Avis n° 100 (2015-2016) de M. Michel BOUTANT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 21 octobre 2015

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N° 100

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 octobre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales ,

Par M. Michel BOUTANT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

3042 , 3066 et T.A. 590

Sénat :

6 , 97 et 98 (2015-2016)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

A la suite de l'annulation par le Conseil Constitutionnel des dispositions de la loi relative au renseignement concernant la surveillance internationale, une proposition de loi n°6 relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales a été votée le 1 er octobre 2015 par l'Assemblée nationale.

Fidèle au principe de juste équilibre entre le respect de la vie privée et de la protection des libertés, d'une part, et la sécurité de nos concitoyens, d'autre part, défini par votre commission lors de l'examen du projet de loi relative au renseignement, votre rapporteur s'est attaché :

1°) à vérifier que la proposition de loi satisfait les exigences posées par le Conseil constitutionnel au législateur quant à la détermination des règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour assurer le respect, la vie privée et le secret des correspondances, ainsi que pour l'exercice des libertés publiques, à savoir : la définition dans la loi des conditions d'exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés, mais aussi de celles du contrôle par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) de la légalité des autorisations délivrées et de leurs conditions de mise en oeuvre . Le dépôt d'une proposition de loi très proche dans sa rédaction, par notre collègue M. Philippe Bas, sur laquelle le Président du Sénat a demandé un avis au Conseil d'État, a contribué utilement à cette vérification.

2°) à s'assurer que les dispositions proposées en réponse à ces exigences n'affaiblissent pas les capacités opérationnelles des services spécialisées de renseignement dans l'accomplissement de leur mission de surveillance , indispensable à la sécurité de nos concitoyens, notamment dans le contexte actuel marqué par la menace terroriste, le regain des activités d'espionnage et le développement des cyberattaques.

Votre commission, ayant vérifié que ces conditions étaient bien remplies, a donné un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi.

I. L'INTRODUCTION DE DISPOSITIONS SUR LA SURVEILLANCE INTERNATIONALE DANS LE PROJET DE LOI RELATIF AU RENSEIGNEMENT

Le projet de loi relatif au renseignement adopté par le Parlement le 24 juin 2015 proposait d'insérer, dans le nouveau livre VIII du code de la sécurité intérieure, consacré au renseignement, un chapitre IV, intitulé : « Des mesures de surveillance internationale ». Ce chapitre comprenait un seul article L. 854-1, qui prévoyait un cadre spécifique pour les interceptions de communications électroniques émises ou reçues à l'étranger 1 ( * ) .

Ce cadre spécifique était nécessaire compte tenu de l'échelle internationale du champ d'intervention. Sur le territoire national, une interception de sécurité vise une personne en particulier, sur le fondement d'éléments connus. Au contraire, la surveillance des communications internationales, par sa nature même, a pour objet de surveiller des individus dont les noms sont souvent inconnus, des zones dans lesquelles agissent des groupes qui menacent notre pays ou ses intérêts, ou des organisations terroristes.

Le projet de loi autorisait ainsi « la surveillance et le contrôle (interception des communications et recueil des données de connexion) des communications qui sont émises ou reçues à l'étranger », dès lors qu'elles répondent aux finalités définies par l'article 811-3 du code de la sécurité intérieure.

Les finalités permettant sur autorisation du Premier ministre l'utilisation des techniques de renseignement

(Article L.811-3 du code de la sécurité intérieure)

Il s'agit de la sécurité nationale, des intérêts essentiels de la politique étrangère et de l'exécution des engagements européens et internationaux de la France, des intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France, de la prévention du terrorisme, de la prévention de la reconstitution ou du maintien de groupement dissous en application de l'article L. 212-1, de la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées et enfin de la prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique.

Ces opérations mises en oeuvre par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) depuis le territoire national, portent en principe sur les communications échangées par les personnes ne résidant pas habituellement en France. Toutefois, des communications rattachées au territoire national peuvent être concernées si les personnes surveillées entrent en communication avec des personnes se trouvant en France ou utilisant des identifiants français.

Dès lors, l'article prévoyait un double régime juridique :

A. LES COMMUNICATIONS ÉMISES OU REÇUES À L'ÉTRANGER

Les communications émises ou reçues à l'étranger et n'ayant aucun élément de rattachement au territoire national, sont exclusivement régies par les dispositions du nouvel article L.854-1 du code de la sécurité intérieure.

La surveillance devait être autorisée par le Premier ministre ou l'une des personnes déléguées mentionnées à l'article L.821-4 du code de la sécurité intérieure, saisie par une demande motivée des ministres mentionnée au premier alinéa de l'article L.821-2 et ne pouvait l'être aux seules fins de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, mentionnés à l'article L.811-3.

Il était prévu que les autorisations de surveillance et les autorisations d'exploitation ultérieure des correspondances désignent les systèmes de communication, les zones géographiques, les organisations ou les personnes ou les groupes de personnes objets de la surveillance, la ou les finalités justifiant cette surveillance, ainsi que le ou les services spécialisés de renseignement qui en sont chargés.

