TITRE II - SOUTENIR L'EMPLOI ET LE DYNAMISME ÉCONOMIQUE EN MONTAGNE
CHAPITRE IV - DÉVELOPPER LES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES ET TOURISTIQUES

Article 17 ter (art. L. 342-20 du code du tourisme) - Régime des servitudes de passage sur le domaine skiable

L'article 17 ter du projet de loi vise à clarifier et à élargir la « servitude loi montagne » prévue aux articles L. 342-20 à L. 342-23 du code du tourisme pour faciliter le développement d'activités sportives et touristiques en montagne.

Il est issu d'un amendement présenté en séance publique par Mmes Bernadette Laclais et Annie Genevard, rapporteurs de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, et adopté avec l'avis favorable du Gouvernement. Il reprend la proposition 16. B de leur rapport de septembre 2015 sur l'acte II de la loi montagne 140 ( * ) .

1. Une servitude d'utilité publique pour développer les activités sportives et touristiques en montagne

1.1. Le périmètre de la servitude

Une servitude instituée pour l'utilité publique constitue une charge imposée par l'autorité administrative au propriétaire d'un bien dans un but d'intérêt général. Cette charge peut correspondre à un droit de passage, de puisage, d'utilisation, etc .

La loi « montagne » du 9 janvier 1985 141 ( * ) a créé une servitude particulière, aujourd'hui codifiée dans le code du tourisme.

Concrètement, le préfet établit, sur proposition du conseil municipal ou de l'établissement public de coopération intercommunale concerné, une servitude sur une propriété privée pour :

- équiper des sites nordiques ;

- aménager et utiliser des pistes de ski alpin ou permettre le survol des remontées mécaniques ;

- accéder aux sites d'alpinisme, d'escalade, aux sports de nature 142 ( * ) et aux refuges de montagne, lorsque la situation géographique le nécessite.

En 1985, il s'agissait essentiellement de permettre le développement d'activités touristiques hivernales , en suivant le principe « la neige efface le cadastre » .

L'article L. 342-20 du code du tourisme précise toutefois qu'une servitude peut être instituée en dehors des périodes d'enneigement pour assurer, dans le périmètre plus restreint d'un site nordique , le passage, l'aménagement et l'équipement de pistes de loisirs non motorisés.

Enfin, l'article L. 342-23 du même code définit des hypothèses où la mise en oeuvre de la servitude n'est pas autorisée 143 ( * ) .

En pratique, la création d'une telle servitude demande entre six et neuf mois de procédure 144 ( * ) .

1.2. Les garanties apportées aux propriétaires

Portant atteinte à l'exercice du droit de propriété, la « servitude loi montagne » est encadrée par différentes mesures :

- les zones susceptibles de faire l'objet de ce dispositif doivent être délimitées dans le plan local d'urbanisme (article L. 342-19 du code du tourisme) 145 ( * ) ;

- une enquête parcellaire doit être menée (article L. 342-21 du même code) avant la création de la servitude 146 ( * ) ;

- un décret en Conseil d'État est nécessaire en cas d'opposition du conseil municipal d'une des communes concernées ;

- la servitude ouvre droit à indemnité si elle cause un préjudice direct, matériel et certain au propriétaire ou à l'exploitant du terrain. L'indemnité est fixée à l'amiable ou, à défaut, par le juge de l'expropriation (articles L. 342-24 à L. 342-26 du même code).

Si la servitude est susceptible de « compromettre gravement une exploitation agricole ou sylvicole » , le propriétaire (un agriculteur) peut mettre en demeure le bénéficiaire (la société exploitant la piste de ski par exemple) pour qu'il achète le terrain. À défaut d'accord, le prix de vente est fixé par le juge de l'expropriation (article 54 de loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne).

2. L'extension et la clarification de la « servitude loi montagne »

L'article 17 ter vise principalement à assouplir les conditions de mise en oeuvre de ce dispositif en dehors des périodes d'enneigement : en été, la servitude pourrait concerner un site nordique - comme aujourd'hui - mais également le domaine skiable 147 ( * ) .

L'extension des servitudes en dehors des périodes d'enneigement est toutefois susceptible de créer des conflits d'usages. Comme le rappelle notre collègue rapporteur Bernadette Laclais, « en hiver, les limites parcellaires disparaissent sous le manteau neigeux, qui recouvre tout. L'une des forces de la loi de 1985, c'est alors d'autoriser de passer partout. En hiver, l'exploitation agricole s'interrompt : les remontées mécaniques ne gênent pas les agriculteurs puisque leur activité est suspendue » 148 ( * ) , ce qui n'est pas forcément le cas en été.

Pour prévenir d'éventuelles difficultés, nos collègues députés ont chargé les chambres d'agriculture d'émettre un avis sur les servitudes utilisées en dehors des périodes d'enneigement. Leur silence vaudrait acceptation dans un délai de deux mois.

Le présent article propose, enfin, des clarifications rédactionnelles et diverses coordinations 149 ( * ) , notamment pour prendre en compte des modifications apportées au code du tourisme 150 ( * ) .

Pour assurer la lisibilité du dispositif, votre commission propose de le « rapatrier » au sein du code du tourisme l'actuel article 54 de la loi « montagne » 151 ( * ) (amendement COM-281) .

Sous réserve de l'adoption de son amendement , votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 17 ter .


* 140 « Un acte II de la loi montagne pour un pacte renouvelé de la nation avec les territoires de montagne » , rapport au Premier ministre, 27 juillet 2015, p. 53.

* 141 Loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne.

* 142 Les sports de nature sont définis par l'article L. 311-1 du code du sport comme ceux qui « s'exercent dans des espaces ou sur des sites et itinéraires qui peuvent comprendre des voies, des terrains et des souterrains du domaine public ou privé des collectivités publiques ou appartenant à des propriétaires privés, ainsi que des cours d'eau domaniaux ou non domaniaux » (VTT, équitation, randonnée, etc .).

* 143 À titre d'exemple, la « servitude loi montagne » n'est pas autorisée sur les terrains situés à moins de vingt mètres des bâtiments d'habitation, sauf dans le cas où ces derniers ont été construits après l'aménagement des pistes.

* 144 Source : Domaines skiables de France.

* 145 Cette inscription dans le PLU n'est toutefois pas obligatoire lorsque la servitude facilite la pratique du ski de fond ou l'accès aux sites d'alpinisme, d'escalade en zone de montagne et de sports de nature.

* 146 Cf. article R. 131-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique pour plus de précisions. Cette forme d'enquête publique vise, pour mémoire, à déterminer les biens situés dans l'emprise du projet et à identifier les propriétaires.

* 147 Alinéa 4 du présent article.

* 148 Compte rendu intégral de l'Assemblée nationale, deuxième séance du mercredi 12 octobre 2016.

* 149 Alinéas 1 à 3 et 5 du présent article.

* 150 Loi n° 2006-437 du 14 avril 2006 portant diverses dispositions relatives au tourisme.

* 151 Article qui concerne, pour mémoire, la mise en demeure du propriétaire à l'attention du bénéficiaire de la servitude pour que ce dernier achète le terrain. Cette disposition est réservée à l'hypothèse où une exploitation agricole ou sylvicole est compromise par la servitude.

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