III. L'ARTICLE 52 RATTACHÉ : UNE ÉVOLUTION DES MODALITÉS D'ALLOCATION DU FONDS DE FINANCEMENT DES CHAMBRES DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE RÉGION AU SEIN DU RÉSEAU

Cet article, qui tend à modifier les articles 1600 du code général des impôts et L. 711-16 du code de commerce, tend à créer un fonds destiné à soutenir les chambres de commerce et d'industrie en difficulté ou des projets d'investissement. Il modifie également les conditions de financement de CCI France.

I. Le droit en vigueur

Le réseau des chambres de commerce et d'industrie a connu, sous l'effet conjugué de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux chambres de commerce et d'industrie et d'une réduction importante des ressources fiscales affectées, un vaste mouvement de restructuration en renforçant en particulier le rôle de l'échelon régional. Cela a abouti notamment à la réduction du nombre de membres du réseau : ce dernier se décline désormais en 22 chambres régionales (CCIR), 123 chambres territoriales (CCIT), 6 chambres départementales en Ile-de-France et 6 chambres outre-mer. CCI France est l'établissement public tête du réseau.

Le financement de l'activité des CCI provient, pour ce qui est de leur activité non marchande, de la taxe pour frais de chambres, constituée de deux contributions :

- d'une part, la taxe additionnelle à la contribution foncière des entreprises - TACFE - dont le taux est régional ;

- d'autre part, la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises - TACVAE - dont le taux est national.

Les produits sont affectés au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région.

Ces taxes affectées ont été soumises à plafonnement par la loi de finances pour 2013, et ce plafond a été abaissé par les lois de finances pour 2014 et 2015 de telle sorte que le produit de la TACVAE a été réduit de 41 % en trois ans. Au total, le produit de la taxe pour frais de chambres a également été réduit de 25 % sur trois ans. En outre, les lois de finances pour 2014 et 2015 ont procédé à des prélèvements sur le fonds de financement des CCIR pour un total de 670 millions d'euros. Au total, les ressources fiscales des CCI (prélèvement inclus) se sont réduites de 62 % en 2015 par rapport à leur niveau de 2012.

Cette réduction de ressources a conduit les CCI à mutualiser leurs moyens et à procéder ainsi à des économies d'échelle importantes dans les fonctions « support ». Dans le même temps, elles ont obligé les établissements à recentrer leur offre, tant dans le cadre du soutien et du développement des entreprises, que dans le domaine de l'éducation et de l'apprentissage.

L'article 14 du présent projet de loi prévoit un nouvel abaissement du plafond de la TACVAE . Initialement cette réduction de 150 millions d'euros, cette baisse a été ramenée à 130 millions d'euros à la suite d'un amendement du rapporteur spécial de l'Assemblée nationale. Cette nouvelle baisse , qui reste supérieure à l'objectif qu'avait initialement fixé le Gouvernement, a suscité dans de nombreuses CCI la crainte de devoir abandonner purement et simplement leurs programmes d'investissement.

Votre rapporteur pour avis estime néanmoins que cette baisse, qui contribue à réduire la pression fiscale sur les entreprises, devrait pouvoir être supportée par les CCI grâce à un approfondissement de la rationalisation et de la restructuration du réseau. La politique de réduction du financement public des CCI doit cependant ménager la capacité d'intervention de ces établissements publics dont l'action de soutien aux entreprises et d'enseignement est reconnue et essentielle pour nos entrepreneurs et nos territoires.

Il n'en demeure pas moins que la réduction du montant de la TACVAE depuis 2012 conduit certaines CCIR à éprouver des difficultés financières que la répartition actuelle, figée par l'article 1600 du code général des impôts, ne permet pas de combler. En effet, il résulte de cette disposition que lorsque le produit de la TACVAE est inférieur à un plancher de 554 millions, déterminé en 2010 à partir des bases financières jusqu'alors applicables, sa répartition intervient selon les critères « historiques », en application d'un « coefficient unique d'équilibrage » qui permet d'appliquer la répartition de l'ancienne taxe additionnelle à la taxe professionnelle, sans prise en considération de la valeur ajoutée créée sur le territoire de chaque CCIR. Dans ces conditions, aucun mécanisme ne permet d'assurer une aide financière aux CCIR qui se trouvent confrontées à des difficultés.

II. Le texte du projet de loi

Dans sa rédaction initiale , cet article avait pour seul objet d'instituer un fonds de péréquation doté de 20 millions d'euros, au sein même du fonds de financement des CCIR, destiné à aider particulièrement certaines CCI en difficulté.

