EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Trois articles du projet de loi de finances pour 2015 sont rattachés à la mission Egalité des territoires et logement .

La commission des finances a adopté un amendement déposé par son rapporteur spécial visant à supprimer l'article 52, qui tend à transformer le dispositif d'APL accession en un dispositif de sécurisation des locataires en cas de perte de revenu d'u moins 30 %. Cette mesure conduirait à désolvabiliser un nombre important de ménages et fragiliserait le secteur de la construction.

La commission des finances a également voté la suppression de l'article 53, visant à maintenir le prélèvement sur le participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) affecté au Fnal à son niveau de 2014 (300 millions d'euros) alors que la loi de finances pour 2014 prévoyait de ramener ce prélèvement à 150 millions d'euros en 2015. Cet article remet en cause un engagement pris par l'Etat à l'égard de l'UESL-Action logement et détourne une somme importante du financement de la rénovation urbaine.

Enfin, l'article 54 prévoit d'élever les ressources du fond de péréquation du logement locatif social en augmentant la fraction de la contribution à la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) qui lui est affectée. Cet article n'a pas fait l'objet d'amendement de la part de la commission des finances

Votre rapporteur pour avis approuve les positions prises par la commission des finances.

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Suivant l'avis de son rapporteur, la commission a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Egalité des territoires et logement » et des articles 52, 53 et 54 rattachés du projet de loi de finances pour 2015.

EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mercredi 26 novembre 2014 , sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l' examen du rapport pour avis de M. Jean-Marie Morisset, sur les crédits de la mission « Egalité des territoires et logement » et les articles 52, 53 et 54 rattachés du projet de loi de finances pour 2015.

M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis . - Les crédits de la mission Egalité des territoires et logement sont essentiellement destinés à financer les aides au logement d'une part, et l'hébergement des personnes sans-abri d'autre part. Il s'agit donc largement de dépenses contraintes.

A périmètre constant, les crédits alloués à la mission sont stables, l'augmentation des dépenses de guichet (aides au logement) et des dépenses d'urgence compensant les efforts d'économie portant sur les autres actions.

J'ai voulu, à l'occasion de cet avis budgétaire, m'intéresser tout particulièrement aux crédits du programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables », qui intéresse plus spécifiquement notre commission des affaires sociales et représente, après les aides au logement, le principal poste de la mission.

Ce programme regroupe notamment les crédits destinés à la veille sociale, à l'hébergement d'urgence et à l'accompagnement des personnes défavorisées en vue de leur réinsertion.

En 2015, l'effort dans ces domaines est maintenu, les crédits alloués progressant de près de 60 millions d'euros pour atteindre près de 1,375 milliard d'euros. Si cet effort doit être souligné, on peut s'attendre à ce qu'il soit largement insuffisant.

En effet, les crédits du programme sont régulièrement sous-évalués en lois de finances initiales, et des décrets d'avance sont chaque année nécessaires afin de répondre aux besoins effectivement constatés en cours d'exercice. Cela a été le cas en octobre 2014, à hauteur de 56 millions d'euros, et un nouvel ajustement a été annoncé dans le cadre de la loi de finances rectificative.

Ainsi, les crédits proposés pour 2015 sont certes supérieurs à ceux ouverts par la loi de finances pour 2014, mais demeurent inférieurs aux crédits réellement exécutés en 2015, alors que la conjoncture économique ne permet pas d'espérer une diminution des besoins.

Il s'agit là d'un manque de sincérité qui nuit à la visibilité dont ont besoin les acteurs de l'hébergement et de la réinsertion, qui relèvent essentiellement du monde associatif et gèrent au quotidien des structures d'hébergement dans un contexte financier précaire.

Cette gestion en tension traduit une approche essentiellement humanitaire de l'hébergement d'urgence. Force est de constater en effet que si les crédits destinés à l'hébergement d'urgence progressent fortement - et c'est nécessaire pour faire face à des besoins qui sont en hausse - ceux destinés à financer les centres d'hébergement et de réinsertion ou les modes de logement adaptés ne progressent pas : on met à l'abri sans proposer une vraie aide de nature à permettre la réinsertion.

Cette logique s'observe notamment au travers de la progression constante du recours à l'hôtel, alors même que l'ensemble des acteurs s'accorde à dire que cette solution ne peut être que résiduelle et ne peut constituer un mode régulier et prolongé d'hébergement. Alors que les places en centres d'hébergement et de réinsertion (CHRS) n'ont pas augmenté entre 2010 et 2013, le nombre de nuitées d'hôtel financées a doublé. Contrairement à ce qui est parfois dit, l'hôtel n'est pas plus coûteux pour les finances publiques que l'hébergement dans des centres dédiés. Toutefois, ce mode d'hébergement offre des conditions de vie largement insatisfaisantes, notamment pour des familles, et ne permet pas la réinsertion des personnes concernées.

