II. L'INTÉGRATION DES COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES DANS LEUR ENVIRONNEMENT RÉGIONAL : UNE OPPORTUNITÉ À SAISIR

Votre rapporteur a souhaité s'intéresser plus particulièrement à l'insertion des collectivités ultramarines dans leur environnement régional , soutenue, en partie, au sein du budget de la mission « Outre-mer » , par les crédits de l'action 07 « Insertion économique et coopérations régionales » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » . Une bonne insertion des outre-mer français dans leur environnement régional permet en effet à la fois aux collectivités d'affirmer leur potentiel économique, culturel, scientifique et technique, mais aussi de contribuer au rayonnement de la France dans toutes les zones du monde.

A. DES COMPÉTENCES LARGES QUI S'ACCOMPAGNENT DE NOMBREUX OUTILS DE FINANCEMENT

1. Des larges compétences en matière internationale, sous la responsabilité de l'État
a) La responsabilité de l'État dans la conduite de l'action extérieure de la France

L'article 73 de la Constitution, auquel renvoie l'article 74, indique que les collectivités ultramarines ne peuvent être habilitées à fixer les règles portant sur « la politique étrangère ».

Il revient en effet à l'État de conduire la politique extérieure de la France et de conclure les accords internationaux avec les autres sujets de droit international 16 ( * ) .

Comme le rappelle la circulaire du 3 mai 2017 relative aux compétences exercées par les collectivités territoriales d'outre-mer en matière internationale à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1657 du 16 décembre 2016 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional, « les engagements que peuvent souscrire les collectivités auprès d'autres États ou d'une organisation internationale, après y avoir été autorisées par un représentant de l'État et avoir été munies de pouvoirs de signature, doivent être regardés comme des accords internationaux conclus au nom de l'État ».

b) Des compétences internationales progressivement élargies afin de renforcer les relations des collectivités ultramarines avec leur environnement régional

Ce préalable posé, les collectivités territoriales disposent tout de même d'un rôle d'initiatrices en matière internationale , en pleine coopération avec les services de l'État afin d'assurer la cohérence de l'action de la France dans la zone géographique concernée. Leurs compétences en matière internationale visent à favoriser l'intégration des collectivités ultramarines avec leurs proches voisins . Ces relations, qui permettent de valoriser le potentiel de chacune des collectivités ultramarines , contribuent également au rayonnement de la France .

Les compétences internationales des collectivités ultramarines sont inscrites dans leurs statuts respectifs pour celles régies par l'article 74 de la Constitution 17 ( * ) , et relèvent de la loi en ce qui concerne les collectivités régies par l'article 73 18 ( * ) . Ces compétences, larges, n'ont cessé de croître au cours des vingt dernières années . Les collectivités ultramarines peuvent notamment :

- dans les domaines de compétences de l'État, se voir délivrer par l'État un pouvoir de négociation avec les États environnants et les organisations internationales. Les collectivités peuvent également se voir délivrer un pouvoir de signature des accords ainsi conclus ;

- dans les domaines de compétences de l'État, demander aux autorités de la République l'autorisation de négocier des accords internationaux « dans le respect des engagements de la République » ;

- se voir autoriser à représenter la France au sein d'organismes internationaux ;

- adhérer en leur nom propre à des organismes régionaux de leur zone géographique, sans que la France soit nécessairement membre de l'organisation ;

- affecter des agents chargés de les représenter au sein de missions diplomatiques. La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie peuvent également mettre en place des représentations propres auprès d'États étrangers, territoires ou organisations internationales. Ces représentations n'ont toutefois pas de caractère diplomatique.

Afin de favoriser le développement des liens entre les collectivités ultramarines et leur environnement régional, la loi n° 2016-1657 du 5 décembre 2016 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional a par ailleurs permis aux présidents des exécutifs locaux de définir une politique de coopération régionale sur cinq ans .

2. De nombreux outils de financement

Accompagnant ces larges compétences, de nombreux outils de financement existent afin de favoriser les actions de coopération décentralisée, tant au niveau national qu'européen.

a) Au niveau national

Au niveau national, plusieurs fonds et structures sont dédiés ou participent au financement des actions menées par les collectivités ultramarines en matière internationale .

Le fonds de coopération régional (FCR) tout d'abord, créé par la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer , est « destiné à promouvoir les échanges éducatifs, culturels ou sportifs des habitants de ces territoires vers la métropole ou vers les pays situés dans leur environnement régional » 19 ( * ) . Le FCR est géré par un comité de gestion régional dans chacun des territoires bénéficiaires du fonds, associant représentants de l'État et représentants des collectivités.

Les crédits dédiés à ce fonds sont portés par l'action 07 « Insertion économique et coopérations régionales » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » . Ils représentent 789 500 euros en 2020, soit la même somme qu'en 2019.

