B. ANALYSE DÉTAILLÉE DES CRÉDITS.

1. Derrière les hausses de crédits, une grande stabilité des mesures de soutien à l'économie agricole au sein du programme 149.

À périmètre constant, sans prendre en compte la forêt, les crédits destinés au soutien à l'économie agricole enregistrent une forte augmentation dans le projet de loi de finances pour 2017 par rapport au précédent, de 8,5 % soit 116 millions d'euros en AE et de 12,5 % soit 160 millions d'euros en CP.

En outre, le financement des exonérations de charges sociales au bénéfice des agriculteurs fait l'objet d'une identification au sein d'une action spécifique, l'action n° 25. Les crédits correspondants expliquent à eux seuls presque 500 millions d'euros sur l'augmentation totale de l'enveloppe de la MAAFAR, puisqu'ils passent de 411 millions d'euros en 2016 à 918 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2017.


• L'action n° 21
est consacrée à l'adaptation des filières à l'évolution des marchés. Elle est dotée de 204,3 millions d'euros en AE et 205,1 millions d'euros en CP, soit 36 millions d'euros de plus qu'en 2016. Cette hausse résulte principalement de :

- l'enveloppe supplémentaire de 28 millions d'euros allouée à la filière canne-sucre outre-mer pour compenser les contraintes qui pèseront sur la filière dans le contexte de la fin des quotas sucriers au 1 er octobre 2017  ; l'aide à la filière canne à sucre se monte au total à 114 millions d'euros ;

- la revalorisation à hauteur de 40 millions d'euros de l'enveloppe complémentaire en faveur de l'outre-mer mise en place en 2009 pour répondre aux besoins d'évolution de la production et de la structuration des filières de diversification animale et végétale (enveloppe CIOM) ;

- la hausse de 2,8 millions d'euros des crédits alloués à la promotion à l'étranger des produits français portant à 8 millions d'euros cette enveloppe , destinée aux opérateurs porteurs de cette politique (Sopexa, Business France, Adepta ...) ; il s'agit là d'un rattrapage car ces crédits n'ont cessé de baisser ces dernières années : ils s'élevaient encore à près de 18 millions d'euros en 2010.

Les autres lignes budgétaires sont stables : le fonds avenir bio, pour sa part, est maintenu à 4 millions d'euros, le budget d'intervention alloué à FranceAgrimer reste doté de 25 millions d'euros et le budget de l'Odeadom conserve une dotation de 6,1 millions d'euros.


• L'action n° 22
consacrée à la gestion des crises reste dotée comme en 2016 à son étiage minimal : 3,8 millions d'euros en AE et 5,5 millions d'euros en CP. Cette dotation finance les dispositifs Agridiff et fonds d'allègement des charges (FAC). Le budget prévu ne correspond en rien aux besoins ordinaires, si bien que des crédits complémentaires devront être dégagés pour la gestion des risques en cours d'année. Vos rapporteurs soulignent également que, comme les années précédentes, aucune enveloppe n'est prévue pour abonder le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), qui finance notamment les indemnités au titre des calamités agricoles.


• L'action n° 23
concerne l'appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles. L'enveloppe consacrée à cette action ne représente que 7 % du programme, avec 160,5 millions d'euros en AE et 125 millions d'euros en CP, mais elle joue un rôle essentiel dans l'accompagnement des exploitations à travers plusieurs dispositifs :

- le dispositif de soutien à l'installation est revu du fait de la disparition des prêts bonifiés compensée par la majoration de la dotation jeunes agriculteurs ;

- les crédits en faveur de la modernisation des exploitations sont avec 84,5 millions d'euros en AE et 66,3 millions d'euros en CP. Vos rapporteurs notent que si les AE sont stables, les CP augmentent fortement sous l'effet de la montée en puissance du plan pour la compétitivité et l'adaptation des exploitations (PCAE).


• L'action n° 24
concerne la gestion équilibrée et durable des territoires, avec 389,8 millions d'euros en AE et 380,5 millions d'euros en CP. Les crédits sont en hausse de 5,65 % en AE et 7,3 % en CP soit respectivement 20 et 26 millions d'euros supplémentaires. Cela s'explique par plusieurs phénomènes :

- la poursuite de la revalorisation de l'ICHN représente 8 millions d'euros ;

- la hausse de l'enveloppe allouée aux MAEC et à l'agriculture biologique représente 15 millions d'euros en AE et 20 millions d'euros en CP. Cette hausse s'explique d'abord par la dynamique de contractualisation des nouvelles MAEC avec l'adaptation des cahiers des charges et ensuite par le déploiement du plan ambition bio qui arrive à échéance en 2017 et qui entraîne une forte progression des conversions.


• L'action n° 25
concerne essentiellement la compensation auprès de la mutualité sociale agricole des mesures d'allègement de cotisation sociale dans le secteur agricole, à travers deux dispositifs :

- l'exonération de cotisations sociales pour l'emploi de travailleurs saisonniers demandeurs d'emploi (TO-DE) est maintenue en 2017. Elle consiste en une exonération totale de charges patronales sur les salariés rémunérés jusqu'à 1,25 fois le SMIC et dégressive jusqu'à 1,5 fois le SMIC. Près d'un quart du travail salarié agricole est effectué sous cette forme, soit 611 millions d'heures de travail. Le coût de la mesure est estimé à 438 millions d'euros .

- La réduction de 7 points de la cotisation personnelle maladie des exploitants agricoles , qui touche environ 420 000 exploitants, décidée début 2016, est prise en compte intégralement dans le budget 2017 à hauteur de 480 millions d'euros .


