- L'ESSENTIEL
- I. PROGRAMME 174 « ÉNERGIE, CLIMAT
ET APRÈS-MINES » : DES MESURES QUI MENACENT
D'ACCROÎTRE LA PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE ET DE
RETARDER LA TRANSITION EN CE DOMAINE
- II. PROGRAMME 345 « SERVICE PUBLIC DE
L'ÉNERGIE » : DES CRÉDITS STABLES... EN
APPARENCE
- III. CAS FACÉ : L'INDEXATION DES
RECETTES SUR L'INFLATION DOIT S'ACCOMPAGNER D'UNE REVALORISATION DES
DÉPENSES
- IV. FONDS CHALEUR : UN DISPOSITIF EFFICACE
À PRIVILÉGIER
- I. PROGRAMME 174 « ÉNERGIE, CLIMAT
ET APRÈS-MINES » : DES MESURES QUI MENACENT
D'ACCROÎTRE LA PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE ET DE
RETARDER LA TRANSITION EN CE DOMAINE
- TRAVAUX EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
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N° 140 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026, |
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TOME II ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES (ÉNERGIE) |
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Par M. Daniel GREMILLET, Sénateur |
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(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Vincent Louault, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mmes Martine Berthet, Marie-Pierre Bessin-Guérin, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Gérard Lahellec, Mmes Marianne Margaté, Pauline Martin, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Marc Séné, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
Réunie le 26 novembre 2025, la commission des affaires économiques a donné, à l'initiative de son rapporteur Daniel Gremillet, un avis favorable à l'adoption des crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », ainsi qu'à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (CAS Facé).
La commission déplore néanmoins la poursuite de la débudgétisation de certains mécanismes d'aides (rénovation énergétique des logements, achat de véhicules électriques), remplacés par un dispositif fondé sur les certificats d'économie d'énergie (CEE), qui prive le Parlement d'un droit de regard sur le montant des aides accordées aux particuliers.
Surtout, elle s'inquiète de la hausse de la précarité énergétique, que les mesures prises par le Gouvernement risquent d'accroître. En effet, les ménages les plus fragiles sont confrontés à un effet ciseaux : d'une part, les nouvelles modalités d'identification des bénéficiaires du chèque énergie ont significativement fait baisser le nombre de foyers l'ayant automatiquement reçu en 2025, et d'autre part, leurs factures d'énergie augmentent sous l'effet du coût des CEE.
En outre, elle regrette que ce projet de loi de finances (PLF) n'ait pas pu être apprécié à l'aune de la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), dont l'examen, au travers de la « PPL Gremillet », n'est toujours pas achevé. Dès lors, il n'est pas possible de s'assurer de la cohérence des crédits proposés par le Gouvernement avec les objectifs de moyen terme.
Par ailleurs, la commission demande que les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) inscrits au CAS Facé soient, à l'instar des recettes, indexés sur l'inflation afin de tenir compte de la hausse des coûts d'investissement, des besoins de résilience des réseaux et des aléas climatiques auxquels sont confrontées les communes rurales.
Enfin, le rapporteur a proposé un amendement visant à abonder le Fonds chaleur, qui constitue un dispositif efficace au bénéfice de nos collectivités territoriales.
Les chiffres clés du budget consacré à l'énergie
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Chèque énergie |
Débudgétisation des
aides |
Soutien aux énergies |
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de foyers précaires |
de baisse pour ce mécanisme, |
d'augmentation |
I. PROGRAMME 174 « ÉNERGIE, CLIMAT ET APRÈS-MINES » : DES MESURES QUI MENACENT D'ACCROÎTRE LA PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE ET DE RETARDER LA TRANSITION EN CE DOMAINE
Les crédits inscrits au programme 174 pour 2026 sont en nette baisse : les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) reculent respectivement de 35,1 % et 17 %. Cette évolution tient essentiellement à la débudgétisation des aides à l'acquisition de véhicules propres.
A. LA POURSUITE DE LA DÉBUDGÉTISATION PRIVE LE PARLEMENT D'UN DROIT DE REGARD SUR LE MONTANT DES AIDES ACCORDÉES
Depuis 2025, le dispositif de la prime de transition énergétique « MaPrimeRénov' », distribuée par l'Agence nationale de l'habitat (Anah), est financé par le programme 135. Ce dispositif a été considérablement recentré à compter du 30 septembre dernier, et certains forfaits (chaudières biomasse et travaux d'isolation des murs) disparaîtront au 1er janvier 2026. En outre, la dotation versée par le programme 135 à l'Anah baissera l'année prochaine en raison d'une mobilisation accrue de recettes liées aux certificats d'économie d'énergie (CEE).
Le Gouvernement souhaite poursuivre, en 2026, la débudgétisation des dispositifs d'accompagnement à la transition énergétique, en remplaçant cette fois les aides à l'acquisition de véhicules propres par un dispositif fondé sur les CEE.
Schéma simplifié du fonctionnement du dispositif des CEE
Source : Cour des comptes
Cette débudgétisation est insatisfaisante pour plusieurs raisons :
- premièrement, elle prive le Parlement d'un droit de regard sur le montant des aides qui sont réellement accordées aux particuliers ;
- deuxièmement, dans son rapport publié en juillet 2024, la Cour des comptes qualifie les CEE de « dispositif à réformer car complexe et coûteux pour des résultats incertains ». En outre, dans un rapport d'avril 2023 portant sur les aides à la transition énergétique, l'inspection générale des finances déplorait quant à elle « la faible transparence du dispositif », et ajoutait que « l'exigence de transparence et d'évaluation indépendante est d'autant plus forte pour les CEE qui, sans faire l'objet d'un examen annuel par le Parlement, ont le même effet économique qu'une taxe sur l'énergie » ;
- troisièmement, le coût des CEE est répercuté par les fournisseurs d'énergie sur les factures de leurs clients, quel que soit leur niveau de revenus, ce qui relève d'une forme d'injustice pour les foyers les plus modestes.
Le rapport du Gouvernement au Parlement évaluant le dispositif des CEE, remis le 31 juillet 2025 en application de l'article L. 221-1-2 du code de l'énergie, présente l'estimation de l'impact du dispositif sur le prix des énergies en 2023.
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Gaz naturel |
Électricité |
Fioul domestique |
Carburants |
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Obligation classique |
0,786 kWhc |
0,774 kWhc |
8,419 kWhc |
8,165 kWhc |
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Coût TTC |
0,70 centime d'euros |
0,69 centime d'euros |
7,6 centimes d'euros |
7,3 centimes d'euros |
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Prix de référence TTC |
113 €/MWh |
241 €/MWh |
1,27 €/litre |
1,81 €/litre |
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Part du coût des CEE dans le prix |
6,3 % |
2,9 % |
6 % |
4,1 % |
Les conséquences des CEE pour les consommateurs dépendent à la fois de leur volume et de leur prix.
Or, le décret n° 2025-1048 du 30 octobre 2025 relatif à la sixième période du dispositif des certificats d'économies d'énergie (2026-2030) a rehaussé l'obligation annuelle globale, qui s'établira à 1 050 térawattheures cumac (TWhc1(*)) contre 775 TWhc pour la cinquième période (2022-2025) ; le volume des CEE sera donc plus important à compter de l'an prochain.
S'agissant de leur prix, d'après la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), « l'introduction de nouveaux gisements d'économies d'énergie à niveau d'obligation constant est de nature à détendre le marché secondaire des CEE et, par conséquent, de limiter le coût du dispositif CEE sur les consommateurs d'énergie ». Le ministère de la transition écologique parie donc sur une baisse du coût des CEE grâce à une augmentation de l'offre mise sur le marché. Toutefois, la fin du bonus écologique, remplacé au 1er juillet dernier par la prime « coup de pouce véhicules particuliers électriques » financée par les CEE, n'a pas permis, pour l'heure, de faire reculer leur prix. Un bilan plus précis mériterait d'être dressé l'an prochain, lorsque le nouveau mécanisme aura pleinement produit ses effets.
Source : commission des affaires
économiques du Sénat, à partir des données
d'Emmy
(registre national des certificats d'économie
d'énergie)
B. DES MESURES QUI FRAGILISENT LA LUTTE CONTRE LA PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE
1. Les nouvelles modalités d'envoi du chèque énergie ont fait chuter le nombre de bénéficiaires automatiques
Créé par la loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015, le chèque énergie a remplacé les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz. Il s'adresse aux foyers dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 11 000 euros par unité de consommation2(*) ; ses bénéficiaires sont donc des personnes vivant sous le seuil de pauvreté3(*). Son montant moyen, qui s'élève à 150 euros, n'a jamais évolué depuis son instauration.
La suppression, à compter de 2023, de la taxe d'habitation sur les résidences principales ne permet plus à l'administration d'actualiser la liste des bénéficiaires. Aussi l'Agence de service et de paiement (ASP) procède-t-elle désormais à un croisement de fichiers, émanant entre autres de l'administration fiscale et des fournisseurs d'électricité, pour l'attribution de l'aide. Par conséquent, la dernière campagne d'envoi a été tardive puisqu'elle a débuté au mois de novembre 2025 et non au printemps comme les années précédentes. En outre, le nombre de foyers l'ayant automatiquement reçu est passé de 5,5 millions en 2024 à 3,8 millions en 2025. Un guichet de demande a été ouvert, mais le manque d'information, ainsi que la complexité que peut représenter une démarche dématérialisée pour certaines populations, risque de faire diminuer le nombre final de bénéficiaires. Ces différents motifs pourraient engendrer une baisse du taux d'usage du chèque énergie ; le cas échéant, une telle évolution ne saurait justifier une diminution des crédits alloués à cet effet dans les années à venir.
Lors de l'examen du PLF 2025 au Sénat, un amendement de la commission des affaires économiques tendant au maintien de l'attribution automatique du chèque énergie avait été adopté. Dans son baromètre publié le mois dernier, le médiateur national de l'énergie (MNE) indique que 36 % des ménages déclarent rencontrer des difficultés pour payer leurs factures d'énergie - contre 28 % en 2024 -, et que 59 % des bénéficiaires du chèque énergie ont souffert du froid l'an passé - contre 35 % pour l'ensemble des ménages. D'après le MNE, le versement tardif du chèque énergie en 2025 a aggravé leur situation puisque 35 % des bénéficiaires déclarent que ce décalage a engendré des difficultés de paiement.
Le rapporteur appelle l'administration à trouver une solution pour établir de façon exhaustive la liste des bénéficiaires. Il convient de souligner à cet égard que la piste consistant à indiquer le point de livraison d'électricité sur la déclaration d'impôts sur le revenu, qui constituerait la méthode la plus fiable, a été écartée par le ministère chargé du budget et des comptes publics ; une position de principe qui consiste à retoquer toute demande de ce type.
2. Les ménages précaires sont confrontés à un effet ciseaux...
Les ménages les plus fragiles sont donc confrontés à un effet ciseaux :
- d'une part, les nouvelles modalités d'identification des bénéficiaires du chèque énergie ont significativement fait baisser le nombre de foyers l'ayant automatiquement reçu en 2025, ce qui minore les sources de revenus des foyers « oubliés » (cas de non-recours) ;
- d'autre part, le montant de leurs factures d'énergie augmente du fait de la répercussion du coût des CEE, ce qui obère, là encore, leurs finances personnelles.
3. ...qui pourrait attiser les revendications et les crises d'ordre social
Lorsque l'Union européenne aura mis en oeuvre le nouveau système d'échange de quotas d'émission (« ETS 2 ») - a priori en 2028 -, qui couvrira notamment les émissions du transport routier et des bâtiments, et qui fixera, à ce titre, un prix du carbone sur le diesel et l'essence, l'accise sur les carburants devrait mécaniquement augmenter. Les ménages seraient alors confrontés à une hausse généralisée du prix des carburants, qui pèserait davantage sur les finances des ménages les plus modestes, en particulier dans les zones rurales où il n'existe aucune alternative pour se déplacer à un moindre coût. Aussi faut-il rappeler que la crise des « gilets jaunes », comme d'autres crises sociales avant elle, était à l'origine un mouvement de contestation contre l'augmentation du prix à la pompe, due à une hausse de la fiscalité. En outre, une telle augmentation serait de nature à fragiliser l'acceptabilité sociale de la transition énergétique. Par conséquent, il sera essentiel de prévoir de nouvelles aides en mobilisant le « fonds social pour le climat » que l'Union européenne créera afin de compenser l'impact socioéconomique du futur marché du carbone. Ce fonds, partiellement financé par les revenus issus de l'ETS 2, devrait être doté de plus de 86 milliards d'euros (Mds€) entre 2026 et 2032 pour aider les ménages vulnérables et les petites entreprises à effectuer leur transition vers une consommation énergétique et des transports plus propres.
II. PROGRAMME 345 « SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE » : DES CRÉDITS STABLES... EN APPARENCE
Les crédits inscrits au programme 345 pour 2026 sont globalement stables par rapport à l'année en cours (+ 0,2 % en AE et - 1,5 % en CP). En revanche, leur répartition au sein des différentes actions du programme connaît de fortes variations.
A. SOUTIEN AUX ÉNERGIES RENOUVELABLES ÉLECTRIQUES : DES CHOIX BUDGÉTAIRES TRANCHÉS, QUI AURAIENT MÉRITÉ D'ÊTRE APPRÉCIÉS À LA LUMIÈRE D'UNE NOUVELLE PROGRAMMATION
Adoptée en deuxième lecture au Sénat le 8 juillet 2025, la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie - dite « PPL Gremillet » - était inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale au mois de septembre dernier, mais la chute du gouvernement de François Bayrou a reporté son examen sine die. Le calendrier initialement arrêté devait permettre de promulguer la loi et, partant, de disposer d'une nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie, avant l'examen du PLF 2026. Ainsi, les choix opérés par l'exécutif, particulièrement en matière de soutien au développement des énergies renouvelables électriques, auraient été appréciés à la lumière de la nouvelle PPE, c'est-à-dire au regard du cap énergétique fixé par le Parlement pour les années à venir.
