B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 138 « EMPLOI OUTRE-MER » : UNE DIMINUTION DES ALLÉGEMENTS DE CHARGES POUR LES ENTREPRISES

Le programme 138 « Emploi outre-mer » a pour finalité d'encourager la création d'emplois et la compétitivité des entreprises ultramarines.

En effet, l'éloignement géographique, l'exiguïté, l'insularité des territoires, l'étroitesse des marchés, l'exposition aux risques naturels et la proximité de pays à très bas salaires sont autant de handicaps qu'il faut compenser. Les voisins des territoires ultramarins sont également de redoutables concurrents économiques. Ainsi, dans le domaine touristique, pour des produits équivalents, les prix pratiqués sont souvent plus attractifs : rappelons, par exemple, qu'en République Dominicaine, on recrute à 300 euros par mois. En même temps - et on ne le souligne pas assez - les entreprises ultramarines sont soumises à des normes et des exigences de certification similaires à celles de l'hexagone.

Fondamentalement, cette mission budgétaire vise donc à permettre aux outre-mer de s'adapter au triple espace auquel ils appartiennent : l'espace national, leur environnement géographique immédiat ainsi que l'espace européen pour les DOM.

Évolution des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer »

( en millions d'euros )

Programme et actions

Autorisations d'engagements

Crédits de paiement

ï Exécution
2014

LFI 2015

Prévus pour 2016

Exécutés
en 2014

LFI 2015

Prévus pour 2016

138

Emploi outre-mer

1 383,3

1 391,9

1 361,1

1 370,7

1 378,6

1 361,4

1

Soutien aux entreprises

1136,8

1 136,2

1 111,2

1129,5

1 136,7

1 111,0

2

Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle

243,7

252,9

247,4

238,5

239,1

248,0

3

Pilotage des politiques des outre-mer

2,7

2,7

2,4

2,7

2,7

2,4

Source : Commission des affaires économiques du Sénat, à partir du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016.

1. Le soutien aux économies ultramarines

L' action n° 1 « Soutien aux entreprises » représente, en crédits de paiement comme en autorisations d'engagement, plus de 80 % des crédits du programme. Il s'agit principalement de la compensation par l'État de la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale induite par les exonérations de cotisations sociales patronales spécifiques à l'outre-mer et, d'autre part, des mesures de soutien aux entreprises.

La dotation budgétaire relative aux allégements de charges outre-mer s'élève, pour 2016, à 1,11 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2016, en baisse de 28,3 millions d'euros par rapport aux crédits proposés en 2015 (1,129 milliards d'euros).

Il convient ici de rappeler que l'analyse de ces crédits n'est pas simple, car elle doit prendre en considération, depuis le lancement du Pacte de responsabilité, l 'application simultanée de plusieurs mécanismes - généraux et ultramarins - visant à améliorer la compétitivité des entreprises en minimisant le coût du travail , avec des canaux de financement différents.

Le dispositif spécifique aux outre-mer d'allégements de charges a été créé en 1994 et ensuite modifié à de nombreuses reprises, en 2000, 2003, 2007, 2008, 2009 et 2013. Sa base juridique est l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale. Les mesures introduites à cet article par la loi du 27 mai 2009 dite LODEOM visent à concentrer les allégements sur les bas et moyens salaires ainsi que sur les entreprises de moins de 11 salariés quel que soit le secteur d'activité. Par ailleurs, des zones géographiques prioritaires sont plus particulièrement ciblées ainsi que onze secteurs exposés et présentant de forts potentiels.

S'agissant des réaménagements les plus récents, il convient d'abord de rappeler que l'article 130 de la loi de finances pour 2014 a amplifié le recentrage sur les plus bas salaires. Il a également pris en compte la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) :

- les entreprises non éligibles au CICE, qui sont peu nombreuses, continuent de bénéficier du régime antérieur d'allégement de cotisations ;

- les entreprises bénéficiant du CICE sont en revanche soumises à un régime d'exonération plus restrictif, avec des seuils resserrés sur les salaires les plus bas.