Il n'était pas prévu en revanche, comme pour le territoire national, un avis préalable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Cela était justifié par la nature des missions qui s'inscrivent dans la partie la plus régalienne de l'action de l'Etat à l'étranger.

En revanche, la CNCTR était associée à la définition des conditions d'exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés, ainsi que les conditions de traçabilité et de contrôle de la mise en oeuvre des mesures de surveillance dans lesquelles elle intervenait puisque le projet de loi renvoyait ces aspects à un décret en Conseil d'Etat, pris après son avis. Il précisait toutefois que ces renseignements ne pouvaient être collectés, transcrits ou extraits pour d'autres finalités que celles mentionnées à l'article L.811-3.

Un second décret en Conseil d'Etat, non publié comme cela est d'usage pour certains décrets régissant les fichiers de souveraineté 2 ( * ) , pris après avis de la CNCTR et porté à la connaissance de la Délégation parlementaire au renseignement devait préciser, en tant que de besoin, les modalités de mise en oeuvre.

B. LES COMMUNICATIONS RATTACHABLES AU TERRITOIRE NATIONAL

Pour les communications qui renvoient à des numéros d'abonnement ou à des identifiants techniques rattachables au territoire national ou à des personnes faisant l'objet d'une interception de sécurité en application de l'article L.852-1 à la date à laquelle elles ont quitté le territoire national, le cadre spécifique défini au I de l'article L. 854-1 n'était pas applicable, ces correspondances étant exploitées dans les conditions du droit commun prévues à l'article L.852-1, conservées et détruites dans les conditions prévues aux articles L.822-2 à L.822-4 sous le contrôle de la CNCTR. Le II de l'article L.854-1 précisait toutefois que le délai de conservation des correspondances court à compter de leur première exploitation (et non pas de leur recueil pour les correspondances interceptées sur le territoire national) afin de permettre de disposer du temps nécessaire pour traduire les échanges concernés.

Le III prévoyait le contrôle exercé par la CNCTR qui aurait pu, à l'instar de ses compétences générales, agir de sa propre initiative « ou sur réclamation de toute personne souhaitant vérifier qu'aucune technique de recueil de renseignement n'est irrégulièrement mise en oeuvre à son égard. Cette action lui aurait permis de s'assurer que les mesures de surveillance internationale respectent les conditions fixées par la loi, les décrets pris pour son application et les décisions d'autorisation du Premier ministre ou de ses délégués. En cas de manquement, la Commission aurait adressé au Premier ministre une recommandation tendant à faire cesser ce manquement et que les renseignements collectés soient détruits, le cas échéant. LA CNCTR aurait pu également saisir le Conseil d'Etat, si le Premier ministre ne donnait pas suite à sa recommandation afin qu'il se prononce. Enfin, il était prévu qu'au moins une fois par semestre, la CNCTR fasse rapport au Premier ministre du contrôle exercé, ce qui lui conférait un caractère permanent, ce dernier devant apporter, dans les quinze jours, une réponse motivée aux recommandations et observations contenues dans ce rapport.

II. L'ANNULATION DE CES DISPOSITIONS PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Contrairement à ce que le législateur avait fait pour les mesures de surveillance nationale, l'article L. 854-1 renvoyait donc à des décrets en Conseil d'État la définition des conditions d'exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés, ainsi que les conditions de traçabilité et de contrôle par la commission de la mise en oeuvre des mesures de surveillance.

Le Conseil constitutionnel 3 ( * ) a estimé « qu'en ne définissant dans la loi ni les conditions d'exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés en application de l'article L. 854-1, ni celles du contrôle par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement de la légalité des autorisations délivrées en application de ce même article et de leurs conditions de mise en oeuvre, le législateur n'a pas déterminé les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ».

Il en a conclu que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 854-1, qui méconnaissent l'article 34 de la Constitution, devaient être déclarées contraires à la Constitution (§. 78).

Par voie de conséquence, il a censuré les alinéas II et III de l'article L. 854-1 ainsi que diverses mentions de coordination figurant dans le texte déféré (§. 79).

On observera que le Conseil constitutionnel n'a pas fondé sa décision sur une atteinte portée aux droits et libertés, mais sur le fait que le législateur n'avait pas épuisé sa compétence en laissant trop de place au pouvoir réglementaire.

La loi relative au renseignement a donc été publiée le 24 juillet 2015 4 ( * ) sans ces dispositions, créant ainsi un vide juridique qu'il importait de combler aussi rapidement que possible. C'est pourquoi des propositions de loi ont été déposées dès le mois de septembre, le gouvernement ayant décidé d'inscrire celle déposée à l'Assemblée nationale le jour de l'ouverture de la session ordinaire et engagé sur ce texte la procédure d'examen accélérée.