Les crédits alloués au soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale progresseront de 64,8 % l'an prochain, passant de 4,4 Mds€ à 7,25 Mds€. Si la plus forte hausse bénéficiera à l'éolien terrestre (+ 358 %), toutes les énergies concernées (éolien en mer, solaire photovoltaïque, bioénergies, hydraulique, etc.) disposeront d'une enveloppe plus importante.
Cette augmentation permettra de lancer les appels d'offres nécessaires à l'atteinte de l'objectif de 40 % d'énergies renouvelables dans la production d'électricité en 2030, fixé par la loi relative à l'énergie et au climat de 2019.
B. L'EXTENSION DU FINANCEMENT DES SOUTIENS PAR L'AFFECTATION D'UNE FRACTION DES RECETTES D'ACCISE
À l'inverse, deux lignes budgétaires seront sensiblement réduites.
Tout d'abord, le financement de la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental est assuré, depuis le 1er août 2025, par l'affectation d'une fraction d'accise sur les énergies aux opérateurs électriques chargés d'une mission de service public dans ces zones - cette fraction d'accise est perçue sur l'électricité et les combustibles, et modulée suivant les coûts de cette péréquation. Dès lors, les AE et les CP de l'action 11 chuteront de près de 94 %.
Ensuite, le Gouvernement entend financer, à compter du 1er mai 2026, le soutien à l'injection de biométhane et à la cogénération au gaz naturel par l'affectation d'une fraction d'accise sur les carburants (hors gaz naturel) aux opérateurs de gaz et d'électricité. Cette décision, si elle était approuvée par le Parlement (cf. article 42 du projet de loi), entraînerait une baisse de plus de la moitié des crédits de l'action 10.
Au total, ces deux changements entraîneront, en 2026, une baisse des dépenses de 2,37 Mds€, qui sera compensée par de moindres recettes pour l'État dues à l'affectation de fractions d'accises.
Si de telles affectations ne remettent pas en cause les soutiens concernés, elles soustraient néanmoins leur financement au contrôle du Parlement. En effet, à l'image de la débudgétisation précédemment dénoncée, l'affection d'une fraction d'accise prive les parlementaires d'une visibilité quant aux montants qui seront octroyés l'année suivante puisque ces recettes fiscales sont variables.
III. CAS FACÉ : L'INDEXATION DES RECETTES SUR L'INFLATION DOIT S'ACCOMPAGNER D'UNE REVALORISATION DES DÉPENSES
Le CAS Facé participe au financement des investissements pluriannuels des collectivités en milieu rural, réalisés dans le domaine de l'électrification : amélioration de la qualité des réseaux de distribution, travaux d'extension et de sécurisation, réparation des dégâts causés par les aléas climatiques, accompagnement de la transition énergétique, etc.
La loi de finances pour 2025 a modifié le mode de financement du compte d'affectation spéciale : d'une part, les recettes sont désormais constituées d'une fraction du produit de l'accise sur l'électricité, et d'autre part, ces recettes sont indexées sur l'inflation. Le Gouvernement a ainsi retenu une inflation de 1,3 % pour la revalorisation des recettes ; en revanche, les AE et les CP n'ont pas été réévalués à due concurrence, et l'exécutif n'envisage pas non plus de les faire évoluer dans les années à venir d'après les prévisions indicatives pour 2027 et 2028 mentionnées dans le programme annuel de performances.
En effet, le solde annuel, qui correspond à la différence entre les recettes et les dépenses de l'année, est affecté à la résorption du déséquilibre structurel du CAS, résultant de la prise en compte d'engagements de crédits antérieurs à sa création, en 2012. Le déséquilibre cumulé s'élevait à 183,2 M€ au 31 décembre 2024 ; dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2024, la Cour des comptes recommande un apurement de ce déséquilibre originel « avant la fin de la gestion 2030 »4(*). Une telle trajectoire n'est toutefois pas compatible avec les besoins croissants des communes rurales qui font face à une hausse à la fois des coûts d'investissement, des besoins de résilience des réseaux et des aléas climatiques.
Ainsi, le rapporteur appelle le Gouvernement à indexer les AE et les CP du CAS Facé sur l'inflation dès l'année 2026, ce qui représenterait une augmentation de 4,75 M€ pour l'an prochain. Les règles de recevabilité de l'article 40 de la Constitution empêchent cependant tout dépôt d'amendement tendant à cette fin.
IV. FONDS CHALEUR : UN DISPOSITIF EFFICACE À PRIVILÉGIER
Le PLF 2026 propose de laisser inchangé le montant alloué au Fonds chaleur porté par l'Agence de la transition écologique (Ademe), soit 800 M€. Pour mémoire, dans son rapport publié en juin 2023, la commission d'enquête sénatoriale sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique préconisait de développer la filière de la géothermie et les réseaux de chaleur, en levant les obstacles réglementaires et en portant les crédits du Fonds chaleur à 1 Md€ dès 2024.
Les besoins de chaleur représentent 43 % de notre consommation énergétique et sont majoritairement couverts par des énergies carbonées et importées (gaz, fioul et charbon). En France métropolitaine, la part de chaleur renouvelable et de récupération a certes augmenté ces dernières années, passant de 24 % en 2021 à 29,6 % en 2023, mais elle reste assez éloignée de l'objectif de 38 % d'énergies renouvelables dans la consommation finale de chaleur en 2030, fixé par le législateur.
Sur la période 2009-2024, le Fonds chaleur a permis d'aider plus de 10 000 installations d'énergies renouvelables et de récupération, réparties sur l'ensemble du territoire hexagonal. Grâce aux 5,1 Mds€ d'aides publiques, 16 Mds€ d'investissements ont été réalisés en ce domaine ; cela représente, chaque année, près de 50 TWh de production additionnelle d'énergies renouvelables et de récupération - soit la consommation de chaleur de 5 millions de logements -, et environ 2,5 Mds€ d'économies pour notre balance commerciale.
Compte tenu de ce bilan très positif, qui prouve toute l'efficacité du Fonds chaleur, la commission considère qu'il serait utile de privilégier les réseaux de chaleur renouvelable qui permettent à nos collectivités territoriales d'avoir accès à des solutions compétitives de chauffage, en plus de contribuer au développement d'une activité économique locale de production d'énergie. En conséquence, la commission, conformément à sa position constante en la matière, propose l'adoption d'un amendement visant à abonder le Fonds chaleur de 10 M€ en 2026.
TRAVAUX EN COMMISSION
Audition de M. Roland
Lescure,
ministre de l'économie, des finances et de la
souveraineté industrielle, énergétique et
numérique
(Mercredi 5 novembre 2025)
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - C'est avec plaisir que nous retrouvons Roland Lescure, ancien président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, avec qui nous avons examiné, dans un esprit constructif, nombre de textes lors du quinquennat précédent. Nous vous auditionnons dans vos nouvelles fonctions de ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.
Cependant, ce plaisir est tempéré par le contenu du projet de loi de finances présenté par le Gouvernement, voire mêlé d'une franche inquiétude au vu de la tournure des débats à l'Assemblée. Comme notre rapporteur général, Jean-François Husson, je suis attachée à la vérité des chiffres dans leur simplicité, même si elle est difficile, voire brutale. On présente aux Français des données compliquées, avec des efforts structurels ou tendanciels importants et bien difficiles à matérialiser.
Pourtant, au regard des chiffres clés diffusés par votre propre ministère, je constate que les dépenses nettes sont prévues en augmentation de 22,7 milliards d'euros, quand les recettes nettes progressent plus rapidement encore, à hauteur de 24,6 milliards d'euros, ce qui permet d'améliorer de seulement 6,1 milliards d'euros le solde général. La charge de la dette augmente et atteint 59,3 milliards d'euros, tandis que l'État crée 8 459 nouveaux postes de fonctionnaires.
S'agit-il donc vraiment d'un budget d'économies et de rigueur visant à retrouver un solde primaire positif pour réduire notre dette et restaurer une crédibilité internationale abîmée, qu'illustre la dégradation de la notation de notre dette, ou, au contraire, n'est-il qu'un écran de fumée masquant l'impuissance et l'indécision ? En effet, la situation budgétaire n'est pas grave par principe ou par idéologie, mais bien parce que les renoncements - particulièrement la suspension de la réforme des retraites, qui coûtera au moins 1,5 milliard d'euros d'ici à 2027 et bien plus au-delà - portent atteinte à notre souveraineté et à l'avenir de notre pays.
Je prends l'exemple du secteur spatial. Lors de la prochaine réunion au niveau ministériel du Conseil de l'Agence spatiale européenne (ESA), qui se tiendra à Brême les 26 et 27 novembre prochain, devrait être actée une forte hausse du budget pour la période 2026-2028. Alors que notre pays était au premier rang en Europe depuis le général de Gaulle, notre participation se limiterait à 3,5 milliards d'euros, voire à 2,5 milliards d'euros, là où les Allemands devraient contribuer à hauteur de 5 à 6 milliards d'euros et les Italiens pour 4 milliards d'euros ! Sommes-nous à la veille d'un déclassement brutal de la France en Europe, susceptible d'entraîner des milliers de suppressions d'emplois chez nos fabricants de satellites Airbus Defense and Space et Thales Alenia Space en raison d'un moindre retour sur investissement pour nos industriels ?
Un autre sujet de préoccupation majeure est la pression fiscale. Philippe Aghion, nouveaux prix Nobel d'économie, a marqué les esprits en disant préférer la croissance à l'impôt. Mais, visiblement, nul n'est prophète en son pays... Pourtant, la seule richesse qui puisse être redistribuée est celle qui est créée et qui augmente le pouvoir d'achat. Aujourd'hui notre pays a un immense besoin de réindustrialisation et de conserver ses champions mondiaux, mais aussi de faire émerger des start-ups et des licornes. Souhaite-t-on vraiment le départ de France des centres de décision ou de recherche, la cotation à l'étranger de nos grands groupes ou le passage à Londres ou Palo Alto de notre trentaine de licornes ? Quelle stabilité fiscale et réglementaire offrons-nous aux investisseurs ?
Enfin, monsieur le ministre, vous êtes également chargé des questions énergétiques. Nous sommes attachés au fait que le Parlement en fixe les grandes orientations. Voilà pourquoi Daniel Gremillet et notre commission ont défendu la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie, qui a franchi le cap de la deuxième lecture au Sénat et devait être examinée à l'Assemblée fin septembre avant une commission mixte paritaire (CMP) mi-octobre, calendrier fixé avant la chute du gouvernement Bayrou. Les circonstances en ont décidé autrement, mais il reste urgent d'avancer, alors que reprendre le processus de zéro ferait perdre un temps précieux. Peut-on vraiment se permettre de ne pas voir ce texte aboutir avant l'élection présidentielle, au regard des enjeux de transition énergétique, d'électrification des usages et de coût de l'énergie ? Bien sûr que non ! Monsieur le ministre, ne soyez pas la Pénélope de la programmation énergétique en attente d'un Ulysse providentiel. Passons aux actes, notre pays et ses industriels en ont besoin.
M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique. - Je suis moi aussi très heureux de retrouver la commission des affaires économiques du Sénat. Lorsque je présidais celle de l'Assemblée nationale, nous étions en cinq ans parvenus à onze commissions mixtes paritaires conclusives. Depuis, le Sénat a un peu changé, l'Assemblée nationale beaucoup. Par conséquent, notre capacité à faire aboutir des textes s'en trouve compliquée.
Pendant l'examen du budget, l'économie française continue de tourner, et elle tourne plutôt bien. Nous avons eu une croissance de 0,5 % au troisième trimestre et la production industrielle a fortement rebondi en septembre : pour cette année, nous serons donc en ligne avec les prévisions de croissance qui ont sous-tendu le budget, comme j'espère que nous le serons avec l'objectif d'un déficit public à 5,4 % du PIB. Surtout, les entreprises françaises sont au rendez-vous, elles qui ont continué à investir et à exporter.
Comme vous le savez, les incertitudes politiques accroissent les inquiétudes économiques et suscitent de l'attentisme ; il est donc essentiel que les travaux budgétaires à l'Assemblée nationale et au Sénat les lèvent au plus vite.
J'entends vos interrogations, madame la présidente, mais la stabilité politique a un prix. Nous sommes entrés dans un « 110 mètres haies », de la nomination du deuxième gouvernement Sébastien Lecornu à l'adoption éventuelle d'un budget avant Noël. Chaque semaine est une nouvelle haie. La première a consisté à échapper à une motion de censure, qui nous aurait ramenés à la case départ. Or, si la motion n'a pas été votée, s'il existe une majorité de députés qui souhaitent que la France ait un budget, c'est parce que le Premier ministre a annoncé la suspension de la réforme des retraites.
Le terme de suspension est important, madame la présidente. En effet, le crayon n'est levé que jusqu'à l'élection présidentielle, qui sera l'occasion de reprendre le travail sur des modes alternatifs d'organisation et de financement. Ainsi, quand le Président - ou la Présidente - de la République aura été élu en 2027, la réforme des retraites s'appliquera, sauf si une solution alternative était votée.
Le ministre de l'économie et des finances présent devant vous a soutenu cette réforme alors qu'il était membre d'un groupe dont les parlementaires ont vu leurs permanences dégradées, qui étaient insultés sur les réseaux sociaux, etc. Cette suspension n'a pas été facile, mais elle était le coût de la stabilité politique. Vous avez sans doute vu la réaction des marchés financiers : les taux d'intérêt français ont baissé. Les investisseurs internationaux que j'ai rencontrés se sont dits rassurés, alors même qu'ils ne sont pas nécessairement partisans de la suspension, parce que ce qu'ils attendent, c'est la stabilité. Tous souhaitent que la France ait un budget, mais aussi qu'elle poursuive les politiques qui, selon eux, ont permis à la France de prendre une part importante dans le développement de l'Europe.
Si nous ne devons pas céder à la fatalité, il est vrai que la discussion est difficile, à l'Assemblée comme au Sénat. Cependant, elle va, je l'espère, nous amener à la dixième haie de cette course. Le budget, s'il est adopté, par construction, ne contentera personne puisqu'il sera de compromis. Seuls celles et ceux qui souhaitent que la France ait un budget en seront satisfaits - et la France en aura un.