• L'action n° 27
, enfin, comprend l'ensemble des subventions pour charges de services public des opérateurs sous tutelle du ministère de l'agriculture, hors forêt et hors ANSES. Cette enveloppe enregistre une hausse de 18,5 millions d'euros , soit près de 7 %, en AE comme en CP, du fait d'abondements de certains opérateurs sous-financés les années précédentes :

- La subvention à l'Agence de services et de paiements (ASP) est portée à 109 millions d'euros, soit 4 millions d'euros de plus qu'en 2016, afin de lui permettre de faire face aux missions de gestion des aides de la PAC. En outre, une enveloppe exceptionnelle de 11,4 millions d'euros contre 2,8 millions d'euros en 2016 est attribuée pour couvrir les investissements destinés à perfectionner l'outillage de l'ASP, en particulier en matière de calcul des surfaces éligibles aux aides directes, afin d'éviter une nouvelle situation de contentieux avec l'Union européenne pouvant aboutir à des refus d'apurement massifs. Enfin, une subvention de 8 millions d'euros est prévue pour financer la convention entre l'ASP et l'IGN relative à l'actualisation du système informatique d'identification des parcelles dans le registre parcellaire graphique de la PAC.

- La subvention à FranceAgrimer est portée à 93,5 millions d'euros, soit 2 millions d'euros de plus qu'en 2016, afin de restaurer ses moyens de fonctionnement.

- La subvention à l'INAO est légèrement réduite, passant de 17,1 millions d'euros à 16,8 millions d'euros.

- Il en va de même pour l'Institut français du cheval et de l'équitation , dont la subvention passe de 43,2 millions d'euros à 39,3 millions d'euros.

- Les subventions à l'Agence bio (1,5 millions d'euros) et l'Odeadom (4,5 millions d'euros), plus modestes, sont quasi-identiques à celles de l'année précédente.

2. La sécurité sanitaire : un enjeu majeur porté par le programme 206.
a) Faire face aux menaces sanitaires.

Entre la mi-2015 et la mi-2016, la France a dû affronter trois crises sanitaires importantes :

- Dans le secteur végétal , depuis juillet 2015, la bactérie xylella fastidiosa menace la vigne, les vergers, mais aussi les oliviers, le chêne, l'érable et la plupart des espèces végétales. La plupart des foyers sont en Corse, mais quelques cas ont aussi été détectés en région Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Il n'existe aucune autre technique que l'arrachage pour lutter contre cette menace.

- Dans le secteur animal , la fièvre catarrhale ovine (FCO) détectée fin 2015 dans des élevages ovins et bovins du Centre de la France a nécessité des mesures de surveillance renforcée et une campagne de vaccination. Depuis, la menace reste élevée mais maîtrisée.

- Fin 2015, les élevages de canards et oies du Sud-Ouest de la France ont aussi été touchées par le virus de l'influenza aviaire , ce qui a nécessité la mise en place d'un vide sanitaire avec arrêt complet de la production. La crise de l'influenza aviaire a mis en évidence les difficultés à faire face à des vecteurs provenant de la faune sauvage, notamment des oiseaux migrateurs.

À ces menaces sanitaires fortes, s'ajoutent des risques traditionnels toujours présents : le virus West-Nile qui touche les chevaux en Camargue, la brucellose bovine ou ovine en montagne, qui touche notamment la population de bouquetins sauvages du massif du Bargy, la peste porcine , qui peut aussi être amenée par les sangliers sauvages, la tuberculose bovine , qui frappe en Côte d'Or et en Dordogne. La surveillance des encéphalopathies spongiformes bovines (ESB) doit rester forte, à travers la surveillance des signes cliniques dans les élevages, le dépistage systématique des bovins abattus de plus de 48 mois, et le retrait systématique des matériels à risque spécifiés (MRS) du circuit alimentaire.

Dans le secteur végétal, la lutte contre la diffusion de la flavescence dorée de la vigne ou encore contre celle du chancre restent aussi des priorités.

L'exigence de détection des risques et d'une réaction rapide des pouvoirs publics est forte dans la mesure où ces maladies animales ou végétales peuvent avoir des répercutions de santé publique, à travers la contamination des aliments, ou la transmission des agents pathogènes à l'homme.

Mais l'exigence d'un haut niveau de sécurité sanitaire est également forte dans la mesure où toute menace sanitaire est en même temps, pour la filière agricole, une menace économique majeure . En cas de maladie animale ou végétale, les consommateurs adoptent un principe de prudence et se détournent des productions risquées. Les marchés à l'exportation se ferment aussi, en particulier sur les animaux vifs, dès lors que la France perd son statut « indemne ». Enfin, des mesures d'abattage peuvent être décidées et perturbent les cycles de production, causant des pertes indirectes qui sont mal prises en compte par les mesures d'indemnisation.

b) Un budget en légère hausse.

Les crédits en faveur de la sécurité sanitaire figurent au sein d'un programme dédié, le programme n° 206 intitulé : « sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation ».

Ce programme est doté pour 2017 de 509 millions d'euros en AE et 506,6 millions d'euros en CP , soit une hausse de 4,3 % par rapport à 2016, soit un peu plus de 20 millions d'euros.

La moitié de cette hausse sert à renforcer les moyens humains destinés au contrôle de la sécurité sanitaire des aliments, le programme enregistrant en 2017 la dernière tranche de l'augmentation de 180 postes des services assurant le contrôle des abattoirs . L'année 2017 devrait ainsi voir la création, comme en 2015 et 2016, de 60 postes supplémentaires pour ces missions. L'action n° 4 du programme, qui finance ces mesures, enregistre à elle seule une hausse de ses dotations de 10 millions d'euros.