Par ailleurs, les associations dénoncent régulièrement ce qu'elles appellent une gestion « au thermomètre » de l'hébergement, et qui consiste à ouvrir des places temporaires durant la période hivernale pour les fermer au printemps sans offrir de solution pérenne aux personnes accueillies. Le Gouvernement a annoncé, et cela doit être salué, sa volonté de mettre fin à cette gestion saisonnière, notamment dans le cadre du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Force est pourtant de constater que les moyens disponibles ne permettent pas de remplir cet objectif et que la gestion est encore largement saisonnière.

La sous-évaluation manifeste, mais également l'accent mis sur la réponse à l'urgence au détriment de l'accompagnement et de la réinsertion des personnes défavorisées, me conduisent à donc à vous proposer de rejeter le budget proposé par le Gouvernement.

Je voudrais évoquer également, chers collègues, deux problématiques qui pèsent sur le programme 177 alors qu'elles répondent à des déterminants qui leurs sont propres.

Les personnes déboutées du droit d'asile, dont le nombre augmente de manière spectaculaire depuis plusieurs années, sont accueillies dans des centres d'hébergement généralistes et, souvent, dans des hôtels. Leur situation administrative ayant peu de chances d'être régularisée une fois les différentes voies de recours épuisées, ces personnes n'ont guère de perspective d'insertion dans l'emploi ou dans le logement et leur prise en charge dans les dispositifs d'hébergement a vocation à se prolonger de manière indéfinie.

La réforme de l'accueil des demandeurs d'asile prévue en 2015 pourrait améliorer la situation à moyen terme, mais accroître la pression sur les dispositifs d'hébergement à court terme.

De même, le programme 177 participe au financement des aires d'accueil pour les gens du voyage. Une réforme visant à moduler les aides versées aux collectivités en fonction de l'occupation réelle de ces aires devraient également entrer en vigueur en 2015. Elle pourrait, à terme, entraîner la diminution de la participation de l'Etat et, par voie de conséquence, augmenter celle des collectivités.

M. Jean-Louis Tourenne . - Le rapport qui nous est présenté n'analyse qu'une partie de la mission Égalité des territoires et logement et je m'étonne qu'on puisse proposer de rejeter l'ensemble des crédits sur cette base. Le projet de loi de finances contient en effet des mesures importantes en faveur du logement, que ce soit en ce qui concerne les aides à l'accès au logement, le soutien à la production de logements neufs ou les aides à la rénovation, y compris en milieu rural. Les mesures concernant notamment le prêt à taux zéro ou le prêt locatif aidé d'intégration doivent être saluées et marquent une réelle volonté du Gouvernement de répondre à la problématique de l'accès au logement et de soutenir le logement social. En prenant en compte les aides fiscales, l'effort en faveur du logement s'élève à près de 12 milliards d'euros. En ce qui concerne l'hébergement, la fin de la gestion saisonnière me paraît une annonce importante, et la stabilisation des crédits alloués au logement adapté fait suite à une augmentation de 30 % l'année dernière.

Mme Nicole Bricq . - Les chiffres que vous avez cités concernant l'augmentation de la pression exercée par les demandeurs d'asile sur les structures d'hébergement sont préoccupants, d'autant plus que la pression migratoire devrait continuer à s'intensifier en raison de circonstances politiques et climatiques que nous connaissons. Des réformes ont été annoncées, et il faudra être attentif aux travaux qui vont être menés.

M. Michel Forissier . - A l'inverse de ce qui a été dit jusqu'à présent, je remercie le rapporteur pour son travail qui me paraît décrire assez justement les réalités que nous pouvons observer dans nos territoires. Je rejoins le rapporteur sur le constat de l'insincérité chronique du budget consacré à l'hébergement. Cette insincérité rend difficile la situation des associations qui réalisent un travail considérable sur le terrain et parmi lesquelles on voit poindre une forme de découragement. Concernant l'hébergement en hôtel, il s'agit peut-être d'une solution moins coûteuse à court terme mais son prolongement fait peser une charge improductive pour les finances publiques.

Mme Hermeline Malherbe . - Je m'associe à ce qui a été dit au sujet des efforts en faveur du logement social. Il est par ailleurs important de noter le travail de nos collectivités en lien avec les bailleurs sociaux. Je suis donc surprise que le rapporteur puisse critiquer un budget qui est stable voire en légère augmentation.