Ensuite, il faudra continuer le travail, et même l'amplifier l'année prochaine, pour continuer à développer l'économie française. Nous en avons besoin pour les territoires, pour l'emploi, mais aussi pour assurer la pérennité de notre système social, auquel chacun ici est attaché, mais qui doit tenir compte des enjeux démographiques indéniables auxquels nous faisons face.
Il s'agit d'un budget d'effort, et non d'un écran de fumée, madame la présidente. Nous prévoyons une hausse des dépenses égale à zéro pour l'État et ses principaux opérateurs, et proposons - le Parlement en décidera - des économies dans tous les secteurs d'activité, hors défense, enseignement supérieur, recherche et régalien, ce que justifie l'environnement géopolitique, extrêmement risqué. En effet, la guerre est aux portes de l'Europe, la situation au Moyen-Orient reste extrêmement tendue, la Chine, extrêmement ambitieuse et puissante, pousse son avantage, et les États-Unis se referment.
Cela rend nos investissements dans la défense et l'innovation cruciaux. Je pense notamment au spatial, madame la présidente. Vous avez mentionné la conférence ministérielle (CMIN) de l'ESA, qui se réunira les 26 et 27 novembre. La France a l'ambition de rester une nation spatiale importante. Il est vrai que les Allemands investissent davantage que par le passé, et tant mieux, car nous nous sentions un peu seuls ! Cela signifie que l'Europe, dans son ensemble, investit davantage. Toutefois, nous ne pouvons ignorer le retour industriel, qui dépend de chaque contribution et a des répercussions sur nos territoires.
En outre, dans le cadre de France 2030, nous avons consacré un milliard d'euros au secteur, ce qui permet de créer des start-ups et de les développer. Ainsi, une start-up développe un cargo spatial qui intéresse le monde entier. Nous devons continuer à accompagner les entreprises françaises qui veulent investir l'espace.
Vous avez parlé des licornes, madame la présidente. Le Président de la République souhaitait que nous en ayons vingt-cinq en 2025 : nous en avons trente, non seulement dans le secteur numérique, mais aussi dans l'industrie. Il faut en être fier.
Vous avez parlé des start-ups : pas moins de 2 500 d'entre elles agissent dans le domaine de la deep tech, c'est-à-dire dans l'industrie et qu'elles créent des produits, de l'emploi et de l'innovation. Alors que nous avons tendance à battre notre coulpe, reconnaissons que nous avons en France des entrepreneurs prêts à conquérir le monde et gardons-le à l'esprit dans le cadre des discussions budgétaires.
En effet, à l'Assemblée nationale, certains amendements, votés par une majorité, sont acceptables et d'autres, sans que je les soutienne, sont compréhensibles. Mais d'autres encore sont tout bonnement inacceptables. Résoudre nos problèmes en taxant le monde entier est tout simplement inconventionnel, inconstitutionnel et pourrait se retourner contre nous, puisque l'État devrait rembourser les personnes concernées si de telles dispositions devaient être adoptées, puis censurées, comme cela est déjà arrivé...
Ma boussole est de garantir les grands équilibres du budget. Il faut réduire les dépenses et éviter de trop taxer, voire diminuer certains prélèvements, comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), intégralement compensée depuis des années auprès des collectivités locales. Et il faut tendre vers un déficit public inférieur à 3 % du PIB en 2029, tout en préservant la croissance. À l'inverse, créer 50 milliards d'euros de dépenses et 50 milliards d'euros d'impôts n'affecterait pas le déficit et asphyxierait la croissance française.
Ma feuille de route comporte quatre priorités stratégiques.
La première est de contribuer à doter la France d'un budget pour 2026.
La deuxième est de protéger nos concitoyens et nos entreprises face aux déséquilibres mondiaux. La mondialisation que nous connaissons n'est plus celle d'hier. Le libre-échange n'est pas une religion, même si certains, comme Thomas Piketty, nous qualifient parfois d'idéologues. Le libre-échange est un ensemble de règles économiques qui ne fonctionnent que si tout le monde les suit. Mais les Européens ne peuvent pas être les derniers à suivre le modèle du début des années 2000. Nous avons donc une mission importante de protection et d'adaptation des règles du commerce international à la nouvelle situation géopolitique.
Ainsi, en Europe, des mesures comme la clause de sauvegarde sur l'acier, les droits de douane que nous avons mis en place il y a un an sur l'automobile, ou encore l'attribution du bonus automobile aux véhicules fabriqués en Europe, si elles ne sont pas tout à fait en phase avec l'idéologie du passé, permettent de protéger l'industrie européenne face aux attaques chinoises, principalement, mais aussi américaines.
Nous avons beaucoup parlé de Shein et des autres plateformes capables de changer de collection tous les jours et de vendre des produits à des prix défiant littéralement toute concurrence. Or nous avons changé de dimension depuis quelques jours, une plateforme ayant clairement dépassé les bornes. Le Premier ministre nous a demandé de prendre des décisions très fermes, dans le respect de la loi que vous avez votée. Nous allons plaider pour la préférence européenne dans les marchés publics, comme cela a eu lieu, dans le cadre du soutien à l'Ukraine pour quelques secteurs importants : les éoliennes, les batteries, les pompes à chaleur et l'hydrogène. Nous souhaitons désormais la généraliser.
Concernant l'objectif de ne vendre que des véhicules électriques en 2035, nous sommes prêts à intégrer un peu de la flexibilité demandée par certains partenaires européens, mais à condition que cela profite aux producteurs européens.
La présidence française du G7 commencera au début de l'année prochaine. Dans ce cadre, le Président de la République m'a demandé de traiter des sujets économiques et financiers pour défendre les intérêts de l'Union européenne et lutter contre les déséquilibres énormes qui existent entre les trois grands blocs que sont les États-Unis, la Chine et l'Union européenne. La première étape est de reconnaître ces déséquilibres, même si l'un des blocs, situé à l'est, considère qu'il n'y a pas de problème.
Ma troisième priorité est de renforcer notre souveraineté et notre attractivité industrielles, technologiques et numériques.
Ainsi, la différence entre les usines qui ont fermé et celles qui ont ouvert ou vu leur capacité de production s'accroître approche les 500. C'est bien, comparé aux années précédentes, mais cela reste insuffisant, d'autant que ce mouvement ralentit du fait des incertitudes politiques et économiques. Il faut donc utiliser à fond nos investissements dans la défense, dont nous souhaitons qu'ils fassent également l'objet de la priorité européenne. Comme vous le savez, nous achetons beaucoup français, alors que nos partenaires européens, eux, achètent trop américain. Or, si les Américains font de très bonnes choses, nous aussi, tout comme les Allemands et les Italiens. La base industrielle et technologique de défense (BITD) est donc une priorité absolue. J'échange régulièrement avec Mme la ministre Vautrin pour qu'au-delà de cet écosystème puissant de grandes, de moyennes et de petites entreprises, d'autres sociétés profitent aussi de ces investissements importants. Ce ne sont ni les dividendes de la paix ni les dividendes de la guerre, car si nous ne sommes pas en guerre, nous ne sommes plus tout à fait en paix. Nous devons cependant tirer les dividendes de ces investissements massifs dans notre souveraineté.
La souveraineté, ce n'est pas le repli. Nous avons des filières exportatrices exceptionnelles : l'aéronautique, le vin, le luxe, les technologies environnementales, etc. Nous devons continuer à investir dans ces secteurs, mais aussi rester ouverts à l'importation, sans naïveté, afin de continuer à exporter. Il faut simplifier, investir, accompagner les entreprises à l'export et défendre nos appellations.
Enfin, la quatrième priorité est de construire notre souveraineté énergétique de demain.
L'énergie, c'est le nerf de la guerre. Sans un grand volume d'énergie bon marché et décarbonée, nous n'arriverons à rien. Nous ne pourrons pas concurrencer les pays émergents sur l'industrie à l'ancienne ; nous devons donc investir dans la décarbonation et dans les industries vertes de demain. Pour cela, une grande production d'énergie nucléaire et renouvelable doit s'accompagner d'infrastructures.
J'entends vos interrogations sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Je vous dis, solennellement, que nous allons avancer, avec vous et avec les députés, malgré la complexité des débats à l'Assemblée nationale sur ce sujet. Votre proposition de loi, monsieur le sénateur Gremillet, a été déformée par l'Assemblée. Je reviendrai vers vous prochainement et je m'engage à tenir compte de vos avancées.
La finalité est de faire de la décarbonation de l'industrie traditionnelle un levier de réarmement industriel. Nous en avons besoin, comme nous avons besoin de développer les nouvelles industries. Ainsi, les ouvertures et agrandissements d'usines que j'évoquais tout à l'heure concernent essentiellement l'industrie verte. Je suis persuadé que nous pouvons faire de l'écologie un modèle industriel et de l'industrie un modèle écologique. Il faut arrêter d'opposer les uns aux autres. Nous devons travailler tous ensemble pour que l'Europe soit le premier continent décarboné, non pas au travers de la décroissance, de la contrainte ou de la norme, mais bien par un développement et un modèle ambitieux.
Les défis sont considérables, mais je suis persuadé qu'avec vous, nous pouvons trouver des consensus. Nous ne serons pas toujours d'accord sur tout, mais nous pouvons nous retrouver sur la volonté commune de faire de la France et de l'Europe une grande nation et un grand continent industriel.
Pour ce faire, je m'appuierai sur les piliers de mon ministère, dont le numérique et l'intelligence artificielle, essentiels pour assurer notre compétitivité et notre productivité, tout en maintenant notre modèle social. C'est aussi ce qui nous permettra d'être plus efficaces, y compris dans la production énergétique. Je serai à vos côtés et j'espère que vous serez aux miens, pour qu'ensemble nous fassions de la France une grande nation industrielle, souveraine et conquérante.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (volet Énergie). - Le Gouvernement a mis fin au bonus écologique pour l'achat d'un véhicule propre, aide désormais financée par les certificats d'économies d'énergie (CEE). Ne craignez-vous pas que la hausse des obligations d'économies d'énergie imposée aux fournisseurs n'entraîne, dès 2026, une hausse significative des factures ?
Par ailleurs, dans le cadre de la réforme liée à la fin de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), le Gouvernement propose de désigner Réseau de transport d'électricité (RTE) comme affectataire du versement nucléaire universel (VNU), taxe dont le produit est ensuite reversé aux fournisseurs d'électricité pour compenser la minoration du prix appliqué aux consommateurs. Ces derniers seront incités à déplacer leurs consommations des mois de forte tension vers les mois de plus faible tension. En pratique, comment les entreprises pourront-elles déplacer leur production et les particuliers leur consommation de l'hiver vers l'été ? Il serait terrible d'inciter ces derniers à chauffer leur piscine plutôt que leur logement...
M. Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis sur la mission « Économie ». - Notre présidente a pris l'exemple du secteur spatial afin de vous interroger sur le risque d'un déclassement brutal de la France, susceptible d'entraîner des milliers de suppressions d'emplois. Je voudrais élargir cette question à toute l'industrie.
En effet, pour la première fois, le projet de loi de finances descend sous le seuil symbolique du milliard d'euros, avec seulement 941 millions d'euros en crédits de paiement (CP) à destination de l'action n° 23 « Industrie et services », qui regroupe des crédits d'intervention pour l'industrie. C'est un très mauvais signal adressé à notre économie.
Vous êtes chargé de la souveraineté industrielle. Mais laquelle entendez-vous défendre exactement ? S'il s'agit de la souveraineté européenne, nous savons ici que l'Union européenne ne sait protéger ni notre agriculture ni notre industrie. S'il s'agit de la souveraineté nationale, les montants que je viens d'évoquer devraient nous plonger dans un abîme de perplexité.
Pour conclure, monsieur le ministre, comment, sans moyens, notre industrie peut-elle survivre dans une économie ouverte, globalisée, mais aussi de plus en plus asymétrique ? Je rappelle que sous la menace américaine de droits de douane, l'Union européenne a conclu le 28 juillet 2025 avec les États-Unis un accord commercial qui nous conduira à ouvrir encore davantage nos marchés.
Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». - Les documents budgétaires prévoient pour 2026 et pour les années suivantes une normalisation du compte d'affectation spéciale (CAS), appelé à être de moins en moins sous perfusion du budget général de l'État. Dans le même temps, les produits des cessions d'actifs ne sont plus fléchés vers le désendettement, ce qui est heureux, car ce sont les efforts structurels qui permettront de réduire la dette. En outre, dans un environnement géopolitique et économique de plus en plus incertain, la prise de participation directe de l'État dans des entreprises stratégiques, notamment de la défense ou du numérique, est une indiscutable garantie qu'elles ne seront pas captées par des acteurs extra-européens.
Quelle est la doctrine d'intervention de l'État en matière d'industries de base, en particulier la chimie et la sidérurgie, dont le maintien en France conditionne la survie de pans entiers de l'industrie française ? Je rappelle l'importance, pour ces entreprises très consommatrices, du coût de l'énergie, et vous rappelle votre déplacement à Saint-Jean-de-Maurienne, pour signer le renouvellement du contrat de Trimet Aluminium avec EDF. Cependant, d'autres attendent toujours : Ferroglobe, MSSA Métaux spéciaux, Tokai Cobex Savoie, Ugitech, rien que pour la Savoie.
Ensuite, à l'heure où l'on parle de plus en plus de souveraineté européenne, notamment en matière de défense, cela a-t-il encore un sens d'intervenir en ordre dispersé, plutôt qu'au niveau européen, a fortiori lorsque nos moyens sont de plus en plus contraints ?
M. Roland Lescure, ministre. - Monsieur Gremillet, le bonus existe encore, comme vous le précisez dans votre question. Cependant, il est désormais recentré sur les véhicules - à une exception près - fabriqués en Europe. Ainsi, la part de marché des véhicules électriques chinois est passée de plus de 60 % à moins de 20 %, et 80 % des véhicules électriques achetés en France sont fabriqués en Europe. Le plus vendu de ces véhicules est la Renault 5, fabriquée à Douai.
