C. DIFFICULTÉS FINANCIÈRES ET DIMINUTION DU NOMBRE D'ÉLÈVES : LES ÉTABLISSEMENTS FORTEMENT FRAGILISÉS PAR LA CRISE DE LA COVID-19

1. Des pertes financières importantes

Les établissements d'enseignement agricole ont subi de lourdes pertes financières et des manques à gagner importants mettant certains d'entre eux dans des situations économiques plus que précaires . Les raisons de ces difficultés financières peuvent être regroupées en trois catégories :

- les manques à gagner et les pertes de recettes : vente issue des ateliers ou des exploitations horticoles, prestations de formation pour les centres de formation des apprentis et les centres de formation pour adultes, mais aussi vente de repas et de nuités. En effet, de nombreux établissements, notamment les MFR, louent leurs bâtiments pour accueillir des colonies de vacances ;

- de très nombreux établissements ont remboursé les nuitées d'internat et les frais de restauration scolaire des élèves non consommés du fait du confinement ;

- les CFA et les CFPPA des lycées agricoles publics n'ont pas pu bénéficier du chômage partiel. Les établissements ont dû, sur leurs fonds propres, maintenir les salaires des agents de droit privé. Il s'agit de la principale raison de difficultés des établissements d'enseignement publics.

Alors que l'éducation nationale a été financièrement relativement épargnée par les conséquences économiques de cette crise sanitaire, l'enseignement agricole a été touché de plein fouet . La DGER a diligenté deux enquêtes pour mesurer les pertes et les surcoûts directement imputables à la crise sanitaire. L'impact financier global à ce jour s'élève à 46,1 millions d'euros , les établissements publics étant les plus touchés. Il est en effet de 26,4 millions d'euros pour les établissements publics et de 19,7 millions d'euros pour les établissements privés (9,3 millions d'euros pour les établissements de temps plein et 10,4 millions d'euros pour les MFR). Ce chiffre est sans doute sous-estimé. En effet, si le taux des réponses des établissements publics est de 100 %, il n'est que de 52 % pour les établissements du privé.

Postes

Public
(millions €)

Privé
(millions €)

Perte du chiffre d'affaires (activités des exploitations et ateliers technologiques, activités des centres de formation d'adultes)

16,1

8,6

Baisse de recettes de pension et de vente de repas et nuitées (recettes de pensions ou demi pensions des élèves et apprentis, ainsi que la vente de repas et de nuitées aux adultes et au personnel - inclut les économies sur la nourriture ou les dépenses notables)

10,1

14,0

Autres impacts : continuité pédagogique (achats de matériels informatiques, abonnements à des plates-formes numériques, etc.) ainsi que des équipements de protection individuelle - inclut des dépenses moindres notamment sur les déplacements et autres dépenses de fonctionnement

0,25

- 2,9*

Total

26,45

19,7

* Pour les établissements du privé, ce poste se solde par une économie, car ils ont bénéficié des mesures de chômage partiel et d'économies sur les salaires.

Source : DGER

Cette double enquête a permis d'identifier trois groupes d'établissements en difficulté financière plus ou moins grave :

- les établissements dits « P1 », qui sont proches de la faillite et doivent impérativement être soutenus avant la fin de l'année 2020 au risque de fermer 9 ( * ) ;

- les établissements dits « P2 » qui rencontrent de graves difficultés et dont l'aide doit parvenir en début d'année 2021 10 ( * ) ;

- les établissements dits « P3 » 11 ( * ) : ce sont de petits établissements disposant de budgets faibles et qui peuvent donc facilement basculer en raison des répercussions de la crise sanitaire et économique.

Affiliation

Total

Impact financier de la covid-19 (millions d'euros)

Public

UNREP+CNEAP

MFR

Nb établ.

174

232

394

800

P1

38

21,8 %

1

0,4 %

3

0,8 %

42

5,3 %

11,74

P2

49

28,2 %

9

3,9 %

7

1,8 %

65

8,1 %

18,62

P3

55

31,6 %

20

8,6 %

85

21,6 %

160

20,0 %

15,75

Toutes priorités

142

81,6 %

30

12,9 %

95

24,1 %

267

33,4 %

46,12

Au total, un tiers des établissements d'enseignement agricole aurait besoin d'une aide financière du fait de la crise de la covid-19 . Un certain nombre d'entre eux connaissaient déjà une situation financière fragile, que la crise sanitaire a accentuée.

