B. ENFIN LES DROITS VOISINS ?

Le 24 juillet 2019 était promulguée la proposition de loi d'origine sénatoriale relative à la création de droits voisins au profit des agences et des éditeurs de presse . La France est ainsi devenue le premier État de l'Union européenne à transposer dans son droit national l'article 15 de la directive sur les droits d'auteur du 17 avril 2019.

Cette loi est destinée à doter les éditeurs et les agences de presse de la capacité juridique et des moyens de négocier avec les plateformes pour faire valoir leurs droits et parvenir à une répartition des revenus plus équilibrée pour eux, pour les journalistes et pour les photographes. Les seuls Google et Facebook s'accaparent en effet plus de 70 % des ressources publicitaires en ligne et 90 % pour le mobile, contre 12 % seulement pour tous les éditeurs de presse.

La réponse européenne qui s'est imposée avec l'adoption de la directive constitue indéniablement le seul niveau à même de déboucher sur des résultats concrets et rapides. Dans ce combat, force est de reconnaitre que la France s'est trouvée isolée dans sa position pionnière , les autres pays semblant temporiser dans la transposition.

L'attitude très fermée adoptée par Google a contribué à tendre les négociations avec les éditeurs. La stratégie de Google a principalement consisté à tenter de se mettre en conformité avec la loi en proposant aux éditeurs de presse de choisir la façon dont leurs articles seraient référencés sur ses services (Google Search, Google News...), en optant soit pour un référencement « dégradé » sans accord de l'éditeur ; soit pour un référencement « enrichi », à condition cette fois que l'éditeur l'accepte, mais sans que Google propose en contrepartie une quelconque rémunération.

Ce faisant, Google affichait clairement son refus d'entamer des négociations sur la rémunération du droit voisin des éditeurs et agences de presse .

Une plainte a été déposée par les principaux représentants de la presse contre Google auprès de l'Autorité de la Concurrence pour abus de position dominante en novembre 2019.

Dans sa décision du 9 avril 2020, cette dernière a considéré que Google était susceptible de détenir une position dominante sur le marché français des services de recherche généraliste et que les pratiques dénoncées étaient susceptibles d'être qualifiées d'anticoncurrentielles. Elle a donc imposé une négociation « de bonne foi » entre Google et les éditeurs, pour une durée de trois mois.

A la fin de l'été 2020, la période de négociation étant échue, les principaux représentants des éditeurs ont annoncé avoir déposé un second recours auprès de l'Autorité contre Google, pour non-respect de ses obligations . Dans le même temps, le 2 juillet 2020, Google a fait appel de la décision de l'Autorité devant la cour d'appel de Paris , qui a rendu une décision défavorable à l'opérateur le 8 octobre.

Plus d'un an après l'adoption de la loi, les promesses nées avec l'adoption de la loi n'ont pas été tenues. Comme le rapporteur pour avis l'exprimait dans son rapport de l'année dernière, la stratégie de Google est à la fois :

- locale , en étirant en longueur la négociation pour fissurer le front jusqu'à présent uni des éditeurs ;

- et résolument mondiale , car accorder des droits voisins en France reviendrait à devoir les acquitter à brève échéance dans le monde entier.

Il est maintenant impératif que les grandes plateformes reconnaissent la primauté de la loi sur leurs propres intérêts et appliquent intégralement ses dispositions. Les négociations semblent à l'heure actuelle entrées dans leur phase finale et, plus que jamais, la commission, à l'origine de la loi, appelle à une solution satisfaisante et équilibrée pour la presse.

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