En revanche, nous en avons pérennisé le financement, avec le recours aux CEE. En effet, les financements budgétaires vont et viennent, tandis que les CEE resteront. Il s'agit d'un bon outil. Cela étant, vous avez raison : en faisant trop payer des entreprises qui distribuent de l'énergie carbonée, la facture finale pourrait augmenter. Nous sommes donc particulièrement vigilants quant au risque que pose la hausse de 25 % du niveau d'obligation. Il existe aussi de nouveaux gisements de CEE, notamment dans les transports et dans l'industrie, susceptibles d'abaisser sur les prix.
Nous allons renforcer la lutte contre la fraude à la rénovation énergétique, grâce à des moyens techniques et humains supplémentaires. Notre arsenal nous permettra, je l'espère, de continuer à soutenir la transition écologique tout en évitant que ce soient les ménages ou les entreprises le plus en difficulté qui paient.
L'Arenh était critiqué par tout le monde, mais permettait tout de même à de grands industriels de bénéficier d'une énergie décarbonée à un coût raisonnable y compris dans les moments difficiles, comme pendant la guerre en Ukraine. Nous nous étions engagés auprès de la Commission européenne à changer de système, et j'avais signé avec Bruno Le Maire un accord avec EDF sur les contrats d'allocation de production nucléaire (CAPN), à un coût compétitif pour les grands industriels, dont un à Saint-Jean-de-Maurienne, comme vous l'avez rappelé, madame la sénatrice Berthet. Il se trouve, d'ailleurs, qu'EDF détenait une partie du capital de cette entreprise, ce qui explique peut-être l'attribution en priorité de ce CAPN.
Mais nous avons changé de monde, de volume et de dynamique, et EDF a compris qu'être détenue à 100 % par l'État supposait des efforts commerciaux pour aider notre industrie. En effet, sans industrie, pas de revenus, y compris pour EDF. Nous sommes donc dans une phase d'accélération de la signature des CAPN, dont certains sont conçus pour les petites et moyennes entreprises ou celles de taille intermédiaire. J'espère que vous l'entendez sur vos territoires. Si tel n'est pas le cas, faites-le-nous savoir.
La politique industrielle ne se réduit pas à une ligne budgétaire. Ainsi, le crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte (C3IV), peu coûteux, fonctionne. Il aide à installer, par exemple, des usines de panneaux solaires. J'espère que ce dispositif sera maintenu, voire renforcé.
La baisse de la CVAE bénéficie aux 300 000 entreprises qui y sont assujetties, essentiellement des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) industrielles. Il s'agit donc d'un choix stratégique pour soutenir l'industrie. Cependant, si nous devons continuer à « mettre le paquet » sur les industries qui vont bien - innovation, intelligence artificielle, décarbonation, etc. -, il faut aussi aider celles qui sont en difficulté. Cela fait partie de la feuille de route du ministre Sébastien Martin. Ainsi, même si nous ne pouvons sauver tout le monde, lorsque nous avons un business plan correct et un repreneur prêt à investir, nous accompagnons.
Selon notre doctrine, nous avons clairement vocation à investir, via l'Agence des participations de l'État (APE), dans trois types d'entreprises. Les premières sont les entreprises stratégiques, qui contribuent à l'indépendance et la souveraineté, dont notre grand électricien. Les deuxièmes participent à des missions de service public ou d'intérêt général. Enfin, les troisièmes sont les entreprises en difficulté soulevant un risque systémique. Ces décisions doivent s'inscrire dans une stratégie patrimoniale plus large dépassant le cadre budgétaire, qui regroupe les portefeuilles complémentaires de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), de Bpifrance et de l'APE, dont j'ai la tutelle. Le Premier ministre a souhaité engager une réflexion sur la cohérence de l'ensemble. En particulier, la participation de l'État au capital de certaines entreprises devrait conduire celles-ci à modifier leurs relations commerciales avec les fournisseurs.
Dans certains secteurs très cycliques, l'État ne doit intervenir qu'avec une main tremblante. La chimie fait face à des défis incommensurables, en particulier la concurrence déloyale et malsaine d'un certain nombre de pays. Nous devons y travailler avec l'Europe et simplifier les normes, tout en préservant la planète et la santé de nos concitoyens. Attention, toutefois, aux voeux pieux et aux demandes de nationalisation à tout-va !
M. Fabien Gay. - Nous nous connaissons depuis longtemps, monsieur le ministre. Vous appelez à la responsabilité, à trouver un compromis avec les gens raisonnables. Cependant, dans votre récit, vous avez oublié une chose : il y a un an, vous avez perdu les élections. Or je ne connais aucun pays démocratique où, lorsque l'on perd les élections, on continue la même politique !
Je suis prêt à chercher un compromis, mais que soutenez-vous ? Par exemple, M. Jean-Pierre Farandou explique que l'on va retirer la prime de Noël de 150 euros à ceux qui, touchant le RSA - 646 euros par mois -, n'ont pas d'enfants à charge. Mais ces gens-là ont, eux aussi, droit à un petit peu de bonheur en fin d'année ! Peut-être ont-ils des neveux, des nièces, des grands-parents, ou l'envie de faire un bon repas et d'offrir quelques cadeaux... Par ailleurs, je constate votre refus de taxer à hauteur de 2 % le patrimoine de 1 800 milliardaires. Ainsi, votre choix politique est de raboter de 200 millions d'euros la prime de Noël de ceux qui perçoivent 646 euros, tout en écartant l'idée de la taxe Zucman, pourtant défendue par sept prix Nobel. Où est le compromis ? Où allons-nous ?
J'en viens à ma deuxième question. Hier, j'étais à un meeting de soutien aux salariés d'ArcelorMittal. Vous avez dit qu'il n'y aurait pas de nationalisation, sujet qui sera à nouveau évoqué à l'Assemblée nationale, le 27 novembre, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe La France insoumise. Sauf que les pratiques de ce groupe, nous les connaissons depuis Gandrange, puis Florange, tout comme les trahisons qui ont suivi.
Afin de décarboner les deux hauts fourneaux situés près de Gravelines, il faut construire une ligne à haute tension pour les relier à la centrale. Or les salariés de la centrale de Gravelines, des camarades de la CGT, m'ont dit que le projet était à l'arrêt. Il n'y aura pas de ligne à haute tension. Face à cela, le pouvoir politique ne peut fermer les yeux. Mittal ne décarbonera pas. Le laisserons-nous, d'ici à 2030, fermer encore trois hauts fourneaux ? Quelle est l'alternative à la nationalisation ? Si nous ne commençons pas la décarbonation dans les six mois, les deux hauts fourneaux ne seront jamais prêts pour 2030. Les salariés ne demandent pas la lune, ils nous exposent les faits !
M. Philippe Grosvalet. - En tant que ministre de l'industrie, vous êtes venu à Saint-Nazaire, dont vous avez constaté le dynamisme industriel, y compris de la part d'entreprises anciennes qui s'engagent dans des secteurs d'avenir et dans la transition énergétique. Tout cela est évidemment le fruit conjoint de l'action des entreprises elles-mêmes, mais aussi des acteurs locaux, collectivités et chambres consulaires notamment.
Or vous avez déjà ponctionné 100 millions d'euros, l'an dernier, sur la trésorerie des chambres de commerce et d'industrie (CCI). Dans le projet de loi de finances, il est prévu, non pas un nouveau coup de rabot, mais la quasi-décapitation d'un réseau indispensable sur nos territoires, à raison de 175 millions d'euros. Je rappelle que les CCI accompagnent les entreprises, mais définissent aussi, avec nos collectivités, des stratégies locales de très long terme.
M. Henri Cabanel. - Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? J'ai du mal à établir la corrélation entre les dépenses et les recettes...
À titre d'exemple, le 8 octobre dernier, le président de la Fédération française du bâtiment nous a démontré qu'un euro investi par l'État au travers de MaPrimeRénov' rapportait in fine deux ou trois euros de retombées économiques. Est-ce exact ? Pourquoi, en ce cas, en restreindre les critères et se limiter à 13 000 dossiers par an ?
En outre, les élus de territoire que nous sommes savent que c'est non pas l'investissement qui coûte le plus cher, mais bien le fonctionnement. Or notre pays ne compte pas moins de 1 200 agences publiques, dont le fonctionnement coûte plus de 80 milliards d'euros par an. Monsieur le ministre, savez-vous ce qu'est le Céreq ? Il s'agit du Centre d'études et de recherches sur les qualifications... Avons-nous besoin de toutes ces agences ? N'y a-t-il pas là de larges économies à réaliser ?
M. Roland Lescure, ministre. - Monsieur Fabien Gay, nous n'avons pas gagné les élections, même si pour ma part, j'ai été réélu, après avoir adressé à mes électeurs le même message qu'à vous : nous allons devoir travailler avec toutes celles et tous ceux qui souhaitent que la France avance, et dont vous faites partie, monsieur le sénateur. Cependant, votre camp n'a pas gagné non plus...
Aujourd'hui, dans tous les groupes parlementaires à l'exception de La France insoumise et du Rassemblement national, des députés ont décidé de ne pas voter la censure. Cela étant, je sais bien que le député communiste et ses collègues écologistes et socialistes qui sont dans ce cas ne sont pas d'accord avec moi sur grand-chose. Parmi les députés de la droite républicaine, et même en notre sein, il y a des désaccords profonds. Mais vous ne pouvez pas dire que vous n'avez rien obtenu et qu'il n'y a pas eu de compromis. La suspension de la réforme des retraites m'a-t-elle fait plaisir ? Non. Suis-je satisfait que le Premier ministre l'ait acceptée ? Oui, parce que c'est le prix de la stabilité politique.
J'ai défendu un amendement à l'Assemblée nationale, monsieur le sénateur, introduisant une surtaxe exceptionnelle de 2 milliards d'euros, s'ajoutant à celle de 4 milliards d'euros déjà prévue dans le projet de budget. Je ne l'ai pas fait de gaieté de coeur, mais parce que je suis convaincu que, face à des dépenses votées ou susceptibles de l'être, comme sur l'année blanche fiscale ou la forfaitisation de l'abattement fiscal sur les pensions de retraite, il fallait des recettes. J'ai fait de nombreux compromis. Certains ont récemment remporté des victoires, même s'ils ne les revendiquent peut-être pas suffisamment. Mais je ne peux pas vous laisser dire que nous n'avons rien fait.
Quant à la taxe Zucman, ce n'était pas un compromis, mais une proposition à prendre ou à laisser. Parmi les sept prix Nobel qui soutiennent cette proposition, pas un ne paie ses impôts en France, contrairement à Philippe Aghion.
M. Philippe Grosvalet. - Ce n'est pas un argument !
M. Yannick Jadot. - Esther Duflo paye ses impôts en France !
M. Roland Lescure, ministre. - En tout cas, elle enseigne aux États-Unis... Si un impôt sur les grandes fortunes touche l'outil de production, ce dernier sera déplacé ailleurs. Je pense, par exemple, à une entreprise de taille intermédiaire dans l'agroalimentaire, détenue par une famille de génération en génération et dont les dirigeants, sans doute, gagnent bien leur vie. Ces gens-là ont du capital, qui dépasse sans doute les 300 millions d'euros, soit le seuil proposé par Gabriel Zucman. Ainsi, les parts d'entreprise qu'ils devront vendre pour payer la taxe Zucman pourraient aller à l'État, selon l'hypothèse de son instigateur ; mais ce n'est pas le rôle de l'État que de prendre 2 % de l'ensemble du capital des entreprises de taille intermédiaire. L'autre option serait de les vendre à l'international.
J'entends la demande de justice fiscale, mais à ce jour, l'Assemblée nationale a voté pour 5 milliards d'euros d'impôts supplémentaires à destination des plus aisés. Ces « riches » sont ainsi passablement « chargés ». 'Mais telle n'est pas la proposition de M. Zucman. Quoi qu'il en soit, il faut préserver notre modèle social, fondé sur la prospérité et sur la solidarité nationale. Attention, toutefois, à ne pas casser l'outil.
Je suis toujours le dossier d'ArcelorMittal, avec qui nous menons une négociation difficile. Toujours est-il que ce grand champion industriel mondial sait faire tourner des aciéries. Toutefois, la problématique de la subvention de la décarbonation ne se pose pas qu'en France, comme le montre l'exemple de ThyssenKrupp. Nous avons accepté de subventionner la décarbonation à hauteur de 900 millions d'euros. En effet, si nous ne sommes pas capables de fournir de l'énergie décarbonée abondante et peu chère, ils partiront. En revanche, sur la ligne à haute tension, je n'ai pas de réponse. Je vais m'assurer que cette ligne importante figure bien dans le plan de développement de RTE.
J'en arrive à la clause de sauvegarde. La Commission européenne doit tenir son engagement de septembre dernier, afin de protéger les aciéries européennes contre la concurrence déloyale venue d'Asie ; je suis persuadé que nous pouvons y arriver. Des centaines de salariés travaillent chez ArcelorMittal, dans un bassin industriel en pleine renaissance. Nous continuerons à y investir.
Nous avons visité ensemble les chantiers navals de Loire-Atlantique, monsieur le sénateur Grosvalet : ils doivent continuer à se développer, conformément au message formulé il y a quelques jours par le Président de la République, lors des dernières Assises de l'économie de la mer.
Je ne vais pas vous dire que la situation des CCI est facile. Je rencontrerai, demain, les présidents de CCI France et de CMA France, pour les chambres de métiers et de l'artisanat. J'entends la nécessité de baisser les dépenses et tout le monde devra faire des efforts.
Je reconnais volontiers que nous devons travailler sur les agences et lirai en détail le rapport de Christine Lavarde, écrit au nom de la commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État. On ne peut pas dire, cependant, que ces dernières doivent faire encore plus d'efforts, tout en en dispensant les CCI et les CMA. Peut-être certaines agences peuvent-elles se rapprocher dans des territoires, ou développer des activités commerciales ? Mais face au mur, tout le monde doit se retrousser les manches.
Sur MaPrimeRénov', nous avons reçu des plaintes quant à son caractère, parfois, d'« open bar ». Nous avons donc, l'été dernier, recentré le dispositif.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Entretemps, vous avez retiré l'isolation par les murs et les chaudières.
