N° 143

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2020

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation
et de la communication (1)
sur le projet de loi de finances ,
adopté par l'Assemblée nationale, pour
2021 ,

TOME IV

Fascicule 2

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES :

Presse

Par M. Michel LAUGIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; M. Max Brisson, Mmes Laure Darcos, Catherine Dumas, M. Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco, vice-présidents ; Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Michel Savin, Mmes Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mme Sabine Drexler, MM. Fabien Genet, Jacques Grosperrin, Abdallah Hassani, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Mme Else Joseph, MM. Claude Kern, Michel Laugier, Mme Claudine Lepage, MM. Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, François Patriat, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 3360 , 3398 , 3399 , 3400 , 3403 , 3404 , 3459 , 3465 , 3488 et T.A. 500

Sénat : 137 et 138 à 144 (2020-2021)

AVANT-PROPOS

L'année 2020 aurait pu, sans un soutien fort de l'État, être fatale à une presse engagée depuis plusieurs années dans une spirale négative dont elle peine à s'extraire et frappée comme l'ensemble des secteurs par la crise pandémique.

Les deux chantiers initiés ou soutenus par la commission, les droits voisins et la réforme de la distribution , ont montré leur caractère central en 2020, même s'ils sont encore loin d'avoir porté leurs fruits. Le soutien massif qu'a apporté l'État au secteur, vient donc d'une certaine manière compenser la difficulté pour la presse à imaginer un modèle économique viable en mesure de lui permettre d'absorber les chocs.

Le rapporteur pour avis insiste sur ce point : s'il était normal que l'État vienne au secours de la presse durant la période de pandémie, le secteur doit travailler à son équilibre économique , avec le soutien de l'État, mais sans attendre de lui une forme de garantie perpétuelle . La chute de Presstalis a du reste démontré le caractère nécessairement transitoire de solutions fondées sur une injection permanente de crédits publics.

Les défis qui attendent la presse sont donc nombreux en 2021, mais les motifs d'espoir le sont également :

- la transformation numérique a été accélérée par la pandémie et commence à constituer, pour de nombreux titres, un complément de ressources viable. Elle pourrait être encouragée par le « plan filière » mis en place pour les prochaines années et l'aide, depuis longtemps soutenue par le rapporteur pour avis, enfin accordée à la presse en ligne ;

- plus profondément peut-être, durant cette année, la presse a également su marquer son rôle essentiel de diffusion d'une information de proximité , alors que la proximité manquait, et de lutte contre le « virus » des fausses informations, alors même qu'elles pullulaient. Nos concitoyens se sont en bonne partie retrouvés dans une presse qui, dans certains endroits, était pourtant impossible à acquérir en raison des derniers soubresauts sociaux de l'entreprise Presstalis, et des décisions contestables prises par La Poste dans les premiers jours du confinement.

Il reste donc à permettre au secteur de s'extraire d'une crise mondiale qu'il subit, mais dont il constitue aussi l'un des remèdes.

I. UNE PRESSE FRAGILISÉE ET DÉSORMAIS TERRASSÉE PAR LA PANDÉMIE

A. AVANT MÊME LA PANDÉMIE, UNE SITUATION CRITIQUE

1. Une diffusion et des recettes en baisse constante

La pandémie mondiale a frappé un secteur qui peine, depuis plusieurs années, à trouver des relais de croissance face à la montée en puissance de la diffusion de l'information sur Internet. Ainsi, entre 2006 et 2018, le chiffre d'affaires global de la presse est passé de 10,6 à 6,5 milliards d'euros. Sur les dix dernières années, il s'est donc réduit de plus d'un tiers. Le chiffre des recettes de ventes s'est contracté de 23 %. Le chiffre d'affaires publicitaire a baissé de plus de la moitié.

Entre 1990 et 2007, les recettes de publicité représentent entre 44 % et 48 % du chiffre d'affaires total de la presse écrite. Cette part est tombée à 30 % en 2018. La principale explication réside dans l'érosion plus importante durant cette période des recettes de publicité par rapport à celles de ventes .

2. Une diffusion numérique qui n'a pas encore pris le relais

Diffusion numérique des principaux quotidiens nationaux

2018

2019

PQN
- échantillon

Diffusion payée en moyenne

Versions numériques en moyenne

Versions numériques en pourcentage de la diffusion

Diffusion payée en moyenne

Versions numériques en moyenne

Versions numériques en pourcentage de la diffusion

Aujourd'hui en France

109 458

6 349

5,80%

99 902

9 565

9,69 %

La Croix

87 662

13 676

15,60%

88 039

17 546

20,01 %

Les Echos

130 006

45 491

34,99%

130 899

52 153

40,10 %

L'Humanité

32 017

1 057

3,30%

36 347

6 449

17,78 %

Libération

68 362

17 584

25,72%

72 489

27 117

37,94 %

Le Monde

300 143

138 154

46,03%

334 287

184 898

57,14 %

Le Figaro

313 694

114 638

36,54%

329 646

152 158

48,68 %

Source : ministère de la culture

Parmi les grandes familles de presse, c'est la presse quotidienne nationale qui est la plus avancée dans la diffusion numérique.

Cette mutation vers le digital ne s'accompagne cependant pas encore de recettes suffisantes pour compenser la perte de ventes « physiques » , même si ce passage est difficilement appréhendable au niveau du chiffre d'affaires. La seule estimation disponible est celle réalisée par l'Institut de recherches et d'études publicitaires (IREP) sur le pourcentage moyen que représente cette activité au sein des plus grandes entreprises du secteur . Si les recettes publicitaires totales ont augmenté de 2,6 % en 2019, celles de la presse ont de nouveau baissé de 4,1 % en lien notamment avec le recul de la diffusion. La croissance du marché est en effet essentiellement portée par Internet, notamment sur mobile. La presse ne profite pas de cette croissance, en raison de la captation massive des recettes publicitaires par les grandes entreprises du numérique comme Google et Facebook . Dans ce contexte, la mise en oeuvre de la loi sur les droits voisins constitue un motif d'espoir, mais ne saurait résoudre à elle seule l'ensemble des difficultés du secteur.

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