B. LE PROGRAMME 138 « EMPLOI OUTRE-MER »

Il s'agit de dotations visant à encourager la création d'emplois et la compétitivité des entreprises ultramarines.

Les difficultés rencontrées par les territoires ruraux de l'hexagone sont fréquemment soulignées au Sénat. Nos outre-mer doivent, pour leur part, surmonter à la fois l'éloignement géographique, l'insularité, l'étroitesse des marchés et l'exposition aux risques naturels. Les voisins des territoires ultramarins sont également de redoutables concurrents économiques avec, en particulier dans le tourisme et l'agriculture, des coûts salariaux parfois bien inférieurs et des « standards » à respecter beaucoup moins contraignants.

Enfin, les entreprises ultramarines sont soumises à des normes et des exigences de certification similaires à celles de l'hexagone mais trop souvent inadaptées au contexte tropical : elles freinent la création de richesses et diminuent l'efficacité de la dépense budgétaire. Le Sénat, à l'initiative de sa délégation et de votre commission, travaille sans relâche en vue de l'adaptation de ces normes aux réalités ultramarines dans le domaine agricole, commercial et dans la construction pour favoriser des solutions moins coûteuses et plus performantes.

Le programme 138, pour l'essentiel, prend en charge les exonérations de cotisations de sécurité sociale. Il est donc fortement impacté par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019 qui prévoit - sauf pour Mayotte où il est maintenu - les modalités de suppression du CICE outre-mer dont le taux était majoré à 9%, contre 6 % pour l'hexagone, et remplace ce mécanisme fiscal par de nouvelles exonérations tout en réaménageant les allègements spécifiques.

Dans le même programme 138 Emploi outre-mer, une nouvelle action dédiée au financement des entreprises ultramarines est créée, partiellement financée par les économies issues de la suppression de la TVA non perçue récupérable. D'un montant de 56 millions d'euros, l'action financera un fonds de garantie doté de 10 millions d'euros pour soutenir le dispositif « Avance + » de Bpifrance, qui répondra en partie au problème des délais de paiement des collectivités territoriales. De même, une dotation de 10 millions d'euros permettra d'élargir le bénéfice du prêt de développement outre-mer de Bpifrance aux entreprises de moins de trois ans. Il permettra également de préfinancer les crédits d'impôt.

1. Le soutien aux économies ultramarines

L' action n° 1 « Soutien aux entreprises » se compose principalement des remboursements par l'État à la Sécurité sociale du coût des exonérations spécifiques à l'outre-mer et des mesures de soutien aux entreprises : le montant prévu pour 2019 atteint 1,38 milliards d'euros en AE et en CP contre un peu moins de 1,08 milliards d'euros en 2018.

L'année dernière, votre rapporteur avait constaté une baisse tendancielle sur cinq ans du niveau de ces crédits qui s'explique par deux principaux facteurs : la politique de recentrage des allègements sur les bas salaires depuis 2014 et l'évolution de la masse salariale qui reflète une conjoncture économique insuffisamment dynamique.

Pour 2019, la hausse de ces crédits est « mécanique » : c'est la conséquence du basculement du CICE - de nature fiscale - en allègements de charges sociales remboursés par l'enveloppe budgétaire ultramarine. Le PLF prévoit de l'abonder à hauteur de 296 millions d'euros, ce qui traduit la mise en place d'un nouveau dispositif d'allègements plus concentré que jamais sur les salaires au voisinage du SMIC.

L'architecture, le chiffrage et l'impact économique de ce basculement, fondamental pour la compétitivité et l'avenir des outre-mer, sont analysés en détail dans la deuxième partie du présent rapport.

2. Le service militaire adapté et la formation professionnelle des ultramarins

254,2 millions d'euros en AE et 258 millions d'euros en CP sont prévus en 2019 pour financer des actions de formation spécifiques, principalement à travers le service militaire adapté (SMA) et l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM). À périmètre constant, les crédits de l'action sont quasiment stables (+ 1,1 % en AE et + 0,6 % en CP).

Le service militaire adapté (SMA) : une réussite pour l'accès à l'emploi des jeunes et un vivier de recrutement de qualité pour les entreprises.

Le service militaire adapté a été créé en 1961 pour conjuguer les obligations du service national avec le besoin en formation professionnelle. En 1996 alors que le service national a pris fin, le dispositif du SMA a été maintenu et s'est orienté plus nettement vers le développement économique et la protection civile.