M. Roland Lescure, ministre. - Nous avons recentré ce dispositif pour qu'il soit plus efficace, puisque nous parlons d'argent public. Nous allons concentrer les efforts contre la fraude, et nous avons pérennisé le financement de la prime grâce aux CEE.
Si je suis convaincu de l'utilité de ce dispositif, il faut qu'il soit efficace économiquement et sur le plan environnemental. In fine, il nous faut des maisons bien isolées émettant peu de gaz à effet de serre. En effet, c'est dans le bâtiment que le coût de la tonne de carbone évitée est le plus élevé. La moindre des choses est donc de nous assurer de l'efficacité de ces dépenses.
Mme Antoinette Guhl. - Duralex, La Meusienne, Bergère de France, Scop-TI : voilà quatre entreprises qui ont été rachetées par leurs salariés pour éviter, tout simplement, leur fermeture. Duralex a réalisé, pas plus tard qu'hier, une levée de fonds importante auprès des Français, dans une forme de plébiscite. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour faciliter la reprise d'entreprises par les salariés ? Quels outils Bpifrance peut-elle mettre à leur disposition ?
Sur la lutte contre la fraude, nous avons vu le rôle important de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), par exemple dans l'affaire Nestlé Waters. De quels moyens la doterez-vous pour qu'elle continue à réaliser pleinement ses missions, alors que les modes de commercialisation sont très changeants ?
Enfin, quels sont les secteurs prioritaires d'industrialisation et de réindustrialisation ? Quels outils créez-vous au service de votre politique industrielle, que j'avoue pour l'instant ne pas percevoir ?
Mme Marie-Lise Housseau. - Je voudrais vous parler des plateformes de commerce en ligne, notamment chinoises, comme Shein, Temu et Joybuy, qui comptent 600 millions de clients. Désormais, elles s'attaquent aux marchés physiques, comme le BHV, et passent des accords avec La Poste. Le résultat : des milliers de références qui ne respectent pas la législation et des prix bradés qui tuent tous les commerces.
Comment lutterez-vous contre ce pillage en règle de notre tissu économique ? La taxe de 2 euros sur les petits colis, inscrite dans le projet de loi de finances pour 2026, sera-t-elle suffisante, d'autant que la Commission européenne se montre très critique et suggère d'attendre l'harmonisation en 2028 ? Cela, alors même que Donald Trump multiplie les taxes douanières dissuasives contre les produits chinois, renvoyant ceux-ci vers l'Europe. Aurons-nous le remède avant que le malade ne soit mort ?
M. Patrick Chaize. - Je souhaite notamment vous interroger sur le numérique.
Qu'en est-il de l'équilibre économique des réseaux d'initiative publique (RIP), qui pose une vraie difficulté ?
Par ailleurs, quelle est votre vision pour Mayotte ? En effet, dans le projet de budget, le compte n'y est pas...
Un accord de votre ministère est attendu sur la vente d'Exaion à l'américain Mara. Je souhaite vous entendre sur ce sujet, qui soulève une problématique de souveraineté.
Les conséquences du projet de loi sur les missions de service public et d'aménagement du territoire de La Poste risquent de créer une réelle difficulté de fonctionnement pour les agences postales communales. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, qu'allez-vous faire du projet de loi de simplification de la vie économique ?
- Présidence de M. Daniel Gremillet, vice-président -
M. Roland Lescure, ministre. - Les sociétés coopératives participatives (Scop) sont une très bonne chose. Je suis favorable à la reprise d'entreprises en difficulté dans le cadre d'un plan d'affaires favorable, surtout si, de surcroît, les salariés peuvent en bénéficier. Je le suis tellement que c'est moi qui ai autorisé le soutien du fonds de développement économique et social (FDES) pour la reprise de Duralex. Je suis donc très heureux que cette entreprise aille mieux, même si l'on ne peut pas encore dire qu'elle va bien. Elle a pu réaliser une augmentation de capital de 5 millions d'euros en quelques heures, au lieu de trois semaines, et nous avons accordé un prêt de 750 000 euros au titre du FDES.
La Scop est un levier de reprise, un modèle que nous soutenons. Le commissariat général aux Scop est très présent et Bpifrance aide à la reprise par les salariés. En outre, nous avons créé des exonérations de plus-value pour la cession par le chef d'entreprise aux salariés et les chambres de commerce et d'industrie assurent un accompagnement. Je suis également très favorable à l'actionnariat salarié.
Sur la répression des fraudes, je transmets votre question à Serge Papin, ministre de plein exercice chargé des questions de consommation et de pouvoir d'achat.
Les secteurs stratégiques prioritaires sont nombreux et comprennent, entre autres, le spatial et l'aéronautique. Le Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac) permet de financer la recherche dans le domaine. N'oublions pas le secteur ferroviaire, avec un champion mondial, Alstom, et celui des médicaments, notamment critiques. J'avais beaucoup travaillé à la relocalisation de la production de ces derniers dans le cadre de mes précédentes fonctions et j'ai demandé à Sébastien Martin de continuer à le faire, car la crise du covid a révélé à quel point notre souveraineté était mise à mal.
En fait également partie le secteur énergétique, notamment le nucléaire, l'éolien en mer, les batteries, les pompes à chaleur et les panneaux solaires, éléments très importants de notre souveraineté énergétique future, tout comme le nouveau nucléaire. Des gigafactories de panneaux photovoltaïques sont en cours de construction et un écosystème exemplaire des batteries se développe dans les Hauts-de-France. Il en va de même pour la production de pompes à chaleur, qu'il faut continuer à soutenir.
Madame la sénatrice Housseau, nous n'avons pas de formule magique pour interdire les plateformes de commerce en ligne, d'autant que, paradoxalement, ce dernier fait aussi vivre les territoires au travers de plateformes locales. Il n'en reste pas moins vrai que, face à ces géants capables de changer de collection tous les jours et de proposer des produits à des prix tuant toute concurrence, nous devons agir et ce, comme vous l'avez dit, au niveau européen. Le Premier ministre nous a demandé, à Anne Le Hénanff et à moi-même, d'écrire aujourd'hui à la Commission européenne sur ce point.
Cela arrive maintenant parce que, à deux reprises, en quarante-huit heures, une plateforme a enfreint la loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, dans ses dispositions sur la vente ou la promotion de contenus à caractère terroriste, pédopornographique ou liés au narcotrafic, avec une obligation absolue de retirer les contenus en vingt-quatre heures. Concernant les armes, une autre législation prévoit un délai de quarante-huit heures.
Compte tenu de ces deux délits, le Premier ministre a décidé d'entamer la procédure de suspension, mais celle-ci ne s'improvise pas. Je reçois les fournisseurs d'accès demain, mais, si nous voulons traiter ce sujet de manière durable, nous devons le faire au niveau européen. Afin de renchérir les coûts pour ces plateformes, nous allons, je l'espère, adopter la taxe de 2 euros par colis. Mais nous ne pourrons pas faire plus ; en effet, si nous taxons chaque colis Shein à hauteur de 20 euros, ils passeront par Munich, Francfort, Milan ou ailleurs. Or nous voulons que La Poste continue à gagner de l'argent sur ces colis, afin de ne pas affaiblir son modèle économique.
À celles et ceux qui, lors de son audition du 21 octobre dernier, ont bousculé la patronne de La Poste sur son accord avec Temu, je dis de ne pas tirer sur le postier. Les colis qu'il livre contribuent au chiffre d'affaires de La Poste, ce qui est bienvenu alors que d'autres activités sont en profonde décroissance. En outre, si ce n'est pas lui qui le fait, d'autres s'en occuperont. Il faut donc bien agir à Bruxelles, où nous aurons de forts arguments à présenter compte tenu des évènements de ces derniers jours.
Monsieur Chaize, j'imagine que votre question portait sur le développement de la fibre optique à Mayotte ; je n'ai pas de réponse précise à vous fournir et je vous propose de nous rencontrer pour évoquer ce sujet.
J'en viens à votre question sur Exaion. Il s'agit non pas d'une vente, mais d'une prise de participation envisagée par un acteur américain sur des activités certes importantes, mais non critiques. L'opération porte sur 0,1 % de la capacité de calcul française. Nous ne sommes pas en train de construire les réacteurs nucléaires de demain avec une entreprise que nous vendrions aux Américains. D'aucuns à l'Assemblée nationale ont donné l'impression que nous bradions toutes les technologies françaises. Ce n'est pas le cas : EDF resterait actionnaire de l'entreprise.
Les activités de service public de La Poste décroissent. Le courrier diminue, la livraison des journaux coûte une fortune à l'entreprise, alors même que l'État en compense une bonne partie. La Poste est à peu près parvenue à l'équilibre sur ses activités commerciales, pour lesquelles la concurrence est importante. En tant que parlementaires, vous êtes évidemment très sensibles à la mission d'aménagement du territoire assumée par La Poste. Mais tout le monde doit faire des efforts dans le contexte financier actuel.
L'examen du projet de loi de simplification de la vie économique a été de plus en plus complexe au fil du temps. Nous ne connaissons pas la date de la commission mixte paritaire. Lorsque Bruno Le Maire a présenté ce texte - j'étais à ses côtés à l'époque -, nous envisagions de bâtir la cathédrale de la simplification. Mais la dissolution est passée par là... La version adoptée par l'Assemblée nationale n'est pas la meilleure base de discussion : certaines dispositions sont intéressantes, tandis que d'autres sont très disparates. Nous devons veiller à ce que le projet de loi réponde bien à l'objectif qui lui a été fixé et ne complexifie pas les choses.
M. Yves Bleunven. - Votre discours est clair : nous devons faire montre de responsabilité collective pour affirmer notre souveraineté industrielle.
Je souhaite attirer votre attention sur les conséquences de l'entrée en vigueur du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) le 1er janvier prochain. Si je suis en phase avec le concept à l'origine de ce dispositif, qui vise à ne pas pénaliser les entreprises européennes face à des importations aux conséquences néfastes sur les émissions de carbone, les choses se sont dégradées lors de l'application du principe.
Il faut rappeler le contexte. Notre économie est très résiliente, puisqu'elle a surmonté le covid, la guerre en Ukraine et la flambée des prix de l'énergie. Il lui est plus difficile de surmonter l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, source de grands désordres dans l'ordre économique mondial. Nous peinons à adapter nos codes douaniers à la hauteur de la déstabilisation que connaissent les flux économiques.
C'est dans ce contexte que le MACF s'appliquera à des produits simples, tels que l'acier, l'aluminium, les engrais, l'hydrogène ou l'électricité, et qui comptent pour la moitié de nos émissions de carbone.
Nous nous dirigeons tout droit vers une catastrophe monumentale. En un an, trois usines d'engrais ont fermé dans le Grand Ouest. Alors que nous dépendons désormais de l'étranger pour nos approvisionnements, nous sommes sur le point de doubler, voire de tripler, la valeur des produits à cause du MACF. C'est complètement absurde : nous allons affaiblir notre agriculture à vitesse grand V !
Nous disposons dans notre pays de véritables pépites dans le secteur de la métallurgie, avec de véritables savoir-faire. Je pense notamment à l'entreprise Ferotec, située en Bretagne, qui achète de l'acier chinois pour fabriquer des unités destinées aux usines fabriquant des granulés. Celle-ci paie des taxes lorsqu'elle achète l'acier, alors que les produits élaborés en Chine n'y sont pas soumis. Si vous ajoutez à cela un MACF au taux de 15 %, on ramassera l'entreprise à la petite cuillère dans un an !
Je ne crois guère à un report du dispositif, à deux mois de son entrée en vigueur. En tant que ministre de la souveraineté industrielle, quel dispositif envisagez-vous de mettre en place dans le prochain projet de loi de finances pour éviter que ces entreprises ne meurent ?
M. Daniel Fargeot. - L'article 22 du projet de loi de finances instaure la taxe sur les petits colis livrés depuis l'étranger. Ce dispositif vise à envoyer un signal-prix face aux dérives environnementales et au dumping des plateformes de commerce en ligne étrangères, qui se traduisent par un afflux de biens importés hors de l'Union européenne, notamment d'Asie. Pour la France, cela représente plus de 800 millions de colis. Si ce dispositif répond à un objectif partagé, sa rédaction actuelle soulève des obstacles qui risquent d'en détourner le sens. Trois angles morts menacent son efficacité.
D'abord, qui est le redevable effectif ? Le texte désigne le transporteur - La Poste, FedEx, entre autres -, qui n'a aucun lien contractuel avec l'acheteur final. Le recouvrement ex- post est illusoire et créerait des créances irrecouvrables de plus de 10 millions d'euros par an pour les seuls expressistes implantés à Roissy, qui emploient des milliers de salariés.
Ensuite, comment appréhendez-vous le détournement de trafic ? La Chine, par exemple, passera par l'Allemagne - et DHL - et non par la France, ce qui n'apportera aucun bénéfice, ni pour l'environnement, ni pour nos douanes, ni pour nos opérateurs français. Comment limiter clairement la taxe aux entreprises en B2C (business to consumer) lorsque la frontière opérationnelle avec le B2B (business to business) reste floue ?
Enfin, le partenariat entre Temu et La Poste entrera-t-il pleinement dans le champ de la taxe ou constitue-t-il une faille du dispositif ?
En résumé, comment garantir une mise en oeuvre réelle pour éviter qu'une bonne idée ne devienne un dispositif marketing qui resterait dans son emballage ou, pis, qui fragiliserait une filière en France ? Il s'agit d'emplois : vous aurez compris que je défends les expressistes face à ces angles morts.
Mme Amel Gacquerre. - J'aimerais revenir sur l'enjeu de la souveraineté industrielle, et plus précisément sur notre industrie locale et nos petites et moyennes entreprises (PME), qui constituent l'ossature des filières clés que nous voulons défendre : la chimie, l'automobile, l'agroalimentaire ou encore les matériaux. Sans ce tissu industriel local, sans ces fleurons, notre industrie ne serait pas ce qu'elle est.