La hausse s'explique aussi par la nécessité de compenser sur crédits nationaux la baisse des cofinancements européens pour la surveillance des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles (ESST), principalement l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB)

Dans le détail, vos rapporteurs font les observations suivantes :

L'action n° 1 consacrée à la prévention et gestion des risques inhérents aux productions végétales est en forte augmentation tenant compte notamment de l'apparition de la bactérie xylella fastidiosa et de la volonté de la direction générale de l'alimentation (DGAl) de développer des plans d'urgence sur les principaux dangers qui menacent notre territoire. Sur les 25,7 millions d'euros de ce programme, 12 millions d'euros sont consacrés à la surveillance biologique du territoire et 13,7 millions d'euros aux dépenses d'intervention dont 11,8 millions d'euros correspondent aux subventions aux fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles (FREDON).

L'action n° 2 est consacrée à la lutte contre les maladies animales et à la protection des animaux. Elle est dotée de 92,8 millions d'euros en AE et 90,7 millions d'euros en CP , soit près de 7 % de plus que pour 2016. Cette ligne budgétaire sert d'abord à régler les dépenses de surveillance des maladies animales, en particulier les ESST : 14 millions d'euros en AE et CP sont inscrits pour financer les dépistages : c'est 4 millions d'euros de plus que dans le précédent budget, afin de compenser la baisse des crédits européens. Une autre enveloppe de 15,5 millions d'euros en AE et 14,5 millions d'euros en CP est consacrée aux plans d'urgence contre les épizooties et aux visites sanitaires. Une enveloppe de 10 millions d'euros est également consacrée au financement des 20 000 prélèvements par an au titre du contrôle de l'alimentation animale et du médicament vétérinaire. Au total, les dépenses de fonctionnement s'élèvent à 68 millions d'euros en AE et 66 millions d'euros en CP.

L'action n° 2 finance aussi les indemnisations versées aux éleveurs (11 millions d'euros), les subventions aux groupements de défense sanitaire (5,6 millions d'euros), les mesures de gestion du système d'information sur l'identification des animaux, notamment les subventions aux établissements départementaux de l'élevage (4,6 millions d'euros) et les dépenses de protection des animaux (moins d'un million d'euros). Cette année, une enveloppe nouvelle de près de 3 millions d'euros a dû être inscrite pour financer le préjudice subi en matière de retraite par les vétérinaires ayant exercé un mandat sanitaire avant 1990, suite à un contentieux clos par un arrêt du Conseil d'État.

L'action n° 3 concerne la prévention et la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires. Elle est dotée d'une ligne budgétaire de 16,4 millions d'euros contre 14,4 millions d'euros dans le précédent budget. L'augmentation de l'enveloppe s'explique principalement par le renforcement de la lutte contre les salmonelles en élevages (+ 1,3 millions d`euros), nécessaire pour mieux respecter la réglementation européenne.

L'action n° 4 consacrée aux actions transversales porte principalement les crédits en faveur de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), analysés ci-après. L'enveloppe globale de cette action s'établit à 69 millions d'euros, soit 2 millions d'euros de moins que dans le précédent budget.

L'action n° 5 est résiduelle : 4,3 millions d'euros en AE et 3,9 millions d'euros en CP sont consacrés d'une part à la collecte et l'élimination des animaux morts en dehors des exploitations agricoles, et d'autre part au service public d'équarrissage outre-mer.

L'action n° 6 porte les crédits de personnel des services centraux et déconcentrés du ministère de l'agriculture consacrés à la sécurité sanitaire : l'augmentation de 3,7 % des crédits, qui s'établissent pour 2017 à 297 millions d'euros, s'explique par le renforcement des effectifs évoqué ci-dessus.

Il n'existe pas d'action n° 7 au sein du programme n° 206, en revanche l'action n° 8 est consacrée à la qualité de l'alimentation et à l'offre alimentaire. Cette action est dotée de 3,7 millions d'euros pour 2017 contre 4 millions d'euros en 2016. Elle vise essentiellement à financer les mesures contenues dans le programme national pour l'alimentation (PNA). Cette action est sensée soutenir les projets alimentaires territoriaux (PAT), qui visent à organiser un approvisionnement alimentaire de proximité. L'objectif consiste à mettre en oeuvre une centaine de ces projets. La baisse des crédits sur l'action n° 8 paraît donc assez paradoxale.

c) L'ANSES : un opérateur essentiel de l'État.

Seul opérateur rattaché au programme n° 206, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) est l'organisme de référence d'expertise scientifique dans les domaines de la santé animale, de la protection des végétaux, de l'alimentation, de la santé environnementale et de la santé au travail.

Ses missions n'ont cessé de se développer durant les dernières années, en particulier en matière de produits phytopharmaceutiques. La montée des attentes sociétales conduit l'ANSES à devoir répondre de plus en plus rapidement à des demandes d'expertise, et à développer les actions de veille scientifique et technologique, par exemple sur les perturbateurs endocriniens.

L'ANSES dispose d'un budget d'un peu moins de 138 millions d'euros par an , dont 94 millions d'euros en provenance de subventions de l'État.

La MAAFAR est le principal contributeur à ce budget avec une subvention pour charges de service public de 63,5 millions d'euros en 2016. Cette subvention baisse de 1,5 millions d'euros en AE et 2 millions d'euros en CP dans le projet de loi de finances pour 2017 .

Dans ce contexte, l'ANSES est amenée à réaliser des économies structurelles permises notamment par son installation dans de nouveaux locaux situés à Maisons-Alfort. Toutefois, une part importante des charges de fonctionnement de l'ANSES repose sur ses 11 laboratoires, qui emploient environ 600 personnes sur les 1 350 emplois que compte d'Agence.

Le bon fonctionnement de l'ANSES dépend donc de sa capacité à financer son activité sur la base d'autres ressources que les subventions pour charges de service public.