M. Michel Vergoz . - Je partage avec vous le constat selon lequel les personnes déboutées du droit d'asile n'ont guère de perspective d'intégration dans le logement et dans l'emploi. Cela rejoint d'ailleurs la question qui a déjà été évoquée par cette commission de l'aide médicale d'Etat. Sur ce point comme sur d'autres, le rapport qui nous est présenté se borne à constater une situation dégradée, mais ne formule pas de proposition pour améliorer cette situation.

Par ailleurs, vous avez évoqué la question des gens du voyage. Avez-vous des éléments sur des territoires qui, en métropole, seraient réticents à la prise en compte de l'occupation réelle dans le calcul des aides au fonctionnement des aires d'accueil comme on l'entend parfois ?

Mme Laurence Cohen . - Le groupe communiste, républicain et citoyen partage tout à fait le constat d'une insuffisance criante des moyens alloués à l'hébergement des personnes sans abri. Toutefois, nous regrettons également vivement que le rapporteur ne formule pas de propositions pour remédier à cette situation.

M. Daniel Chasseing . -Je retiens en particulier le constat selon lequel le nombre de places en CHRS n'a pas augmenté depuis 2010 quand le nombre de nuitées d'hôtel a doublé. Voilà je pense une proposition pertinente : augmenter le nombre de places en CHRS qui sont, à long terme bien plus efficaces que l'hôtel pour permettre la réinsertion des personnes concernées.

Mme Michelle Meunier . - Je m'associe à ce que mes collègues ont pu dire, et je voudrais insister particulièrement sur la situation des mineurs étrangers isolés. Le Gouvernement a pris des mesures afin d'améliorer leur situation, notamment en prévoyant leur répartition sur le territoire, mais cette problématique demeure préoccupante. Par ailleurs, M. le rapporteur nous a indiqué que l'hôtel n'était pas la solution la plus coûteuse pour les finances publiques, serait-il possible d'avoir plus d'informations à ce sujet ?

Mme Claire-Lise Campion . - Je partage ce qui a été dit par Mme Bricq au sujet des travaux qui doivent être menés sur la réforme du droit d'asile. Je partage aussi la préoccupation exprimée par notre collègue Michelle Meunier au sujet de la situation des mineurs isolés étrangers.

Mme Catherine Procaccia . - Etant élue d'un département de région parisienne, je voudrais insister sur l'inadéquation de la réforme de 2014 sur les aires d'accueil avec les réalités des zones urbaines et avec les logiques d'installation des populations concernées. En ce qui concerne le recours à l'hôtel, je voudrais ajouter que ce mode d'hébergement contribue souvent à financer des marchands de sommeil que nous souhaitons tous combattre.

Mme Corinne Imbert . - Les collectivités font face à des difficultés importantes pour financer les aires d'accueil, et ne peuvent pas toujours faire face aux obligations qui leur incombent ou aux engagements pris dans le passé. Par ailleurs, je voudrais demander au rapporteur s'il y a dans le programme 177 une ligne budgétaire spécialement dédiée aux maisons relais qui sont des structures intéressantes.

M. Jean-Yves Dusserre . - Malgré la volonté politique affichée, on est encore loin de voir la réalisation des annonces faites en matière de logement. Il faut sortir de l'hypocrisie qui consiste à croire que les logements destinés aux personnes en détresse seront financés par des loyers alors que c'est en réalité à la collectivité d'en assumer la charge, ce qui induit une réelle incertitude pour les collectivités locales.

M. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis . - Je précise à nouveau que l'intention de votre rapporteur n'a pas été de présenter une vision exhaustive de la mission Egalité des territoires et logement, ce qui est du ressort du rapporteur spécial de la commission des finances et du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Ce rapport met en lumière un certain nombre de problématiques propres à la politique de l'hébergement. Il porte des propositions précises, notamment celle d'augmenter le nombre de places en CHRS et d'arrêter le recours à l'hôtel. Il est également nécessaire d'améliorer l'accompagnement des personnes en situation d'exclusion, alors que les crédits concernés ne progressent pas.

En ce qui concerne le coût de l'hébergement en hôtel, je m'appuie sur les chiffres communiqués par la directrice générale de la cohésion sociale, que nous avons reçue en audition. Selon ces données, le coût annuel moyen de l'hébergement en hôtel varie de 5 000 à 7 000 euros, contre 9 000 à 11 000 pour les places d'hébergement d'urgence et 15 000 euros en CHRS.

Suivant la proposition de son rapporteur pour avis, la commission donne un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Egalité des territoires et logement » et des articles 52,53 et 54 rattachés du projet de loi de finances pour 2015.

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