Ces PME sont les plus exposées aux prix de l'énergie, aux ruptures d'approvisionnement, au déficit d'investissement et aux difficultés de recrutement, sans oublier les lourdeurs administratives et réglementaires inégalées auxquelles elles font face. Tout cela a un coût.
Dans le projet de loi de finances pour 2026, quels dispositifs sont prévus pour renforcer l'amont des chaînes de valeur, pour financer la modernisation des PME et leur transition énergétique et écologique ? Celles-ci souhaitent s'y engager, mais n'en ont pas les moyens aujourd'hui. Il y va de la survie de ces entreprises locales ; sans cela, nous ferions face à la perte irréversible de compétences et de savoir-faire. Lorsque la filière du nucléaire a été relancée, nous avons manqué de compétences.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Ma question portait sur les petits colis ; M. Fargeot m'a devancée. J'attends votre réponse, monsieur le ministre, avant d'intervenir.
M. Daniel Salmon. - J'ai reçu de nombreux acteurs de l'insertion par l'activité économique (IAE) de mon département : tous s'alarment d'une baisse de 200 millions d'euros des crédits du programme 102 « Accès et retour à l'emploi ». C'est catastrophique, tant l'utilité sociale de ces acteurs est reconnue.
De nombreuses personnes éloignées de l'emploi ont absolument besoin de ces activités pour se réinsérer. J'espère que ces crédits pourront être rétablis.
M. Roland Lescure, ministre. - Monsieur Bleunven, le MACF est une bonne idée. Nous devons toutefois veiller à ce que celle-ci ne se transforme pas en cauchemar si le dispositif était mal calibré.
Le MACF vise à taxer à l'entrée les produits fabriqués hors d'Europe de manière plus polluante, pour tenir compte de leurs émissions de carbone. Mais nous ne sommes pas en mesure de tout intégrer, voilà la difficulté. Nous avons commencé par intégrer les produits de base, mais nous nous battons pour élargir le champ d'application du mécanisme. L'exemple que vous avez cité, sur les produits de l'aval, est pertinent : un produit semi-fini fabriqué en Chine et exporté en Europe ne sera pas soumis à la MACF ; en revanche, un produit fabriqué en Europe à partir d'une matière brute importée de Chine le sera, lui. D'où une distorsion de concurrence. Nous faisons pression sur la Commission européenne pour que celle-ci élargisse le mécanisme à d'autres secteurs ; nous attendons également des propositions de sa part sur certains produits de l'aval.
Pour certains secteurs comme la chimie, nous avons prévu des mécanismes de lissage afin d'éviter un « coup de bambou » dès le 1er janvier. Notre objectif est d'éviter les fuites de carbone. Si votre entreprise importe des produits soumis à un MACF cher et exporte, elle sera doublement taxée, ce qui pose des enjeux de compétitivité.
Un autre débat porte sur le calcul de la contribution carbone. Si une usine chinoise est située près d'un barrage produisant de l'hydroélectricité, ses responsables diront qu'elle ne pollue pas. Or la Chine émet globalement beaucoup plus de gaz à effet de serre que nous. Nous nous battons donc pour que l'on intègre les émissions du pays d'origine, et non pas seulement celles du barrage, lequel risque d'être utilisé plusieurs fois dans les déclarations de taxes.
Les sujets de l'aval, de l'exportation et de la mesure de la contribution carbone sont donc très importants. Nous insistons pour que la Commission fasse des propositions concrètes avant le début de l'année 2026, date à laquelle le MACF doit théoriquement entrer en vigueur.
Monsieur Fargeot, madame Renaud-Garabedian, si nous fixions le montant de la taxe sur les petits colis à 50 euros, ceux-ci transiteraient par d'autres pays. C'est pourquoi nous l'avons fixé à 2 euros. Le produit de cette taxe nous permettra de recruter des contrôleurs. Toutefois, celle-ci a vocation à être transitoire : nous souhaitons en effet entamer des négociations au niveau européen pour régler le problème avant l'échéance électorale de 2027.
Cette taxe est collectée par l'administration des douanes lors de la procédure de dédouanement ; elle n'est à la charge ni de La Poste ni du client.
M. Daniel Fargeot. - Cela ne figure pas sur l'imprimé H7.
M. Roland Lescure, ministre. - Non, la taxe n'est pas encore entrée en vigueur.
M. Daniel Fargeot. - Il faudra modifier le formulaire !
M. Vincent Louault. - Quid du principe de libre circulation des marchandises au sein de l'Union européenne ? Le colis peut transiter par l'Italie, par exemple.
M. Roland Lescure, ministre. - Vous avez raison : c'est pourquoi le montant de la taxe ne doit pas être trop élevé.
M. Daniel Fargeot. - Je vous ai préparé une petite note : c'est bien l'imprimé H6 qui fait référence, et non le H7. Il faut régulariser les choses ; il s'agit d'un simple problème technique.
M. Roland Lescure, ministre. - La technique a parfois des effets pervers que nous devons traiter...
Madame Renaud-Garabedian, ai-je répondu à votre question ?
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Il me semble que la taxe s'applique par catégorie d'articles, et non par colis : est-ce exact ?
M. Yannick Jadot. - Oui, c'est cela. Si le colis comporte par exemple deux tee-shirts et deux paires de chaussettes, la taxe s'élèvera à 4 euros.
M. Roland Lescure, ministre. - Je vérifierai cette information et vous tiendrai informés.
Monsieur Salmon, je ne veux pas vous donner l'impression de botter en touche, mais l'IAE relève de la compétence de mon collègue Jean-Pierre Farandou. Je lui demanderai de vous répondre.
Madame Gacquerre, nous avions déjà fait avancer les choses en matière de stratégie industrielle, mais le rapport Draghi a constitué une sorte de signal d'alarme. Le projet de loi de finances prévoit le financement du nouveau nucléaire, grâce aux contrats d'allocation de production nucléaire, les CAPN. Il prévoit aussi une baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ce qui stimulera la compétitivité des entreprises dans les territoires. J'invite aussi chacun à limiter la sorcellerie fiscale - j'ai utilisé ce terme dimanche dernier à l'Assemblée nationale. Évitons de créer des usines à gaz qui compliquent la vie des entreprises !
L'innovation est la clé de la stratégie industrielle. Un peu plus de la moitié des crédits de France 2030, qui s'élèvent à 54 milliards d'euros, a déjà été engagée. Les crédits restants seront dirigés prioritairement vers l'industrie, secteur dans lequel quelque 60 000 emplois ne sont pas pourvus. Madame la sénatrice, encouragez les jeunes filles à postuler ! Nous avons besoin de soudeurs et de techniciens.
Enfin, les règles du commerce international ont changé. Nous travaillons d'arrache-pied pour introduire la préférence européenne pour les produits européens ; j'espère que nous y parviendrons à l'occasion du prochain Conseil européen.
M. Yannick Jadot. - Les filières économiques, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, ne supportent plus l'instabilité permanente des politiques publiques. Dominique Estrosi Sassone, Amel Gacquerre et moi-même avons reçu les représentants de la Fédération française du bâtiment : ceux-ci estiment que l'effondrement de l'investissement dans le logement a entraîné une perte de recettes fiscales s'élevant à 20 milliards d'euros, puisqu'un euro investi représente deux à trois euros de recettes.
Dans le secteur de la rénovation, tout le monde est effondré. Dans le secteur des énergies renouvelables, tout le monde est effondré. Nous avons reçu les représentants d'Engie la semaine dernière, qui nous ont dit : « Arrêtez l'instabilité ! ». Nous avons auditionné Carlos Tavares et Jean-Dominique Senard, qui nous ont dit : « Nous serons prêts en 2035 pour la voiture électrique ». Certains groupes politiques s'emparent de cette instabilité. Résultat : les industriels reculent. Descendre du train alors que la Chine a dix ans d'avance est une aberration absolue ! Monsieur le ministre, tenez ferme sur l'échéance de 2035, car nous avons besoin d'une industrie automobile compétitive. Investissez dans le logement et cessez de réduire à peau de chagrin les crédits en faveur de la rénovation énergétique.
J'en viens à Shein. Ne pourrions-nous pas anticiper sur le règlement européen relatif au travail forcé, qui ne doit entrer en vigueur qu'en 2027 ? La Chine pratique le travail forcé d'État. L'Union européenne pourrait sanctionner ces conditions de production qui s'apparentent à du semi-esclavage, notamment dans le Xinjiang.
La quasi-totalité des sénateurs et des députés est opposée à l'adoption de l'accord avec le Mercosur, si bien que le Gouvernement évoque maintenant l'adoption de clauses de sauvegarde. J'ai travaillé quinze ans sur les accords de libre-échange : ceux-ci permettent de communiquer, de rassurer, mais, en réalité, cela ne sert à rien.
Au mois de janvier dernier, à la suite d'un accord transpartisan, le Sénat avait voté en faveur de l'acquisition par l'État d'une action spécifique de TotalEnergies, qui donnerait à l'État les moyens d'agir, notamment pour conserver le siège social du groupe en France.
M. Rémi Cardon. - Alain Cadec, Annick Jacquemet et moi-même avons récemment publié un rapport d'information sur la filière automobile, formulant dix-huit recommandations.
Les discussions avancent sur l'harmonisation au niveau européen des aides à l'achat ; avez-vous des informations à nous communiquer à ce sujet ?
Se pose aussi la question, déjà soulevée, de la stabilité fiscale en France, notamment sur les aides, que ce soit pour les voitures électriques ou pour la rénovation thermique. Pour les voitures électriques, le dispositif a changé dix-sept fois en cinq ans : les consommateurs et les concessionnaires ont du mal à s'y retrouver.
Le leasing social - un outil efficace, préconisé à une époque par les socialistes et repris par Emmanuel Macron - rencontre un grand succès, avec plus de 40 000 foyers modestes qui pourront accéder à la voiture électrique. Le plafond du dispositif, fixé à 50 000 foyers, sera atteint rapidement. Il faudra plus de moyens, notamment pour l'étendre aux classes populaires et moyennes afin d'accélérer le passage vers la voiture électrique.
Pour accéder au leasing social, le plafond du revenu fiscal de référence (RFR) est fixé à 16 300 euros, soit 1 300 euros par mois, le niveau du seuil de pauvreté. Sauf si elle a des enfants, une personne payée au Smic ne peut bénéficier du dispositif. En outre, il faudrait faire un geste en faveur de nos concitoyens dont le niveau de revenus est situé légèrement au-dessus du Smic, car le coût moyen d'une voiture électrique reste élevé.
M. Jean-Jacques Michau. - Monsieur le ministre, vous n'avez pas évoqué l'hydroélectricité, qui est pourtant une énergie décarbonée et durable. Celle-ci représente 13 % de notre mix énergétique, mais son développement est entravé par un long contentieux avec l'Union européenne. La part de l'hydroélectricité progresserait de 10 % si nous parvenions à le surmonter. Daniel Gremillet, Patrick Chauvet, Fabien Gay et moi-même avons rédigé un rapport sur l'avenir des concessions hydroélectriques. Pourrons-nous travailler ensemble sur le sujet, monsieur le ministre ?
M. Bernard Buis. - L'article 5 du projet de loi de finances propose diverses suppressions et rationalisations des dépenses fiscales, notamment la suppression des avantages fiscaux des biocarburants de première génération, l'E85 et le B100. Plusieurs acteurs du secteur agricole, notamment, s'en sont émus. Pouvez-vous revenir sur les motivations qui vous ont conduit à présenter cette mesure ?
M. Roland Lescure, ministre. - Monsieur Jadot, l'instabilité réglementaire ne saurait expliquer à elle seule la crise du logement, qui a traversé une période très difficile, comme partout dans le monde. Les taux d'intérêt ont augmenté et nous avons connu de très fortes incertitudes économiques ; la France n'y a pas échappé.
M. Yannick Jadot. - L'instabilité réglementaire avait commencé avant ces phénomènes conjoncturels.
M. Roland Lescure, ministre. - Je veux bien assumer ma part de responsabilité : les règles applicables au logement ont souvent changé ces dernières années. Les gouvernements précédents n'ont pas dérogé à ces pratiques. Mais vous m'accorderez que l'environnement financier était aussi extrêmement contraint.
Les élus et les parlementaires nous faisaient état de fraudes liées à MaPrimeRénov' qu'il nous fallait traiter.
Nous nous interrogeons sur l'efficacité réelle d'un certain nombre d'aides au logement. Alors que leur montant total s'élève à plus d'un milliard d'euros, nous ne pouvons pas dire que nous ayons le secteur du logement le plus florissant et le plus décarboné au monde.
Nous avons sécurisé le fonctionnement de MaPrimeRénov' lorsque celle-ci a été relancée en septembre. Une partie des crédits de MaPrimeRénov' ne sera plus issue du budget, mais proviendra désormais des certificats d'économies d'énergie, les CEE.
Nous constatons un début de reprise pour le logement. Certes, celle-ci est encore fragile, mais quelques rayons de soleil apparaissent.
Vous avez raison, monsieur Cardon, nous ne devons pas descendre du train de l'automobile ! Il faut que les industriels disposent d'une échéance pour pouvoir s'y préparer.
Il faut reconnaître que la demande n'est pas au rendez-vous. Nous espérions que les véhicules électriques représenteraient plus de 25 % de parts de marché. Or ceux-ci représentent entre 17 et 18 % des ventes. Les constructeurs nous indiquent ne pas gagner d'argent sur les véhicules électriques, faute de volumes suffisants. Il faut donc poursuivre les politiques mentionnées, notamment le leasing social. Je ne savais pas que c'était une idée socialiste, mais tant mieux : nous prenons les idées là où elles sont bonnes.
Le leasing social est une bonne idée, à condition qu'il conserve son caractère social, justement. Nous devons aussi veiller à ce que sa montée en puissance corresponde aux capacités de production. Nous perdrions sur toute la ligne si le leasing social conduisait à importer des voitures chinoises. C'est pourquoi nous avons instauré un éco-score.
Depuis septembre, le leasing social a permis à 43 000 foyers de passer commande, pour 300 millions d'euros d'aides publiques. C'est donc une très belle opération après les 50 000 véhicules de l'année dernière.
