B. LES CHANTIERS DE LA JUSTICE : UNE DÉMARCHE DE CONCERTATION TRÈS COURTE QUI DEVRAIT DÉBOUCHER SUR PLUSIEURS PROJETS DE LOI AU PRINTEMPS 2018

Le Premier ministre, M. Édouard Philippe, et la garde des sceaux, ministre de la justice, Mme Nicole Belloubet, ont lancé les 5 et 6 octobre derniers la démarche des « chantiers de la justice ».

Il s'agit, selon le Gouvernement, de préparer « la loi de programmation pour la justice [qui doit] servir à lancer les réformes structurelles nécessaires pour rénover le service public de la justice d'ici 2022 ». Ainsi, les « chantiers de la justice [...] permettront une concertation avec les acteurs de terrain sur ces réformes, afin qu'elles répondent efficacement aux attentes des justiciables et de ceux qui rendent la justice chaque jour » 120 ( * ) .

Les cinq chantiers de la justice

La conduite des travaux sur chacun des chantiers est confiée à deux personnalités du monde judiciaire :

1. Transition numérique : chantier conduit par M. Didier Casas (secrétaire général de Bouygues Télécom et maître des requêtes au Conseil d'État) et M. Jean-François Beynel (premier président de la cour d'appel de Grenoble et ancien directeur des services judiciaires).

Ce chantier donne lieu à une consultation spécifique sur le site internet du ministère de la justice, en lien avec le secrétariat d'État en charge du numérique, et ouverte du 15 novembre au 11 décembre 2017. Elle est destinée à recueillir l'avis des professionnels du droit et de la justice.

Des questionnaires destinés à tous les agents du ministère, dont les magistrats et fonctionnaires des services judiciaires, ont été mis en ligne dans le but de recueillir leurs réponses 121 ( * ) .

Tout citoyen peut également déposer un « projet innovant pour la transformation numérique ».

2. Amélioration et simplification de la procédure pénale , confié à M. Jacques Beaume (procureur général honoraire, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature) et M. Frank Natali (avocat au barreau de l'Essonne et ancien bâtonnier).

3. Amélioration et simplification de la procédure civile , confié à Mme Frédérique Agostini (présidente du tribunal de grande instance de Melun) et M. Nicolas Molfessis (professeur de droit privé).

L'objectif affiché est de simplifier la procédure de première instance autour de deux grandes procédures : une procédure avec avocat obligatoire pour les affaires complexes et l'autre sans avocat pour les contentieux du quotidien.

Des consultations sont menées en juridictions via l'envoi de questionnaires sur ces deux chantiers de simplification de la procédure civile et pénale, en association avec les forces de sécurité intérieure concernant le pénal.

4. Adaptation de l'organisation judiciaire , confié aux anciens députés présidents de la commission des lois de l'Assemblée nationale MM. Dominique Raimbourg et Philippe Houillon.

La garde des sceaux a, sur ce point, d'ores et déjà annoncé qu'il ne s'agirait pas de supprimer des sites judiciaires.

5. Sens et efficacité des peines , confié à M. Bruno Cotte (ancien président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, ancien magistrat à la cour pénale internationale) et Mme Julia Minkowski (avocate).

Source : dossier de presse de présentation des chantiers de la justice, 6 octobre 2017

Les conclusions de ces chantiers sont attendues pour le 15 janvier 2018, soit à peine trois mois après leur lancement.

Ce délai extrêmement court pour une consultation sur des sujets d'une telle ampleur peut expliquer une certaine précipitation dans l'association des juridictions à ce travail.

L'ensemble des personnels des juridictions ont en effet été sollicités pour répondre à trois questionnaires respectivement consacrés à la procédure civile et pénale ainsi qu'à l'exécution des peines. Les magistrats et fonctionnaires ont toutefois très peu de temps pour répondre et mener une réflexion collective sur des sujets qui les concernent au premier chef. Cette concertation fait toutefois suite à celle menée très largement dans le cadre des groupes de travail et le débat national sur la justice du XXI ème siècle.

Certaines personnes entendues par votre rapporteur ont émis des doutes sur l'utilité d'une consultation menée dans de tels délais.

Entendues par votre rapporteur pour avis, les organisations syndicales représentant les greffiers ont regretté de ne faire partie d'aucun groupe de travail parmi ces cinq chantiers. En effet, ils vont simplement être auditionnés alors que pour la consultation qui avait été organisée dans le cadre de la « Justice du XXI e siècle » et auquel votre rapporteur avait contribué, la profession des greffiers faisait partie intégrante des groupes de travail. Ce choix étonne votre rapporteur eu égard à la contribution de cette profession à l'oeuvre de justice, et à l'implication opérationnelle qui sera la leur dans la future mise en oeuvre des conclusions de ces chantiers.

Entendu par votre rapporteur, le secrétariat général de la Chancellerie a indiqué qu'un sixième chantier relatif aux ressources humaines serait lancé, ce que votre rapporteur ne peut que saluer eu égard au retard du ministère de la justice dans la mise en oeuvre d'une véritable gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences, tel que l'a notamment montré le rapport pour le redressement de la justice précité.

Ces travaux devraient déboucher sur la présentation de plusieurs projets de loi au 1 er semestre 2018 : un projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, accompagné de projets de loi de simplification de la procédure pénale et de la procédure civile.

*

* *

Depuis de nombreuses années, votre rapporteur dénonce l'insuffisance des moyens de la justice, ainsi que les dysfonctionnements de gestion préjudiciables tant aux personnels judiciaires qu'aux justiciables.

Il constate, dans ce projet de loi de finances pour 2018, la persistance des mêmes difficultés, voire leur aggravation, auquel s'ajoute un net recul de l'ambition en termes de moyens, à court et moyen terme.

Ce budget 2018 tel que nous le propose le Gouvernement n'est pas à la hauteur des enjeux.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et « Conseil supérieur de la magistrature » de la mission « Justice », inscrits au projet de loi de finances pour 2018.


* 120 Dossier de presse de présentation des chantiers de la justice, 6 octobre 2017. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2017/10/chantier_justice_dp_170925_a5_v10_page.pdf

* 121 Ces questionnaires sont consultables à l'adresse suivante : http://www.justice.gouv.fr/le-ministere-de-la-justice-10017/chantiers-justice-transformation-numerique-donnez-votre-avis-31008.html

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