B. DES CRÉDITS QUI POURRAIENT SE RÉVÉLER INSUFFISANTS MALGRÉ LA MISE EN PLACE DE MESURES DE RATIONALISATION DES COÛTS

1. Une sous-budgétisation du programme qui ne peut être exclue...
a) Des crédits inférieurs à ceux consommés en 2017

La Cour des comptes, dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 2016 des crédits de la mission « égalité des territoires et logement » constatait que « le programme 177 est plus que jamais sur une tendance haussière, devenue structurelle ». Elle ajoutait que « le dépassement de la dotation initiale se montre plus important chaque année depuis 2014, tandis que l'effort de rebasage, s'il apparaît à la hausse, reste insuffisant à absorber l'évolution des besoins ». Elle concluait que l'exécution du programme « n'est pas soutenable à terme » et recommandait en conséquence de veiller à la sincérité de la programmation budgétaire.

Votre rapporteur constate que les crédits ouverts pour 2017 se sont révélés insuffisants. Le gouvernement a ainsi été contraint d'ouvrir des crédits supplémentaires par décret du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance, à hauteur de 122 millions d'euros en AE et de 120 millions d'euros en CP sur le programme 177. Ces crédits supplémentaires devaient permettre de financer l'ouverture de places d'hébergement supplémentaires pour abriter les migrants et la pérennisation de 5 000 places hivernales décidées en mars 2017.

Toutefois, ces ouvertures de crédits sont encore insuffisantes et le gouvernement a annoncé dans son projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2017 :

- la présentation d'un décret d'avance en novembre pour ouvrir des crédits supplémentaires. Ce décret a été présenté à la commission des finances du Sénat le 29 novembre. Il prévoit une ouverture de crédits à hauteur de 65 millions d'euros ;

- une ouverture de crédits supplémentaires de 89,6 millions d'euros en AE et CP dans le PLFR.

Pour 2018, les crédits consacrés dans le projet de loi de finances initial au programme 177 bien qu'ils soient de nouveau en augmentation de 12,1 % en AE et en CP sont d'ores et déjà inférieures de 106 millions d'euros en crédits de paiement aux crédits ouverts en 2017 .

Votre rapporteur ne peut que s'interroger sur une possible sous-budgétisation des crédits du programme.

b) Des crédits dédiés à la veille sociale insuffisamment budgétés

Les crédits dédiés à la veille sociale sont consacrés aux actions permettant de recenser les besoins d'hébergement, de proposer un premier accueil, d'orienter des personnes sans abri vers des structures d'hébergement et d'accompagnement (SAMU sociaux, Services d'accueil et d'orientation, service intégré d'accueil et d'orientation).

Votre rapporteur constate que 126,5 millions d'euros sont consacrés à la veille sociale pour 2018, soit une augmentation de 3,7 % par rapport à la loi de finances pour 2017. Toutefois, ces crédits sont inférieurs de 7,9 % au montant des crédits consommés en 2016.

Alors que l'axe 5 du plan quinquennal prévoit d'« améliorer la connaissance des publics sans domicile et [de] renforcer les dispositifs de la veille sociale », votre rapporteur ne peut que s'interroger sur une éventuelle sous-estimation de ces dépenses.

c) Un renforcement de l'accompagnement social qui ne trouve pas de traduction budgétaire

Votre rapporteur a affirmé à plusieurs reprises la nécessité de réfléchir à la répartition des crédits au sein du programme 177 afin de pouvoir distinguer les crédits dédiés aux différentes missions plutôt qu'aux dispositifs, cette répartition devant notamment permettre au Parlement d'évaluer précisant les moyens dédiés à l'accompagnement social y compris pour les personnes hébergées dans les hôtels.

Elle ne peut donc qu'être satisfaite que la stratégie quinquennale pour le logement comprenne un axe de renforcement de l'accompagnement des personnes dans et vers le logement. Toutefois, alors que le gouvernement a indiqué, dans sa réponse au questionnaire budgétaire, que la hausse des crédits tenait « compte du renforcement de l'accompagnement social nécessaire aux personnes aux faibles ressources ou en difficulté sociale en vue de leur accès au logement ou de leur maintien pérenne dans le logement », votre rapporteur a bien été en peine d'identifier ces crédits.

