiques menées en faveur des gens du voyage pourrait passer par un regroupement des crédits actuellement dispersés entre les programmes 177 et 135.

2. La réforme attendue en 2015

L'aide financière (aide au logement temporaire ALT 2) versée aux collectivités ou personnes morales gestionnaires par les caisses d'allocations familiales est actuellement calculée sur une base forfaitaire, que les places soient occupées ou non. L'article R. 851-5 du code de la sécurité sociale fixe le montant de l'aide à 132,45 euros par mois et par emplacement, ce qui représente pour l'Etat une dépense de 67,55 euros par place en prenant en compte les frais de gestion.

La loi de finances pour 2014 a prévu la prise en compte de l'occupation effective des aires d'accueil dans le calcul de l'aide ALT 2, faisant ainsi suite aux recommandations émises par la Cour des comptes 5 ( * ) . L'aide forfaitaire sera donc transformée en une aide modulable composée d'une part fixe de 88,3 euros par place et d'une part variable plafonnée à 44,15 euros servie de manière proportionnelle au taux d'occupation effective.

L'enveloppe prévue pour 2015 s'élève à 16,4 millions d'euros (contre 21,6 millions d'euros en 2014), sur le fondement d'un taux d'occupation moyen de 55 %.

Un décret en Conseil d'Etat, qui doit paraître au plus tard le 1 er .janvier 2015 doit mettre en oeuvre cette réforme.

B. L'ACCUEIL DES DEMANDEURS D'ASILE DÉBOUTÉS REPRÉSENTE UNE CHARGE IMPORTANTE POUR LE PROGRAMME 177

1. L'afflux de demandeurs d'asile pèse sur les dispositifs d'hébergement
a) Les demandeurs d'asile bénéficient de dispositifs d'hébergement spécifiques, qui sont toutefois insuffisants

Le droit d'asile correspond à une valeur importante pour notre pays. À ce titre, et conformément la directive européenne du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres, la France a mis en place un dispositif permettant d'accueillir les demandeurs d'asile pendant la durée de la procédure.

L'accueil des demandeurs d'asile repose d'une part sur les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et d'autre part, à titre subsidiaire, sur un dispositif d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA). Le financement de ces structures d'hébergement représente en 2015 environ 354 millions d'euros 6 ( * ) .

Le nombre de places offertes par ces dispositifs (près de 25 000 places en CADA et un peu plus de 4 000 places d'hébergement d'urgence) est inférieur au nombre de demandes d'asile enregistrées, qui connaît une progression particulièrement rapide depuis 2007 et a dépassé 65 000 en 2013.

b) Le nombre des demandeurs d'asile, et donc de déboutés, augmente fortement ces dernières années

Au cours des dernières années, diverses circonstances ont conduit à une augmentation spectaculaire du nombre de demandes d'asile enregistrées par l'Office français de protection des réfugiés (OFPRA). Le nombre de décisions favorables ayant augmenté moins rapidement que celui des demandes, le nombre de personnes déboutées a plus que doublé depuis 2007.

Figure n° 9 : Demandes d'asile 2007-2013

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Total demandes d'asile (A)

35 520

42 599

47 686

52 762

57 337

61 468

65 894

Décisions OFPRA

29 536

32017

35 490

37 789

42 377

46 267

46 950

Décisions favorables (B)

8 815

11 484

10 401

10 377

10 755

10 028

11 415

Déboutés (A-B)

26 705

31 115

37 285

42 385

46 582

51 440

54 479

A : Premières demandes, y compris les mineurs accompagnant, et réexamens

B : Décisions de l'OFPRA et décisions de la CNDA

Source : Ministère de l'Intérieur, Direction générale des étrangers en France

c) Ce phénomène entraîne une pression accrue sur les dispositifs « généralistes » d'hébergement

La complexité des procédures de reconduite à la frontière conduit souvent au maintien sur le territoire de personnes déboutées du droit d'asile, dont le nombre a plus que doublé entre 2007 et 2013 (+104 %). En effet, compte tenu de la durée des procédures (18 à 24 mois en moyenne), des situations empêchant la reconduite à la frontière ont tendance à se développer (enfants scolarisés, membre de la famille reconnu malade etc.).

L'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit l'inconditionnalité de l'hébergement d'urgence 7 ( * ) . En conséquence, les personnes déboutées du droit d'asile qui se retrouvent sans abri sont accueillies dans les structures d'hébergement « généralistes ».

Bien qu'il soit difficile de connaître avec précision la part des personnes hébergées dans des centres « généralistes » qui relèvent de ces situations, il est possible de l'estimer à environ 20 % à l'échelle nationale, et jusqu'à 60 % en Ile-de-France.

Les personnes concernées n'ont que peu de chance de voir leur situation administrative être régularisée et ont donc peu de perspectives d'accès au travail ou au logement social. Leur prise en charge, qui passe souvent par un logement de long terme en hôtels, mobilise donc des crédits d'hébergement sans passage possible à une logique de réinsertion.

2. La réforme du droit d'asile prévue en 2015 pourrait augmenter à court terme la pression sur les centres d'hébergement généralistes

Une réforme du droit d'asile a été annoncée par le Gouvernement pour 2015. Cette réforme doit notamment permettre d'abaisser à six mois le délai de traitement des demandes. Cette réduction de la période d'attente pourrait augmenter le nombre de reconduites à la frontière en limitant l'apparition de situations complexes. A court terme cependant, la pression sur les dispositifs d'hébergement pourrait être accrue en raison de l'augmentation du nombre de déboutés.

Par ailleurs, le projet de loi réformant le droit d'asile prévoit le versement d'une allocation au demandeur d'asile subordonné à l'acceptation de la solution d'hébergement qui lui est proposée, y compris le cas échéant dans un autre département. Cette mise sous condition pourrait conduire, dans un nombre de cas qu'il n'est pas possible d'estimer, à un renoncement à l'allocation et donc à une prise en charge, au titre de l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles, des demandeurs d'asile dans des structures généralistes.


* 5 Cour des comptes, rapport public, L'accueil et l'accompagnement des gens du voyage , octobre 2012.

* 6 Le financement de l'hébergement des demandeurs d'asile est porté par le programme 303 Immigration et asile de la mission Immigration, asile et intégration.

* 7 Article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles :

« Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence.

Cet hébergement d'urgence doit lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d'hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d'être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l'aide justifiée par son état, notamment un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier. »

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