Concrètement, le stage d'au moins six mois proposé aux jeunes ultramarins, garçons ou filles, âgés de dix-huit à vingt-six ans, comprend un mois de formation militaire, 800 heures de formation professionnelle dans l'une des cinquante filières existantes, une remise à niveau scolaire, la préparation et le passage du permis de conduire ainsi que de l'attestation de premiers secours et enfin des chantiers d'application. Le SMA participe ainsi à la mise en valeur des collectivités d'outre-mer et aux plans de secours en cas de catastrophe naturelle. Votre rapporteur comprend cependant la déception de certains jeunes lorsqu'ils sont, dans certains cas, affectés de façon trop brutale à certaines tâches pénibles comme le ramassage des sargasses.

Plus de 130 000 jeunes sont passés par le SMA depuis sa création en 1961 avec des taux d'insertion avoisinant 80 % pour l'ensemble des jeunes incorporés. Fait essentiel, le taux d'insertion des volontaires stagiaires s'est maintenu autour de 77 %, malgré l'intégration massive de jeunes éloignés du marché du travail.

Depuis 2017, l'objectif du plan SMA 6 000, 6 000 jeunes sont accueillis par an au sein des huit formations du SMA. En 2018 le SMA a mis en place, en lien avec la Gendarmerie, un parcours destiné aux jeunes mineurs français en cours de naturalisation à Mayotte, appelé « Cadets citoyens de Mayotte » : encore expérimental, ce dispositif est en cours d'évaluation.

La légère hausse des crédits de paiements pour 2019 en faveur du SMA peut se déduire, dans la documentation budgétaire, de l'augmentation de la masse salariale globale de ce dispositif (+ 5,5 millions d'euros).

Au cours des auditions, les employeurs ultramarins ont salué les qualités humaines et la fiabilité professionnelle des jeunes issus de ce dispositif. Il a également été rappelé que jusqu'en 2010, la durée du SMA était fixée à douze mois, ce qui permettait aux stagiaires d'obtenir des diplômes reconnus par l'Éducation nationale.

Votre rapporteur suggère donc de développer le SMA plutôt que de se limiter à le stabiliser.

L'appui à la formation - mobilité

Malgré les actions menées par les collectivités territoriales, l'offre de formation ne permet pas de couvrir les besoins des outre-mer et la formation hors du territoire ultramarin est une nécessité. Dans un souci de rationalisation, l'ensemble des crédits dédiés à la formation professionnelle en mobilité des ultramarins a été regroupé, depuis 2016, dans la mission outre-mer, par des transferts en provenance du ministère en charge de la formation professionnelle.

L'action 2 finance ainsi l' Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM). LADOM, opérateur du ministère des outre-mer pour la mobilité des ultramarins, est devenue un établissement public administratif, au 1 er janvier 2016, conformément à la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer.

Placé sous la tutelle du ministère chargé de l'outre-mer et du ministère chargé du budget, LADOM assure une première mission consistant à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes ultramarins et une seconde mission de gestion des dispositifs d'aide à la continuité territoriale relevant du programme 123 - Conditions de vie outre-mer.

Les relations entre la tutelle et l'opérateur sont régies par trois instruments : une convention triennale de gestion entre l'opérateur et la DGOM pour la période 2017-2019, signée le 4 décembre 2016, un contrat d'objectifs et de performance 2016-2018 (COP) signé le 4 janvier 2017 et une lettre de mission annuelle fixant les objectifs à atteindre au directeur général de LADOM.

Le champ géographique d'intervention de LADOM couvre par principe les cinq départements d'outre-mer : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion. Il est étendu à Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Barthélemy pour les élèves en mobilité. La gestion des aides pour les collectivités d'outre-mer et pour la Nouvelle-Calédonie est assurée par l'État ; pour ces territoires, LADOM n'intervient que comme prestataire

Afin de développer la politique de continuité territoriale initialement définie par la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, LADOM gère plusieurs actions financées par l'État :

- le « passeport pour la mobilité de la formation professionnelle » qui finance les dépenses de formation professionnelle en mobilité, lorsque la filière recherchée n'existe pas sur place ;

- le « passeport pour la mobilité des études », qui finance tout ou partie des titres de transport des étudiants ainsi que des lycéens de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Barthélemy contraints de suivre en Europe une formation non disponible sur place ;

- l'aide à la continuité territoriale, qui finance une partie du titre de transport des résidents des départements et collectivités d'outre-mer, entre leur collectivité de résidence et l'hexagone ;

- et le « passeport pour la mobilité en stage professionnel » créé par la loi EROM 1 ( * ) pour financer les titres de transport des élèves et étudiants inscrits dans des filières professionnelles pour effectuer un stage dans une autre académie.