III. LES PROPOSITIONS DE LOI DÉPOSÉES À L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET AU SÉNAT

A. LA PROPOSITION DE LOI N° 3042 DÉPOSÉE A L'ASSEMBLÉE NATIONALE PAR MME PATRICIA ADAM ET M. PHILIPPE NAUCHE

Le 9 septembre 2015, Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées et M. Philippe Nauche, rapporteur pour avis du projet de loi relatif au renseignement au nom de cette commission, ont déposé une proposition de loi n° 3042 relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales 5 ( * ) .

Au cours de sa présentation devant la commission, Mme Adam, nommée rapporteure, a précisé que compte tenu de la complexité et de la sensibilité du sujet, et bien qu'il s'agisse d'une proposition de loi, le texte a été élaboré en collaboration étroite avec les services du ministère de la défense.

Compte tenu du fondement de la décision du Conseil constitutionnel, la proposition de loi consiste pour l'essentiel à réincorporer dans la partie législative du code de la sécurité intérieure, les dispositions concernant les conditions d'exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés ainsi que les modalités de contrôle par la CNCTR que le législateur avait renvoyées à des décrets en Conseil d'Etat dans le projet de loi relatif au renseignement.

1. Les modalités d'exploitation

Le nouvel L. 854-1 du code de la sécurité intérieure régit de manière exclusive la surveillance des communications avec l'étranger, qu'il soit question de correspondances, c'est-à-dire de contenus - conversations ou textes -, ou de données de connexions, à savoir de contenants. La définition de la nature de ces flux s'effectue toujours en fonction des deux extrémités des communications - numéro de téléphone ou adresse IP uniquement -, et ce indépendamment des caractéristiques de leur transit.

En pratique, trois cas se présentent :

• En cas de communications entre deux identifiants - numéro de téléphone ou adresse IP - rattachables au territoire national, celles-ci sont instantanément détruites puisqu'il ne s'agit pas de communications internationales. Deux exceptions sont toutefois prévues :

- La première concerne le cas où l'un des identifiants fait déjà l'objet d'une interception de sécurité autorisée dans le cadre des interceptions administratives sur le territoire national.

- La seconde porte sur les personnes communiquant depuis l'étranger avec un identifiant national et qui constituent une menace au regard des intérêts fondamentaux de la Nation. Dans ce cas, d'une part, la surveillance est autorisée par le Premier ministre et, d'autre part, l'identité de la personne concernée est portée à la connaissance de la CNCTR.

• En cas de correspondance mixte , c'est-à-dire depuis l'étranger vers un identifiant rattachable au territoire national, le droit commun des interceptions de sécurité s'applique pour toutes les conditions d'exploitation, avec deux particularités liées aux modalités de collecte :

- il n'y a pas d'avis préalable de la CNCTR.

- le délai maximum d'exploitation après le recueil est porté à six mois.

L'autorisation est donnée par le Premier ministre et, ensuite, la CNCTR, comme pour le cas précédent, est tenue informée.

• En cas de flux internationaux dont les deux extrémités sont étrangères, la proposition de loi reprend le dispositif du projet de loi . Les autorisations seront délivrées par le Premier ministre, ou l'un de ses délégués, sans avis préalable de la CNCTR, dispositif d'autorisation que n'avait pas remis en question le Conseil constitutionnel.

À la différence du projet de loi, pour répondre aux objections du Conseil constitutionnel, les conditions d'exploitation des données sont désormais détaillées et non plus renvoyées à un décret non publié. Trois niveaux d'autorisation sont prévus :

• d'abord, le Premier ministre désignera les systèmes de communication sur lesquels l'interception est autorisée ;

• ensuite, le Premier ministre pourra autoriser l'exploitation non individualisée des données de connexion interceptées pour une durée d'un an renouvelable. Le travail réalisé à partir de ce matériau est important pour rechercher les profils et comportements suspects en amont ;

• enfin, le Premier ministre pourra donner des autorisations d'exploitation portant soit sur les correspondances, le contenu , soit sur les données de connexion , les contenants. Valables quatre mois et renouvelables, ces autorisations doivent préciser la ou les finalités légales justifiant la surveillance, les zones géographiques, les organisations ou les personnes ou groupes de personnes concernés. Enfin, elles précisent le ou les services de renseignement chargés de l'exploitation 6 ( * ) .

2. Les garanties et les modalités de contrôle.

S'agissant des flux internationaux , dont le régime constitue une dérogation par rapport aux régimes de droit commun applicable aux correspondances issues de communications entre deux identifiants rattachables au territoire national et aux correspondances mixtes pour la seule durée d'exploitation, la proposition de loi apporte les garanties exigées par le Conseil constitutionnel et précise les modalités de contrôle.

La protection particulière dont bénéficient certaines professions (parlementaires, avocats, magistrats ou journalistes) dans le cadre des interceptions de sécurité, à raison de l'exercice du mandat ou de la profession concernée, est étendue aux mesures de surveillance internationale lorsqu'il s'agit d'une profession protégée exercée en France.