Parallèlement, le Pacte de responsabilité , visant à abaisser le coût du travail grâce au CICE et à des allégements supplémentaires de charges sociales, a fait l'objet d'une déclinaison spécifique outre-mer pour que le tissu économique ultramarin, constitué à plus de 90 % de très petites entreprises, puisse également bénéficier d'un « coup de pouce » supplémentaire. La loi de finances pour 2015 a ainsi porté à 7,5 % en 2015 puis à 9 % en 2016 - de la masse salariale éligible - le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) pour les entreprises situées dans les départements d'outre-mer.

La dernière réforme , encore en « navette », est prévue par l'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. Elle vise à maîtriser la dépense associée aux exonérations de charges patronales en outre-mer. Le choix qui a été fait par le Gouvernement consiste non pas à diminuer ces aides pour l'ensemble des entreprises ultramarines mais à les recentrer , une nouvelle fois :

- sur les bas et moyens salaires , avec une exonération totale de cotisations maintenue pour les rémunérations inférieures ou égales à 1,4 SMIC ;

- et sur les entreprises des secteurs particulièrement exposés à la concurrence dont la situation ne devrait ainsi pas changer.

Comme l'a fait observer M. Christian Eckert, lors du débat au Sénat, avec la multiplication des réformes, certains allégements généraux de droit commun deviennent paradoxalement plus favorables que les exonérations spécifiques prévues pour les outre-mer, et, par conséquent, la diminution de ces dernières sera partiellement compensée.

Pour sa part, la ministre des outre-mer a souligné qu'elle avait insisté, dans les arbitrages budgétaires, pour que le taux ultramarin du CICE soit bien porté en 2016, comme prévu, à 9 % des rémunérations qui ne dépassent pas 2,5 SMIC - c'est-à-dire inférieures à 3 643,79 euros bruts mensuels en 2015 - contre 6 % en métropole.

En résumé, le Gouvernement fait valoir que la diminution des exonérations spécifiques aux outre-mer, qui se traduit par la baisse des crédits de l'action 1 du programme 138, serait compensée, d'un autre côté, par l'augmentation des allégements de charges de droit commun et par des taux majorés du CICE outre-mer. Votre rapporteur pour avis tient ici à souligner l'autre versant de cette affirmation : les bénéfices attendus du CICE majoré seront neutralisés par la diminution globale des allégements de charges spécifiques aux outre-mer, ce qui ne permettra pas de réduire l'écart de compétitivité entre la métropole et les départements ultramarins. En outre, selon l'étude d'impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, plus du quart des salariés seraient affectés par les restrictions prévues par la réforme, essentiellement dans les entreprises de plus de 10 salariés dont 12,3 % des effectifs devraient être exclus du dispositif, contre 3,6 % de ceux des entreprises de moins de 11 salariés.

Sans entrer plus avant dans la querelle de chiffres relative à la mesure exacte de cette compensation et sur ses effets différenciés selon les entreprises, votre rapporteur pour avis formule trois observations .

Tout d'abord, il faut reconnaître que le dispositif antérieur est préservé dans les secteurs prioritaires définis par la loi du 27 mai 2009, à savoir : le tourisme, les énergies renouvelables, l'agro-nutrition, la recherche/développement et les technologies de l'information.

Cependant, en pratique, le droit applicable à ces allégements et au CICE n'est pas simple, et cette complexité risque d'ailleurs de dissuader certaines entreprises d'y recourir.

Votre rapporteur pour avis insiste surtout sur l'impact du principe même de la concentration des allégements sur les bas salaires .

Certes, selon les modèles économétriques, ce ciblage est le plus efficace à court terme pour favoriser les embauches et il est tout à fait compréhensible que nos Gouvernements favorisent les mesures dont l'impact est le plus immédiatement perceptible.