Environ 10,7 millions d'euros de recettes sont collectées dans le cadre de conventions de recherche et travaux contractualisés, et 4 millions d'euros proviennent de prestations de service.

Par ailleurs, l'ANSES dispose de ressources fiscales affectées , à hauteur de 27 millions d'euros : 7,5 millions d'euros au titre des taxes affectées sur le médicament vétérinaire, 11,5 millions d'euros au titre des taxes affectées sur les produits phytopharmaceutiques, 4 millions d'euros au titre de la taxe sur les dépôts de dossiers de demande d'autorisation de mise sur le marché de ces produits, 2 millions d'euros de redevances sur les biocides et 2 millions d'euros en provenance de la taxe sur les radiofréquences.

La redevance perçue à l'occasion des autorisations de mise sur le marché dépend de l'activité de l'Agence sur cette question. Or, avec le Brexit, une partie des évaluations qui étaient réalisées au Royaume-Uni le seront probablement en France. Ce surcroît d'activité de l'Agence pourrait être intégralement financé grâce à la recette correspondante, à condition que ce produit ne soit pas plafonné par la loi de finances .

En outre, il conviendrait de poursuivre au-delà de 2017 l'assouplissement des conditions d'application du plafond d'emploi de l'ANSES pour permettre à l'Agence de recruter des personnels contractuels pour réaliser des missions intégralement autofinancées par ces recettes, faute de quoi des retards dans la réalisation des évaluations pourraient intervenir, au détriment de l'ensemble de la filière agricole.

3. Les crédits en faveur de la forêt.
a) La forêt : un gisement de croissance « verte » et d'emplois qui nécessite une vision à long terme assortie de financements stables

Le niveau plancher des dotations budgétaires à la forêt proposé pour 2017 ne répond pas aux préconisations de la plupart des rapports publiés sur la forêt et la filière bois depuis 20 ans : la France ne saisit pas suffisamment la chance que constitue sa forêt. Rares sont les secteurs économiques où le potentiel d'emploi est aussi élevé par euro investi. Or, depuis plusieurs décennies, la France consacre quatre à dix fois moins d'argent public à la forêt que les autres pays européens.

L'évolution de la nomenclature budgétaire qui figure dans le document « bleu » pour 2017 ne donne pas l'impression d'une volonté de contrecarrer cette évolution puisque les crédits de la forêt ne font plus l'objet d'un programme à part entière mais d'une simple action et certains acteurs de terrain en tirent un sentiment de rétrogradation.

« L'appel de Mende » en faveur du reboisement, salué par Gouvernement, invite à substituer des financements stables à la dispersion et aux à-coups de la politique budgétaire.

Au cours de son audition par la commission des affaires économiques, le ministre en charge de l'agriculture et de la forêt a insisté les 28,5 millions d'euros, en AE, alloués au Fonds stratégique de la forêt et du bois. En même temps, il a souligné qu'il se joignait à « l'appel de Mende », en rendant hommage à l'initiative lancée par Philippe Leroy et le groupe d'études sénatorial forêt et filière bois.

Extraits de « l'appel de Mende » du 27 octobre 2016.

Il a été lancé par Philippe Leroy et les organisations professionnelles de la filière forêt - bois, à l'issue d'un colloque national intitulé « Renouveler la forêt pour une économie du futur » qui s'est tenu en Lozère.

« Il est urgent d'agir car notre forêt, la forêt française vieillit, se fragilise et n'est pas suffisamment renouvelée. Nous cherchons tous à développer l'usage du bois, promouvoir son rôle et celui de la forêt dans la contribution à la lutte contre le changement climatique.

Or, on entend souvent dire, laissons faire la nature ! Mais si nous laissons faire la nature, quelle production pourrons-nous en attendre ? [...]

Une des résultantes sera une augmentation du déficit de notre balance commerciale, alors que la volonté d'accroître la part du bois dans notre quotidien est bien réelle. Mais dans 30 ans, nous devrons aller le chercher ailleurs ! En Allemagne, en Pologne, en Amérique du Sud...

Car ces pays que je viens de citer ont bien compris eux, l'importance de renouveler leur ressource. Les chiffres ne trompent pas, l'Allemagne plante 300 millions de plants par an, la Pologne 1 milliard, et nous ? 70 millions...

Alors il est urgent d'agir et de combattre l'immobilisme. Je lance un appel avec l'ensemble de la filière bois française à renouveler la forêt pour bâtir notre économie du futur et préserver nos paysages.

Notre société souhaite voir émerger des bâtiments en bois ? Notre filière peut répondre à cette attente avec une ressource plantée et gérée avec un véritable objectif : celui de produire du bois d'oeuvre.

Notre société souhaite éradiquer le plastique pour favoriser des emballages respectueux de l'environnement ? Elle voudrait se chauffer à partir des systèmes de chaleur alimentés par une matière première renouvelable ? Elle rêve d'une chimie verte à base de lignine ? Notre filière organisée sait trouver ces débouchés complémentaires et nouveaux qui valorisent une sylviculture dynamique et durable. [...]

Mais avec quels moyens allons-nous concrétiser cela ? Le Fonds stratégique de la filière forêt bois est créé, les 28 millions d'euros investis par le Ministère en charge de la forêt permettent d'amorcer la pompe d'un système qui doit rapidement atteindre 150 millions d'euros par an pour vraiment permettre d'engager cet effort indispensable. Il reste une sacrée marche à franchir, et pour cela nous avons besoin de vous !