Il faut faire feu de tout bois contre les plateformes d'e-commerce qui font n'importe quoi. Veillons toutefois à ne pas nous focaliser sur un seul acteur. Il me semble que les poupées pédopornographiques étaient accessibles à partir de quatre plateformes. Certes, nous ne disposons pas d'arme létale nous permettant d'agir rapidement en cas d'erreur, mais nous pouvons mettre un terme à la concurrence déloyale ; je suis prêt à étudier la possibilité d'utiliser des outils européens, s'ils existent.
La Commission européenne espère avancer sur le traité avec le Mercosur lors du prochain Conseil européen ; c'est un débat difficile.
Monsieur Jadot, je ne suis pas d'accord avec vous : les clauses de sauvegarde ne sont pas inutiles. Elles permettent de sauvegarder certains secteurs. Demandez à ArcelorMittal s'il ne veut pas de la clause de sauvegarde pour sauver son site de Dunkerque. Demandez aux constructeurs automobiles s'ils ne sont pas satisfaits des droits de douane que nous avons mis en place sur les véhicules importés de Chine. Si l'on ne se bat pas pour les clauses de sauvegarde, autant démissionner tout de suite : nous n'avons plus qu'à produire entre nous et ne plus commercer avec personne !
Si le traité avec le Mercosur était signé, de nombreux secteurs français en bénéficieraient, notamment le secteur agroalimentaire. Je connais bien le Canada. Je me suis fait expulser manu militari du sommet agricole de Cournon, car j'avais voté le Ceta, l'Accord économique et commercial global. Or, presque dix ans plus tard, nous avons doublé nos exportations de fromage et de vin, et nous n'avons pas un gramme de boeuf canadien dans nos assiettes.
Si le traité avec le Mercosur était voté, ce qui n'est pas encore acquis, nous devrions instaurer des clauses de sauvegarde efficaces pour protéger quelques filières - la filière bovine, celles du poulet, de l'éthanol ou du sucre. Nous devons continuer à commercer avec les autres pays du monde, tout en réexaminant nos relations avec ceux qui ne respectent plus les règles : je pense à ce grand État situé entre le Canada et les pays du Mercosur... Notre réflexion doit bien sûr porter sur les enjeux économiques et commerciaux, mais aussi sur les enjeux démocratiques. Nous devons choisir nos amis, choisir entre les pays qui croient encore à la démocratie et ceux qui n'en veulent pas ou qui n'y croient plus. Notre politique commerciale doit intégrer cette réflexion.
Monsieur Jadot, je sais que les actions spécifiques sont l'un de vos dadas ; je vous reconnais une certaine constance. Mais ce n'est pas avec les actions spécifiques que nous garderons nos entreprises cotées en France. TotalEnergies est une entreprise toujours cotée à Paris. Le groupe a envisagé une double cotation, car une grande partie de ses actionnaires est située outre-Atlantique. Je me réjouis qu'une entreprise française que l'on aime - ou pas, je sais que nous ne serons pas d'accord sur ce point, monsieur Jadot - rayonne à l'international. Malheureusement, TotalEnergies ne dispose pas suffisamment d'actionnaires français et européens. En outre, les capitaux de long terme ne sont pas suffisamment développés. Les plans d'épargne retraite (PER) constituent une première réponse ; n'y touchez que d'une main tremblante lors de l'examen du projet de loi de finances ! Cette question devra faire partie des débats qui se tiendront en 2027. La compétitivité de la place de Paris et de l'Union européenne doit être maintenue.
Monsieur Michau, nous avançons au niveau européen sur le sujet de l'hydroélectricité ; quelques détails doivent encore être réglés. J'en profite pour saluer l'action d'Olga Givernet et de Marc Ferracci. Nous devons veiller à ce que le capital des barrages hydroélectriques reste français. Faute d'avoir pu faire évoluer les concessions, nous n'avons pas investi dans les barrages, qui représentent une marge de progression importante dans nos capacités de production d'énergie bas-carbone.
M. Daniel Gremillet, président. - Notre commission a trouvé la solution, grâce à la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie, qui pourrait être prochainement examinée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Nous sommes en phase avec nos homologues de la commission des affaires économiques de la chambre basse.
M. Roland Lescure, ministre. - Nous verrons l'évolution des travaux de vos assemblées respectives.
L'Assemblée nationale a supprimé la disposition du projet de loi de finances relative à l'E85, qui aurait entraîné un surcoût de 15 centimes pour l'année 2026. L'E85 est importé à hauteur de 50 % de notre consommation. Cette niche fiscale profite donc pour moitié à des producteurs français et pour moitié à des producteurs étrangers.
Bien sûr, dès lors que l'on supprime ou que l'on modifie une niche fiscale, des personnes souffrent. Manifestement, le niveau de souffrance des personnes concernées était assez élevé, puisque l'Assemblée nationale est revenue sur ce point.
Tout en diminuant très progressivement cette niche fiscale, nous souhaitions intégrer de plus en plus d'éthanol dans le super sans plomb. Je ne suis pas certain que le bilan aurait été aussi négatif que ce qui a été présenté. Cela dit, je n'ai pas l'impression que vous rétablirez cet article.
M. Vincent Louault. - J'ai voté le Ceta.
M. Roland Lescure, ministre. - Merci !
M. Vincent Louault. - J'étais d'ailleurs l'un des seuls à le défendre au sein de cette commission.
Quand arrêterez-vous de « cramer le gasoil » pour compenser les charges de service public des énergies renouvelables ? Le projet de loi de finances prévoit 2,8 milliards d'euros supplémentaires. Le 1er août dernier, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) indiquait qu'1,2 milliard d'euros serait nécessaire.
Nous exportons actuellement 100 térawattheures d'électricité, ce qui améliore l'état de nos comptes. Je demande non pas un moratoire - ici, nous sommes plus subtils -, mais un ralentissement de la trajectoire. Lorsque je l'ai interrogée, Mme Mourlon, directrice générale de l'énergie et du climat (DGEC), m'a indiqué que la trajectoire de la programmation pluriannuelle de l'énergie ne pouvait pas être révisée puisque la concertation avait déjà eu lieu. Résultat : soit nous suivons la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) dans sa totalité, soit nous n'avons pas de PPE du tout.
Peut-on encore rectifier la trajectoire de la PPE et mettre un terme à ces compensations pour charges de service public, qui représentent une fois et demie le budget de la politique agricole commune (PAC) ? Nous ne vous avons jamais donné l'autorisation de créer une nouvelle PAC sur le dos du contribuable français !
M. Roland Lescure, ministre. - Vous évoquez des contrats passés, les contrats pour différence. Lorsque les prix de l'électricité sont élevés, ce sont les producteurs qui remboursent l'État. Quand les prix sont bas, c'est l'inverse. Ce mécanisme est utile, car il donne de la visibilité ; il convient donc de le garder. Le Premier ministre a souhaité que nous examinions les contrats passés pour vérifier l'absence d'excès. Il n'y en a peut-être pas eu, mais ce travail est en cours.
Actuellement, la demande en électricité est faible et les prix durablement bas. Voilà pourquoi l'État rembourse les producteurs. Ce dispositif fut toutefois bien utile au début de l'invasion russe en Ukraine pour alléger notre facture ; il ne faut jamais l'oublier.
Nous vous communiquerons les chiffres après nos vérifications. Je reconnais qu'il est douloureux de faire des chèques aussi élevés. C'est pourquoi nous devons examiner avec attention les futurs contrats : cela fait partie des discussions que nous devons avoir sur l'avenir de la PPE. Il nous est impossible de revenir sur la consultation préalable à la PPE, car cela nous ferait prendre non pas trois mois de retard, mais trois ans.
M. Daniel Gremillet, président. - Merci, monsieur le ministre.
Examen en
commission
(Mercredi 26 novembre 2025)
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons maintenant le rapport pour avis sur les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis des crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et des crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ». - Les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » consacrés à l'énergie seront globalement en baisse en 2026, pour des raisons tenant principalement à la débudgétisation de certaines aides et au changement du mode de financement de certains soutiens, que je vais détailler dans cette présentation.
Le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » est le seul programme dont les crédits reculeront l'an prochain : les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) diminueront respectivement de 35 % et de 17 %, pour s'établir aux alentours de 1,24 milliard d'euros. Cette évolution s'explique essentiellement par la débudgétisation des aides à l'acquisition de véhicules propres.
En effet, le Gouvernement souhaite poursuivre l'an prochain le remplacement des dispositifs d'accompagnement à la transition énergétique par un dispositif fondé sur les certificats d'économie d'énergie (CEE). Les CEE financent déjà une partie des aides à la rénovation énergétique qui ont subi des coupes claires à compter du 30 septembre dernier, et qui verront certains forfaits disparaître au 1er janvier prochain.
Cette débudgétisation est insatisfaisante pour trois raisons.
Premièrement, elle prive le Parlement d'un droit de regard sur le montant des aides qui sont accordées aux particuliers.
Deuxièmement, le fonctionnement de ce dispositif est opaque comme l'a déploré l'inspection générale des finances. En outre, la Cour des comptes a qualifié les CEE de « dispositif à réformer car complexe et coûteux pour des résultats incertains ».
Troisièmement, le coût des CEE est répercuté par les fournisseurs d'énergie sur les factures de leurs clients, quel que soit leur niveau de revenus, ce qui relève d'une forme d'injustice. En 2023, les CEE représentaient 4,1 % du prix des carburants et 6,3 % du prix du gaz naturel.
Les conséquences des CEE sur les finances des consommateurs dépendent à la fois de leur volume et de leur prix. Or, leur nombre augmentera l'an prochain puisque le décret relatif à la sixième période du dispositif, qui s'étendra de 2026 à 2030, a rehaussé l'obligation annuelle globale de plus de 35 %. S'agissant de leur prix, la direction générale de l'énergie et du climat parie sur une baisse du coût des CEE grâce à une augmentation de l'offre mise sur le marché secondaire. Pour l'heure, la fin du bonus écologique, remplacé au 1er juillet dernier par la prime « coup de pouce véhicules particuliers électriques », elle-même financée par les CEE, n'a pas permis de faire reculer leur prix. Un bilan plus précis mériterait d'être dressé l'an prochain, lorsque le nouveau mécanisme aura produit ses effets, par exemple dans le cadre d'une mission flash.
Le programme 174 finance également le chèque énergie qui s'est substitué, depuis le 1er janvier 2018, aux tarifs sociaux de l'électricité et du gaz. Il s'adresse aux foyers dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 11 000 euros par unité de consommation, c'est-à-dire vivant sous le seuil de pauvreté. Le montant moyen du chèque s'élève à 150 euros et n'a jamais évolué depuis son instauration.
La suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales ne permet plus d'actualiser la liste des bénéficiaires. Ainsi, pour l'attribution de l'aide, l'administration procède désormais à un croisement de fichiers émanant, entre autres, de l'administration fiscale et des fournisseurs d'électricité. Par conséquent, la dernière campagne d'envoi a été tardive puisqu'elle a débuté au mois de novembre et non en avril comme les années précédentes. En outre, le nombre de foyers l'ayant automatiquement reçu est passé de 5,5 millions en 2024 à 3,8 millions en 2025. Nous avions déjà alerté le Gouvernement sur ce point l'an passé. Un guichet de demande a été ouvert à destination des foyers oubliés, mais le manque d'information ainsi que la complexité que représente une démarche dématérialisée pour certaines populations risquent de faire diminuer le nombre final de bénéficiaires. Ces différents motifs pourraient engendrer une baisse du taux d'usage du chèque énergie ; le cas échéant, une telle évolution ne saurait justifier une diminution des crédits alloués à cet effet dans les années à venir.
Dans son baromètre publié le mois dernier, le médiateur national de l'énergie indique que 36 % des ménages déclarent rencontrer des difficultés pour payer leurs factures d'énergie - contre 28 % en 2024 -, et que 59 % des bénéficiaires du chèque énergie ont souffert du froid l'an passé - contre 35 % pour l'ensemble des ménages. D'après le médiateur, le versement tardif du chèque énergie en 2025 a aggravé leur situation puisque 35 % des bénéficiaires déclarent que ce décalage a engendré des difficultés de paiement. Il est donc essentiel que l'administration trouve une solution pour établir de façon exhaustive la liste des bénéficiaires. La piste consistant à indiquer le point de livraison d'électricité sur la déclaration d'impôts sur le revenu, qui constituerait la méthode la plus fiable, a été écartée par le ministère chargé des comptes publics.
Ces ménages sont donc confrontés à un effet de ciseaux : d'une part, le nombre de foyers ayant automatiquement reçu le chèque énergie a significativement baissé en 2025, ce qui minore les sources de revenus des foyers oubliés ; d'autre part, le montant de leurs factures d'énergie augmente du fait de la répercussion du coût des CEE, ce qui obère, là encore, leurs finances.
La hausse du prix de l'énergie doit être surveillée avec une extrême vigilance puisqu'elle est susceptible d'attiser les revendications et les crises sociales : le mouvement des « gilets jaunes » est d'ailleurs né à la suite d'une augmentation du prix à la pompe. Or, ce prix devrait augmenter en 2028 lorsque l'Union européenne aura mis en oeuvre le nouveau système d'échange de quotas d'émission, intitulé « ETS 2 », qui couvrira notamment les émissions du transport routier et qui fixera, à ce titre, un prix du carbone sur le diesel et l'essence. Dès lors, l'accise sur les carburants devrait mécaniquement augmenter, ce qui pèsera davantage sur les ménages les plus modestes, en particulier dans les zones rurales où il n'existe aucune alternative pour se déplacer à un moindre coût.
Par conséquent, il sera essentiel de prévoir de nouvelles aides en mobilisant le « fonds social pour le climat » que l'Union européenne créera afin de compenser l'impact socioéconomique du futur marché du carbone. Ce fonds, partiellement financé par les revenus issus de l'ETS 2, devrait être doté de plus de 86 milliards d'euros entre 2026 et 2032 pour aider les ménages vulnérables et les petites entreprises à effectuer leur transition vers une consommation énergétique et des transports plus propres.