Ce fonds serait abondé par un prélèvement annuel sur le produit de la TACVAE faisant l'objet d'une affectation au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région (FFCCIR). Il aurait vocation à financer des « projets spécifiques d'investissement » des chambres ainsi qu'à contribuer à la mission de soutien des activités des chambres territoriales et départementales d'Ile-de-France qui leur sont rattachées, telle qu'elle est affirmée par l'article L. 711-8 du code de commerce.

D'un point de vue procédural, l'affectation des sommes disponibles au titre de ce fonds de péréquation serait décidée par délibération de l'assemblée générale de CCI France, prise au plus tard le 30 juin de chaque année, dans des conditions précisées par décret. Le reliquat du fonds qui n'aurait pas été affecté avant cette date serait reversé au budget général de l'État.

A l'occasion de la discussion à l'Assemblée nationale , les députés, à l'initiative de Mme Véronique Rabin, rapporteure spéciale de la commission des finances, ont modifié, avec un avis de sagesse du Gouvernement, le dispositif initial sur deux points :

- d'une part, ils ont scindé l'enveloppe de 20 millions d'euros en deux fractions : l'une, à hauteur de 18 millions , destinée aux actions de péréquation, les actions financées devant être des « projets structurants », l'affectation des fonds étant décidée par délibération de l'assemblée générale de CCI France dans des conditions définies par décret ; l'autre, à hauteur de 2 millions , réservée à des « projets d'intérêt national en faveur de l'innovation et de la modernisation du réseau », déterminés par CCI France ;

- d'autre part, ils ont modifié le mode de financement de CCI France , conduisant à faire évoluer la gouvernance du réseau des CCI . Aux termes de la disposition, CCI France bénéficierait d'une dotation directe en vertu de la loi et ne serait ainsi plus tributaire des décisions de l'assemblée générale des CCI, qui fixe actuellement chaque année son budget. Ainsi, un prélèvement serait opéré directement sur le fonds de financement des CCIR, d'un montant égal en 2016, à 2,2 % de la somme des plafonds de la taxe pour frais de chambres , ce qui représenterait 20 millions d'euros, soit une baisse de 3 millions d'euros par rapport à 2015. À partir de 2017, ce montant serait indexé à l'évolution de cette taxe.

Votre rapporteur pour avis est favorable à l'institution d'un fonds de péréquation entre les CCI qui permet, ponctuellement, d'atténuer certains déséquilibres liés à la répartition du produit de la TACVAE. Mais, compte tenu de sa dotation réduite, il conviendra que l'affectation des fonds serve bien des projets structurants et ne consiste pas en un « saupoudrage » des crédits entre plusieurs CCI voire une simple « aide à la trésorerie » des CCI.

Les modifications apportées par l'Assemblée nationale sont de nature à renforcer la position de CCI France, tête de réseau des CCI, au détriment des CCIR qui, historiquement et eu égard à leurs ressortissants, exercent une forte influence sur le réseau : d'une part, en lui conférant une plus grande autonomie financière par rapport aux CCIR, d'autre part, en prévoyant un financement 2 millions d'euros par an pour des actions de développement du réseau, qu'elle gérera ainsi directement, même si les actions financées resteront décidées par son assemblée générale.

Sur la forme, on ne peut que regretter que cette initiative n'ait pas fait l'objet d'une concertation réelle préalable entre les CCI, ce qui peut expliquer l'opposition de certaines d'entre elles.

Néanmoins, sur le fond, il faut souligner que le changement des modalités de détermination du budget de CCI France tendrait à rapprocher la gouvernance du réseau des CCI sur celle des chambres des métiers et de l'artisanat, même si le choix fait en 2010 n'avait pas été celui-ci. Cette évolution correspond d'ailleurs à une préconisation faite par nos collègues Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Débat dans le cadre de leur rapport de contrôle de l'application de la loi du 23 juillet 2010. 3 ( * ) Elle était également recommandée par l'un des rapporteurs de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances de l'Assemblée nationale dans son rapport sur les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements. 4 ( * )

Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis ne propose pas d'apporter de modification à cette disposition .

Au cours de sa réunion du 18 novembre 2015, votre commission a confirmé cette position.


* 3 Rapport n° 712 (Sénat, 2013-2014), au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois et de la commission des affaires économiques.

* 4 Rapport n° 3064 (Assemblée nationale, XIVème lég.), de Mmes Monique Rabin et Catherine Vautrin, au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances.

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