La proposition fixe les durées de conservation des données , lesquelles sont plus étendues que pour les interceptions de sécurité réalisées sur le territoire national. En effet, dans de nombreux cas, la surveillance des communications électroniques internationales est le seul moyen d'obtenir ou de confirmer des informations, alors que, sur le territoire national, des moyens complémentaires d'investigation peuvent être engagés. Les données recueillies sont le plus souvent en langue étrangère, parfois rare, des délais de traduction parfois longs sont préalables à leur exploitation. Ensuite, elles permettent très utilement de reconstituer a posteriori des parcours individuels, comme après un attentat ou une tentative d'attentat ; la réalisation de ces analyses suppose de pouvoir disposer d'un certain recul.

Les renseignements collectés seront ainsi détruits à l'issue d'une durée de :

• un an, à compter de leur première exploitation, pour les correspondances (six mois pour les correspondances mixtes), dans la limite d'une durée de quatre ans à compter de leur recueil ;

• six ans à compter de leur recueil pour les données de connexion ;

• pour ceux des renseignements qui sont chiffrés, le délai court à compter de leur déchiffrement et ils ne peuvent être conservés plus de huit années à compter de leur recueil ;

• les transcriptions ou les extractions doivent être détruites dès que leur conservation n'est plus indispensable à la poursuite des finalités mentionnées à l'article L.811-3.

Enfin, le contrôle externe repose sur la CNCTR et sur un contrôle juridictionnel . La CNCTR reçoit communication de toutes les autorisations délivrées par le Premier ministre, et dispose également d'un accès permanent, complet et direct aux dispositifs de traçabilité, ainsi qu'aux renseignements collectés, aux transcriptions et aux extractions. Le Premier ministre devra définir les modalités de la centralisation des renseignements collectés, ce qui constitue une garantie du bon exercice du contrôle de la CNCTR. Elle peut ainsi procéder à toutes les vérifications nécessaires, de sa propre initiative ou sur réclamation d'une personne souhaitant vérifier si elle fait l'objet d'une mesure de surveillance irrégulière. En cas d'irrégularité constatée, la CNCTR adressera une recommandation au Premier ministre pour qu'il soit mis fin à cette surveillance. S'il n'y donne pas suite, elle peut saisir la formation particulière du Conseil d'État dans les conditions du droit commun, lequel Conseil d'État examinera le dossier dans les conditions prévues par la loi relative au renseignement.

B. LA PROPOSITION DE LOI N° 700 DÉPOSÉE AU SÉNAT PAR M. PHILIPPE BAS

Parallèlement, M. Philippe Bas, président de la commission des lois, rapporteur du projet de loi relative au renseignement au nom de cette commission, a déposé un texte très proche 7 ( * ) le 21 septembre 2015. Cette démarche procède d'une double finalité : permettre au Conseil d'Etat d'être saisi pour avis et procéder à des ajustements techniques.

1. La saisine et l'avis du Conseil d'Etat

Si le Conseil d'Etat est automatiquement saisi pour avis des projets de loi avant leur adoption en Conseil des ministres en application de l'article 39 alinéa 2 de la Constitution, cette saisine n'est pas obligatoire pour les propositions de loi. Le cinquième alinéa de l'article 39 donne néanmoins cette faculté au président d'une assemblée avant son examen en commission pour une proposition de loi déposée par l'un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s'y oppose. C'est ainsi que le Président du Sénat, Gérard Larcher a, par lettre en date du 22 septembre 2015 8 ( * ) , saisi le Conseil d'Etat d'une demande d'avis sur la proposition de loi n° 700 déposée par M. Philippe Bas.

Dans son avis rendu en assemblée générale le 15 octobre 2015, le Conseil d'Etat observe en premier lieu que « de nombreuses garanties, qui devaient initialement figurer dans un décret en Conseil d'Etat, sont désormais déterminées dans la loi elle-même » et que celle-ci répond « ce faisant, aux exgences qui découlent de la décision du conseil constitutionnel du 23 juillet 2015, et en particulier, de son § 78 en ce qui concerne la compétence du Parlement ».

Il estime que les différences subtantielles instituées par le texte par rapport au régime de surveillance des communications nationales sont « justifiées à la fois par la différence de situation entre les personnes résidant sur le territoire français et celles résidant à l'étranger, par la différence corrélative des techniques de surveillance qui doivent être employées, ainsi que par la nature propre des missions de surveillance qui sont exercées à l'étranger ». Il observe d'ailleurs que « ce régime assortit la surveillance internationale de nombreuses conditions et garanties » et considère dans ces conditions que « la proposition de loi assure, sur le plan constitutionnel, une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, les nécessités propres aux objectifs poursuivis, notamment celui de la protection de la sécurité nationale, et d'autre part, le respect de la vie privée et le secret des correspondances protégés par les articles 2 et 4 de la déclaration des droits de l'home et du citoyen ». L'ensemble de ces garanties permettent, selon le Conseil d'Etat, de « regarder l'ingérence dans la vie privée que rendent possible les mesures contenues dans la proposition de loi comme étant nécessaire, dans une société démocratique, à la sécurité nationale et à la prévention des infractions pénales, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».