Car nous devons assurer dès maintenant un renouvellement de nos forêts sans plus attendre. Un effort important mais atteignable. Retenez un chiffre : pour 2025 nous devons avoir renouvelé 500 000 ha de forêt ce qui correspond à seulement 3 % de la surface totale actuelle pour rattraper le retard déjà accumulé. Et ensuite atteindre un rythme plus élevé pour renouveler 125 000 ha par an, c'est à dire 0,7 % de la surface forestière chaque année (avec 336 millions de plants). Un objectif ambitieux mais à notre portée techniquement si l'on nous en donne les moyens !

Pour cela nous lançons un appel à nos élus, à nos Ministres concernés car ce sujet est d'importance nationale et ne peut plus attendre, les Ministres de l'économie, du logement, de l'environnement et de la forêt. L'outil existe : le Fonds stratégique forêt bois, il doit atteindre le niveau nécessaire et tous doivent se sentir concernés par l'avenir de notre forêt française qui conditionne l'économie, l'environnement et la société de demain.

L'effort que nous demandons est à notre portée, à votre portée. Renouvelons la forêt pour une économie du futur ! Nous lançons aussi un appel aux citoyens, aux entreprises, aux mécènes...

Vos rapporteurs pour avis se félicitent du soutien apporté par le Gouvernement à cette initiative. Cependant, il convient de souligner que l'appel de Mende est un plaidoyer pour le reboisement - car notre forêt vieillit - et pour que la France joue enfin sa carte forestière de façon beaucoup plus dynamique. Il y a là un énorme potentiel d'emplois et de croissance verte sur nos territoires. Dans ce domaine, l'effet multiplicateur de chaque euro investi par l'État est considérable, mais cela nécessite une action à long terme avec des ressources stables et lisibles.

Or malgré bonne volonté affichée par le Gouvernement, la réalité du financement de la forêt est celle d'un « stop and go » des crédits budgétaires et d'une « tuyauterie » assez compliquée puisqu'aujourd'hui c'est par le biais de la mission écologie et du fonds chaleur, géré par l'ADEME (l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) que transitent des sommes importantes allouées à la forêt. Ces crédits ne sont pas inscrits au budget de l'État car la gestion du fonds est déléguée à l'Ademe dont les ressources proviennent pour l'essentiel des produits de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) affectés à l'agence.

Créé en décembre 2008, le fonds chaleur a été mis en place, conformément à l'article 19 de la loi Grenelle I afin de soutenir la production de chaleur à partir de sources renouvelables. Sa gestion a été déléguée à l'ADEME. De 2009 à 2014, l'ADEME a engagé 1,202 milliard d'euros pour soutenir 3266 opérations qui ont généré un montant d'investissement de près de 4 milliards d'euros.

Le fonds chaleur a été doté d'une enveloppe de 1,28 milliards d'euros pour la période 2009-2014, soit une moyenne annuelle de 250 millions d'euros et 220 millions en 2014. La ministre de l'écologie a annoncé, le 18 juin 2014, le doublement du fonds chaleur à horizon 2017, avec une montée en puissance progressive dès 2015.

Par ailleurs, afin d'optimiser l'attribution des aides et d'élargir son périmètre, trente millions d'euros ont été fléchés à titre exceptionnel, dans le cadre du contrat de la filière bois, pour financer des investissements portant sur l'approvisionnement en bois, sa préparation et son stockage pour les chaufferies biomasse du fonds chaleur.

Le bon sens consisterait donc à rationaliser les canaux de financement et à garantir à notre politique forestière 150 millions d'euros par an . Cela permettrait de rattraper notre retard par rapport aux autres nations forestières, et de rassembler les acteurs de la forêt : ils sont certes structurellement trop dispersés, mais ils saisissent immédiatement la moindre impulsion financière, fiscale ou réglementaire pour améliorer la gestion groupée et efficace de la forêt. L'appel de Mende est un témoignage de ce potentiel de cohésion et de dynamisme.

L'irrecevabilité financière de l'article 40 n'a pas permis à vos rapporteurs pour avis de déposer un amendement visant à alimenter le fonds stratégique de manière pérenne . Le présent rapport doit donc ici se contenter de mettre en avant l'idée d'un mécanisme nouveau qui consisterait d'abord à rappeler que la filière foret bois compense environ le cinquième des émissions françaises de gaz à effet de serre. En contrepartie, une petite fraction de la composante carbone de la contribution climat énergie - à raison de 150 millions d'euros par an - abonderait le fonds stratégique de la forêt et du bois.

b) Les crédits consacrés à la forêt : la poursuite d'une tendance baissière à un niveau plancher.
(1) La diminution globale des crédits à travers une nouvelle nomenclature budgétaire

Avant le projet de loi de finances pour 2017, les crédits consacrés à la forêt étaient rassemblés dans une « enveloppe » spécifique - l'ancien programme 149 - consacrée au financement de la politique nationale forestière et la filière bois. L'année dernière, ce programme forestier avait atteint un plancher historique, en dessous du seuil symbolique des 300 millions d'euros, avec 277,8 millions d'euros en AE pour et 291,3 millions d'euros en CP.

Dans le budget 2017, les crédits de la forêt ne font plus l'objet d'un « programme » spécifique mais d'une « action », ce qui, comme en témoignent les auditions, peut donner aux acteurs de terrain un sentiment de rétrogradation dans la nomenclature budgétaire. En revanche, les dépenses fiscales relatives à la forêt sont mieux individualisées.

Les données disponibles mettent ainsi en évidence une diminution de 4 millions d'euros des crédits proposés en 2017 pour la forêt par rapport à 2016. Plus précisément, l'action n° 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois », qui reprend les trois actions de la maquette budgétaire pour 2016 consacrées à la forêt et à la filière bois, bénéficie de 12,2 % des budgets du nouveau programme 149. Les crédits s'élèvent à 273,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 281,5 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une baisse respective de 0,98 % et de 2,7 % par rapport à l'an dernier.

