B. UNE RATIONALISATION DE LA GESTION DES CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE À POURSUIVRE

1. Des dépenses à rationaliser

Comme l'avait constaté votre rapporteur dans son rapport pour avis pour les crédits de la loi de finances pour 2015, les travaux de réhabilitation et de modernisation des centres de rétention administrative (CRA) font souvent l'objet de retards importants.

Ainsi, il peut être observé que le CRA et la zone d'attente de Mayotte ont finalement été livrés le 31 juillet 2015, après trois prolongations de délai, alors que la date prévisionnelle avait été fixée au 8 décembre 2014. Le coût total de ce projet immobilier s'élève à 26,4 millions d'euros , pour la création de 136 places pour le CRA - qui comptait auparavant 100 places, dans un cadre toutefois très dégradé - et 12 places pour la zone d'attente.

Au regard du contexte migratoire, les crédits au titre du fonctionnement hôtelier des CRA, des locaux de rétention administrative et des zones d'attente ont été portés à 20,6 millions d'euros pour l'année 2016, soit une augmentation de près de 8 % par rapport aux crédits ouverts au titre de l'année 2015 , permettant de placer en rétention 1 400 étrangers en situation irrégulière supplémentaires 3 ( * ) .

Par délégation de la direction générale des étrangers en France (DGEF), les secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI) et les services administratifs et techniques de la police nationale sont chargés de la gestion de ces crédits. Il peut être rappelé que les SGAMI, qui remplacent les secrétaires généraux pour l'administration de la police (SGAP), ont été créés en 2014, notamment afin d'intégrer les forces de gendarmerie dans leur périmètre. Il en existe un par zone de sécurité et de défense et ils ont notamment pour fonction de rationaliser la dépense et de mutualiser le soutien des services du ministère de l'intérieur dans la zone.

Lors de son audition par votre rapporteur, M. Frédéric Joram, sous-directeur de la lutte contre l'immigration régulière au sein de la DGEF, a estimé que le soutien assuré par les SGAMI était satisfaisant.

Comme cela avait été déjà souligné dans les rapports pour avis sur les crédits de cette mission, au titre des années 2013, 2014 ou 2015, les CRA se caractérisent par leur taux d'occupation variable, en baisse depuis 2008, où il était de 68 %, à 43 % en 2012 . Toutefois, ce taux a remonté légèrement en 2013, à 48 %, et il peut être constaté qu'en 2014, cette hausse se poursuit puisque ce taux atteint 52,7 % . Cette amélioration s'explique également par des travaux visant à réduire le nombre de places là où il est constaté une sous-occupation, comme à Rennes, où 14 places ont été supprimées à compter du 1 er janvier 2015.

Toutefois, certaines structures, disposant parfois d'un nombre de places important, comme le CRA de Toulouse-Cornebarrieu, sont encore sous occupées, puisque le taux d'occupation y stagne autour de 37 %. Cet élément, relevé par votre rapporteur dans son avis pour les crédits de la mission « Immigration », hors asile, pour l'année 2015, montre qu'une marge de progression existe encore.

2. La sous-utilisation chronique des salles d'audience délocalisées et de la vidéo-audience
a) Les salles d'audience délocalisées

Comme cela avait été observé dans le rapport pour avis pour le projet de loi de finances pour 2015, les salles d'audience délocalisées sont encore très peu utilisées.

En premier lieu, seules trois salles d'audience délocalisées sont en fonction, sur les 27 CRA existants.

Par ailleurs, la mise en service de l'annexe du tribunal de grande instance de Bobigny, à la zone d'attente de Roissy, a été encore une fois repoussée. Ce report est motivé par la demande du ministère de la justice de transformer l'une des salles d'audience en salle d'attente.

Toutefois, ce motif avait déjà été avancé l'année dernière pour justifier que l'annexe ne soit pas ouverte en 2014, alors même que les travaux de mise en conformité des locaux, recommandés par la mission Bacou-Guillenschmidt, avaient été réalisés. Or aucune mesure ne semble avoir été prise depuis un an pour transformer effectivement une des salles d'audience en salle d'attente.

b) La vidéo-audience

Théoriquement possible dans le cadre du contrôle de la rétention administrative par le juge des libertés et de la détention (JLD), aucune vidéo-audience ne s'est tenue en raison du refus opposé à la mise en oeuvre de cette modalité, tant par les magistrats que par les avocats.

Cette possibilité a été étendue aux juridictions administratives , en cas de contestation par un étranger placé en rétention de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet par l'article 14 du projet de loi relatif au droit des étrangers actuellement en cours de discussion au Parlement 4 ( * ) .

Toutefois, il est à craindre qu'un tel dispositif ne soit pas davantage utilisé.

3. Un budget dédié à l'assignation à résidence modeste, malgré une augmentation

L'assignation à résidence est la mesure de principe préalable à un éloignement, comme le dispose la directive européenne 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dite « directive Retour ».

Toutefois, cette mesure est assez rarement prononcée, au regard du risque que l'étranger se soustrait à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet. Depuis 2011, le nombre d'assignations à résidence croît cependant rapidement, puisque 668 mesures ont été prononcées en 2012, 1 263 en 2013, 2 293 en 2014 . Pour le premier semestre 2015, cette tendance se maintient, puisque 1 621 d'arrêtés d'assignation à résidence ont été pris par les préfectures.

Le projet de loi relatif au droit des étrangers actuellement en cours de discussion au Parlement a notamment pour objet d'améliorer les conditions de recours à l'assignation à résidence, ce qui pourrait permettre d'en faire une mesure plus souvent utilisée par les préfectures.

Enfin, si les étrangers placés en rétention dispose d'une assistance juridique , dont le coût atteint en 2014 près de 4,5 millions d'euros en 2014 et 4,6 millions d'euros en 2015, les étrangers assignés à résidence ne disposent d'aucune mesure d'accompagnement juridique spécifique. Toutefois, dans le cadre du projet de loi relatif au droit des étrangers précité, en conformité avec une recommandation de Mme Éliane Assassi et de votre rapporteur à l'occasion de leur rapport d'information sur les centres de rétention 5 ( * ) , un article additionnel a été adopté, prévoyant qu'un décret définit les modalités selon lesquelles les étrangers assignés à résidence bénéficient d'une information pour permettre l'exercice effectif de leurs droits et préparer leur départ.

Les dépenses d'assignation à résidence seraient portées à 1,3 million d'euros pour le budget au titre de l'année 2016, soit une augmentation de 25 % , permettant de décider ces assignations à résidence au sein de structures associatives ou hôtelières à titre onéreux.

Toutefois, ce montant reste relativement modeste, au regard du budget consacré aux centres de rétention administrative, de l'ordre de 30 millions d'euros .


* 3 Voir le projet annuel de performance pour la mission « Immigration, asile et intégration », année 2016, p. 37.

* 4 Le dossier législatif est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl14-655.html .

* 5 La rétention administrative : éviter la banalisation, garantir la dignité des personnes, rapport d'information de Mme Éliane Assassi et M. François-Noël Buffet fait au nom de la commission des lois (n° 773, 2013-2014) ( http://www.senat.fr/rap/r13-773/r13-7736.html ).

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