Cependant, à plus long terme, il faut également tenir compte des effets de structure de ces allégements de charges . Il ressort de l'analyse du rapport sur la compétitivité de Louis Gallois et de son audition par notre commission que la politique d'encouragement des embauches au salaire minimum n'est pas sans lien avec la désindustrialisation de notre pays et une spécialisation insuffisante de notre production dans le haut de gamme. Votre rapporteur ajoute que cette trappe à bas salaires a tendance à conduire les diplômés ultramarins à s'orienter vers la fonction publique ou vers l'exil, alors qu'il est impératif :

- de rééquilibrer le secteur public et le secteur marchand ;

- de monter en gamme ;

- et d'éviter les effets de seuils qui conduisent les entreprises à limiter les salaires d'embauche ainsi que les augmentations salariales pour ne pas franchir un palier légal.

Les autres dispositifs de soutien aux entreprises

L'action 1 finance également l'aide au fret à hauteur de 9,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 9,3 millions d'euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2016, contre 7 millions d'euros en loi de finances pour 2015. Cette augmentation permet à cette aide de s'approcher du niveau de 9,9 millions d'euros atteint en 2012.

Instituée par l'article 24 de la LODEOM, l'aide au fret vise à améliorer la compétitivité des entreprises dans les départements d'outre-mer ainsi qu'à Saint Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna. Il s'agit de diminuer les prix à la consommation en abaissant le coût du fret des matières premières ou des produits importés. Elle concerne également les produits exportés vers l'Union européenne après un cycle de production dans les DOM ou dans ces collectivités, afin de compenser l'éloignement géographique.

2. Le service militaire adapté et la formation professionnelle des ultramarins
a) Le service militaire adapté (SMA)

L'action 2 du programme 138, prévoit, pour 2016, 58 millions d'euros - en additionnant crédits de fonctionnements et d'investissement - pour le service militaire adapté (SMA) et la formation de 5 800 bénéficiaires , ce qui correspond à une stabilité des crédits par rapport à 2015. Ces financements sont complétés en cours d'année par ceux des collectivités ultramarines et du Fonds social européen (FSE).

Le service militaire adapté a été créé en 1961 : il s'agissait, à l'époque, de conjuguer les obligations du service national avec un besoin en formation professionnelle. Lors de la suspension de la conscription en 1996, le dispositif du SMA a été maintenu avec une inflexion de ses missions vers le développement économique et la protection civile.

Concrètement, le stage de six à douze mois qui s'adresse aux jeunes ultramarins, garçons ou filles, âgés de dix-huit à vingt-six ans, comprend un mois de formation militaire, 800 heures de formation professionnelle dans l'une des cinquante filières existantes, une remise à niveau scolaire, la préparation et le passage du permis de conduire ainsi que de l'attestation de premiers secours et enfin des chantiers d'application. Grâce à ces derniers, le SMA participe à la mise en valeur des collectivités d'outre-mer et aux plans d'urgence et de secours en cas de catastrophe naturelle.

Plus de 120 000 jeunes sont passés par le SMA depuis sa création en 1961 avec des taux d'insertion avoisinant 80 % pour l'ensemble des jeunes incorporés. Votre rapporteur pour avis suit donc très attentivement l'état d'avancement de la montée en charge du SMA pour atteindre, sans porter atteinte à la qualité des stages, l'objectif de 6 000 jeunes bénéficiaires en 2017 . Cet objectif, défini en 2009, correspondait alors à un doublement des volontaires. Le rythme de progression envisagé initialement n'a pas pu être suivi en raison des restrictions budgétaires ainsi que de retards liés aux opérations d'infrastructure. Cependant, d'après les indications fournies à votre rapporteur pour avis, les arbitrages budgétaires obtenus pour la période 2015-2017 garantissent que le but sera atteint en 2017 avec, en particulier, la réalisation d'infrastructures d'accueil et la création de cursus ouverts aux jeunes diplômés en situation de chômage.

Progression du nombre de bénéficiaires du SMA

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Objectif 2015

Objectif 2016

Nombre de bénéficiaires

2 975

3 029

4 013

4 990

5 429

5 666

5 750

5 800

Source : Commission des affaires économiques du Sénat, à partir des réponses au questionnaire budgétaire.

b) L'appui à la formation - mobilité

Fondamentalement, malgré les actions menées par les collectivités locales, l'offre de formation ne permet pas de couvrir localement les besoins des outre-mer et la formation hors du territoire ultramarin est donc une nécessité.