Bilan global FCR 2018

Territoire

Allocation 2018

Consommation 2018

Taux de consommation 2018

Allocation 2019

Guadeloupe

143 704 €

143 704 €

100 %

125 000 €

Martinique

148 926 €

135 143 €

91 %

125 000 €

Guyane

110 000 €

110 948 €

101 %

170 000 €

La Réunion

180 000 €

150 320 €

84 %

150 000 €

Mayotte

180 000 €*

0 €

0 %

80 000 €

Saint-Pierre-et-Miquelon

53 000 €

65 305 €

123 %

50 000 €

Wallis-et-Futuna

10 000 €

10 000 €

100 %

5 000 €

Polynésie française

10 000 €

210 €

0 %

5 000 €

Adifap 20 ( * )

20 000 €

20 000 €

100 %

20 000 €

Source : Direction générale des outre-mer

* 5 000 euros ont été utilisés pour un projet lié à la musique. Le reliquat a été utilisé par fongibilité du BOP 123.

En 2018 :

- la Guadeloupe a utilisé son enveloppe FCR pour financer cinq projets : un en matière de santé, trois dans le domaine de l'environnement, et un de développement socio-économique ;

- la Martinique a utilisé son enveloppe pour financer l'organisation de la conférence de coopération Antilles-Guyane ;

- La Réunion s'est engagée sur six projets de coopération régionale, notamment en matière d'urbanisme et de francophonie ;

- enfin, la Guyane s'est engagée sur sept projets, notamment en matière de santé, de transport et de violences faites aux femmes.

Pour les collectivités du Pacifique , le Fonds de coopération économique, sociale et culturelle pour le Pacifique, dit Fonds Pacifique , rassemble les crédits destinés à leur insertion régionale. Il est doté d'1,5 million d'euros en 2018 et en 2019 inscrits au budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, et est présidé à tour de rôle pour deux ans par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et par celui de la Polynésie française. Il est géré par l'ambassadeur, secrétaire permanent pour le Pacifique. Dans le cadre de la prochaine organisation d'un évènement One Planet Submit océanien en Polynésie française en avril 2020, il est prévu de renforcer les moyens du Fonds afin qu'il puisse financer un plus grand nombre de projets.

À ces fonds s'ajoutent les appels à projet régulièrement lancés par la délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales (DAECT) . En 2019, la DAECT a lancé 11 appels à projets pour une offre de financement de 10 522 040 euros. Les projets financés sont portés par toutes les catégories des collectivités territoriales ultramarines et hexagonales ainsi que par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Entre 2016 et 2019, les collectivités ultramarines ont déposé 18 projets, parmi lesquels 15 ont été retenus par la DAECT.

Coût total des projets ayant reçu un financement de la DAECT
dans les collectivités ultramarines
*

Territoire

2016

2017

2018

2019

Guadeloupe

0 €

167 000 €

234 500 €

66 840 €

Martinique

193 090 €

0 €

504 408 €

169 500 €

La Réunion

1 515 478 €

0 €

261 000 €

0 €

Saint-Pierre-et-Miquelon

0 €

0 €

0 €

3 400 €

Total

1 708 568 €

167 000 €

999 908 €

239 740 €

Source : Délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales

* Les collectivités ultramarines qui ne sont pas citées dans le tableau n'ont pas bénéficié de financement de la DAECT sur la période couverte.

L' Agence française de développement (AFD) est également un acteur majeur du financement des actions de coopération des collectivités ultramarines. Elle a développé une fonction d'accompagnement à la maîtrise d'ouvrage à Mayotte et à Saint-Martin , et soutient des projets de coopération entre nos collectivités et les pays voisins, concentrant ses interventions sur les projets liés au développement économique et social dans une optique durable. En 2018, l'AFD a financé 255 projets liés à nos collectivités ultramarines, représentant 1,7 milliard d'euros 21 ( * ) . Afin d'assurer l'efficacité de son action, elle a adopté en 2019 la stratégie « Trois Océans » , visant à renforcer l'intégration régionale de nos outre-mer.

b) Au niveau européen

L'Union européenne intervient également en finançant des projets destinés à renforcer la coopération régionale . Deux instruments sont mobilisés.

Il s'agit en premier lieu des programmes européens INTERREG , soutenus par le Fonds européen de développement régional (FEDER). Ils visent à atténuer l'effet frontière avec les territoires voisins, en facilitant l'insertion régionale de nos collectivités ultramarines. Les programmes INTERREG se déclinent en deux volets : un premier volet transfrontalier, qui tend à financer des projets dans le voisinage proche, et un second volet transnational, qui soutient des initiatives s'inscrivant dans des zones géographiques plus vastes.

Il existe cinq programmes opérationnels soutenant l'intégration régionale des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution , représentant un montant d'environ 170 millions d'euros.