La tendance des allocations à la forêt reste donc baissière alors même que leur niveau est « au plancher » : les crédits de la forêt avoisinaient 400 millions d'euros en 2003 et ne sont descendus nettement en dessous du seuil de 300 millions d'euros qu'à partir de 2015.

(2) Les crédits consacrés à la forêt publique pour 2017

Près des trois quarts des crédits de l'action 26 sont alloués à la gestion des forêts publiques , c'est-à-dire les forêts domaniales de l'État et des collectivités relevant du « régime forestier ». Il s'agit de financer la gestion de ces forêts, l'établissement de plans d'aménagement, la surveillance et la réalisation de programmes de travaux et de coupes. Ces missions sont mises en oeuvre par l'Office national des forêts (ONF) qui joue ainsi un rôle central pour appliquer la politique forestière de l'État.

Les forêts publiques représentent le quart de la forêt française mais assurent environ 40 % des coupes de bois, ce qui s'explique essentiellement par le morcellement ainsi que la composition de la forêt privée qui occupe les trois quarts de la superficie forestière.

L'action n° 26 alimente principalement le « versement compensateur » de l'État à l'Office national des forêts (ONF) maintenu depuis plusieurs années à 140,4 millions d'euros . Comme son nom l'indique, ce versement compensateur vise à combler la différence entre, d'une part, des charges, c'est-à-dire le coût du régime forestier pour l'ONF et, d'autre part, des recettes, dits « frais de garderie », versés par les communes pour rétribuer l'ONF en contrepartie des services rendus pour gérer les forêts communales. Par ailleurs, la subvention exceptionnelle d'équilibre à l'ONF qui avait été allouée en raison de la baisse des prix du bois est prévue pour 2017 à hauteur de 12,5 millions d'euros contre 15,4 millions d'euros en 2016 et 31,6 millions en 2015 : comme l'a indiqué le représentant de l'ONF au cours des auditions, cette diminution est une conséquence de l'amélioration de la situation de l'ONF.

22,3 millions d'euros , comme en 2014, 2015 et 2016, devraient en outre financer diverses missions d'intérêt général (MIG) confiées par voie de conventions spécifiques à l'ONF, avec, en particulier : la défense contre les incendies en région méditerranéenne, l'appui aux directions départementales de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt des départements d'Outre-mer, pour la mise en oeuvre de la politique forestière de l'État, et les travaux d'investissements nécessaires pour contenir le mouvement des dunes domaniales littorales sur la côte atlantique.

Enfin, la restauration des terrains en montagne (RTM) par l'État sur les terrains domaniaux se verrait allouer en 2017 8,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 9,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit un niveau identique à celui de 2016. Il s'agit de travaux visant à assurer la sécurité des personnes et des biens face aux risques naturels en montagne.

L'Office national des forêts a été conforté dans sa mission d'acteur fondamental de la gestion forestière par le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2016-2020 signé avec l'État.

Depuis plusieurs années divers rapports ont souligné les difficultés structurelles de l'ONF qui se traduisent par des déficits d'exploitations récurrents et un endettement qui avoisine aujourd'hui 300 millions d'euros.

La progression des charges de l'ONF résulte essentiellement d'une augmentation de sa masse salariale , passée de 408 millions d'euros en 2004 à 473 millions d'euros en 2016. L'augmentation du taux de cotisation au compte d'affectation spéciale « Pensions » y est pour beaucoup, puisque ce poste a plus que doublé durant la même période pour atteindre plus de 100 millions d'euros. Si l'office a respecté l'objectif de baisse de ses effectifs de 1,5 % par an fixé par les deux contrats d'objectifs et de performances (COP) signés avec l'État respectivement pour les périodes 2007-2012 et 2012-2016, la masse salariale n'est stabilisée que depuis 2012. Cette stabilisation a été obtenue au prix d'une forte diminution des effectifs de l'Office, qui sont passés de 10 366 agents en 2004 à 9 113 aujourd'hui.

Pour les prochaines années, l'annexe financière du COP 2016-2020 prévoit une augmentation des emplois qui passerait de 9 113 équivalents temps plein en 2016 à 9 313 en 2020, tandis que la masse salariale baisserait légèrement de 473,1 millions d'euros en 2016 à 471,1 millions d'euros en 2020.

Il convient ici de rappeler que l'ONF dispose d'un statut dérogatoire par rapport aux autres établissements publics industriels et commerciaux, puisque les deux tiers de ses agents sont des fonctionnaires alors que les EPIC ont vocation à offrir des postes occupés et pourvus par des agents relevant d'un régime de droit privé. Depuis plusieurs années, l'amélioration statutaire des agents de l'ONF, au-delà de son aspect très positif pour les personnes concernées, est une donnée majeure à prendre en compte pour rééquilibrer le budget de l'Office. Sur ce point, l'ONF a confirmé, au cours des auditions, son intention de recourir à des emplois aidés et à des apprentis pour compenser certains départs en retraites de fonctionnaires : il y a là une occasion propice à relancer, dans ce secteur, l'apprentissage qui, contrairement à l'idée reçue, concerne tous les niveaux de formation jusqu'à celui d'ingénieur.