Le Conseil d'Etat estime en troisième lieu que le régime de surveillance « ne méconnaît pas non plus des exigences constitutonnelles ou conventionnelles en ce qu'il ouvre la possibilité de surveiller pour les seules finalités prévues à l'article L.811-3 les personnes situées en dehors du territoire français (hormis le cas où elles utilisent des numéros d'abonnement ou des identifiants techniques rattachables au territoire national) sans prévoir de règles différentes selon leur nationalité ».

Il constate enfin que la proposition de loi, même si elle exclut le recours direct au juge contre les mesures prises au titre de l'article L.854-1, par les dispositifs qu'elle instaure, « ne méconnaît pas non plus le droit à un recours effectif reconu par l'article 13 de la convention européene de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».

En bref, sous réserve de l'appréciation souveraine du Conseil constitutionnel d'une part, et de la Cour européenne des droits de l'homme, d'autre part, le Conseil d'Etat n'a relevé d'incompatibilité entre le texte de la proposition de loi, ni avec les exigences posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ni avec celles posées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

2. Les ajustements techniques proposés

Outre des modifications d'ordre rédactionnel destinées à assurer une meilleure lisibilité, la proposition de loi :

• introduit à l'article L.821-4 la référence aux « réseaux de communications électroniques » qui est plus précise que celle de « systèmes de communication » visée dans la proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale et s'appuie sur la définition de l'article L.32 du code des postes et des communications électroniques 9 ( * ) . Cette référence n'a ni pour objet, ni pour effet de modifier, comme l'a constaté le Conseil d'Etat dans son avis du 15 octobre 2015, le champ d'application des mesures de surveillance tel qu'il a été défini par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement. « Les mesures prises par les pouvoirs publics pour assurer, aux seules fins des intérêts nationaux, la surveillance et le contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne continuent en effet, en application de l'article L.811-5 du code de la sécurité intérieure, de ne pas relever du champ d'application de l'ensemble du livre VIII du code de la sécurité intérieure, comme c'était déjà le cas dans la législation applicable antérieurement ».

• attribue au seul Premier ministre, à l'exclusion des personnes déléguées mentionnées à l'article L.821-4 , la capacité de désigner les réseaux de communications électroniques sur lesquels il autorise les interceptions 10 ( * ) .

• précise l'autorisation d'exploitation non individualisée des données de connexion interceptées délivrée par le Premier ministre ou ses délégués, outre les finalités poursuivies, les types de traitement automatisés pouvant être mis en oeuvre en précisant leur objet, le ou les services spécialisés de renseignement chargés de sa mise en oeuvre ;

• supprime la possibilité pour le Premier ministre, ou l'un de ses délégués, d'exclure certains numéros d'abonnement ou identifiant techniques de toute surveillance ou la mise en place, pour certains identifiants, de conditions particulières d'accès aux communications . Cette possibilité est ouverte au Premier ministre au titre de son autorité hiérarchique sur les services spécialisés de renseignement, il n'est pas besoin de la faire figurer dans la loi ;

• réduit de un an à dix mois à compter de leur première exploitation la durée des correspondances ;

• prévoit par dérogation que les renseignements qui concernent une requête dont le Conseil d'Etat a été saisi ne peuvent être détruits et qu'ils sont conservés pour les seuls besoins de la procédure devant la juridiction ;

• permet au président ou à trois membres de l'autorité administrative indépendante, et non à la commission dans son ensemble, de saisir le Conseil d'Etat lorsque le Premier ministre ne donne pas suite à une recommandation formulée par la CNCTR à la suite du constat d'un manquement dans la mise en oeuvre des mesures de surveillance internationale,

• introduit deux articles nouveaux pour assurer une coordination avec le code de justice administrative (article 2) et pour étendre la dérogation à l'exclusion du champ de la surveillance internationale des communications rattachables au territoire national aux personnes qui communiquent depuis l'étranger et qui faisaient l'objet d'une autorisation d'interception de sécurité délivrée sur le fondement de la rédaction des dispositions du code de la sécurité intérieure, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi relative au renseignement, à la date à laquelle elles ont quitté le territoire national (article 3) 11 ( * ) .

IV. LA PROPOSITION ADOPTÉE LE 1ER OCTOBRE 2015 PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE (N° 590 ASSEMBLÉE NATIONALE - N° 6 SÉNAT).