Les programmes INTERREG au bénéfice des collectivités ultramarines françaises

- Le programme INTERREG Amazonie, géré par la collectivité territoriale de Guyane :

Doté de 18,9 millions d'euros, il poursuit quatre axes prioritaires : renforcer l'offre de transport au sein de l'espace de coopération afin d'accroitre la mobilité dans cette partie de l'Amazonie ; protéger et valoriser la biodiversité exceptionnelle et le patrimoine naturel et culturel ; répondre aux problématiques sanitaires et sociales, en continuant la coopération scientifique et sanitaire ; et développer les échanges économiques dans les secteurs-clés, notamment l'agroalimentaire, les énergies renouvelables, les technologies de l'information et communication, de l'écotourisme, ainsi que des projets visant la meilleure connaissance réciproque des marchés et des formations conjointes destinées aux entrepreneurs ;

- Le programme INTERREG Océan indien, géré par la région de La Réunion :

Doté de 63,2 millions d'euros, il porte sur cinq priorités stratégiques : construire un espace de recherche et d'innovation ; consolider les échanges économiques ; développer les capacités d'adaptation au changement climatique et la prévention et la gestion des risques ; valoriser le patrimoine naturel et culturel ; et élever le niveau de compétence collective par le soutien aux actions de formations et d'échanges (mobilité) ;

- Le programme INTERREG Caraïbes, géré par la région de Guadeloupe :

Il se décline en six priorités et est doté de 64,3 millions d'euros. Il vise à : renforcer la compétitivité des entreprises ; renforcer la capacité de réponse aux risques naturels ; protéger l'environnement culturel et naturel ; répondre aux problématiques communes de santé à l'échelle de la Caraïbe ; soutenir le développement des énergies renouvelables ; et renforcer le capital humain par le développement de la formation en langues de la Caraïbe et de la mobilité étudiante et professionnelle au sein de la Caraïbe. Un projet de télécommunication dans toute la Caraïbe est par exemple actuellement en cours de développement ;

- Le programme INTERREG Saint-Martin-Sint-Maarten, géré par la préfecture de Saint-Martin :

Doté de 10 millions d'euros, ce projet vise à élever le niveau des infrastructures dans le domaine de l'eau et de l'assainissement ainsi que la protection de l'environnement, et à prévenir les risques d'inondation, en particulier dans la zone frontalière de Belle-Plaine. Des fonds sont également consacrés à l'assistance technique ;

- Le programme INTERREG Mayotte-Comores-Madagascar, géré par la préfecture de Mayotte :

Doté de 11,8 millions d'euros, ce fonds vise à : accroitre les échanges commerciaux dans la zone de coopération ; améliorer l'état de santé des populations et les capacités de secours aux personnes ; et à structurer, développer l'offre de formation et organiser la mobilité dans l'espace de coopération.

En second lieu, s'ajoute aux programmes INTERREG le Fonds européen de développement (FED) . Doté d'un budget de 30,5 milliards d'euros sur la période 2014-2020, il soutient des actions ayant pour objet la promotion du développement économique, social et humain ou la coopération régionale dans les pays et territoires en voie de développement.

S'il avait pu être regretté par le passé l'absence de coordination entre les différents instruments européens de financement, en particulier entre les financements assurés par le biais du FEDER et ceux du FED 22 ( * ) , la nouvelle programmation 2014-2020 a tenté de répondre à ces critiques. À titre d'exemple, une enveloppe de 2,94 millions d'euros de FED a été déléguée à l'autorité de gestion du programme INTERREG Caraïbe, ce qui permet de soutenir à la fois des porteurs de projets européens ( via INTERREG) et non-européens ( via le FED).


* 16 Titre VI de la Constitution du 4 octobre 1958.

* 17 Les collectivités ultramarines qui disposent des plus larges compétences en matière internationale sont la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, à qui certaines missions relevant des relations extérieures ont été en partie dévolues. La politique étrangère de la France demeure toutefois, là aussi, de la compétence de l'État.

* 18 Après une première dévolution de compétences relevant de l'action extérieure par la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer ( LOOM ), de nouvelles compétences en la matière leur ont été attribuées par la loi n° 2016-1657 du 5 décembre 2016 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional .

* 19 Article 40 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer , tel que modifié par l'article 34 de la loi n° 2013-1029 du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer et par l'article 54 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique .

* 20 Association pour le développement des intérêts de la France et de ses territoires en Asie-Pacifique.

* 21 Soit 15 % du total des engagements de l'AFD en 2018.

* 22 Voir, notamment, le rapport d'information n° 519 (2008-2009) Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l'avenir , réalisé par notre ancien collègue Éric Doligé, au nom de la mission commune d'information outre-mer, déposé le 7 juillet 2009.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r08-519-1/r08-519-1.html .

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