Face à ces dépenses, l'ONF peine à faire progresser ses recettes. Deux tiers des produits d'exploitation de l'Office dépendent du marché du bois . Or, si les prix du bois ont connu des niveaux historiquement très élevés à la suite des chocs pétroliers de 1973 et de 1979, ce qui permettait à la fois à l'Office et aux propriétaires privés de financer les rémunérations des personnes exploitant la forêt, les tempêtes de 1999 et de 2009 ont provoqué une forte accumulation des chablis disponibles et une saturation du marché, à l'origine d'une chute du prix du bois. De manière plus structurelle, la mondialisation du marché du bois, ainsi que le contexte actuel de crise économique ont entraîné une instabilité des prix de marché. Aujourd'hui, les ventes de bois constituent une ressource irrégulière et déclinante. Le niveau décevant des recettes tirées de la vente de bois par l'ONF en 2014 avait conduit à dégrader sa situation financière et à avancer d'un an l'achèvement de son contrat d'objectifs et de performance pour les années 2012-2016. Entendu par vos rapporteurs pour avis, le représentant de l'ONF a cependant fait observer que 2016 avait été une année de redressement et de désendettement.

L'ONF commercialise chaque année environ 40 % des bois mis sur le marché en France (50 % du chêne, 35 % du sapin-épicéa et 90 % du hêtre) : 6,3 millions de mètres cubes (Mm3) proviennent de la forêt domaniale et 8,3 Mm3 des forêts des collectivités territoriales. Il convient de signaler que certains débouchés du bois liés au vin assurent à l'ONF d'importantes recettes : les chênaies domaniales françaises sont ainsi réputées pour la production de bois à merrain qui entrent dans la fabrication des tonneaux, avec des arbres de 160 et 180 ans.

Le redressement financier de l'ONF repose donc fondamentalement sur l'évolution des ventes de bois et celle de la masse salariale.

Afin de stabiliser la trajectoire financière de l'Office, le Gouvernement a décidé en 2014 d'anticiper dès 2015 la négociation d'un nouveau contrat d'objectifs et de performance entre l'État, l'ONF et la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR). En effet, depuis 2012, l'État a consenti un effort financier supplémentaire de 100 millions d'euros par rapport à ce qui était inscrit au COP 2012-2016 pour permettre à l'ONF de faire face à ses besoins financiers.

Le nouveau COP pour la période 2016-2020 a été adopté par le conseil d'administration de l'ONF le 17 décembre 2015 puis signé le 7 mars 2006 entre l'ONF, l'État et la Fédération nationale des communes forestières (la FNCoFor). Il poursuit plusieurs grands objectifs : accroître la mobilisation du bois au bénéfice de la filière et de l'emploi, relever le défi du changement climatique et de préservation de la biodiversité,  adapter la gestion de l'ONF aux spécificités des DOM, et enfin stabiliser les effectifs avec gestion dynamique des ressources humaines.

L'équilibre financier de l'Office reposerait sur un effort conjoint de l'État, des collectivités propriétaires de forêts - avec un objectif d'augmentation de la récolte de bois, de regroupement et de contractualisation des ventes de bois - et de l'ONF.

L'idée d'augmenter la contribution financière des communes forestières à l'ONF, envisagée lors des premières phases de la négociation du nouveau COP, a finalement été écartée. En contrepartie, les communes forestières se sont engagées à augmenter les coupes de bois , avec un objectif fixé à 8,5 millions de mètres cubes en 2020, et à se regrouper, ce qui permettra à l'ONF de réaliser des économies d'échelle.

Une telle orientation nécessite de surmonter un obstacle de taille : la difficile acceptabilité sociale des coupes de bois. C'est pourquoi vos rapporteurs pour avis soulignent l'intérêt des campagnes d'information organisées par l'ONF pour mieux faire connaître à nos concitoyens la nécessité de la régénération forestière . Reste que, conformément aux lois de la nature, la repousse n'est visible qu'après plusieurs dizaines d'années ce qui laisse subsister longtemps, dans l'esprit du public, l'impact psychologique de la coupe.

(3) Les crédits relatifs à la gestion et à la reconstitution de la forêt privée.

Les objectifs visés par ces crédits sont l'amélioration de la compétitivité de la filière bois, l'accroissement de la récolte et l'amélioration de la gestion des forêts privées. Celles-ci représentent 75 %de la superficie forestière mais demeurent structurellement handicapées par leur morcellement entre 3,5 millions de propriétaires.

Tout d'abord, la subvention pour charges de service public au bénéfice du Centre national de la propriété forestière (CNPF), est prévue à hauteur de 15 millions d'euros pour 2017, en baisse de 2 % par rapport à 2016 . Rappelons que cette subvention avait été supprimée, en 2015, le CNPF ayant été incité alors à mobiliser une part de son fonds de roulement, puis rétablie en 2016. Le CNPF est, en outre, financé par une part de la taxe additionnelle sur la propriété foncière non bâtie reversée par les chambres d'agriculture, des subventions et des recettes résultant des marchés passés avec l'État et les collectivités territoriales ainsi que par des ressources propres.

Régi par un statut d'établissement public, le CNPF oriente la gestion des forêts privées pour favoriser leur exploitation durable et le regroupement des parcelles. Ses représentants avaient souligné l'an dernier qu'en raison de la ponction opérée en 2015, des formations en sylviculture n'ont pas pu être effectuées et l'insuffisance de trésorerie a pesé sur le préfinancement de projets forestiers. Cette année, ils s'inquiètent de la perspective de devoir recruter des fonctionnaires au moment où l'ONF, en sens inverse fait appel à des apprentis ou à des emplois aidés.

Depuis 2013, le budget poursuit, en second lieu, l'objectif d'une reconstitution du potentiel de production des forêts sinistrées par la tempête Klaus survenue le 24 janvier 2009 dans les régions du Sud-Ouest, qui a touché près de 700 000 hectares, représentant l'équivalent de plus de cinq années de récolte. Ces crédits atteignent, pour 2017, 22,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (- 45 % par rapport à 2016) et 35,27 millions d'euros en crédits de paiement.