Lors de son examen en séance publique à l'Assemblée nationale, plusieurs amendements ont été introduits dans la proposition de loi n° 3042 qui avait été adoptée sans modification par la commission de la défense nationale et des forces armées, pour :

• prévoir que l'autorisation par laquelle le Premier ministre désigne les systèmes de communication sur lesquels l'interception est autorisée devra être motivée ;

• préciser que l'autorisation d'exploitation non individualisée des données de connexion interceptées délivrée par le Premier ministre ou ses délégués, outre les finalités poursuivies, le ou les motifs invoqués , et les types de traitement automatisés pouvant être mis en oeuvre en précisant leur objet, et comme dans la proposition de loi de M. Philippe Bas, indiquera le ou les services spécialisés de renseignement chargés de cette exploitation ;

• prévoir, comme la proposition sénatoriale précitée, par dérogation que les renseignements qui concernent une requête dont le Conseil d'État a été saisi ne peuvent être détruits et qu'ils sont conservés pour les seuls besoins de la procédure devant la juridiction ;

• donner , comme cela est prévu dans la proposition sénatoriale, la capacité de saisir le Conseil d'Etat lorsque le Premier ministre ne donne pas suite à une recommandation formulée par la CNCTR à la suite du constat d'un manquement dans la mise en oeuvre des mesures de surveillance internationale, au président ou à trois membres de l'autorité administrative indépendante , et non à la commission dans son ensemble ;

• introduire à l'instar de la proposition de M. Philippe Bas, un nouvel article pour assurer une coordination avec le code de justice administrative (article 2).

L'examen en séance publique à l'Assemblée nationale a donc permis de reprendre nombre de dispositions suggérées par la proposition de loi de M. Philippe Bas.

V. L'ANALYSE DU RAPPORTEUR DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

Au terme de son analyse, votre rapporteur est en mesure d'indiquer à votre commission :

1°) sur le fondement de l'avis du Conseil d'Etat et sous réserve de l'appréciation souveraine du juge constitutionnel, que la proposition de loi satisfait les exigences posées par le Conseil constitutionnel au législateur quant à la détermination des règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques dans sa décision du 23 juillet 2015.

2°) après audition des services spécialisés, que les dispositions proposées en réponse à ces exigences n'affaibliront pas leurs capacités et qu'ils seront en mesure d'accomplir leur mission de surveillance des communications électroniques internationales dans des conditions opérationnelles acceptables et avec une sécurité juridique renforcée.

Le principe de juste équilibre entre le respect de la vie privée et la protection des libertés, d'une part, et la sécurité de nos concitoyens, d'autre part, défini par votre commission lors de l'examen du projet de loi relative au renseignement étant satisfait, votre rapporteur pour avis vous propose de donner un avis favorable à son adoption par le Sénat.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 21 octobre 2015 sous la présidence de M. Jacques Gautier, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le rapport pour avis de M. Michel Boutant, sur la proposition de loi n° 6 (2015-2016) relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales.

Après l'exposé du rapporteur pour avis, un débat s'est engagé.

M. André Trillard . - Ce texte est la conséquence d'une décision du Conseil constitutionnel qui avait été saisi par soixante députés, mais aussi individuellement par le président du Sénat et par le Président de la République et qui a annulé un article de la loi relative au renseignement, pour un problème de forme plus que de fond : le texte ne contenait pas les dispositions d'exploitation, de la conservation et de la destruction des documents, ni les conditions de légalité des autorisations délivrées qu'il renvoyait à des décrets en Conseil d'État. Le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions auraient dû figurer dans la loi. Il s'agit donc de combler un vide juridique. La proposition de loi est examinée au fond par la commission des lois qui apportera peut-être quelques amendements. Cette proposition de loi ne pose aucun problème ni sur le fond ni sur la forme. Le groupe Les Républicains votera ce texte.

M. Gaëtan Gorce . - J'avais exprimé des réserves lors de l'examen du projet de loi relative au renseignement. Nous aboutissons à la reconnaissance légale, et c'est tant mieux, de systèmes qui fonctionnaient en toute irrégularité, dont on a longtemps nié l'existence, y compris suite à des demandes formulées par la CNIL, mais dont on pouvait se douter qu'ils avaient été mis en place puisque d'autres puissances, comme les États-Unis en disposaient. Il s'agit de mécanismes qui continuent d'utiliser des algorithmes qui permettent d'identifier ce que l'on cherche mais dans une masses de données considérables exploitées dans des conditions que l'on peut discuter. Nous avons une vision assez fantasmatique de la surveillance et du renseignement qui consiste à penser que plus on collecte de données, plus on obtient de résultats, ce qui n'est pas aussi simple. Mes réserves sont fondées sur le fait que les contrôles sont plus faibles que pour les données collectées sur le territoire national, ce qui ne manquera pas de poser des problèmes au regard du droit européen. Je souligne que la jurisprudence européenne s'est prononcée sur l'accord « Safe Harbor » sur le transfert des données personnelles et en a suspendu la mise en oeuvre en indiquant que le régime de protection des données n'était pas satisfaisant. On peut craindre qu'il en soit de même en l'absence de contrôle a priori et de contrôle portant sur le fonctionnement des fichiers. Je m'abstiendrai.