Les allocations de l'État à l'opérateur LADOM prévus pour 2019 augmentent d'environ deux millions d'euros par rapport à l'an dernier pour s'établir à 61,6 millions d'euros en CP et 61,3 millions d'euros en AE. À l'intérieur de cette somme globale, sa subvention pour charges de service public recule légèrement de 7,5 à 7,2 millions d'euros pour 2019.

Votre rapporteur pour avis souligne à nouveau que l'ouverture sur le monde des jeunes d'outre-mer est fondamentale. L'audition du directeur général de LADOM a permis de mettre en évidence :

- la nécessité de renouveler son système d'information et son parc informatique qui sont aujourd'hui obsolètes ainsi que de développer ses capacités de visio-conférence ;

- l'intérêt qui s'attache à recruter un cadre de la fonction publique aguerri aux procédures de mobilisation des fonds européens ;

- et la pertinence de l'approfondissement de mutualisations avec Pôle Emploi pour bénéficier de son expertise sur le marché de la formation.

Enfin, le décès d'un jeune étudiant guyanais en 2018 a mis en évidence la nécessité absolue de combler un vide juridique.

En effet, l'article 47 de loi EROM , qui vise à consolide le principe de continuité territoriale y compris funéraire, prévoit une aide, sous conditions de ressources, pour la prise en charge d'une partie des titres de transport de résidents établis en France hexagonale pour se rendre aux obsèques d'un parent au premier degré ou d'un conjoint dans un territoire ultra-marin. Les dispositions règlementaires définissent toutefois des conditions restrictives puisque l'aide est accordée à défaut de couverture assurantielle. La question soulevée par l'audition du représentant de LADOM porte sur la condition de résidence qui risque de rendre cette continuité territoriale funéraire inopérante pour les étudiants, ce qui appelle un correctif rapide.

3. La nouvelle action n° 4 consacrée au financement de l'économie.

Cette nouvelle action est dotée, dans le PLF 2019, de 56,5 millions d'euros en AE et de 56 millions d'euros en CP. Sur ce total, 50 millions d'euros proviennent du recyclage des sommes dégagées par la suppression de la TVA non perçue récupérable et l'abaissement du plafond sur l'abattement sur l'impôt sur le revenu dans les DOM (170 millions).

Plusieurs outils sont prévus pour dynamiser le financement de l'économie ultramarine.

10 millions d'euros sont alloués à un fonds de garantie dénommé « Avance + » pour financer le besoin de trésorerie des PME détentrices de créances sur les collectivités et acteurs publics. Certes, Bpifrance propose d'ores et déjà des financements, à hauteur de 300 millions d'euros par an pour plus de 500 entreprises concernées, mais chaque prêt ne couvre pas la totalité de la créance apportée en garantie. Sur cette base, le fonds proposé par cette nouvelle mesure doit permettre de compléter et d'améliorer l'existant.

10 millions d'euros sont également prévus pour financer une amélioration du prêt de développement outre-mer (PDOM) Bpifrance, en élargissant ses bénéficiaires et ses critères d'attribution. Aujourd'hui, il s'agit d'un prêt sans garantie personnelle et à taux bonifié, pour des montants compris entre 10 000 et 300 000 euros à une maturité de cinq ans, réservé aux entreprises de plus de trois ans. Le but est de financer le fonds de roulement des entreprises, y compris les besoins de préfinancements de subventions publiques et de crédits d'impôt. Les nouveaux crédits doivent permettre de porter à sept ans la durée de remboursement et à un million d'euros le plafond, avec un différé de remboursement de deux ans.

15 millions d'euros seraient consacrés à des subventions d'investissement dans le cadre d'appels à projets outre-mer.

10 millions d'euros seraient affectés au renforcement des outils de capital investissement sur les territoires où la structuration du marché de capital-risque est insuffisante.

Enfin , 3 millions d'euros contribueraient à améliorer l'efficacité des fonds régionaux, qui permettent de mutualiser des sources de financement, et 2 millions d'euros sont prévus pour alimenter le microcrédit outre-mer.

Votre commission fait observer que l'efficacité de ces différents crédits dépendra, dans un premier temps, de leur délai d'activation qu'il convient de réduire au minimum et, par la suite, de leur pérennisation car il s'agit là de la réaffectation de sommes dont ne disposeront plus les ménages et les entreprises ultramarines pour financer eux-mêmes le développement des outre-mer. ( cf . la deuxième partie de ce rapport consacré à l'analyse économique globale des deux « recyclages » envisagés par le projet de budget des outre-mer).


* 1 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique (EROM).

Page mise à jour le

Partager cette page