Dans le cadre du quatrième projet de loi de finances rectificative le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a exprimé un besoin de 11,74 millions d'euros , correspondant aux pertes des 42 établissements classés en P1. Au final ce sont seulement 6 millions d'euros qui sont ouverts pour soutenir les 42 établissements de l'enseignement technique agricole en urgence financière à la suite de la crise sanitaire. Les autres 6 millions d'euros seront à trouver - péniblement - au sein du budget du ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

2. Une diminution du nombre d'élèves directement liée à la crise de la covid-19

Après le rebond constaté en 2019, la rentrée 2020 se caractérise par une nouvelle diminution des effectifs, avec une baisse de 2,2 % (- 3 411 élèves). L'enseignement privé, et plus particulièrement les établissements d'enseignement à rythme approprié sont particulièrement touchés par ce recul, avec respectivement - 3,2 % et - 4,6 %. L'enseignement public, en revanche, reste à un niveau quasiment stable avec un recul de 0,4 %.

La crise de la covid-19 et ses conséquences expliquent cette rupture dans la dynamique haussière constatée l'année dernière :

- la plupart des établissements n'ont pas pu organiser leurs journées portes ouvertes , qui jouent un rôle majeur dans l'information des familles car l'enseignement agricole reste très mal connu. Témoin de ce manque d'information, la rapporteure pour avis constate une chute des inscriptions en 4 ème dans les établissements agricoles (- 8,6 %) et de manière générale dans le cycle d'orientation collège (- 4,0 %) ;

- avec le confinement, un certain nombre de familles ont préféré avoir leurs enfants près d'eux et ont donc choisi une formation à proximité de leur domicile. Or le bassin de recrutement des établissements agricoles est géographiquement beaucoup plus grand que celui de l'éducation nationale, expliquant le nombre élevé d'internes ;

- les MFR ont enregistré une baisse importante du nombre de leurs élèves (- 2 080), mais une partie de ceux-ci a été réorientée vers une formation en apprentissage, particulièrement attractive cette année en raison du fort soutien gouvernemental dans le cadre du plan #1jeune1solution 12 ( * ) . Or, les apprentis sortent du décompte des effectifs des établissements d'enseignement agricole.

La baisse des effectifs cette année semble donc liée à des facteurs conjoncturels. La rapporteure pour avis voit d'ailleurs dans l'augmentation des effectifs dans les formations postbac avec 229 élèves en plus dans les BTS agricoles et 37 de plus dans les BTS, un attrait des étudiants pour les métiers du vivant. Ce constat est partagé par la direction de l'enseignement et de la recherche qui a souligné le succès rencontré par le camion itinérant « l'aventure du Vivant », visant à présenter l'enseignement agricole, dans les villes où il se rendait. Il a ainsi accueilli plus de 7 000 visiteurs lors des trois étapes réalisées avant la suspension de sa tournée en mars.

La rapporteure pour avis est persuadée qu'une communication pluriannuelle autour des métiers proposés par l'enseignement agricole est essentielle pour mieux faire connaître ces formations. Aussi elle s'étonne que l'intégralité de l'enveloppe de 5 millions d'euros en crédit de paiement 13 ( * ) de communication en faveur de la promotion de l'enseignement agricole et des métiers auxquels il prépare soit inscrite dans la mission « plan de relance » du PLF 2021, alors même que la création de cette nouvelle mission doit permettre un « cloisonnement de ces crédits par rapport aux moyens classiques et récurrents dédiés aux autres politiques publiques » .


* 9 Au nombre de 42, ces établissements de « priorité 1 » ont une perte financière cumulée de près de 12 millions d'euros du fait de la crise de la covid-19. Il s'agit d'établissements qui étaient déjà dans une situation financière précaire ou rencontraient des problèmes de trésorerie avant la crise.

* 10 Au nombre de 65, ces établissements de « priorité 2 » ont une perte cumulée de 18,62 millions d'euros. Il s'agit d'établissements qui ont subi de lourdes pertes de fonds de roulement ou qui ont une prévision de résultat très dégradée à l'issue de la crise covid.

* 11 Ces 160 établissements de « priorité 3 » représentent 20 % de l'ensemble des établissements d'enseignement agricole.

* 12 Les entreprises peuvent bénéficier d'une aide de 6 000 à 8 000 euros pour financer le recrutement d'un apprenti à la rentrée 2020.

* 13 5 millions d'euros en crédits de paiement en 2021 et 10 millions en autorisation d'engagement.

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