J'en viens aux crédits inscrits au programme 345 « Service public de l'énergie » qui sont globalement stables par rapport à 2025. Toutefois, leur répartition au sein des différentes actions du programme connaît de fortes variations.
Les crédits alloués au soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale progresseront de 64,8 % l'an prochain, passant de 4,4 milliards à 7,25 milliards d'euros. Cette augmentation permettra de lancer les appels d'offres nécessaires à l'atteinte de l'objectif de 40 % d'énergies renouvelables dans la production d'électricité en 2030, fixé par la loi Énergie et climat de 2019.
Je regrette à ce titre que la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) n'ait pas été adoptée, par la voie législative, avant l'examen du PLF 2026. Les choix opérés par l'exécutif, particulièrement en matière de soutien au développement des énergies renouvelables électriques, auraient ainsi été appréciés à la lumière de la nouvelle PPE.
Deux lignes budgétaires du programme 345 subiront quant à elles une baisse importante.
Premièrement, le financement de la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental est désormais assuré par l'affectation d'une fraction d'accise sur les énergies aux opérateurs électriques chargés d'une mission de service public dans ces zones. Les AE et les CP de l'action 11 chuteront donc de près de 94 %.
Deuxièmement, le Gouvernement entend financer, à compter de 2026, le soutien à l'injection de biométhane et à la cogénération au gaz naturel par l'affectation aux opérateurs de gaz et d'électricité d'une fraction d'accise sur les carburants. Si l'article 42 du projet de loi de finances (PLF) était adopté, cela engendrerait une baisse de plus de la moitié des crédits de l'action 10.
Au total, ces deux changements entraîneront une baisse des dépenses de 2,37 milliards d'euros, qui se traduira par de moindres recettes pour l'État en raison de l'affectation de fractions d'accises.
Si de telles affectations ne remettent pas en cause les soutiens concernés, elles soustraient néanmoins leur financement au contrôle du Parlement. En effet, à l'instar de la débudgétisation précédemment évoquée, l'affectation d'une fraction d'accise nous prive d'une visibilité sur les montants qui seront alloués l'année suivante.
J'en viens à présent au compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » - dit « CAS Facé », qui avait fait l'objet d'un long débat l'an passé - qui participe au financement des investissements pluriannuels d'électrification réalisés par les collectivités rurales.
La loi de finances pour 2025 a modifié le mode de financement du CAS : d'une part, les recettes sont désormais constituées d'une fraction du produit de l'accise sur l'électricité et, d'autre part, ces recettes sont indexées sur l'inflation. Le Gouvernement a ainsi retenu une inflation de 1,3 % pour la revalorisation des recettes ; en revanche, les AE et les CP n'ont pas été réévalués à due concurrence, et l'exécutif n'envisage pas non plus de les faire évoluer à l'avenir.
En effet, le solde annuel, qui correspond à la différence entre les recettes et les dépenses de l'année, est affecté à la résorption du déséquilibre structurel du CAS, résultant de la prise en compte d'engagements de crédits antérieurs à sa création, en 2012. Le déséquilibre cumulé s'élevait à 183,2 millions d'euros au 31 décembre 2024 ; dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2024, la Cour des comptes recommande un apurement de ce déséquilibre originel « avant la fin de la gestion 2030 ». Une telle trajectoire n'est toutefois pas compatible avec les besoins croissants des communes rurales qui font face à une hausse des coûts d'investissement et des aléas climatiques.
J'appelle donc le Gouvernement à indexer les AE et les CP du CAS Facé sur l'inflation dès 2026, ce qui représenterait une augmentation de 4,75 millions d'euros pour l'an prochain. Les règles de recevabilité de l'article 40 de la Constitution empêchent tout dépôt d'amendement tendant à cette fin.
Je terminerai avec la présentation des crédits alloués au Fonds chaleur que le PLF pour 2026 propose de maintenir à 800 millions d'euros.
Les besoins de chaleur représentent 43 % de notre consommation énergétique et sont majoritairement couverts par des énergies carbonées et importées. En France métropolitaine, la part de chaleur renouvelable et de récupération a certes augmenté ces dernières années, mais elle reste assez éloignée de l'objectif de 38 % d'énergies renouvelables dans la consommation finale de chaleur en 2030.
Sur la période 2009-2024, le Fonds chaleur a permis d'aider plus de 10 000 installations d'énergies renouvelables et de récupération. Grâce aux 5,1 milliards d'euros d'aides publiques, 16 milliards d'euros d'investissements ont été réalisés en ce domaine ; cela représente près de 50 TWh de production annuelle - soit la consommation de chaleur de 5 millions de logements - et quelque 2,5 milliards d'euros d'économies pour notre balance commerciale.
Compte tenu de ce bilan très positif, il me semble utile de privilégier les réseaux de chaleur renouvelable qui permettent à nos collectivités territoriales d'avoir accès à des solutions compétitives de chauffage. Ainsi, conformément à la position constante de notre commission, je vous proposerai l'adoption d'un amendement tendant à abonder ce fonds.
Pour conclure, les crédits consacrés à l'énergie ont été globalement préservés de la baisse des dépenses publiques, ce qui permettra de poursuivre les investissements dans le domaine énergétique et d'atteindre nos objectifs de décarbonation. Malgré les réserves que j'ai émises, qui nécessiteront une vigilance de notre part dans les années à venir, je recommande l'adoption de ces crédits.
M. Vincent Louault. - L'article 42 du PLF, relatif à l'affectation d'une fraction des recettes de l'accise sur les carburants au financement des charges de service public de l'énergie, pour leur part liée à la cogénération et au biométhane, constitue une atteinte à l'une de nos prérogatives. En effet, cette affectation empêche tout contrôle du Parlement puisque le niveau des recettes d'accises ne figure ni dans le projet de loi de finances ni dans le projet de loi de finances de fin de gestion. La commission des finances est cependant favorable à cet article, le rapporteur général ayant indiqué que le montant de ces recettes pouvait être demandé à la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Il ne s'agit pas de remettre en cause les financements accordés à l'éolien, au photovoltaïque ou au biogaz, mais de veiller à leur maintien dans les maquettes budgétaires afin que les parlementaires puissent les examiner. Un amendement de la commission pourrait-il être déposé sur l'article 42 ?
M. Jean-Jacques Michau. - Pour le groupe socialiste, écologiste et républicain, il sera difficile de voter en faveur des crédits de la mission.
La première raison tient à la débudgétisation du soutien à l'achat de véhicules propres, dont le financement bascule dans les mains de grands groupes via les CEE. Il s'agit donc d'un retrait de l'État du domaine de l'aide à la transition écologique, qui sera désormais financé par un mécanisme de marché. Citons aussi la fin de l'attribution automatique du chèque énergie, sur fond d'augmentation de la précarité énergétique comme l'a indiqué le rapporteur. Ce budget s'inscrit sous le signe d'un désengagement financier de l'État, ce qui fragilise certains soutiens importants, auparavant financés par les crédits de la mission.
En outre, comme l'a également souligné le rapporteur, la Cour des comptes pointe un risque de dérapage inflationniste et une augmentation du montant des factures énergétiques des ménages. En effet, les CEE sont financés par les énergéticiens qui en répercutent le coût sur le prix de vente des carburants, du gaz et de l'électricité.
S'agissant enfin du « CAS Facé », je rejoins l'analyse du rapporteur : il est essentiel pour nos communes rurales que ce budget soit sanctuarisé.
M. Yannick Jadot. - Deux points posent problème dans cette mission.
Tout d'abord, la question du chèque énergie, qui rejoint la discussion que nous avons eue tout à l'heure lors de l'examen des crédits « Logement » : ce sont les mêmes personnes qui seront touchées. Tout cela va finir par peser lourd !
L'électromobilité est également un sujet préoccupant. Nous nous souvenons de l'audition de M. Luc Chatel, président de la Plateforme automobile (PFA), qui nous avait demandé de ne surtout pas baisser les aides en ce domaine, comme cela a été fait en Allemagne. C'est pourtant ce que nous sommes en train de faire, au détriment de notre industrie automobile.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Pour répondre à Vincent Louault, il n'est plus possible de déposer des amendements sur la première partie du PLF au nom de notre commission, le délai limite étant passé.
En ce qui concerne l'automaticité du chèque énergie, je vous remercie de votre soutien. Nous avions déjà alerté sur ce point l'an dernier, mais un refus catégorique nous avait été opposé. Il ne faudrait pas que la baisse du nombre de bénéficiaires aboutisse à une baisse des crédits. Lors des auditions, nous avons tenté de connaître le profil des personnes qui ne sont plus automatiquement bénéficiaires de l'aide, mais nous n'avons pas obtenu de réponse. Je crains que les personnes « oubliées » ne soient les plus fragiles. La démarche de rattrapage mise en place, qui implique de mobiliser du personnel, est probablement plus coûteuse que le système automatique précédemment mis en oeuvre. Comme je l'ai déjà dit, systématiser l'indication du point de livraison d'électricité sur la déclaration d'impôts sur le revenu permettrait une automatisation à moindres frais, et éviterait les décalages de versement que l'on connaît aujourd'hui.
Enfin, sur les CEE, je partage vos préoccupations. Le Parlement perd la visibilité sur le sujet, ainsi que la possibilité d'orienter les politiques publiques. Dans l'avis budgétaire, nous relevons l'injustice de ce mécanisme, dont le coût est uniformément répercuté sur les consommateurs, quels que soient leurs revenus.
Avec l'amendement n° II-111, je vous propose d'augmenter de 10 millions d'euros en AE et en CP les crédits du Fonds chaleur afin de tenir compte, d'une part, de la grande efficacité de ce fonds et, d'autre part, de la position constante de notre commission sur le sujet. En outre, les crédits supplémentaires pourraient participer au cofinancement des appels à projets en faveur du développement de la filière bois (industrialisation performante des produits bois et biomasse chaleur pour l'industrie du bois) qui ne seront plus financés sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » en 2026.
L'amendement n° II-111 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » et du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 4 novembre 2025
- Équilibre des énergies (Eden) : MM. Jean-Pierre HAUET, président du comité scientifique, et Olivier LAGRANGE, responsable des affaires législatives.
- France hydrogène : M. Simon PUJAU, responsable des relations institutionnelles.
- Audition conjointe
· France gaz : MM. Frédéric MARTIN, président, Adrien CHOUGUIAT, directeur affaires publiques et territoires ;
· France gaz renouvelables : M. Olivier DAUGER, co-président, et Mme Cécile FREDERICQ, déléguée générale.
- Union fédérale des consommateurs (UFC) - Que choisir : Mme Clarisse BERGER, chargée de mission énergie et logement, et M. Benjamin RECHER, chargé des relations institutionnelles.
- Électricité de France (EDF) : MM. Bertrand LE THIEC, directeur des affaires publiques, et Jérémy GALLET, chargé de mission.
- Union française de l'électricité (UFE) : MM. Mathias LAFFONT, délégué général adjoint, et Oussama HANED, chargé de relations institutionnelles.
- Commission de régulation de l'énergie (CRE) : Mme Emmanuelle WARGON, présidente, et M. Aodren MUNOZ, chargé des relations institutionnelles.
- Syndicat des énergies renouvelables (SER) : M. Alexandre ROESCH, délégué général.
Jeudi 6 novembre 2025
- Médiateur national de l'énergie (MNE) : Mme Frédérique FÉRIAUD, directrice générale des services, et M. Rémi BERNARD, chargé des affaires publiques et des relations institutionnelles.
- TotalEnergies : M. Emmanuel TUCHSCHERER, directeur des affaires publiques, et Mme Stéphanie PLATAT, directrice déléguée aux relations institutionnelles France.
- Agence de la transition écologique (Ademe-ATE) : MM. Sylvain WASERMAN, président, Baptiste PERRISSIN FABERT, directeur général délégué, et Victor WORMS, conseiller parlementaire du président.
- Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) : MM. Charles-Antoine GAUTIER, directeur général, et David BEAUVISAGE, directeur général adjoint.
Mercredi 12 novembre 2025
- Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) : Mme Sophie MOURLON, directrice générale, et M. Aurélien PAILLARD, sous-directeur des marchés de l'énergie et des affaires sociales.
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra)
- Air Liquide
- Association française du rail (Afra)
- Biomotors
- Cercle d'étude réalités écologiques et mix énergétique (Cérémé)
- Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle (Csiam)
- Coénove
- Comité de liaison des entreprises consommatrices d'électricité et de gaz (Cleee)
- Fédération des services énergie environnement (Fedene)
- Gaz et Territoires
- Institut de l'économie pour le climat (I4CE)
- Neste
- Réseau de transport d'électricité (RTE)
- Retrofleet
- Syndicat des entreprises locales d'énergie (ELE)
- TSE Energy
- Union des fabricants de menuiseries (Ufme)
- Verso Energy
- Wimoov
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html
* 1 L'unité de mesure des économies d'énergie utilisée dans le cadre du dispositif des CEE est le kWh cumac - contraction des mots « cumulé » et « actualisé ». Aujourd'hui, 1 kWh cumac = 1 CEE.
* 2 La première - ou la seule - personne du foyer fiscal compte pour 1 unité de consommation (UC), la deuxième pour 0,5 UC, et les suivantes pour 0,3 UC.
* 3 Pour l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le seuil de pauvreté est fixé par convention à 60 % du niveau de vie médian de la population. Il correspondait donc, en 2023, à un revenu disponible de 1 288 euros par mois pour une personne vivant seule, et de 2 705 euros pour un couple avec deux enfants âgés de moins de 14 ans.
* 4 La note d'analyse précise qu'« un déséquilibre entre les engagements réalisés et les ressources disponibles existe depuis la création du CAS en 2012. Il est lié à la reprise des anciens engagements d'EDF sous forme d'autorisations d'engagement "techniques", à hauteur de 410 M€, sans que les recettes correspondantes aient été perçues cette même année. Ce déséquilibre se reporte d'année en année avec une légère diminution, liée d'une part à la perception de recettes volontairement supérieures aux AE ouvertes et à la sous-réalisation des programmes prévisionnels, d'autre part aux retraits d'engagements réalisés sur certaines opérations de plus de quatre ans n'ayant pas consommé toute leur subvention. »