M. Daniel Reiner . - Les questions ont déjà fait l'objet d'un large débat lors de l'examen du projet de loi relative au renseignement. Elles ont été tranchées par le choix d'autoriser l'utilisation de techniques de renseignement dans un cadre légal rénové afin de renforcer la sécurité de nos concitoyens tout en préservant les libertés. La proposition de loi est la conséquence d'une décision du Conseil constitutionnel qui a considéré, pour une fois - d'habitude ce sont plutôt les empiètements sur le domaine réglementaire qui sont reprochés  que le législateur n'était pas suffisamment intervenu s'agissant de la surveillance internationale. Mais rien ne change dans l'esprit, puisqu'il s'agit de mettre en forme législative ce qui était prévu dans les décrets. Cela a néanmoins permis de travailler un peu plus certains points, notamment la question des délais de conservation, car ces délais doivent être plus longs, c'est un point qui sera certainement discuté. Le contrôle est exercé a posteriori par la CNCTR sur les décisions du Premier ministre. Il existe aussi une possibilité pour le justiciable de saisir cette autorité.

Je ne suis pas sûr que les pays européens et les États-Unis puissent venir nous donner des leçons en la matière. Nous avons là un texte observé par d'autres pays. On pourra évaluer les résultats de sa mise en oeuvre. Ce sera peut-être un texte exemplaire. Naturellement, le groupe socialiste votera ce texte et souhaite qu'il soit modifié le moins possible au regard de ce qui sera sorti de la commission des lois.

M. Jean-Marie Bockel . - Je souscris aux arguments développés par notre collègue Daniel Reiner. Comme lors de l'examen de la loi relative au renseignement, notre groupe n'est pas unanime. Les échanges que nous avons pu avoir lors de la 13 e Université d'été de la défense à Strasbourg en septembre dernier nous ont montré la pertinence d'un renforcement du renseignement, dans le respect de nos principes, pour être au niveau qui convient compte tenu des menaces. Il n'y a pas de solution idéale mais je considère qu'il faut voter ce texte.

M. Claude Malhuret . - Nous touchons à un sujet préoccupant depuis les révélations de l'affaire Snowden sur le fonctionnement de la NSA et qui pose des questions fondamentales, Amnesty International, la commission nationale de contrôle de défense des droits de l'homme s'en sont saisi. J'avais pour ma part plusieurs observations et questions. D'abord, j'avais déjà fait remarquer que les pouvoirs de contrôle de la CNCTR étaient restreints, de plus la nomination comme président d'un ancien secrétaire général de la défense nationale m'interpelle s'agissant de l'indépendance de cette autorité.

M. Daniel Reiner . - Membre du Conseil d'Etat, c'est un procès d'intention !

M. Claude Malhuret . - En matière de surveillance internationale, le contrôle de la CNCTR n'est qu'a posteriori, elle a donc peu de pouvoir. Vous évoquez un avis du Conseil d'Etat sur la proposition de loi de M. Bas, peut-on en avoir connaissance ? Pourquoi a-t-on procédé par une proposition de loi sur une matière aussi régalienne de l'action de l'Etat à l'étranger, qui relève de l'exécutif, si ce n'est pour éviter la publication d'une étude d'impact juridique et économique. J'ajoute que les communications reçues à l'étranger, depuis le territoire national vers un identifiant étranger, le serveur Google par exemple, pourront être surveillées sur la base de ce régime, or nous utilisons quotidiennement ces outils, toutes les communications sont concernées. Je ne suis pas contre la DGSE, mais à partir du moment où cela concerne un très grand nombre de nos concitoyens ou les personnes résidant en France, c'est donner aux services de renseignement des pouvoirs, à mes yeux, démesurés. Les techniques de renseignements autorisées ne sont pas définies alors qu'elles le sont de façon précise pour le territoire national. Cela fait beaucoup de questions que j'aurais souhaité pouvoir développer plus longuement.

M. Joël Guerriau . - Nous sommes dans le prolongement du débat que nous avons eu lors de l'examen du projet de loi relative au renseignement. Nous avons eu des doutes, émis des critiques, il est donc normal que l'on y revienne, notamment sur les conditions d'exploitation, de conservation et de destruction des données qui sont des points importants. L'intérêt du texte, c'est qu'il permet de fixer plus clairement la nature du contrôle de légalité des autorisations qui seront mises en oeuvre, ce qui constitue une avancée. Je pense que l'on est dans une courbe d'expérience qui nous permettra peut-être dans le futur de revenir sur certaines dispositions pour mieux les encadrer. Je voterai cette proposition de loi.

M. Jeanny Lorgeoux . - Je salue la pondération de l'analyse de notre rapporteur et l'honnêteté intellectuelle de notre collègue Malhuret. Pour autant, je considère que l'efficacité de nos services de renseignement justifie que nous votions sans réserve un texte qui aboutit à un équilibre satisfaisant entre l'exigence de liberté et l'exigence de sécurité.