Ont été également prévus, dès 2009, dans le cadre de ce « plan chablis » Klaus, des prêts bonifiés garantis par l'État , permettant de financer les coûts de mobilisation et de stockage des bois issus des parcelles sinistrées ; un montant d'1 million d'euros en crédits de paiement est prévu à cet effet en 2017, comme en 2014, 2015, puis 2016.

Une subvention de 7 millions d'euros est enfin prévue pour l'Institut technologique Forêt, cellulose, bois-construction, ameublement, qui mène des actions de recherche, d'assistance technique, de formation et de conseil dans le domaine du bois et de sa mise en valeur.

(4) Le fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB) une dotation limitée à moins de 4% des crédits du programme 149.

Le projet de loi de finances pour 2014 a créé un nouvel instrument financier pour la forêt : le fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB). L'article 67 de la loi d'avenir pour l'agriculture du 13 octobre 2014, a inscrit le FSFB dans la loi, et a précisé son rôle à l'article L. 156-4 du code forestier.

Destiné à combler le vide laissé par la disparition en 1999 du fonds forestier national (FFN) créé en 1946, le FSFB a pour principal objectif , dans le cadre des orientations du programme national de la forêt et du bois (PNFB) de soutenir des investissements en amont et en aval de la filière bois, par exemple, pour améliorer la desserte des massifs forestiers, les techniques de prélèvement du bois en forêt, la mutualisation entre entreprises ou encore pour favoriser la constitution d'outils de transformation.

Les crédits budgétaires proposés pour 2017 s'élèvent à 25,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 17,5 millions d'euros en crédits de paiements pour les CP. De plus, 2,80 millions en AE et 2,89 en CP sont prévus en faveur des actions d'animation, d'études, de recherche et d'innovation

Outre les crédits budgétaires, le FSFB est alimenté par environ 3,7 millions d'euros de recettes provenant de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, perçue sur tous les immeubles classés au cadastre en nature de bois et forêt, et qui était affectée avant 2014 aux chambres d'agriculture, pour financer les actions prévues aux les plans pluriannuels régionaux de développement forestier (PPRDF).

Enfin, le FSFB doit percevoir le produit de la taxe de défrichement, créée par la loi d'avenir, et qui devrait rapporter environ 18 millions d'euros par an en régime de croisière. Ces dotations sont complétées par des cofinancements assurés par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).

Incontestablement, comme l'a souligné le ministre en charge de l'agriculture, avec 28,2 millions d'euros pour 2017, les dotations budgétaires au fonds stratégique de la forêt et du bois progressent par rapport à 2016 et, grâce à leur effet de levier, pourraient permettre d'atteindre l'objectif d'un fonds de 100 millions d'euros. Cependant, vos rapporteurs pour avis font observer que ces moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions forestières de notre pays. Les professionnels du bois estiment qu'il faudrait un flux stable de 150 millions d'euros par an pour relancer la filière bois . Rappelons que le chiffre d'affaires de la filière dans son ensemble est proche des 60 milliards d'euros, répartis entre la sylviculture et l'exploitation forestière, les industries de première transformation du bois - sciages, placages, panneaux, pâtes à papier - et les industries de deuxième transformation - emballages, construction, ameublement et parquets, papiers et cartons.

4. Des inquiétudes sur le CASDAR
a) Le rôle du CASDAR

Le CASDAR a été créé par la loi de finances pour 2006, afin de reprendre les missions exercées par l'Agence de développement agricole et rural. La mission compte deux programmes :

- Le programme 775 « développement et transferts en agriculture », doté de 70,5 millions d'euros en AE comme en CP pour 2017, comme en 2016, assure traditionnellement le financement des programmes des chambres d'agriculture, de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), de Coop de France, des autres organismes de développement agricole et rural (ONVAR) et des actions d'accompagnement portant sur des thématiques innovantes. Les actions de génétique animale sont financées sur ce programme, à hauteur de 8 millions d'euros.

- Le programme 776 « recherche appliquée et innovation en agriculture », doté de près de 77 millions d'euros en AE et CP pour 2017, comme en 2016, finance pour sa part les programmes des instituts techniques agricoles et les actions d'accompagnement s'y rattachant, le programme d'expérimentations de FranceAgrimer et les appels à projets, notamment ceux concernant l'agro-écologie.

b) Une recette incertaine ?

Le CASDAR est alimenté par une seule recette : la taxe sur le chiffre d'affaires des entreprises agricoles , régie par l'article 302 bis MB du code général des impôts. Le montant de recette inscrit dans le projet de loi de finances pour 2017 s'élève, comme en 2016, à 147,5 millions d'euros.

Or, le régime juridique applicable aux comptes d'affectation spéciale prévoit que le montant des engagements soit ajusté au niveau de la recette réelle : une réduction des enveloppes de crédits des programmes 775 et 776 est donc à craindre, compte tenu de la conjoncture agricole dégradée.

L'année 2015 a déjà enregistré une recette moindre qu'attendue : 137,5 millions d'euros ont été effectivement encaissés. Déjà l'année dernière, vos rapporteurs craignaient que le même scénario se reproduise en 2016. D'après les informations qui leur ont été fournies par le Gouvernement, la recette réelle encaissée fin août 2016 est de 118 millions d'euros, comme en 2015. Il est donc probable qu'il manquera encore 10 millions d'euros de recettes en 2016 .

Compte tenu de la mauvaise conjoncture agricole 2016, les perspectives sont encore plus dégradées pour 2017 , dans la mesure où le calcul de la taxe se fait sur le chiffre d'affaires de l'année précédente. On peut donc légitimement craindre que des ajustements à la baisse sur les programmes 775 et 776 seront rendus nécessaires en cours d'exercice.

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