Lors de son audition devant la commission des affaires économiques le 22 novembre dernier, M. Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires a indiqué à votre rapporteur que ces crédits liés à l'accompagnement social étaient en réalité inscrits au programme 135 au titre de l'accompagnement vers et dans le logement.

Votre rapporteur tient à rappeler que le financement du Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL) qui a pour mission de financer « des actions d'accompagnement personnalisé et de gestion locative adaptée, en faveur des publics reconnus prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence au sens de la loi sur le droit au logement opposable, ainsi que de toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières en raison, notamment, de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'existence, pour accéder à un logement décent et indépendant ou s'y maintenir »  dépend uniquement du versement du produit des liquidations d'astreintes prononcées à l'encontre de l'État dans le cadre de la procédure du droit au logement opposable. Cette ressource est très variable d'une année sur l'autre : 38 millions en 2016, 27 millions en 2017, 35 millions pour 2018. Au vu de ces éléments, votre rapporteur constate l'absence de renforcement des crédits en direction de l'accompagnement social, à rebours des objectifs affichés par le gouvernement.

2. ...malgré le renforcement des mesures de rationalisation des coûts

Le gouvernement a annoncé vouloir « transformer en profondeur le secteur de l'hébergement » en ayant recours au régime de la tarification et de l'autorisation et en généralisant la contractualisation pluriannuelle.


• Le gouvernement précise ainsi que « le passage progressif de l'ensemble des places d'hébergement déclarées financées par subvention représentant près de 50 % du parc d'hébergement sous le régime de l'autorisation et de la tarification . Cette nouvelle orientation permettra d'organiser la recomposition de l'offre par appels à projet ».


• Dans l'objectif de limiter l'évolution des dépenses, le gouvernement a indiqué vouloir harmoniser les règles de fixation des tarifs versés aux structures d'hébergement d'urgence et des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) .

Le gouvernement espère ainsi réaliser des économies en matière de dépenses consacrées aux CHRS. Les crédits diminuent ainsi de 3,1 % par rapport à 2017.

Coût moyen global d'une place (en diffus et regroupé)

Statut

Coût (€ / place) complet (moyenne)

Coût (€ / place) pour héberger (moyenne)

Coût (€ / place) pour alimenter (moyenne)

Coût (€ / place) pour accueillir (moyenne)

Coût (€ / place) pour accompagner (moyenne)

CHRS

1 6811

6 950

1 487

1 436

6 939

Non-CHRS

12 745

6 088

1 399

1 640

3 618

Tous statuts

15 416

6 654

1 457

1 506

5 800

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

Votre rapporteur sera attentive au fait que les économies budgétaires recherchées qui pourraient atteindre entre 500 et 1 000 euros par places ne conduisent pas à une dégradation des prestations en matière d'accompagnement.

Pour réaliser les économies envisagées, le gouvernement souhaite avoir des données plus complètes et plus fiables. L'enquête nationale des coûts doit permettre de mieux adapter la tarification afin de mieux maîtriser les coûts mais aussi la qualité des services rendus. Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire de 2016 de la mission « égalité des territoires et logement », la Cour des comptes avait de nouveau invité le ministère à mieux utiliser cette enquête afin d'engager un travail de convergence tarifaire. Les députés ont adopté un amendement du gouvernement tendant à rendre obligatoire cette enquête (cf commentaire infra de l'article 52 bis ) qui devrait permettre selon la DGCS une économie de 20 millions d'euros. Votre rapporteur ne peut qu'y être favorable.


• Outre l'utilisation de l'enquête annuelle des coûts, le gouvernement souhaite améliorer le conventionnement avec les opérateurs. Des mesures législatives devraient être adoptées pour rendre obligatoires les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens pour les CHRS. Ces contrats doivent permettre de fixer des objectifs de qualité et d'efficience du service rendu en échange d'une visibilité des financements sur plusieurs années.

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