Mme Leila Aïchi . - Je m'associe à nombre d'observations développées par notre collègue Malhuret. Pour ce qui me concerne, j'ai deux interrogations. Le texte omet de détailler les modalités d'interception autorisées et, s'agissant d'un texte concernant les droits et les libertés fondamentales, je m'interroge sur le recours à la procédure accélérée pour l'examen de cette proposition de loi. Je voterai conte.

M. Michel Boutant, rapporteur . - Il est important de légiférer rapidement car nos services ont besoin d'une sécurité juridique que l'annulation des dispositions votées par le Parlement par le Conseil constitutionnel en juillet dernier, a affaiblie.

La saisine du Conseil d'Etat qui était en grande partie l'objet de la démarche du président Philippe Bas en déposant sa propre proposition de loi, qui est très proche dans sa rédaction de celle déposée à l'Assemblée nationale, a permis d'éclaircir certaines interrogations légitimes quant à la constitutionnalité et la conventionalité des dispositions proposées, notamment au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, que plusieurs d'entre vous ont évoquée. L'ensemble des garanties inscrites dans la proposition de loi permettent, selon les termes de l'avis du Conseil d'Etat, de « regarder l'ingérence dans la vie privée que rendent possible les mesures contenues dans la proposition de loi comme étant nécessaire, dans une société démocratique, à la sécurité nationale et à la prévention des infractions pénales, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».

Enfin, la CNCTR intervient certes a posteriori et ne formule pas d'avis préalable avant les autorisations délivrées par le Premier ministre, mais elle est informée systématiquement. Elle dispose de larges moyens d'exercer son contrôle, de solliciter le Premier ministre pour mettre fin à des opérations de surveillance et de saisir le Conseil d'Etat si le Premier ministre ne donne pas suite à ses recommandations.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport pour avis à la majorité, MM. Gaëtan Gorce, Jean-Noël Guerini, Robert Hue, Claude Malhuret, Alex Türk et Raymond Vall s'abstenant, Mmes Leïla Aïchi, Michelle Demessine, Nathalie Goulet, Sylvie Goy-Chavent et M. Yves Pozzo di Borgo votant contre.

ANNEXE - PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

Jeudi 15 octobre 2015

M. Bernard Bajolet, directeur général de la sécurité extérieure et M. Patrick Pailloux , directeur technique.


* 1 La création d'un tel cadre faisait partie des recommandations de la délégation parlementaire au renseignement, qui, dans son dernier rapport, soulignait que « l'un des défis d'un prochain texte de loi résidera dans la prise en considération des activités déployées à l'étranger par certains de nos services - en particulier la DGSE ». Il aurait permis aussi de protéger les agents lorsqu'ils ont recours à une technique de renseignement visant un objectif étranger depuis le territoire national.

* 2 Ainsi que le précise l'étude d'impact du projet de loi, « leur divulgation dévoilerait en effet des informations de nature à porter gravement préjudice au secret de la défense nationale et à entraver les missions des services spécialisés de renseignement ».

* 3 Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2015/2015-713-dc/decision-n-2015-713-dc-du-23-juillet-2015.144138.html

* 4 Loi relative au renseignement (n° 2015-912 du 24 juillet 2015)

* 5 http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion3042.asp

* 6 Ce qui n'apporte aucune restriction aux dispositions de l'article L.863-2 du code de la sécurité intérieure

* 7 Proposition de loi n° 700 de M. Philippe Bas relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales - 21 septembre 2015

http://www.senat.fr/leg/ppl14-700.html

* 8 http://www.senat.fr/presse/cp20150922.html

* 9 Code des postes et des communications électroniques - article L.32. 2° Réseau de communications électroniques :

« On entend par réseau de communications électroniques toute installation ou tout ensemble d'installations de transport ou de diffusion ainsi que, le cas échéant, les autres moyens assurant l'acheminement de communications électroniques, notamment ceux de commutation et de routage.

Sont notamment considérés comme des réseaux de communications électroniques : les réseaux satellitaires, les réseaux terrestres, les systèmes utilisant le réseau électrique pour autant qu'ils servent à l'acheminement de communications électroniques et les réseaux assurant la diffusion ou utilisés pour la distribution de services de communication audiovisuelle. »

* 10 Le Conseil d'Etat dans son avis du 15 octobre 2015 relève que « compte tenu du caractère stratégique des décisions en cause, qui sont au surplus en nombre très limité, l'absence de faculté donnée au Premier ministre de déléguer la désignation des réseaux de communications électroniques sur lesquels l'interception des communication peut être autorisée n'est de nature à se heurter à aucun obstacle qui tiendrait à la protection des intérêts fondamentaux de la Nation ou aux exigences d'une bonne administration ».

* 11 Le Conseil d'Etat a observé dans son avis du 15 octobre 2015 qu'une telle mention n'est pas indispensable.

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