Dans un souci de rationalisation, l'ensemble des crédits dédiés à la formation professionnelle en mobilité des ultramarins a été regroupé, depuis la loi de finances pour 2015, au sein de la mission outre-mer, par transfert de crédits en provenance du ministère du travail en charge de la formation professionnelle.

L'action 2 finance l' Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM). Placé sous la tutelle du ministère chargé de l'outre-mer et du ministère chargé du budget, cet opérateur de l'État a pour mission essentielle d'améliorer l'employabilité et de favoriser l'insertion professionnelle des ultramarins à l'issue de leur formation. Afin de développer la politique nationale de continuité territoriale définie par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, l'opérateur LADOM gère les trois grandes actions financées par l'État à travers le fonds de continuité territoriale :

- le « passeport pour la mobilité de la formation professionnelle » qui finance les dépenses de formation professionnelle en mobilité, lorsque la filière recherchée n'existe pas sur place ;

- le « passeport pour la mobilité des études », qui finance tout ou partie des titres de transport des étudiants et des lycéens de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Barthélemy contraints de suivre en Europe une formation non disponible sur place ;

- et l'aide à la continuité territoriale, qui finance une partie du titre de transport des résidents des départements et collectivités d'outre-mer, entre leur collectivité de résidence et l'hexagone.

Les financements de LADOM prévus pour 2016 atteignent au total 72 millions d'euros en AE et 67 millions en CP et proviennent de plusieurs canaux complémentaires :

- les crédits de l'action 2 du programme 138 « Emploi outre-mer », avec une dotation pour 2016 de 43,5 millions d'euros en AE et 38,5 millions en CP, constituée d'une subvention pour charges de service public de 7,6 millions en AE/CP et de crédits dédiés à la formation des stagiaires ultramarins en mobilité à hauteur de 35,9 millions en AE et 30,9 millions en CP.

- et, une enveloppe centrée sur le volet transports provenant de l'action 3 « Continuité territoriale » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » de 28,5 millions d'euros en AE/CP qui progresse d'un million par rapport à 2015 et comprend la création d'un nouveau dispositif de continuité funéraire vers les DOM.

Par ailleurs, LADOM reçoit des subventions des régions et collectivités d'outre-mer ainsi que du Fonds social européen.

S'agissant de ses moyens en personnel, l'opérateur dispose d'un plafond d'emplois fixé à 131 pour l'année 2014, puis abaissé de deux unités en PLF 2016 et complété par un hors-plafond autorisé de 35 emplois répartis entre 20 volontaires de service civique et 15 contrats aidés.

Afin d'accompagner les projets de formation en mobilité des jeunes, LADOM dispose d'un réseau de neuf délégations régionales dans l'hexagone et d'une délégation dans chacun des cinq départements d'outre-mer. LADOM développe également des partenariats avec les principaux acteurs de la formation et de l'insertion professionnelle que sont les conseils régionaux, Pôle Emploi, les missions locales et les OPCA mais aussi avec le SMA et les acteurs économiques pour que les formations proposées aux ultramarins s'inscrivent dans des secteurs porteurs en termes d'emploi.

L'exercice 2016 constituera une année de transition et de recherche d'amélioration de la performance de ces formations avec :

- la transformation de LADOM en établissement public de l'État à caractère administratif ;

- l'implantation de son siège social dans les locaux du ministère des outre-mer à Paris ;

- le renouvellement de son contrat d'objectifs et de performance ainsi que de sa convention triennale de gestion avec le ministère des outre-mer ;

- le renouvellement des marchés publics de formation professionnelle et de transport aérien ;

- et la réorientation de ses formations professionnelles en mobilité vers des publics spécifiques tels que les volontaires stagiaires du SMA détenteurs d'un certificat d'aptitude personnelle à l'insertion (CAPI).

LADOM assure la prise en charge des parcours de formation d'environ 4 600 stagiaires par an.

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